"Sian Norris, je la hais.
Je poste ici des infos sur cette pauvre fille,
j'avais trouvé son adresse et tout".
Elle doit payer.
Depuis plusieurs années, Sian Norris, fondatrice
d'un réseau féministe, est régulièrement
victime de violentes attaques sur Internet.
Une des attaques les plus récentes était quelqu'un,
clairement un jeune homme qui répondait à tous
mes tweets par le mot viol ou par
une phrase relative au viol.
Et quand ça dure trois jours d'affilés, on finit par se dire
alors c'est devenu ça ma vie.
Je ne serai jamais tranquille à nouveau.
En cherchant à démasquer ses cyber agresseurs,
la jeune femme découvre que certains d'entre eux
sont membres d'une communauté méconnue
les Incels, des célibataires qui revendiquent
leur haine des femmes.
Il est dangereux d'élever une génération de
jeunes hommes en les laissant penser
qu'ils ont le droit de traiter les femmes
comme le font ces groupes.
C'est dangereux pour les femmes, harcelées quand
elles sont avec leurs amis, à leur travail, avec leur famille.
Mais c'est aussi très dangereux pour ces jeunes
hommes parce qu'ils apprennent une idéologie
toxique qui finira par leur faire du mal.
Les Incels, ou littéralement célibataires
involontaires seraient au moins 40.000 au Royaume-Uni.
Des hommes de tout âge, de toutes origines,
se croyant condamnés à ne jamais trouver
l'amour et dont l'idéologie s'exprime
par des attitudes misogynes,
Des comportements extrêmes qui interrogent
sur une crise plus large de la masculinité.
Le concept de célibat involontaire est
né dans les années 90, mais cette pensée
se radicalise dans les années 2000
avec l'apparition de forums spécialisés.
Le chercheur Stephane Bael a minutieusement
étudié des milliers de messages échangés par des Incels.
Selon eux les gens, les plus beaux vont se trouver
tout en haut de l'échelle sociale.
Tandis que ceux qui se considèrent comme laids
sont condamnés à rester tout en bas.
Et ils sont convaincus que les femmes ne s'intéressent
qu'à une seule chose : avoir des relations
sexuelles avec les hommes attirantes.
Donc d'une certaine manière
ce célibat involontaire qu'il
pensent vivre est provoqué,
il est causé par les femmes.
Ce sont elles les responsables.
Une idéologie portée par un vocabulaire qui est
propre aux Incels Prendre la pilule noire
par exemple, c'est accepter de vivre dans
un monde où l'on est perdant.
Un chad, c'est un homme attirant à qui tout réussit.
Et les Stacy ou les Foid sont les représentations
d'une femme parfaite, cause de tous leurs malheurs.
Les Incels ne voient même pas les femmes
comme des individus ou même des êtres humains.
Il y a vraiment de la déshumanisation sur ces forums,
Et le fait d'utiliser le bon langage c'est montrer
que l'on fait partie du groupe, que l'on est
un membre de la Communauté.
Une communauté dont les membres ont souvent
un parcours similaire, jalonné de phases dépressives,
de phobie sociale et d'expériences traumatisantes.
On retrouve très souvent une situation
de prophétie autoréalisatrice.
Par exemple,
quelqu'un qui a expérimenté un abandon ou du rejet
et qui, du coup, s'attend à être à nouveau abandonné
ou rejeté.
Cela peut parfois se transformer
en idée fixe sur la manière dont
fonctionne le monde.
Donc au lieu d'être un jeune homme extraverti,
ouvert aux rencontres avec les femmes
et attendant de voir où ça mène, il
s'attend à ce que cela n'arrive jamais.
Et il peut devenir amer.
Une amertume et une détresse que les Incels partagent
et ressassent sur les forums, favorisant
peu à peu une radicalisation.
Appel au viol, au meurtre.
Certains finissent même par passer à l'acte.
C'est le cas d'Alek Minassian,
un Incel canadien.
Le 23 avril 2018, il assassine
dix personnes dans la rue, dont huit femmes.
L'étudiant devient alors une figure emblématique pour
les Incels, mais aussi pour toute une frange
d'extrême droite de plus en plus sensible
aux théories masculinistes.
Un mélange des genres qui inquiète Europol au point
d'en souligner la dangerosité dans un rapport
de juin 2020 sur le terrorisme.
La tendance que nous observons,
c'est que même si ces groupes ne combattent
pas la même chose au départ, ils se
rejoignent sur un point : ils sont des hommes blancs
qui se considèrent en danger et
qui doivent répondre par la violence.
In the mind of the people with Makhzen
Dans leur tête,
il est évident que le féminisme est un instrument pour
affaiblir la société blanche pour ensuite faire
chuter le taux de fertilité de cette société et
donc faire en sorte qu'il est très facile de remplacer
les populations blanches par d'autres groupes.
Et cette diversification les rend beaucoup
plus difficiles à surveiller.
Si Internet est devenu la caisse de résonance de
cette masculinité toxique, c'est qu'il est un
des rares espaces où les hommes osent s'exprimer.
Selon un sondage paru en 2017,
79% d'entre eux ne parlent pas de leur solitude
à leur entourage.
Bertie Smith est un Londonien de 27 ans.
Ce jeune homme réservé est resté célibataire
pendant quatre ans.
À l'époque, je ne savais pas du tout comment
faire face au rejet des femmes.
Je m'en prenais à moi-même.
Je me critiquais et ensuite je déprimais.
Les hommes vont juste souffrir
seuls et en silence.
Je ne pense pas que ce soit uniquement de notre faute.
Parce que finalement,
quand on y réfléchit,
où est ce que les hommes peuvent honnêtement
parler de ce qu'ils ressentent.
De leur place dans la société ?
Dans notre culture, ce n'est tout simplement pas
bien vu que les hommes partagent
leur sentiment de solitude,
de vulnérabilité.
Du coup, il est plus dur pour eux d'aller chercher de l'aide.
Comme ça à plusieurs niveaux.
Au niveau psychologique
mais aussi physique.
Les hommes vont par exemple attendre longtemps
avant d'aller chez le médecin.
Ils vont attendre jusqu'à ce que ça devienne très sérieux.
Contrairement aux femmes.
Aujourd'hui, dans le sillage de MeToo,
35% des hommes britanniques considèrent
que la masculinité est en crise.
Beaucoup d'hommes sont aujourd'hui
terrifiés par les femmes.
Pétrifiés d'être accusés d'être un pervers.
Je le sais parce que j'étais moi même comme ça.
C'est une des raisons pour lesquelles
je restais loin des femmes.
J'avais besoin d'être sûr à 100% qu'elles étaient
intéressées, qu'elles voulaient de moi,
avant même de flirter avec elles.
Pour répondre à ce mal-être croissant et prévenir
des dérives,
des groupes de parole exclusivement masculins
ont vu le jour un peu partout dans le pays.
Kenny Mammarella a créé ses premiers ateliers
il y a 20 ans et fait figure de pionnier.
- Salut Berty, comment ça va ? Comment vont les amours ?
- Les amours vont bien.
Ce coach a accompagné Berty pendant trois ans.
Il l'a aidé à déconstruire le ressentiment et la colère
qu'il éprouvait envers les femmes.
Ce que je leur dis généralement pour rompre
le cercle vicieux dans lequel ils sont emprisonnés,
c'est au lieu de vous en vouloir,
de vous sentir humilié parlez en.
Une fois qu'ils arrivent à mettre des mots dessus,
à dire ce qu'ils ressentent et quand ça a commencé,
alors on parvient à avancer.
L'année dernière, la députée féministe
Diane Abbott alertait le gouvernement,
rappelant que dans ce contexte où les hommes
ne trouvent plus leur place, le suicide
est la première cause de mortalité des
20 49 ans.