J'ai demandé à Doc Shearis et Isaac Wilder de venir s'asseoir avec Eben pour continuer cette discussion. Eben Moglen. Merci. Merci, c'est un plaisir d'être ici, et de voir tant d'amis. Je suis très reconnaissant à David pour l'invitation. C'est un privilège d'être ici. Je vais parler d'un sujet presque aussi geek que nos sujets habituels: la politique économique. Je vais essayer d'en parler d'une manière moins ennuyeuse que ce l'est d'habitude, mais vous me pardonnerez, j'en suis sûr, de commencer si loin de OpenSSL. Nous y reviendrons au fur et à mesure. Toutes les économies développées du monde abordent aujourd'hui une même crise, et sous un angle très déprimant. Elles se voient obligées d'imposer l'austérité, ensablées qu'elles sont dans les profondeurs de l'endettement privé — l'acharnement des détenteurs de capitaux à parier l'argent des autres ayant mené au désastre, ces dernières années. L'austérité est une issue politiquement néfaste pour tous ces gouvernements, dont certains, déjà, sont pris dans une spirale infernale de réduction des subventions publiques, notamment dans le social ou pour les jeunes, qui a pour effet contraire indésirable de freiner la croissance économique. Au lieu d'annuler ces mauvaises dettes pour reprendre la croissance, on assiste à un drame dans lequel la troisième économie du monde, l'Union Européenne, craint un effondrement de sa monnaie ce qui causerait la perte d'une génération, et des répercussions mondiales désastreuses. Les décideurs politiques... J'en vois peu ici... Ils ont bien sûr mieux à faire que de nous écouter ! Les décideurs politiques, donc, font face à un problème insurmontable : Comment obtenir de la croissance et de l'innovation sous l'austérité ? Ils ne connaissent pas la réponse à cette question, et cela devient si urgent que leur contrôle politique s'en trouve miné : Dans les sociétés développées, habituellement plus réfléchies, les partis marginaux attirent de plus en plus de suffrages, menaçant ainsi la stabilité et, par là, la capacité des décideurs économiques à résoudre, ou tenter de résoudre, le problème de l'innovation sous l'austérité. Ce n'est pas une bonne nouvelle. Ce n'est bon pour personne. Nous ne pouvons nous réjouir de cet état de fait, qui résulte largement de l'incompétence de gens prétendant mériter tout cet argent au nom de leur suprème intelligence ! C'est aussi la conséquence d'une lâcheté des politiciens qui leur ont trop lâché la bride. Ce n'est pas que tout cela nous enchante, mais reconnaissons l'opportunité : Peu de gens dans le monde savent comment obtenir de l'innovation sous l'austérité, et nous sommes ces gens. Nous avons innové sous l'austérité durant toute la génération écoulée, et non seulement nos innovations sont plutôt bonnes, mais ce sont celles dont les gens riches et malins se sont attribué le crédit. L'essentiel de la croissance, tandis que ces fous furieux prenaient l'argent des autres pour le jouer au casino, provint des innovations que nous leur avons fournies. Nous en regrettons nous aussi l'issue désastreuse, car ce sont vos enfants et mes étudiants qui auront à souffrir du chômage. Toutes ces vies seront abîmées pour de bon par ce qui se passe aujourd'hui : les jeunes qui démarrent souffriront de baisses de salaire tout au long de leur carrière, et leurs enfants auront un moins bon départ qu'eux. On ne peut s'en réjouir. Mais nous avons une opportunité politique très réelle, car nous avons la réponse à la question la plus importante, celle qui fait courir tous les décideurs politiques de notre temps ! Nous avons quelque chose de très important à dire, et je voudrais amorcer une discussion sur la manière de le formuler. Je viens donc vous proproser une ébauche de notre argumentaire ( je dis le notre car je nous vois ici réunis... ) notre argumentaire, donc, sur les moyens de sortir le monde de ce bourbier. On n'obtient pas d'innovation sous l'austérité en collectant des tas d'argent pour financer des intermédiaires. L'économie du 21e siècle est caractérisée par un processus appelé désintermédiation — excusez le jargon, impitoyable et sans répit. La télévision est en train de mourir. Je ne vous apprends rien. Et plus personne n'essayera jamais de créer une encyclopédie commerciale. Le système foireux d'Amazon, qui nous vend des livres pour les reprendre ensuite, transforme l'édition en éliminant le pouvoir de sélection des éditeurs, tout comme M. Jobs a presque détruit toute l'industrie musicale en prétendant la sauver. ...une tâche que son fantôme a déjà repris à l'encontre des éditeurs de magasines. La désintermédiation, cette migration du pouvoir du centre vers les extrémités du net, est un fait crucial en économie politique au 21e siècle. Elle se démontre à chaque instant. Sa description formelle vaudra à quelqu'un le prix Nobel d'économie. Seules deux catégories d'intermédiaires s'en sont bien sortis ces dix dernières années : les assurances santé aux États-Unis, grâce à une politique pathologique — et la finance. En capitalisant sur cette pathologie, les assureurs pourraient bien réussir à rester ces intermédiaires onéreux et peu fiables pour encore un certain temps, mais la finance a scié sa branche, et commence à se dégonfler pour de bon. En conséquence, les décideurs politiques, observant cette inéluctable désintermédiation à travers tout le système économique, commencent à en inspirer leurs politiques industrielles nationales. Nous devons leur affirmer que l'innovation suit le même principe : La dernière grande innovation technologique est cette toile mondiale appelée le Web, une invention vieille de moins 8000 jours, qui transforme déjà la société humaine à une vitesse sans précédent depuis l'apparition de l'écriture. Et ça ne fait que commencer... Cette innovation alimente la désintermédiation, en permettant toutes sortes de contacts humains sans intermédiaires : sans acheteurs, vendeurs, agents ni contrôleurs. Elle crée aussi un espace dans lequel se livre une guerre pour le pouvoir et le contrôle social. — mais j'y reviendrai plus tard. Je voudrais d'abord attirer l'attention sur ce fait capital : Le Web lui-même est le fruit d'un travail désintermédiarisé. Ce que Tim a initié au CERN n'était pas le Web que l'on connaît aujourd'hui. Le Web d'aujourd'hui est dû aux innovations d'une multitude d'individus collaborant sans intermédiaires. Je me rappelle ce que j'avais écrit sur le futur des pages personnelles en 1995, et je vois plus ou moins ça arriver. J'avais vu ces premières pages comme les jeunes pousses d'une vaste prairie... qui resplendit aujourd'hui. Et bien sûr, comme avec toute innovation, il y eut des conséquences inattendues. Le navigateur rendit le Web très facile à lire. Mais tout en concevant les navigateurs, Apache, et moultes sophistications par dessus, nous avons oublié de rendre le Web facile à écrire. C'est une petite frappe en pull à capuche qui a rendu le Web facile à écrire, en créant une faille dans la civilisation pour s'y placer en intermédiaire. Cette attaque sur la société, source de maints maux actuels, est le genre d'innovation intermédiaire dont on devrait se méfier : On avait tout rendu possible, y compris malheureusement PHP, et des innovateurs de niveau intermédiaire en ont fait l'abomination qu'est Facebook. Comme on peut déjà le voir en Bourse, une telle forme d'innovation n'apporte aucun bénéfice social. Elle va enrichir quelques personnes : le gouvernement d'Abu Dhabi, un gangster russe déjà milliardaire, un gars impatient d'échapper aux impôts pour ne plus financer les écoles publiques... Une petite bande de malapris, reliques du siècle passé. Mais la morale de l'histoire, c'est que si on avait eu un peu plus d'innovation sans intermédiaires, si on avait rendu facile d'opérer son propre serveur Web à domicile ; si on avait tout de suite expliqué aux gens l'importance des journaux serveurs et pourquoi ne jamais laisser personne les tenir pour eux, nous serions dans une situation très différente aujourd'hui. Le prochain Facebook ne devrait jamais exister. Ce genre d'innovation intermédiaire comble les besoin des financiers et non ceux des gens. Ce qui ne veut pas dire que les réseaux sociaux ne devraient pas exister, mais ils ne devraient pas être centrés autours d'un intermédiaire intéressé. Chacun ici le sait, mais comment l'expliquer au reste du monde ? Et je pense en particulier aux décideurs politiques : Comment le leur expliquer ? Divisons la discussion en deux points : 1. Que savons-nous sur la manière d'obtenir de l'innovation sous l'austérité ? 2. Qu'est-ce qui empêche les gouvernements de nous entendre ? Je viens donc vous présenter mon ébauche d'un plaidoyer pour l'innovation sous l'austérité. Il s'intitule : "Nous avons créé le Cloud". Vous voyez ce que ça veut dire : l'évolution actuelle des technologies de l'information est l'application à grande échelle de nos travaux de la fin du 20e siècle. Nous avions imaginé de se partager librement les systèmes et logiciels que nous développions, et nous l'avons fait en canalisant la curiosité des jeunes ! C'était ça le moteur, et non des capitaux à risque ! Nous y travaillions depuis 15 ans, et nos bricoles tournaient déjà partout, quand les capitaux boursiers et corporatifs nous ont approchés. Ils ne vinrent pas à nous parce que l'innovation devait se faire, mais parce qu'elle avait déjà eu lieu, et qu'ils en convoitaient les bénéfices. Ce fut un tournant tout-à-fait positif, et je n'ai rien à y redire. Mais l'histoire que nous avons vécue et que d'autres pourront étudier montre comment l'innovation s'est produite sous l'austérité : prétendre que c'est arrivé grâce à la curiosité des jeunes est historiquement correct. Mais ce n'est pas sufisant. Ce qu'on a besoin de rappeler, c'est que leur curiosité a pu être éveillée car chaque ordinateur et appareil autours d'eux pouvait être trafiqué, si bien qu'ils pouvaient s'amuser à bricoler les outils du quotidien. Cela a rendu l'innovation possible là où elle peut se produire sans entrave : à la base de la pyramide économique. Ceci se passe aujourd'hui dans le monde, comme aux USA dans les années 80 : Des centaines de milliers de jeunes bidouillant leur ordinateur, piratant des serveurs, bricolant le matériel quotidien en poursuivant leurs lubies, fussent-elles d'ordre technique, social, carriériste, ou simplement ludique : « J'ai envie d'essayer ça, ce serait cool ! » C'est ça la source première de l'innovation qui a nourri toute la croissance écnomique ces dix dernières années ! Des milliers de millards de dollars en commerce électronique... Les plus vieux d'entre nous se souviennent de l'acharnement du gouvernement américain à interdire le chiffrement, empêchant ainsi l'ouverture d'un marché mondial d'une valeur de 3800 milliards de dollars en commerce électronique. Nous étions taxés de partisans du terrorisme et de la pédophilie, au début des années 90, et pourtant, tout l'argent qu'ils ont gagné depuis, en dons pour leurs campagnes, en dividendes et j'en passe, c'est grâce à la mondialisation du commerce rendue possible par les innovations pour lesquelles ils voulaient nous mettre en prison ! Ceci devrait démontrer à la nouvelle génération de décideurs politiques à quel point leur adhérence aux idées reçues risque de nous enfoncer davantage dans cette spirale infernale qu'ils redoutent tant. Et cela doit nous encourager à souligner encore que le chemin de l'innovation, c'est de laisser s'épanouir la créativité des jeunes dans un cadre leur permettant de bricoler notre monde, et de partager leurs résultats. Quand Richard Stallman a rédigé l'appel pour une encyclopédie universelle (lui, Jimmy Wales et moi-même étions bien plus jeunes alors), l'idée parassait fantaisiste. Elle a pourtant changé la vie de toute personne sachant lire dans le monde. Et ce n'est qu'un début. La révolution initiée par Creative Commons, par le Logiciel Libre, par la Culture Libre, qui transparaît dans le Web, dans Wikipedia, et dans les systèmes d'exploitation libres qui font maintenant tout tourner, jusqu'aux produits tentaculaires et cadenassés d'Apple, que je vois même ici, toute cette innovation vient du simple fait d'avoir laissé les gamins s'amuser librement — chose que l'on essaye à toute force d'empêcher complètement aujourd'hui : De plus en plus, les appareils de notre quotidien sont conçus pour empêcher tout bidouillage. Chaque enfant a dans sa poche un labo d'informatique désormais fermé... Quand, vers 2006, nous avons tenté d'inclure à la license GPL une clause visant à empêcher ce verrouillage, certains ont cru que notre but était de faciliter le piratage de films... Richard Stallman et moi-même n'avions de cesse de répéter : Nous sommes informaticiens, pas cinéphiles ! Nous combattons pour le droit de gens à bricoler ce qui leur appartient ! Parce que si vous les empêchez de faire ça, vous détruirez le moteur d'innovation dont toute le monde profite ! Ceci reste vrai, et c'est encore plus important aujourd'hui, du fait que très peu nous croyaient alors : Parce que trop peu prirent la peine de défendre ce point de vue, on se retrouve aujourd'hui avec un Microsoft qui veut interdire les navigateurs tiers sur leurs appareils ARM/WindowsRT, un fantôme de Steve Jobs qui essaie par tous les moyens d'empêcher une suite libre d'exister pour iOS, et des opérateurs réseau qui tentent, à terme, de lier chaque jeune humain à un réseau propriétaire au travers de terminaux verrouillés, qu'il ne peut ni étudier, ni bricoler, ni comprendre, et desquels il ne peut ni apprendre, ni rien faire qu'envoyer des textos qui coûtent un million de fois trop cher. Et la plupart de la soi-disant innovation dans notre secteur consiste maintenant à faciliter la vie des opérateurs... ce qui n'améliore en rien celle des utilisateurs. L'innovation en télécommunications a mondialement cessé. Elle ne reprendra pas, tant que sera entravée la seule forme d'innovation compatible avec l'austérité. Tout ceci a également une conséquence indirecte majeure : Puisque l'innovation, sous l'austérité, est avant tout due à ce que les jeunes appliquent leur curiosité à l'amélioration du quotidien, le niveau d'instruction général, par conséquent, augmente. La désintermédiation commence à arriver dans l'enseignement supérieur... On a actuellement deux modèles : Coursera, une dérive mercantile de Stanford, utilisant des logiciels fermés et des ressources éducatives propriétaires, représente la google-isation de l'enseignement supérieur ; MITx, devenu edX par une alliance avec Harvard, est la réponse du monde libre : des programmes d'enseignement supérieur similaires mais évolutifs, fournis au moyen de logiciels libres, et basés sur des ressources libres. L'enjeu de cette concurrence est énorme ! Il nous faut à toute force nourrir les solutions reposant sur une matière libre, que chacun peut utiliser, modifier et redistribuer à souhait, et appuyer toute politique allant dans ce sens. Toute société espérant reprendre l'innovation, et par là raviver sa croissance en ces temps d'austérité, a besoin de plus d'éducation, plus accessible et moins chère, qui formera les jeunes à mieux contribuer au monde qui les entoure. Notre méthode d'éducation, sociale et éprouvée, est indispensables à cela ! Nous sommes convaincus que le Logiciel Libre est le modèle éducatif le plus abouti au monde. Il permet à quiconque sur la planète de tirer le meilleur d'un ordinateur, par la lecture libre, l'expérimentation et le partage de ses résultats. Cela seul fait de l'informatique une science digne de ce nom : des expérimentations à foison, contribuant au savoir humain. Et ce principe peut s'étendre aux autres domaines de la culture : Des pionniers comme Jimmy Wales et Larry Lessig en ont posé les bases. Reste à faire comprendre aux gouvernants comment continuer. La Commission Européenne a publié un rapport il y a 18 mois, disant qu'ils pouvaient numériser 1/6e du contenu de toutes les bibliothèques pour le coût de 100km de route. Donc, pour 600km de route, dans une économie qui en construit des milliers par an, chaque livre en bibliothèque pourrait être disponnible à l'humanité entière... Il faut le faire ! [ — Et les droits d'auteur ? ] Rappelez-vous que la plupart de ces livres sont dans le domaine public, avant de crier aux droits d'auteurs ! Et que la majorité du savoir humain n'est pas récente, avant de crier aux droits d'auteurs ! Tout savoir antérieur à notre naissance devrait être universellement accessible. Sans ça, l'innovation indispensable à la reprise ne pourra s'épanouir. C'est un pré-requis sociétal ! Le droit d'auteur n'est pas une fatalité. Il n'est qu'une commodité. Nous n'avons pas à commettre de suicide culturel ni intellectuel pour maintenir un système qui, dans la plupart des disciplines, ne s'applique qu'à une minorité du savoir humain: Personne ne détient les droits sur Platon ! Donc, si on se demande quelle forme donner à l'éducation au 21e siècle, et comment distribuer la connaissance à travers le monde... A votre avis, de tous les Einstein ayant jamais vécu, combien ont pu apprendre la physique ? Une poignée seulement. Et combien de Shakespeares sont morts sans avoir appris à écrire ? Presque tous. Des 3 milliards d'enfants actuels, combien d'Einsteins voulez-vous encore gaspiller ? L'universalisation de l'accès au savoir est notre plus grand atout pour dynamiser l'innovation, le progrès et le bien-être de tous les Etres Humains ! Défendons ceci sans nous laisser intimider par le droit d'auteur ! Résumons maintenant les conditions dont nous savons qu'elles favorisent l'innovation sous l'austérité : Améliorons l'accès à tout ce qui permet d'apprendre, adaptons la technologie pour permettre aux scientifiques de moins de 20 ans de mener des expériences et d'en partager les résultats. Continuons sur la lancée de ces 25 ans de partage fructueux qui donnèrent lieu à l'univers de l'information actuel, et nous atteindront des taux records d'innovation, malgré cette baisse massive des investissements due à l'austérité. Nous permettrions également aux jeunes de prendre davantage en main leur destin économique et professionnel, une condition indispensable à la stabilité politique et sociale de demain : ne nous berçons pas d'illusions sur nos chances de développement quand le chômage touchera 50% des jeunes. Leur faire construire des voitures à la chaîne n'est plus une solution, tout le monde le voit bien. Les gouvernements, dépassés, semblent baisser les bras. Cela explique pourquoi, sous les régimes à représentativité proportionelle, les jeunes se désintéressent tant des grands partis politiques : quand les Pirates prennent 8,3% des voix dans le Schleswig-Holstein, c'est dû aux jeunes, qui voient clairement que les décisions politiques habituelles ne vont pas dans le sens de leur bien-être économique à venir. Nous devons écouter, démocratiquement, ces jeunes gens du monde entier qui revendiquent les libertés numériques, et la fin de la surveillance et du contrôle, comme nécessaires à leur bonheur, à leur capacité à créer et à vivre. La désintermédiation signifie un contact plus direct avec plus de fournisseurs de services, dans tous les secteurs. C'est-à-dire: moins d'emplois hiérarchisés et davantage d'indépendants. Les jeunes du monde entier, qu'il s'agisse de mes étudiants en droit, d'informaticiens fraîchement diplômés, ou d'artistes, de musiciens, de photographes, ont besoin de plus de liberté en ligne, et de plus d'outils pour créer leurs propres plateformes de services. C'était un défi hors de portée de leurs ainés en 1955, mais nous sommes une nouvelle génération, et les circonstances, et les règles ont changé. Ils savent que les règles ont changé. Les Indignés et tous les citoyens du monde le savent. Ce sont leurs gouvernements qui ne le savent pas encore. Ce qui nous amène à la question de la vie privée... ou plutôt, de l'autonomie personelle. Comme j'essaie de l'enseigner à mes étudiants, l'expression vie privée peut revétir trois significations bien distinctes : 1. Vie privée signifie parfois secret : C'est quand le contenu d'un message est secret pour toute tierce personne. 2. Vie privée signifie parfois anonymat : C'est quand l'origine et/ou la destination d'un message sont cachées. 3. Et enfin, le troisième aspect est l'autonomie : C'est la chance de vivre sans que vos décisions soient influencées par l'accès des autres à vos communications privées. Pourquoi les villes furent-elles toujours des moteurs de croissance économique ? Ce n'est pas parce que les banquiers y vivent : les banquiers y vivent car elles sont des moteurs de croissance économique. Et ce qui en fait des moteurs de croissance depuis l'Antiquité, c'est que les jeunes s'y rendent, pour s'inventer de nouveaux styles de vie, se soustrayant à la surveillance du village et au contrôle social de la ferme. “Comment allez-vous les garder à la ferme, une fois qu'ils auront vu Paris ?” était une question pertinente, tant alors en France qu'aux USA aujourd'hui. La ville a toujours été le lieu d'accès à l'anonymat et à la capacité de tenter une vie différente et autonome. Or, nous en fermons les portes aujourd'hui ! J'eus une discussion houleuse, en 1995, sur la clé de chiffrement publique... à deux contre deux : D'un côté était Jamie Gorelick, alors secrétaire d'état à la Justice, et Stewart Baker, toujours dans le privé quand il ne mène pas ses politiques sociales désastreuses pour le gouvernement... En face, Danny Weitzner, aujourd'hui à la Maison Blanche, et moi-même. Nous avions débattu tout l'après-midi sur l'opportunité de confier nos clés au gouvernement, sur la fiabilité de Clipper, et autres sujets complètement obsolètes aujourd'hui. Quand enfin nous quittâmes Harvard pour aller dîner, sur le chemin, Jamie Gorelick me dit : « Eben, rien qu'avec ce que tu nous a raconté cet après-midi, j'ai de quoi faire mettre ton téléphone sur écoute ! » En 1995, c'était une blague. Une blague de mauvais goût de la part d'un fonctionnaire de la Justice, certes, mais une blague néanmoins. Et nous avons bien ri, car chacun savait qu'ils ne pouvaient pas le faire. Après que nous ayons dîné, quand la table fut débarassée, le porto bu et les cacahuètes éparpillées, Stewart Baker me regarda et dit : « Ok, on va se détendre un peu... On ne va pas poursuivre ton client, M. Zimmerman. On a réussi à lutter contre le chiffrement pendant des décennies, mais on va devoir arrêter maintenant. On va laisser la chose se faire. » Et puis il regarda autour de lui, et ajouta : « Mais qui ici se soucie de son anonymat, après tout ? » Et je fus pris d'un frisson. Et je pensai : « Ok, Stewart, je vois où ça va... Tu vas accepter le chiffrement car les banquiers en ont besoin, mais tu vas consacrer ta vie à priver à jamais les gens de leur anonymat, et je vais consacrer la mienne à t'en empêcher. » Jusqu'ici, mon ami Baker s'en est mieux sorti que je ne l'espérais, et mon bilan est pire que je le craignais. Et pas seulement à cause du gangster à capuche... L'éradication du droit à la solitude est proche. L'éradication du droit à la pensée autonome, à vivre chez vous comme vous l'entendez, est proche. Quelqu'un ici vient juste de démontrer que, sur un site d'achat donné, il voit des prix différents selon le navigateur qu'il utilise. Car l'un de ces navigateurs renvoie à son historique de navigation. Les prix, les offres, les produits, les bonnes affaires qu'on vous propose sont maintenant basés sur la fouille complète de vos données. Les USA viennent d'allonger la durée légale de conservation des données récoltées sur des gens pas plus suspects que vous ou moi... ‒ Vous êtes au courant, n'est-ce pas ? Un mercredi pluvieux, bien après la fermeture des bureaux, Le Renseignement Intérieur et le Ministère de la Justice ont annoncé des modifications “mineures” sur les lois Ashcroft, dont un selon lequel toutes les données personnelles identifiables retenues au centre national anti-terrorisme, — et qui concernent des gens pourtant suspectés de rien ! — seront retenues, non plus pour un maximum de 180 jours, mais pour un maximum de 5 ans — ce qui équivaut à une éternité ! En fait, le communiqué dit « 5 ans » parce qu'ils n'arrivaient pas à rendre un 8 italique dans la police... alors ils ont arrondi ! Un haut fonctionnaire avec qui j'en discutais un jour m'a dit : « Oui, tu vois, on a réalisé qu'il nous fallait un sociogramme complet du pays pour pouvoir recouper les informations à travers le temps... » J'ai répondu: « Attendez, parlons un peu des implications constitutionnelles... Vous prétendez transformer une société qu'on a toujours connue, et qu'on se plait encore à qualifier de libre, en une société dans laquelle le gouvernement tient une liste des relations entretenues par chaque citoyen. Donc si vous voulez nous faire aller d'une société libre vers une société basée sur le fichage de chaque citoyen... Quelle serait la procédure constitutionnelle pour ça ? Est-ce qu'on devrait avoir, par exemple, une loi ? » Il a rigolé. Car évidemment, ils n'avaient pas besoin de loi. Ils se sont contentés d'un communiqué, publié la nuit. Et on vit là-dedans maintenant. Alors, la question de savoir quelle innovation on peut encore espérer sous un despotisme total est intéressante. Les américains de droite, même les plus modérés, on clamé tout au long du 20e siècle que le totalitarisme était nuisible au marché et à l'innovation... Nous allons bientôt voir s'ils avaient raison ! Le réseau, sous sa forme actuelle, est la plateforme idéale pour un contrôle social extraordinairement sophistiqué. Assez rapidement, et sans remords visible, les deux plus grands gouvernements du monde, ceux des USA et de la Chine, ont adopté des solutions similaires : un sociogramme complet leur permettant de surveiller tout le monde, et une fouille numérique totale et systématique de chaque citoyen, sont les nouveaux fondements de leurs politiques de maintien de l'ordre. Leurs théories sur le maintien de l'ordre et de la stabilité diffèrent peut-être encore, mais leur technologie en la matière est identique ! Et c'est à nous, qui comprenons ce qui se passe, de l'exprimer haut et fort ! Pourtant, nos libertés fondamentales sont loin d'être seules en jeu. Parler d'elles seules devrait suffire, mais ne suffira pas. Il nous faut affirmer que le coût à payer incluerait tout autant la vitalité même et l'éclat de notre culture, ses inventions et son discours novateur: ces débats solides, vifs, ouverts et osés, comme ceux du New York Times contre Sullivan, par exemple... Et cette liberté de bricoler, d'inventer, d'être différent ou non-conformiste — ce pourquoi les gens ont toujours été chercher l'anonymat des villes comme une occasion de se découvrir et de mettre à l'épreuve leur talent. C'est, avant tout, de cette vigueur-là que viendra la croissance au 21e siècle ! Bien sûr, nous avons aussi besoin de l'anonymat pour d'autres raisons... Appelons sans fausse modestie notre cause : « La Sauvegarde de l'Intégrité de l'Ame Humaine ». Mais ce n'est pas le souci du gouvernement. C'est précisément notre vision d'une société civile dans toute sa splendeur qui laisse le gouvernement indifférent. Notre engagement politique se fonde avant tout sur l'idée qu'un individu se construit à son propre rythme, et de sa propre manière. Et si la sauvegarde de l'âme humaine n'est que notre affaire, le gouvernement doit quant à lui s'occuper du bien-être matériel de ses citoyens, et prendre soin, à long terme, de la société qu'il administre. Nous devons délors convaincre nos gouvernements qu'il n'y a pas de conflit entre des droits aussi fondamentaux que ceux à l'indépendance et à la discrétion, et une politique économique d'innovation garantie, même sous l'austérité. Elles nécessitent la même chose : Nous avons besoin de logiciel Libre, de matériel libre bricolable à souhait, et d'un moyen de communication universel et libre, reliant tout le monde, sans autorisations ni entraves. Nous devons rendre l'éducation accessible à la Terre entière, sans considérations de solvabilité financière ! Nous devons permettre à chaque jeune d'accéder à une vie intellectuelle et économique autonome. La technologie nécessaire, nous l'avons. J'ai consacré du temps, et beaucoup d'entre vous en ont consacré davantage, à développer des serveurs économiques de la taille d'une boite d'allumettes, qui, avec les bons logiciels, peupleront le réseau de robots protégeant notre vie privée au lieu de ces robots qui la violent, que nous trimballons tous en poche. Il nous faut instaurer immédiatement la Première Loi de la Robotique ou nous sommes cuits. Une telle innovation citoyenne est à notre portée. Contribuons à perpétrer l'ère de l'ordinateur à tout faire, bricolable à souhait et par chacun, en en utilisant, en en distribuant, en nous les rendant indispensables. Utilisons notre force de consommateurs et de passionnés pour déprécier les réseaux fermés et les appareils verrouillés ...! Mais sans ligne politique claire, nous resterons une minorité — allez, disons 8.3% — ce qui ne suffira pas à nous sortir du bourbier dans lequel les banquiers nous ont conduits. L'Innovation sous l'austérité ! sera notre cri de guerre... Il n'exprime pas tant notre souci que celui de la majorité : il sera notre porte d'entrée en politique ces cinq prochaines années, et notre dernière chance d'accomplir au sein des gouvernements ce que nous n'avons pas réussi à faire au nom de nos simples libertés. Celles-ci ont été piétinées, tant par nos amis au pouvoir que par leurs adversaires ! Nous nous sommes faits arnaquer sur nos droits, et tout le monde s'est fait piquer ses économies. Aucun candidat aux prochaines élections ne fera campagne sur le rétablissement des Droits de l'Homme ! Mais ils parleront tous d'austérité et de croissance, et nous devons mettre notre message à leur portée. La présente ébauche est certes insuffisante, mais c'est un point de départ. Et sans point de départ, nous perdrons. Et la défaite sera longue, et la nuit sera très noire. Merci à vous. C'est très aimable à vous. Et maintenant, discutons-en. Hum, on devrait commencer, oui. Pas encore… ha, c'est branché. [Doc Shearls] J'aimerais commencer en disant, car j'espère parler pour beaucoup de monde ici, que ce n'était pas juste un des meilleurs discours que j'ai jamais écouté, c'est l'un des plus importants. Et ce ne serait pas inutile qu'on en tienne compte, on réagit dessus. J'ai ressenti… en fait Elliot qui était assis à côté a dit avoir ressenti que c'était un discours comme « I have a dream », et je pense que c'est ce que c'est. Mais je pense qu'Eben a terminé avec le cauchemar. Et si le discours ne vous a pas touché, vos carottes sont cuietes. Et je pense que nos carottes sont cuites depuis un moment. Je ne sais pas pour vous, mais on agît d'après les conditions en vigueur, quelles qu'elles soient. Et elles se sont dégradées au fil du temps, et de certaines manières que je ne comprend pas complètement, et nos vies sont très remples, donc on s'occupe de ce qu'on a à faire. Donc, ce que je veux faire, c'est de tester ce public avec la campagne « Libérons tout », qu'Eben a exposé pour nous, maintenant. Donc, je ne vois pas le truc juste comme une séance de questions/réponses, mais plutôt avec chacun qui contribue à la structure qu'Eben nous a détaillé, et à laquelle on a participé pendant longtemps. J'aime la façon dont il nous a inclu dedans. C'est… Il y a de la sélection naturelle ici. C'est un groupe sélectionné. David a fait un travail formidable en réunissant toutes ces bonnes personnes ensemble. Le nom de cet évènement commence avec le mot liberté, et je pense que cela doit être notre dernier mot aussi. Donc, et je n'ai rien de plus à ajouter à ce fabuleux discours. [Isaac Wilder] Eben, je voudrais te poser une question. Est-ce qu'il y a une tension entre la liberté, et la commodité ? Et je me demande comment tu vois cette tension évoluer ? Je crois que tu nous a incité à nous concentrer sur l'innovation, mais je me demande si… et je pense que c'est attrayant pour ce public, peut-être les décideurs politiques, mais pour l'utilisateur de base, la commodité est importante. [Eben Moglen] Oui c'est vrai, ce qui n'est pas la seule relation entre la technologie et la société, mais aussi entre beaucoup d'autres choses également. Le théoricien sur la constitution Bruce Ackerman a écrit une histoire en plusieurs volumes de la Consitution américaine d'après l'hypothèse de base que la plupart du temps, les gens ne veulent pas s'engager dans des grosses réflexions sur la politique et la société Cela arrive seulement rarement, et les pères fondateurs de la république américaine, Bruce disait, ont essayé dans la structure des fédéralistes de tirer profit de ces moments particuliers, quand les gens ont envie de faire attention. Mais là encore, et je me concentre dessus parce que la démographie est si importante, le sentiment que la commodité est plus importante que les autres valeurs, est toujours plus vrai pour les adultes que pour les enfants. Je voyage tout autour du monde, je parle à des gouvernements de plein de choses qui ont trait à la technologie et à la société du 21e siècle, et j'entends des gens, des présidents aux ministres, aux comités de planification locale, toutes sortes d'histoires sur les problèmes sociaux terribles auxquelles leur culture et les communautés font face. Et je me retouve souvent à dire « Oui, ok, c'est un problème vraiment vraiment horrible, c'est extraordinairement difficile, et on a besoin de beaucoup d'énergie pour le gérer. Vous avez besoin de la force sociale la plus forte pour gérer ce problème, la force sociale la plus forte qui existe, qui est diponible, partout, c'est la curiosité des enfants. vous avez besoin de la capturer. » Nous avons actuellement deux leçons. La chose que vous appelez une tension, n'est-ce pas ? C'est une tension en effet. Parce-que c'est vrai que les adultes dans leur vie trépidante se trouvent prêts à faire n'importe quoi qui fonctionne, et si vous leur tendez une boîte avec un bouton dessus pour tout faire péter, ils le pousseront, qu'il leur en coûte ou non, ou qu'il les connecte à une grosse attaque de l'homme du milieu sur leur vies sociales ou pas, ou que leurs amis leurs volent leurs weekends pour le passer à leurs employeurs, ils font très peu attention. C'est maintenant. Mais vous donnez quelque chose à un enfant de huit ans, et ce n'est plus comme ça. Il a plein de temps. Vous donner quelque chose comme ça à un enfant de 12 ans, et il prêt à le démonter. Il ne pense pas à la commodité, il pense à apprendre. Il fait de la science. Il bidouille. Et j'ai vu dans plus d'endroits du monde que je peux penser à citer la force de ces enfants, qui s'amusent avec des ordinateurs et qui font des choses oncroyables. Vous le verriez partout où vous iriez. Donc je pense que la tension est là. Je crois que l'utilisabilité est un problème crucial quand on bâtit des outils pour la vie privée et la liberté. FreedomBox, la pile de logiciels que l'on a besoin de faire pour tous ces petits objets dans le monde, vous savez cela mieux que moi, c'est en partie sur la fonction, mais c'est surtout sur l'intégration et l'utilisabilité. Nous avons fait tout le travail dur. Mon portable, votre portable, ils sont plutôt protégés. Le problème, c''est comment faire ce travail pour les vrais gens avec des vraies vies trépidantes tous les jours. Donc la tension est là, mais la réponse est là aussi. Nous devons donner du pouvoir aux enfants. Et une partie de ce qui ne va pas avec la technologie, c'est la mesure dans laquelle ils ne deviennent pas des inventeurs, mais des consommateurs. Si ce processus se termine, nous sommes vraiment foutus. [Doc Shearls] Ayons un échange avec les deux côtés ici. Toi d'abord. [Michael Nelson] Michael Nelson de l'université Georgetown. J'ai au moins 15 questions diférentes que j'aimerais poser, en commençant par le chiffrement comme j'étais [Eben Moglen] Je me rappelle… [Michael Nelson] le meilleur ami de Stuart Baker, de la Maison Blanche. [Eben Moglen] Oui, oui Cela rend les choses très difficiles pour moi, Mike, je suis vraiment, ce n'est plus vrai. Ce n'est plus vrai, n'est-ce pas ? [Rires] [Michael Nelson] J'aimerais t'inciter à faire campagne pour le Congrès, de préférence en déménageant à Palm Springs pour candidater contre Mary Bono Mack, [rires] [Eben Moglen] Je ne pense pas qu'ils m'apprécieraient à Palm Springs, Mais ce que j'espère que tu feras après ce discours, qui je suis d'accord, ressemble à « I have a dream », c'est de se confronter à tes critiques. Je veux dire, ce discours est super, la vidéo sur Youtube serait vue par des milliers de personnes, en majorité par des amis et des supporters. Je pense que tu as besoin de te confronter à tes critiques. Je veux dire, quelque chose comme les papiers fédéralistes où on a deux gros enjeux débattus par deux camps, et on a les points de vue… des deux camps. Mais je voudrais poser une petite question spécifique. Car je pense que la première partie de ton discours sur les ordinateurs à usage général et l'informatique centrée sur l'utilisateur sont les endroits où on doit commencer. Et je voudrais avoir ton accord, et l'accord de tous, sur pourquoi Nicolas Negreponte dans la campagne « Un ordinateur par enfant » se basait sur les mêmes principes… donner du pouvoir aux enfants, bâtir de l'open source, créer des choses depuis zéro, pourquoi cela n'est pas arrivé ? Même si des dizaines de millions ont été déboursés et que beaucoup de personnes l'ont acheté. Qu'est-ce que c'était… qu'est-ce qui a fait défaut là ? Et comment pouvons-nous éviter ce problème cette fois ? Et bien, Nick est mon meilleur ami des fois aussi, ce qui fait que c'est un peu plus dur de répondre à la question. Le matériel est difficile, n'est-ce pas. Et le logiciel est facile. C'est pourquoi la FreedomBox n'est pas une Box, c'est juste du logiciel, car on peut le faire mieux, plus rapide, moins cher, et on n'a pas besoin de débourser pour chaque problème. Deux choses sont arrivées en résultat de « Un ordinateur par enfant ». L'industrie informatique dans le monde a réalisé qu'il y avait une chose meilleure que construire des portables avec une grosse marge, et ils ont commencé à les faire. Donc Nick a prouvé mon point de vue, de ce côté sans problème, pas d'échec là. Il a fait une expérience avec très peu d'argent, ce que le capitalisme dans les plus grandes multinationales n'allait pas faire, car ils sont trop allergiques au risque pour essayer. Donc d'une manière, ça a marché. C'est juste que ça a marché en générant plus de produits pour les consommateurs. Le second point, c'est que Nick a essayé de faire quelque chose vraiment vraiment important avec le réseau de type Mesh, et c'était comme nous l'a dit un de nos autres amis prooche du projet : « c'était une magnifique expérience ratée ». Cela n'a pas fonctionné. Ça a très bien marché en théorie, mais mal à Montevideo, et encore moins bien au Pérou, et après un moment tout le monde est revenu à : « Hé bien, ayons un serveur dans la classe et utilisons du wifi ». Et c'est la partie de ce dont j'essayais de parler de cette manière très générale, n'est-ce pas ? Nous avons besoin du Mesh. Nous avons besoin d'une façon de faire des communications qui ne soit pas basée sur des architectures centrées. Est-ce que le FCC va faire ça pour nous ? Non. Vous voulez que je me confronte à mes critiques ? On eu ça pendant des décennies, n'est-ce pas ? Donc maintenant nous sommes dans une situation où s'il y a un homme dans cette pièce, Duane Hendrix, il y a un homme dans cette pièce qui pourrait nous aider à trouver ce qu'on va faire de cela. Nous devons avoir du réseau qu'on peut fabriquer et qui marche vraiment. Nick était un visionnaire, et il a essayé. Et si ça avait été prêt maintenant, nous vivrions dans un monde différent maintenant. Mais ce ne le fut pas. Je pense que les erreurs techniques sont honorables et remarquables. Je pense qu'il a mené une grande expérience innovante et réussi au-delà de ses rêves les plus fous, mais les autres personnes tirent les marrons du feu et s'en vont avec, comme d'habitude, et ce dont on avait vraiment vraiment besoin, les technologies de communication qui privent de leur pouvoir les opérateurs de réseaux centralisés, nous n'étions pas prêt pour ça. Maintenant nous avons plus de réseaux fermés que de réseaux ouverts, plus de personnes qui utilisent des formes fermées d'ersatz d'Internet, qu'Internet lui-même, et nous avons perdu gros dans l'opération. Maintenant c'est plus dur de faire avec. Je n'ai… J'ai le sentiment comme pour d'autres choses dans la vie, que j'ai été guidé par mon ami Larry Lessig, me déclarer candidat pour le Congrès, ce n'est ce que je vais faire. [Rires] Est-ce que vous avez une autre suggestion pour la manière d'engager mes critiques Mike ? J'aimerais en adopter une, mais ce n'est pas celle-là que je vais prendre. [Michael Nelson] Mais les essais fédéralistes étaient une proposition sérieuse. [Eben Moglen] OK [Michael Nelson] Cela veut dire quelque chose toutes les semaines, avec des critiques qui pointent vos défauts, et vous pourriez pointer les leurs. [Eben Moglen] OK. Allons-y. Trouvons ceux qui veulent bien jouer le jeu. [Doc Shearls] Il nous reste 27 minutes. Essayons d'être bref, ce n'est pas beaucoup de temps. [Kery Nelson] Ma question serait