A aucun moment, je n'ai pensé que les super-héros prendraient une si grande place dans ma vie. Enfant, je les regardais et je voyais tout ce que je n'étais pas. Ils avaient de gros muscles, un physique de mannequin et des pouvoirs cosmiques phénoménaux. Et moi ? Je ressemblais à cela, avec des cheveux plus courts et plus frisés, et je ne me suis jamais sentie forte. J'ai toujours été une énorme boule d'énergie nerveuse et douce et les super-héros, comme les caïds à l'école, ne semblaient pas avoir de la place pour cela, pour moi. Alors je gardais mes distances. En outre, qui a besoin de super-héros quand vous êtes entouré de femmes portoricaines du Bronx ? (Rires) Mes tantes étaient policières et ambulancières, mes grands-mères étaient couturières et vendaient des bijoux dans la rue et ma mère avait un master en éducation et a enseigné en maternelle dans les écoles publiques de New York pendant plus de 30 ans. Mes super-héroïnes étaient assises à la table du dîner avec moi. Je ne sais pas combien de temps vous avez passé avec des femmes portoricaines du Bronx, mais nous sommes aussi parmi les meilleures conteuses d'histoires. J'étais assise là, à la table du dîner chez ma grand-mère, et j'écoutais les femmes de ma famille raconter ces récits fous et animés sur leur vie dans le Bronx. Je voulais tellement être comme elles. Mais je n'étais pas forte comme elles non plus. J'écoutais surtout et je m'en imprégnais. Je me suis retrouvée à être attirée par les bouts tendres de leurs histoires et je les ai écrits. L'amusant, le loufoque, le léger -- ils furent ma voie vers la narration, tant et si bien que j'ai écrit un roman pour jeunes adultes appelé « Juliette respire » parlant d'une fille portoricaine du Bronx, joufflue et homosexuelle, se frayant un chemin entre sa sexualité, sa famille et son identité. Sur la foi de « Juliette », Marvel m'a demandé d'écrire pour leur compte les histoires de la toute première super-héroïne latine lesbienne, America Chavez. Ouais ! (Acclamations) (Rires) Écoutez. Créée par Joe Casey et Nick Dragotta pour la mini-série « Vengeance » de Marvel, America Chavez fait partie de l'univers Marvel depuis plus de sept ans. C'est une dure à cuire latino et elle est si forte qu'elle peut, d'un coup de poing, ouvrir des portails vers d'autres dimensions. (Rires) Je sais ! (Rires) Les gens étaient si enthousiastes car, enfin, quelqu'un partageant ses identités -- homosexuelle et latine -- allait écrire son histoire. Je le voyais. Quand je regardais America, je voyais une jeune femme latine en mode de survie. Parce que ses mères s'étaient sacrifiées pour l'univers quand elle était enfant et qu'elle était seule depuis. Pas étonnant que ce soit une dure à cuire. Ce rapport avec le fait de devoir être une dure à cuire, ça me parlait pas mal. Je l'ai dit, je viens du Bronx et le Bronx est dur, dur où l'on passe devant des hommages commémoratifs sur les trottoirs et où l'on évite les tours de police en allant prendre le train. Quand quelque chose de mal se passe, les gens disent : « Tu dois continuer à avancer, continuer à pousser. Ne pleure pas. Ne laisse pas cela t'atteindre. » Ma mère, mes tantes et mes grands-mères, je ne les ai jamais vues prendre un instant de repos ou investir du temps pour prendre soin d'elles. Leur tendresse ? Elle n'a jamais quitté la maison. C'est la première chose que je voulais offrir à America, la chose que j'aurais aimé pouvoir offrir à mes grands-mères et mes tantes, la chose que j'essaye maintenant d'offrir à ma mère : la permission d'être tendre. Vous avez le droit de vous asseoir en silence et de partir en voyage à la découverte de vous-même. Votre douleur vous mènera à l'écroulement et la chute, vous devrez demander de l'aide à des gens, c'est normal et être vulnérable, c'est bon pour nous. Je n'en suis pas arrivée à la compassion et à la guérison de nulle part alors pour l'histoire d'America, je voulais lui laisser de l'espace pour être humaine, pour échouer et pour trouver la tendresse par elle-même. Elle a dû quitter son emploi de jour. Vous voyez de quoi je parle ? J'ai dû lui donner un congé sabbatique de super-héroïne. (Rires) La première chose que j'ai faite fut de l'inscrire à l'université de la juge Sonia Sotomayor. (Rires) (Applaudissements) Où se sentirait-elle en sécurité, représentée et libérée si ce n'est dans une université dédiée à la première femme portoricaine nommée à la Cour suprême des États-Unis ? Son premier cours est « Révolutions intergalactiques et vous » et America est si impatiente, elle est prête à montrer sa force, à exhiber ses compétences d'ouverture de portails au poing (Rires) et je lui ai immédiatement ôté ce filet de sécurité. J'ai limité ses pouvoirs, j'ai changé sa position et bouleversé son monde parce que c'est ça l'université. (Rires) Surtout si vous êtes seul. Mais je ne voulais pas qu'America soit trop longtemps seule alors, durant un devoir ayant mal tourné, elle atterrit sur le champ de bataille avec les X-Men. (Rires) Car, quand j'étais à l'université, le révérend Kelly Brown Douglas était mon mentor et je savais qu'America Chavez avait aussi besoin d'un mentor. Qui de mieux placé que Tornade pour être la mentore d'America Chavez, la première super-héroïne noire et l'un des membres les plus puissants des X-Men ? Personne. (Rires) Tornade enseigne à America comment apaiser son esprit dans un portail galactique et quand America apaise son esprit, elle ouvre les dimensions et, dans ce silence, elle peut écouter tout et tout le monde. Personne ne lui a jamais offert le silence et la réflexion profonde en tant que façon d'être forte. Au début, elle rejette cela mais avec les encouragements de Tornade, le déclic arrive, America calme le monde qui l'entoure et s'avance vers une profonde vulnérabilité. Tornade et elle se font même un câlin, je sais. C'est parce que mes mentors m'ont assez aimée pour m'encourager à m'explorer, moi et mes ancêtres, et quand vous avez 19 ans, comment savoir ce que cela signifie ? Je n'ai pas appris l'histoire des miens à l'université. J'ai appris l'histoire des miens assise sur les genoux de ma grand-mère quand elle a sorti l'album photo et qu'elle a nommé tous ceux qui étaient là et ceux restés sur l'île. Évidemment, une grand-mère devait atterrir d'urgence dans la vie d'America Chavez et pas n'importe quelle grand-mère -- une grand-mère grande, forte, une battante qui l'aimait assez pour l'amener dans le plan ancestral, où America Chavez pourrait voir l'histoire des siens se dérouler dans les cieux. America voit la planète Fuertona, la planète natale de sa grand-mère, la voit être envahie et voit sa grand-mère et sa mère fuir. Elle voit également la joie qu'elles éprouvent quand leur nouvelle patrie les accepte ouvertement et s'occupe très bien d'elles. Elle voit l'immense douleur à laquelle répond une compassion plus grande encore et cela existe aux côtés de l'immense force de sa famille. Partout où je le pouvais, je lui ai écrit des mots doux pour elle et pour tous les autres enfants homosexuels de couleur essayant d'être formidables. Quand vous vous perdez, plongez dans votre ascendance car vous y trouverez les morceaux. Cela vous rappellera également que la tendresse n'est pas l'autorisation d'esquiver, de se cacher, de se taire, de battre en retraire. La tendresse vous pousse aussi à vous tenir pour responsable. Comme quand America atterrit durant la seconde guerre mondiale, se retrouve face-à-face avec Hitler et l'assomme... (Rires) comme l'a fait Captain America en 1941. Qui aurait cru que nous aurions besoin qu'America Chavez frappe des Nazis en 2018. (Rires) (Applaudissements) (Rires) Et même cela, cet acte justifié la dévaste un peu alors je me suis assurée qu'elle contacte sa meilleure amie, qu'elles parlent sentiments, partent faire une virée en voiture et chantent à tue-tête « Just a Girl » de No Doubt. (Rires) Quand Midas, une sinistre entreprise, prend le contrôle de Sotomayor, menace d'interdire les portails et va presque jusqu'à tuer America... ses ancêtres entrent en contact avec elle car elles savent qu'elle a besoin de guérir. Et c'est cet élan d'attention, cette guérison qui lui donne la force de vaincre Midas et de redevenir elle-même. Car ce mythe selon lequel il faut agir seul et être dur à cuire ne nous rend pas service. America Chavez est une super-héroïne entière et a quand même eu besoin d'une équipe pour la soutenir et l'aider à se trouver. Elle a eu besoin de cette douceur, le genre de douceur prenant racine dans la compassion et restant engagée pour la justice et la libération. Car c'est dans cet espace où la douceur et la vulnérabilité rencontrent la force que l'on transcende son soi ordinaire, que l'on devient quelque chose de plus grand, de majestueux, peut-être même de super. Merci. (Applaudissements)