J'ai revu une amie l'autre jour.
Je l'adore.
Elle est intelligente, brillante
et talentueuse.
Après avoir commandé nos cafés
et la traditionnelle petite conversation,
Shannon m'a regardé et dit :
« Michael, t'es un type bien.
J'ai besoin de toi.
J'ai besoin de ton conseil. »
Mon Démon était aux anges.
(Rires)
Elle m'a raconté ce qui lui arrivait
et j'ai commencé
à faire semblant d'écouter,
car très honnêtement,
mon Démon Conseiller savait exactement
ce qu'il voulait lui dire.
(Rires)
Mais je suis plutôt bon
à simuler l'écoute active.
La tête légèrement penchée,
j'opine, je regarde avec attention,
moitié attentionné, moitié inquiet,
des petits mots d'encouragement
qui ne veulent rien dire :
« Hm-mm, Ouais, bien sûr. Hm-mm, certes.
Oh, voilà ma pote ! »
et « Exactement ! »
Mais mon Démon Conseiller
avait le feu aux fesses :
« Plus vite, s'il vous plaît.
On n'a pas le temps, là ! »
Et quand enfin
Shannon termine son histoire,
j'ai pu lui donner mon brillant conseil.
Et c'est vrai, c'était brillant.
Shannon a mis la tête sur le côté,
regarde avec attention,
mi-attentionnée, mi-inquiète,
(Rires)
elle opine et prononce des petits mots
d'encouragement qui ne veulent rien dire :
« Hm-mm, Ouais, peut-être. Certes.
Bonne idée ! »
Sincèrement, mon conseil était
dans un cul de sac.
Mon Démon Conseiller avait sabordé
la conversation, une fois de plus.
Ce n'est pas juste moi.
Ce n'est même pas
un question d'être macho.
Vous ! Et vous aussi ! Vous savez
qui est votre Démon Conseiller.
Quelqu'un vous parle d'une chose.
Vous ignorez la situation,
vous ne connaissez pas les personnes,
vous n'avez aucune idée
du contexte global,
et encore moins
des spécifications techniques.
Mais au bout de dix secondes,
votre Démon Conseiller sait :
« Oh ! J'ai quelque chose à dire ! »
(Rires)
La recherche nous dit que
les Démons Conseillers des médecins
ont tendance à interrompre leurs patients
au bout de 11 secondes.
Mais ce n'est pas une question médicale.
C'est humain.
Je vois que certains me regardent
et pensent silencieusement :
« Michael, c'est vrai.
Les Démons Conseillers des autres ?
Ils sont agaçants et très irritants.
(Rires)
Mais mes conseils ? Mes conseils
sont plutôt bons, franchement !
Qu'est-ce qui ne va pas
avec mes conseils, d'ailleurs ? »
En fait, il n'y a rien qui cloche
avec les conseils.
Ils forment une partie centrale
de toute civilisation.
Quand on y pense, TED, TEDx,
un immense forum de conseils.
Le problème n'est pas le conseil.
Le problème c'est quand donner un conseil
devient une réaction par défaut.
On a tous ce comportement-là
enraciné en nous.
Pour la plupart d'entre nous,
c'est devenu une habitude,
l'habitude de donner des conseils.
Ou :
« Grrr », en français.
(Rires)
En fait, il y a trois manières
de rater son coup en donnant conseil.
Les deux premières sont liées.
Voici le premier défi en matière
de conseil donné :
vous cherchez à résoudre
le mauvais problème.
Ça arrive tout le temps.
On est séduit par l'idée
que le premier défi qui survient
est le vrai défi.
Ce n'est pratiquement jamais le cas.
C'est la meilleure supposition,
la première hypothèse des gens.
C'est un doigt mouillé.
Mais c'est rarement
le premier défi qui est le bon.
Mais faisons l'exercice, juste pour voir.
Imaginez que miraculeusement
vous réfléchissiez au bon problème.
Voici le deuxième obstacle
quand on donne un conseil :
il n'est jamais aussi bon
que vous ne le pensez.
(Rires)
Et si vous êtes en train de penser :
« Oh mais Michael, non,
mon conseil est brillant »,
je vous encourage à écouter toutes
les vidéos TED sur les biais cognitifs
qui expliquent combien nous donnons
de piètres conseils habituellement,
surtout quand nous pensons
que nos conseils sont bons.
Rien que pour ces deux raisons,
vous gaspillez le temps,
la vie, les ressources
et l'argent des gens.
Des futilités, pourrait-on dire.
(Rires)
Le troisième problème
est un problème mutuel et plus profond.
Si on est le destinataire du conseil,
c'est à nous que s'adresse
le Démon Conseiller de l'autre.
Le message que nous réceptionnons
est que nous sommes incapable
de trouver la solution seul.
Cela diminue votre sentiment
d'être compétent,
votre confiance en vous
et votre sentiment d'autonomie.
Si vous êtes de l'autre côté de l'équation
et que vous nourrissez
un Démon Conseiller,
et pour être clair et net,
c'est le cas pour tout le monde,
oubliez que vous êtes en train
de couper les ailes de l'autre.
Oubliez le fait
que vous êtes un goulot d'étranglement
pour tout votre entourage.
Le simple fait d'avoir la responsabilité
supplémentaire d'avoir réponse à tout,
et de sauver les gens et leur vie,
c'est épuisant, c'est frustrant
et c'est un poids écrasant.
Je vous entends penser :
« OK, Michael, tu as gagné un point.
On a compris. J'ai capté le message.
C'est légitime, c'est bon là. »
Je sais que vous avez capté
car c'est assez simple.
Mais vous avez capté la théorie.
Dans la pratique,
voici ce que vous faites vraiment :
[parler, parler, parler, parler, parler,
écouter, parler, parler ... ]
(Rires)
Qu'est-ce qu'il se passe là ?
C'est votre Démon Conseiller.
Vous le nourrissez encore et toujours
et il est insatiable.
Quelqu'un dit quelque chose
et votre Démon Conseiller
ouvre un œil et se réveille :
« Oh, je vais rehausser la conversation
avec mon opinion. Oui, oui, oui !
C'est parti mon kiki. »
(Rires)
Vous devez apprendre à faire taire
votre Démon Conseiller.
Pour le dompter, vous devez le comprendre.
Or, votre Démon Conseiller
a trois personnalités distinctes.
Et en l'écoutant attentivement,
vous entendrez celle
qui fait écho en vous.
La première personnalité
du Démon Conseiller est : « Dis-lui ».
Dis-lui.
C'est le plus bruyant des trois.
Il vous a convaincu que la seule façon
de rehausser le débat
est d'avoir réponse à tout.
D'avoir toutes les réponses.
D'avoir toutes les réponses à tout.
Si vous n'avez pas toutes les réponses,
vous échouez.
Vous connaissez cette sensation ?
C'est bien ce que je pensais.
Le deuxième Démon Conseiller
est un peu plus subtil
et il s'appelle : « Sauve-le ».
« Sauve-le » a passé son bras
autour de vous et vous dit :
« Ton boulot, ton seul et unique
boulot, est de sauver le monde. »
Ne laisse personne trébucher,
lutter ou éprouver des difficultés.
Ne laisse personne échouer.
Si la moindre personne éprouve
des difficultés, tu as raté ton coup. »
Vous le reconnaissez ?
Des parents parmi nous ?
Voilà !
La troisième personnalité des Démons
Conseillers, le plus rusé des trois,
c'est : « Contrôle ça ».
« Contrôle ça » vous a convaincu
que la seule façon de vaincre
est de tout contrôler tout le temps.
Surtout, ne rien lâcher.
Si quiconque prend ne serait-ce
qu'un peu de contrôle,
vous allez échouer, et eux aussi.
Vous reconnaissez « Contrôle ça » ?
J'avoue que c'est mon favori.
En fait, une chose connecte
ces trois personnalités ensemble.
Et c'est un point important :
dans le moment précis où
votre Démon Conseiller vous domine,
vous dites à l'autre
que vous êtes meilleur que lui.
Vous êtes meilleur que l'autre.
Vous lui dites
qu'il n'est pas à la hauteur.
Vous lui dites qu'il n'est pas bon assez.
Vous lui dites
qu'il n'est pas suffisamment
intelligent ou malin,
ou rapide, ou moral ou expérimenté.
Vous lui dites en gros
qu'il n'est pas bon assez.
Mais l'autre n'est pas la seule personne
diminuée dans cet instant-là,
quand le Démon Conseiller vous domine.
Vous aussi, vous êtes diminué.
Car quand votre Démon Conseiller
est aux commandes,
vous perdez votre connexion
avec votre propre humanité.
Vous perdrez votre connexion
avec votre empathie,
avec votre compassion
et votre sensation de vulnérabilité.
Vous utilisez vos réponses
comme une armure.
Je me proposais de vous parler
brièvement du pouvoir de l'empathie,
de la compassion et de la vulnérabilité
et puis je me suis ravisé :
Brené Brown,
le Dalaï Lama
ou Jésus.
OK, le sujet est déjà bien couvert.
Donc,
(Rires)
plutôt que pontifier,
Je vais vous donner une astuce
pour dompter votre Démon Conseiller.
On cherche en fait à remplacer
une vieille habitude,
celle de donner des conseils,
par une nouvelle :
pouvez-vous rester curieux
un peu plus longtemps ?
C'est aussi facile
et aussi difficile que ça.
Pouvez-vous rester curieux
un peu plus longtemps ?
Comment rester curieux ?
Les questions attisent la curiosité.
C'est la lumière qui garde
le Démon Conseiller dans ses ténèbres.
Voici les trois questions
que j'aurais dû demander à Shannon
quand nous étions dans le café.
La première :
quel est ton vrai souci dans tout ça ?
Quel est ton vrai souci dans tout ça ?
C'est la question pour cibler.
C'est reconnaître au début
d'une conversation
qu'aucun de vous deux ne savez
exactement ce qu'il se passe.
Vous pensez savoir, c'est tout.
Donc, non seulement « Quel est
ton vrai souci dans tout ça ? »
met une muselière
à votre Démon Conseiller,
mais elle vous permet
de recadrer votre propos :
« La chose la plus importante
que je peux faire,
c'est t'aider vraiment à définir
ce qui est le plus important pour toi. »
Et elle vous permet d'éviter
la réponse facile et fausse,
ce qu'il se passe maintenant.
La deuxième question que j'aurais aimé
poser à Shannon : « Il y a autre chose ? »
Il y a autre chose ?
L'acronyme anglais est « AWE »,
l'émerveillement.
C'est précisément
une question merveilleuse.
« Il y a autre chose ? »
contient dans sa définition
le savoir que la première réponse reçue
n'est jamais l'unique réponse
et n'est jamais la meilleure réponse.
Quand on demande « Il y a autre chose ? »,
on ne fait pas que taire
notre Démon Conseiller,
cela nous permet de creuser le sujet
sur lequel vous vous informez.
Avant de vous confier
la troisième question,
que vous devriez apprécier,
je vais vous montrer comment
les deux premières agissent de concert.
On va faire cela en live, ensemble.
Voici ce que vous allez faire :
réfléchissez à un vrai défi
que vous avez maintenant.
Ça peut être un grand truc ou pas.
Ça peut concerner votre vie, votre boulot,
un projet particulier ou une personne.
Peu importe.
Ce que vous voulez.
Mais on le fait pour du vrai,
donc, pensez à quelque chose.
Vous pouvez l'écrire si vous préférez
ou le garder à l'esprit.
Maintenant que vous avez cela à l'esprit,
je vais vous poser une question.
Vous êtes prêts ?
Pensez à votre défi.
Quel est votre vrai souci dans tout ça ?
Quel est votre vrai souci dans tout ça ?
Ha, je vous vois réfléchir.
Ça turbine chez certains.
Super !
Des nouvelles ouvertures apparaissent
alors que vous y réfléchissez.
Vous avez dû déterminer
le cœur de votre problème.
C'est bien.
Mais on n'a pas encore terminé.
Je vais vous poser une autre question.
Il y a autre chose ?
Y a-t-il autre chose
qui représente un défi ?
Car je sais qu'il y a davantage.
Autre chose ?
Autre chose qui vous pose du souci ?
Remarquez comment cela ouvre l'esprit
et de nouvelles perspectives.
C'est ce qu'on recherche.
Mais ce n'est pas terminé évidemment.
J'ai une autre question à vous poser.
Quoi d'autre ? Quoi d'autre
représente un vrai défi pour vous ?
Car il y a encore d'autres choses
à déballer.
Certains pensent que c'est fabuleux
et que vous venez de découvrir
plein de choses.
Mais d'où ça sort ?
Bien.
Voici ma dernière question.
Je vais me déplacer jusqu'au bord
du cercle rouge
pour dramatiser mon effet.
(Rires)
Maintenant que vous avez réfléchi
à tout ça,
que vous avez creusé un peu,
« Quel est votre vrai souci
dans tout ça ? »
(Rires)
Voilà, votre esprit explose :
« Oh, mais qu'est-ce que
c'est que ce binz ? »
Certains pensent peut-être : « Wahou ! »
En moins d'une minute,
vous venez de changer de perspective
pour envisager ça.
En fait, voici l'élément crucial
de tout ça.
Avez-vous remarqué que la réponse
à la première question sur le défi
et celle pour la dernière
ne sont pas les mêmes ?
Et c'est crucial car si j'avais tenté
de résoudre le premier défi,
j'aurais donné un conseil miteux
pour résoudre le mauvais problème.
C'est ça qui arrive continuellement.
La troisième question que j'aurais aimé
poser à Shannon dans ce café,
est difficile mais puissante :
« Que souhaites-tu ? »
Que souhaites-tu ?
Quand on sait ce qu'on veut,
on a une base pour agir.
C'est la base pour progresser.
Quand on sait ce qu'on veut,
on avance vers l'autonomie
et les compétences,
et la confiance que j'ai évoquées
tout à l'heure.
Et votre Démon Conseiller
n'a plus aucune chance.
Voici donc notre défi :
remplacer une vieille habitude,
celle de donner des conseils,
par une toute nouvelle :
rester curieux un peu plus longtemps.
Car en agissant ainsi,
on donne des ailes aux personnes
non pas en leur donnant la solution,
mais en les aidant à trouver eux-mêmes
leur propre solution.
Non pas en les sauvant,
mais en les aidant
à trouver leur propre chemin.
Non pas en contrôlant tout,
mais en abandonnant un peu de contrôle
et en invitant l'autre
à s'engager et progresser.
Tout cela devient possible quand
on fait taire son Démon Conseiller.
Merci.
(Acclamations) (Applaudissements)