Il y a à peu près un mois, j'étais assise sur mon lit d'hôpital, et je me suis posée cette simple question : « Pourquoi ? » J'avais travaillé dur pour en arriver là, j'étais une jeune activiste sociale, fondatrice de deux associations reconnues, une bonne élève, une bonne copine, et une jeune fille toujours positive et pleine d'énergie. Avais-je ignoré si longtemps ce qui se passait dans ma tête dans le seul but de préserver mon image ? J'avais déjà tellement accompli, quand cette chose étrange m'est arrivée. Alors que j'avais toujours été très motivée à l'école, je n'arrivais plus à faire mes devoirs, j'ai évité mes amis et le téléphone une semaine entière, je ne fréquentais plus l'école, et impossible de me lever le matin. Avec le recul, je réalise qu'il fallait que je revois ma définition de la réussite. Parce que si tout ce que j'avais fait jusque-là, était censé me combler, pourquoi étais-je à l'hôpital ? J'ai réalisé que ma capacité à accepter cette nouvelle normalité, à m'adapter à cette nouvelle empathie, était la clef de ma réussite. Il a fallu qu'on diagnostique ma dépression clinique pour que je découvre ma définition de la réussite. Mais le but de cette conférence n'est pas de vous parler de moi. Je suis là pour vous dire que cela ne m'arrive pas qu'à moi mais cela touche un nombre inquiétant d'adolescents dans ce pays, un nombre annuel à la hausse, et qu'il faut proposer l'implantation de programmes et d'écoles pour les adolescents touchés par la dépression et l'anxiété. La dépression n'est pas visible à l’œil nu dans la rue ou à la maison mais regardez vos ordinateurs, vos tablettes et smartphones, faites une simple recherche sur Google, vous allez tomber des nues. Sur Google, j'ai trouvé une étude réalisée en début d'année : sur 1,6 million de blogs Tumblr, 200 000 contenaient des photos, des vidéos, des textes, des posts d'adolescents s'auto-mutilant par dépression. L'accès facile à la technologie permet-il de mieux exprimer un mal-être préexistant ou est-ce que c'est plus profond ? Est-ce le hasard si le système scolaire et les examens standards se durcissent, si le taux d'admission post-bac baisse, si la pression des stéréotypes masculins et féminins est omniprésente ? Est-il possible que nous soyons, que notre société soit, la raison même de la montée en puissance de cette maladie qui peut être mortelle ? On n'en parle pas beaucoup car on pense que c'est une phase, des hormones, ou un trop plein d'émotions. Souvent, les conversations sur les maladies mentales sont réductrices car on utilise les mots à tort et à travers. La dépression n'est pas un sentiment de tristesse. C'est un état en-deçà de la neutralité. La tristesse est un sentiment passager qui va et vient comme le bonheur. Je ne supporte pas que l'on dise : « Désolé, j'étais déprimé tout à l'heure ou je suis déprimé en ce moment. » La dépression n'est pas passagère, c'est un état. Et c'est la troisième cause de décès des adolescents dans ce pays. 4 400 jeunes se suicident par an, et pour chaque décès, il y a 100 tentatives. C'est pourquoi je suis ici devant vous à poser la question que je me suis posée à l'hôpital : Pourquoi ? Ma question, c'est « Pourquoi n'y a t-il pas plus de prévention ? » Mon école a créé Bridge, un programme pour ceux qui reviennent après une longue absence. On était nombreux à avoir souffert de dépression et d'anxiété sévères et on estime que ce programme nous a sauvé la vie en priorisant notre santé mentale. Comment voulez-vous réussir dans la vie, poursuivre des études, avoir de bonnes carrières, si la pression est trop forte et qu'on n'arrive même pas à finir le lycée ? « Bridge » s'adresse aux parents, aux profs, à tous ceux qui doivent savoir pour nous aider à nous en sortir. L'équipe Bridge, c'est un coordinateur du lycée aux goûts musicaux très éclectiques car il n'écoute que du Bob Marley ou de la musique tribale, et rien d'autre. Il y a aussi un expert de la santé mentale, accro aux barres chocolatées. Un stagiaire super fort en anagrammes et un autre stagiaire super intelligent qui étudie à Harvard mais incapable de jouer plus de deux chansons sur sa guitare. Pour moi et les autres jeunes, cette petite équipe est devenue indispensable et nous a changé la vie. Je veux vous demander à tous une faveur, celle de bien vouloir recommander ce type de programme aux conseils de vos écoles. Lorsque j'étais à l'hôpital psychiatrique, j'ai rencontré une fille, on va l'appeler Jane, à l'hôpital depuis des semaines. Pour la première fois, je rencontrais une personne capable de me comprendre qui souffrait comme moi, connaissait la même peur que la mienne, internée depuis des semaines, C'était sa troisième hospitalisation et elle n'avait aucun support de son école. Lorsque je lui ai parlé de Bridge, elle a été épatée qu'un tel programme existe. Il ne faut pas attendre que les statistiques explosent, que trop d'adolescents souffrent, car si on trouve 100 millions de dollars en un mois pour lutter contre la sclérose en plaques, on peut faire de même. Je suis en train de créer une nouvelle association pour aider les écoles à trouver des financements pour monter ce type de programmes. Donc restez à l'écoute. Mais entretemps, même si cela ne vous touche pas directement, aidez les 10% à 15% d'entre nous qui sommes atteints. Nous avons la chance de vivre dans un pays où nos voix comptent et où on peut agir. Même si un juste petit nombre d'entre vous, défendez ces programmes auprès des écoles et suppliez, préconisez leur création, créez des pétitions, cherchez des financements, sachez que tout ce que vous faites a un impact très important. Ensemble, nous pouvons vaincre ce fléau qui touche nombre d'entre nous. Et si vous aussi, souffrez de dépression, transformez votre haine de cette maladie en énergie pour changer. Car nous pouvons nous battre ensemble, et on ne peut pas laisser la dépression gagner. Nous devons nous battre. Merci. (Applaudissements)