Arte France Televisión española Televisió de Catalunya Présentent Émission disponible sur arte.tv/plus7 Voici Marcos, de Barcelone. Mais ce pourrait être n'importe qui, n'importe où. Il va être confronté à une situation qui se produit tous les jours dans des bureaux et des foyers partout dans le monde. en coproduction avec Article Z Media 3.14 Un film de Cosima Dannoritzer Une pièce de l'imprimante ne fonctionne plus. Le fabricant dirige Marcos vers le service après-vente. Le technicien va faire un devis, mais le devis coûte déjà 15 euros, plus TVA. Ce sera difficile de trouver les pièces pour la réparer. Ça ne vaut pas le coup de la réparer. La réparer coûterait 110, 120 euros. Vous avez des imprimantes à partir de 39 euros. Pour le même prix vous avez une imprimante qui imprime beaucoup plus vite. Je vous conseillerais d'en acheter une neuve. Il vaut mieux en acheter une neuve. Ce n'est nullement une coïncidence si les vendeurs suggèrent tous d'acheter une nouvelle imprimante. S'il accepte, Marcos deviendra une victime de plus de l'obsolescence programmée, le mécanisme secret situé au cœur de notre société de consommation. Notre but dans lea vie est de consommer à crédit, d'emprunter de l'argent pour acheter des choses dont nous n'avons pas besoin. Nous vivons dans une société dominée par une économie de croissance dont la logique est, non pas croître pour satisfaire les besoins mais croître pour croître. Dans une société de croissance, quand il n'y a pas de croissance c'est catastrophique. Si le consommateur n'achète plus il n'y a plus de croissance economique. Obscolescence programmée : La volonté de la part du consommateur de posséder un bien un peu plus neuf, un peu plus tôt que nécessaire. Ce film révèle comment l'obsolescence programmée détermine nos vies depuis les années 20 lorsque les fabricants commencèrent à raccourcir la durée de vie des produits pour accroître la demande du consommateur. Il décidèrent donc de réduire la durée de vie à milles heures. Nous découvrirons comment les designers et les ingénieurs ont été contraints d'adopter de nouvelles valeurs et de nouveaux objectifs. Ils ont recommencé à zéro pour concevoir quelque chose de plus fragile. Ils sont conçus pour qu'une fois qu'on a fini de les payer, ils soient usés. "Utilisez et jetez !" Une nouvelle génération de consommateurs à commencé à s'opposer aux fabricants. Il est clair que l'ipod d'Apple à été développé dans cette perspective de l'obsolescence programmée. Est-il possible d'imaginer une économie viable sans obsolescence programmée et sans impact sur l'environnement ? Les génrations futures ne nous pardonneront jamais quand elles découvriront la vérité sur le mode vie gaspilleur des pays développés. Prêt à jeter. Bienvenu à Livermore, en Californie, où l'on trouve la plus ancienne ampoule du monde. Je m'appelle Lyn Owens et je préside le comité de l'ampoule. En 1972, nous avons découvert que l'ampoule suspendue au plafond de la caserne des pompiers était unique. Nous ne savions pas qu'elle était si ancienne, jusqu'au jour ou un journaliste, Mike Dunsten, a commencé à enquêter. Il a pu interroger d'ancien pompiers, alors nonagénaires, qui lui ont confirmé que l'ampoule avait brillé sans interruption depuis 1901. 109 ans qu'elle éclaire, et ça continue. Une webcam diffuse l'image de l'ampoule de Livermore 24h sur 24 sur internet. Pour l'anecdote, elle à déjà survécu à 2 webcams. En 2001, pour les 100 ans de l'ampoule, les gens de Livermore ont organisé une grande fête d'anniversaire. A l'américaine ! [Richard Jones, Comité de l'ampoule de Livermore] Nous pensions réunir 200 personnes au maximum, au final, 800 ou 900 personnes sont venues. Une nation sous la protection de Dieux, indivisible, avec liberté et justice pour tous. Vous n'imagineriez pas des gens chantant Joyeux Anniversaire à une ampoule. Moi non plus, et pourtant ils l'ont fait ! Joyeux anniversaire, chère ampoule, Joyeux anniversaire ! L'ampoule originale a été produite a Shelby, dans l'Ohio, vers 1895. J'ai quelques photos des femmes qui l'avaient assemblée, et aussi des homme qui avaient investi dans cette entreprise. Le filament à été inventé par Adolphe Chaillet. Il l'a conçu pour durer. Pourquoi a-t-il duré ? Je l'ignore, il a emporté le secret avec lui. Le filament longue durée n'est pas le seul mystère dans l'histoire de l'ampoule. Il y a une autre énigme de taille. Comment ce produit simple est-il devenue la première victime de l'obsolescence programmée ? Noël 1924 fut très spécial. Dans une arrière salle de Genève, plusieurs hommes en costume rayé se sont réunis pour concevoir un plan secret : ils allaient fonder le premier cartel international. Leur but était de controler la production des ampoules incandescentes dans tous les pays, et de se partager le gâteau du marché mondial. Ce cartel s'appellait Phoebus. Phoebus rassemblait les principaux fabricants d'ampoules d'Europe et des Etats-Unis, et même des lointaines colonies d'Asie ou d'Afrique. Le but était d'échanger des licences et des brevets, de réguler la production et surtout de contrôler le consommateur. Pour ces compagnies c'étaient mieux si les consommateurs achetaient régulièrement des amploules Si celles-ci duraient trop longtemps, cela représentait un préjudice économique. Au début, les fabricants cherchent à produire des ampoules de longue durée. Le 27 octobre 1871, après bon nombre d'expériences, nous avons produit une ampoule de petite taille dotée d'une résistance colossale, grâce à un filament particulièrement stable... Les premières ampoules de Thomas Edison, commercialisées en 1881, avaient une durée de vie de 1500 heures. En 1924, quand les cartel Phoebus fut fondé, les fabricants annoncaient déjà des durées de vie de 2500 heures et insistaient sur la longévité de leurs ampoules. Donc, chez Phoebus, il ont pensé qu'il fallait limiter la durée de vie des ampoules à 1000 heures. En 1925, le comité des 1000 heures est crée avec pour objectif de réduire la durée des ampoules à cette limite, par des moyens techniques. 80 ans plus tard, Helmut Heuge, un historien berlinois, met au jour les activités du comité. Il a trouvé des preuves cachées parmi les notes internes des membres fondateurs du cartel. Il y avait par exemple Philips en Hollande, Osram en Allemagne, ou la Compagnie des Lampes en France. Voici ce que dit ce document du cartel : La durée de vie moyenne des lampes destinées à l'éclairage général ne peut être garantie, rendue publique ou proposée, seulement à condition qu'elle soit équivalent à 1000 heures. 1000 Heures. Définition de DURÉE DE VIE D'UNE LAMPE Les fabricants sous la pression du cartel vont alors mener des expériences pour concevoir une ampoule plus fragile et conforme à la règle des 1000 heures. La production était rigoureuseument contrôlée pour s'assurer que les membre du cartel respectaient bien la norme. Une des mesures a consisté à installer des étagères avec de petites douilles dans lesquelles on vissait des échantillons de la production pour les tester. Les firmes comme Osram consignaient ensuite méticuleusement la durée de vie de chaque ampoule. Phoebus faisait appliquer ces règles grâce à une bureaucratie très organisée : ses membres étaient pénalisés si leur rapport mensuel sur les durées n'était pas aux normes. Nous avons ici une liste de 1929, qui indique en Francs suisses le montant des amendes payées par les membres du cartel si, par exemple, leurs ampoules dépassaient 1500 heures. AMENDES POUR L'USINE AUSTRALIENNE 1654 heures 1659 '' Avec la mise en place de l'obsolescence programmée, la durée des ampoules a chuté. En seulement deux ans elle est passée de 2500 heures à moins de 1500. Dans les années 40, le cartel a atteint son but : la durée standard d'une ampoule est désormais fixée à 1000 heures. Jeune fille, faites plus attention ! General Electric a produit un film éducatif pour expliquer aux consommateurs que la durée en vigueur était la meilleure. Regardez ce filament ! La durée de vie d'une ampoule dépend largement de la température du filament. Des échantillons de toutes les usines sont testés dans un soucis de qualité. Je comprends pourquoi c'était très tentant en 1932 ! A l'époque le développement durable n'était pas encore au centre des préoccupations. Je ne pense pas qu'on imaginait la planète comme ayant des ressources limitées. On la voyait plutôt comme une source inépuisable. En 1942, le cartel est découvert et le gouvernement américain porte plainte contre General Electric, et d'autres fabricants d'ampoules. On les accuse de fixer les prix, de concurrence déloyale, et de limiter la durée de vie des ampoules incandescentes. Après 11 ans de procès, la Cour prononce son jugement en 1953. GE et ses associés sont contraints, entre autres, de lever leur restriction sur la longévité des ampoules. En réalité, ce jugement n'a eu que très peu d'effet, les ampoules ont continué à durer milles heures. Dans les décennies suivantes, de centaines de brevets de fabrication d'ampoule ont été déposés dont une pouvant durer 100 000 heures. Aucune d'elles n'est jamais parvenue sur le marché. Officiellement, Phoebus n'a jamais existé, même si cette société a laissé des traces dans le domaine public. Sa stratégie consistait à changer de nom régulièrement. Ils se sont d'abord appelés International Electricity Cartel, puis ils ont changé à nouveau. Le plus important est que l'idée de l'obsolescence comme institution existe encore. C'est ironique que l'ampoule, qui a toujours symbolisé les idées et l'innovation, soit pourtant un des premiers et meilleurs exemples de l'obsolescence programmée. Nicols Fox habite dans un village reculé en Virginie. Elle écrit sur l'impact social de la technologie, et parfois elle se lance dans la poésie. "Lorsque, la nuit, Les hésitations sont de sortie Que, dans les buissons, Elles sont là tapies, Avant d'être sidérée de peur Ou de hurler de terreur Vous voulez pouvoir compter Sur une constante lueur" Pour moi, les lampes de poches sont indispensables car à la campagne il n'y a pas de réverbères. J'ai commencé à avoir de nombreux problèmes avec ces lampes, j'achetais de nouvelles ampoules et des nouvelles piles, mais elles ne marchaient toujours pas. Même éloignée de la vie urbaine moderne, Nicols Fox est victime de l'obsolescence programmée. Voici un mémo de GE des années 30: il y a deux ou trois ans une réduction de la durée de vie des lampes de poches a été proposée pour abandonner l'ancienne idée qu'une lampe devait durer au moins trois piles. Il fallait privilégier des lampes dont les durées seraient équivalentes à celles des piles. Les lampes de poches ne sont pas des jouets, ce sont des appareils utilitaires. C'est exaspérant de penser qu'ils aient pu faire cela si tranquillement. Et surtout qu'ils l'aient fait, tout simplement. Je pense que nous devons tous nous plaindre quand les appareils ne fonctionnent pas. J'ai donc décidé d'écrire des sonnets de complainte. Pour un sonnet de complainte, je préfère la forme italianisante, que Shakespeare utilisait. "Nonobstant, cette boîte déborde d'innombrables Lampes de poche inutilisables Irréparables, presque à usage unique Leur prompte relégation M'apparait bien inique Est-ce donc trop demander Que d'avoir à portée Des lampes qui puissent durer ?" À Barcelone, Marcos n'a pas suivi les conseils des vendeurs. Il est determiné à réparer son imprimante, même si le manuel d'utilisation ne mentionne pas du tout son problème. En allant sur des forums internet, il a découvert qu'il n'était pas le seul dans ce cas. Beaucoup de gens sur ces forums ont le même problème que moi, des imprimantes qui n'impriment pas, qui se bloquent, et pour lesquelles on ne peut rien faire. C'est le cas avec plusieurs marques. Parmis les centaines de messages, il n'y a pas de solution en vue. On dirait que Marcos cherche une aiguille dans une botte de foin. L'obsolescence programmée a émergé en même temps que la production en série et la société de consommation. La question des produits fabriqués pour durer moins longtemps a commencé avec la révolution industrielle. Les nouvelles machines produisaient des marchandises beaucoup moins chères, ce qui était très bien pour les consommateurs. Mais ils ne pouvaient pas suivre le rythme des machines, il y avait un excès de production. Avec la production en série, les prix ont baissé et de nombreux produits sont devenus plus abordables. Mais les fabricants s'inquiétaient de savoir si le filon allait durer encore longtemps. Que se passerait-il une fois que le consommateur aurait satisfait tous ses besoins? Déjà en 1928, un influent magazine de publicité déclarait : "Un produit qui ne s'use pas est une tragédie pour les affaires." Les effets de cette tragédie ont été fortement ressentis par Henry Ford, le père de la chaîne de montage. Ford voulait que son modèle T soit à la protée du consommateurs moyen. Il l'a donc produite en série sur un modèle de base immuable, fiable, et conçu pour durer. C'était un modèle bruyant, puant et sale qui rendait les femmes malheureuses, et les hommes le traitait comme s'il s'agissait d'un tracteur, c'était le cheval de trait de l'Amérique. La stratégie du modèle unique a si bien marché qu'au début des années 20, la moitié des automobiles dans le monde étaient des Ford T. "General Motors à la conquête du monde" Pour battre Ford, General Motors a choisi une stratégie complètement nouvelle imaginée par son président, Alfred Slone. Au lieu de concevoir la nouvelle Chevrolet comme le modèle T, aussi fiable et robuste, Slone lui fait subir une transformation radicale, essentiellement esthétique. Slone l'a parée d'une nouvelle robe et d'un nouveau rouge à lèvre et l'a mise sur le marché à un prix légèrement inférieur à la Ford T. Comme elle était plus jolie, la Chevrolet s'est vendue comme des petits pains. Slone a compris qu'il ne battrait pas Ford sur le terrain de la mécanique, mais plutôt sur celui du design. Slone a créé le concept du modèle annuel, avec différentes gammes de couleur, de forme et de taille. Son but : encourager le consommateur à changer de voiture tous les trois ans. La stratégie et Ford a connu une chute des ventes, les consommateurs trouvant le modèle T obsolète et démodé. En 1927, après avoir célébré la production de 15 millions de modèle T, il l'a retiré définitivement du marché. Ford a alors adopté la même stratégie que General Motors en proposant de nouveau modèles chaque année. Le marché de l'automobile a alors explosé, en entraînant avec lui l'économie du pays. En 1929, l'émergence de la société de consommation est frappée de plein fouet par le krach de Wall Street et l'Amérique plonge dans une profonde récession. Le chômage a atteint des proportions effarantes : En 1933, un quart des travailleurs était sans emploi. On ne fait plus la queue pour acheter, mais pour trouver du travail et de la nourriture. "Le travail paie l'Amérique!" En 1933, le président Roosevelt instaure le New Deal pour sortir le pays de la Grande dépression et lance une politique d'investissements importants dans les travaux publiques. Hommes et femmes ont voulu mériter cette aide pour garder la tête haute et ne pas perdre la main. Le petit commerce à besoin d'eux pour stimuler les ventes Mais le New Deal ne fait pas l'unanimité. Une idée radicalement différente fait son apparition à New York. Bernard London, un éminent courtier en immobilier, propose d'en finir avec la dépression, en déclarant l'obsolescence programmée obligatoire. C'était la première fois que ce concept était officialisé. Bernard London proposait d'assigner une limite de vie à tous les produits, ils seraient ensuite considérés comme légalement morts. Les consommateurs pourrait les retourner à un organisme gouvernemental qui les détruirait. Si quelqu'un conservait un article au delà de la date limite, il serait passible d'une amende. [Dorothea Weitzer, fille de l'associé de Bernard London] Grâce à cette date limite, la consommation et le besoin de produire des biens de consommation seraient relancés. J'ai trouvé que c'était une idée géniale ! London pensait qu'en rendant l'obsolescence programmée obligatoire, l'industrie se remettrait en marche, les gens consommeraient à nouveau, et le plein emploi serait de retour. Il cherchait à trouver un équilibre entre le capital et le travail où il y aurait toujours un marché pour de nouveaux produits. Il y aurait toujours besoin de main d'oeuvre, et le capital serait ainsi récompensé. Giles Slade est venu a New York pour enquêter sur la personne qui est à l'origine de cette idée. London, un juif originaire d'Europe de l'Est, est arrivé aux Etats-Unis au début du XXème siècle. Il prospère dans l'immobilier, devient millionnaire, et investit dans plusieurs projets a New York. L'homme aimait faire des affaires, c'était un capitaliste mais il était aussi un philanthrope. Il s'interessait au bien être de ses semblables. Il participe à de nombreux projets de bienfaisance parmi lesquels une école pour enfants juifs et pauvres. On ignore si pour Bernard London, l'obsolescence programmée est seulement une question de profit, ou bien une façon d'aider les chômeurs. Giles Slade veut en savoir d'avantage sur ses motivations et a retrouvé quelqu'un qui l'a connu personnellement. J'ai une photo de Bernard London. Incroyable ! Sauriez vous le reconnaître ? Ne me dites rien. Intéressant... Le voilà avec son allure d'intellectuel ! Vous avez rencontré London en 1933 me semble t-il ? J'avais 16 ou 17 ans, mes parents avaient une grosse Cadilllac qui avait la taille d'un Zeppelin. Ma mère conduisait, mon père était devant et M. et Mme London étaient à l'arrière de la limousine. Mon père a dit que Mr London devait m'expliquer sa philosophie. C'était un homme très intéressant. En quelques mots il m'a expliqué son idée pour enrayer la dépression. A l'époque nous étions en plein chaos économique, pire qu'aujourd'hui. Il était obsédé par cette idée, comme un artiste l'est par ses tableaux. Il m'a chuchoté à l'oreille, tant il craignait que son idée ne soit trop radicale. Finalement, la proposition de Bernard London n'a pas été suivie et l'obsolescence par obligation légale ne fut jamais appliquée. Dans les années 50, l'idée resurgit mais avec une différence cruciale : au lieu d'imposer l'obsolescence programmée aux consommateurs, elle les séduirait ! Obsolescence programmée : la volonté de la part du consommateur de posséder un bien un peu plus neuf, un peu plus performant, un peu plus tôt que nécessaire... C'est Brooks Stevens qui parle, l'apôtre de l'obsolescence programmée dans l'Amérique d'après-guerre. Ce brillant designer a créé des appareils ménagers, des voitures, des trains, en ayant toujours en tête l'obsolescence programmée. Dans l'esprit de l'époque, tout ce que Brooks Stevens crée induit l'idée de vitesse et de modernité. Même sa maison sort de l'ordinaire. J'ai grandi dans cette maison que mon père avait dessinée. Elle était en banlieue et pendant la construction tout le monde pensait que c'était la nouvelle gare de bus car elle ne ressemblait pas à une maison traditionnelle. Voici une photo de famille avec mon père, moi-même, mes frères aînés, ma sœur et ma mère. La maison était toujours remplie d'objets dessinés pour ses clients, comme cette tondeuse. Tous les deux ou trois ans il apportait le dernier modèle et ma mère se faisait une joie de tondre la pelouse elle-même. A sa façon, elle testait les produits. Si quelque chose ne lui plaisait pas, elle en faisait part à mon père. Pour mon père, n'importe quel objet qu'il dessinait devait toujours sortir de l'ordinaire. Il détestait la banalité et les produits qui ne suscitaient aucun désir d'achat chez le consommateur. A l'opposé de l'ancienne approche européenne, qui voulait concevoir le meilleur produit et le plus durable - on achetait un beau costume dans lequel on se mariait et on était enterré, sans avoir l'occasion d'en changer, l'approche américaine vise a rendre le consommateur insatisfait du produit dont il a profité quelque temps, afin qu'il le mette sur le marché de l'occasion, pour acquérir un produit dernier cri, au design novateur. Stevens a parcouru l'Amérique pour promouvoir l'obsolescence programmée discours après discours. Ses propos sont devenus comme une sorte d'évangile. Tous nos remerciements aux stylistes américains Hommes et femmes s'intéressent de plus en plus à l'aspect des objets Ils se passionnent pour ce qui est nouveau esthétique et moderne. Voici l'élégante Golden Rocket d'Oldsmobile. Tenue de Pat Freemore de Los Angeles. Le design et le marketing séduisent le consommateur et suscitent un désir insatiable pour le dernier modèle. Mon père n'a jamais conçu un produit pour qu'il tombe délibérément en panne ou devienne obsolète dans un bref delai. L'obsolescence programmée est à l'entière discrétion du consommateur. Personne ne force le consommateur à aller dans un magasin pour y acheter un produit. Il y va de son plein gré, c'est son choix. Liberté et bonheur grâce à la consommation sans limite. L'american way of life des années 50 a servi de fondement à la société de consommation que nous connaissons aujourd'hui. Sans l'obsolescence programmée ces lieux n'existeraient pas. Il n'y aurait aucun produit, aucune industrie. Pas de designer ou d'architecte. Il n'y aurait pas de vendeurs ni de personnel en charge du nettoyage. Pas de gardes de sécurité. Tous ces emplois disparaîtraient. L'obsolescence programmée est à la base de la formidable croissance économique qu'a connu le monde occidental à partir des années 50. Depuis, la croissance est devenu le Graal de notre économie. Nous vivons dans une société de croissance dont la logique est non pas croître pour satisfaire les besoins mais croître pour croître. Croître à l'infini, faire croître sans limite la production et, pour justifier cette croissance de la production, faire croître sans limite la consommation. Serge Latouche, un des critiques de la société de croissance les plus connus a beaucoup écrit sur ces mécanismes. Au fond il y a trois instruments fondamentaux qui sont la publicité, l'obsolescence programmée et le crédit. [John Thackara, designer et philosophe] Depuis une génération notre but dans la vie semble être de consommer à crédit. D'emprunter de l'argent pour acheter des biens dont nous n'avons pas besoin. Cela n'a aucun sens. Les critiques de la société de croissance mettent en valeur le fait qu'elle n'est pas viable à long terme car elle se base sur une contradiction flagrante. Celui qui croit qu'une croissance infinie est compatible avec une planète finie est soit un fou soit un économiste. Le drame c'est qu'au fond nous sommes tous des économistes maintenant. Est-il vraiment nécessaire de créer un nouveau produit toutes les 3 minutes quelque part dans le monde ? Je crois que beaucoup de gens se sont rendu compte que les choses devaient changer, surtout quand les politiciens leur ont dit d'acheter et de consommer pour relancer l'économie. On peut dire qu'avec la société de croissance on est embarqué dans un bolide qui désormais manifestement n'a plus de pilote, qui va a toute allure et qui dont on peut prévoir le destin qui est soit de se fracasser contre un mur, soit de sombrer dans un précipice. Marcos a trouvé quelqu'un sur internet qui a découvert ce qui est arrivé à son imprimante. En voulant imprimer un document, j'ai eu ce message : "Des pièces doivent être remplacées." Donc j'ai décidé de m'y coller Salut, Marcos J'ai eu ton message. Marcos a contacté l'auteur de la vidéo. Après examen, il s'avère qu'il y a dans le fond de l'imprimante un réservoir d'encre usagée. Une imprimante à jet d'encre doit nettoyer ses têtes d'impression en expulsant des gouttes d'encre jusqu'à une grosse éponge au fond de l'imprimante. Elles est programmée pour évacuer un certain nombre de gouttes et ensuite, elle cesse de fonctionner. Ce serait soi disant pour ne pas salir le bureau. Je crois que ça va bien plus loin que ça. Cette technologie est conçue pour tomber en panne. Où est l'éthique quand on conçoit un produit pour qu'il tombe en panne ? Giles Slade se demande comment ont réagi les ingénieurs quand l'obsolescence programmée s'est généralisée. Dans les années 50 il y a eu un débat parmi les ingénieurs pour savoir si oui ou non il fallait programmer la mort d'un produit. Une grande partie du débat est parue dans le magazine Design News. On demandait de plus en plus aux ingénieurs de prévoir des procédés techniques pour réduire la durée de vie des produits. De nombreux ingénieurs trouvaient que c'était un sale coup de faire payer pour des produits délibérément conçus pour tomber en panne. Le magazine Design News relayait ce débat intense. Une nation comme la nôtre, leader parmi les nations, transforme ses ingénieurs en destructeurs. C'est même un crime contre la loi naturelle de Dieu de gaspiller ce qu'il nous a donné. Pour les ingénieurs c'était vraiment une période difficile. Cette confrontation avec l'obsolescence programmée les a conduits a revoir fondamentalement leur éthique. "L'homme au complet blanc" Le dilemme est même apparu au-delà de la presse spécialisée. Dans ce film britannique de 1951, un jeune chimiste audacieux invente un fil qui repousse la saleté et qui ne s'use pas. Il est persuadé d'avoir fait une découverte incroyable. "Le fil à l'épreuve du temps menace la filature de la ville" (Le voilà !) Mais tout le monde n'apprécie pas son invention et bientôt il est poursuivi non seulement par les patrons de l'usine mais aussi par les ouvriers qui craignent tous de perdre leurs emplois. C'est très intéressant, ça me rappelle quelque chose qui est vraiment arrivé dans l'industrie du textile. En 1940, duPont, le géant de la chimie, lance une fibre synthétique révolutionnaire : le nylon. Les filles font de longues queues pour acheter ces nouveaux bas très résistants. J'ai ici une photo de moi en collants. Les bas étaient incontournables dans les années 50-60. Il était inimaginable de ne pas en porter. Sortir sans bas aurait été très choquant. Le dimanche, quand on s'habillait pour sortir, pour aller au cinéma ou pour aller danser, habituellement on mettait une belle robe et de jolis bas. [Carme Devesa, mercière] Au bal, si pour une raison quelconque on déchirait nos bas alors on n'osait plus danser parce qu'on aurait pu voir nos bas filés. C'était un énorme progrès de fabriquer des bas résistants mais cela ne dura pas très longtemps. [Nicols Fox, essayiste et journaliste] Avant et après la guerre, mon père travaillait chez duPont, au département nylon. Il m'a raconté comment ils avaient testé le nylon pour en faire des bas. Les hommes de son département emportaient des bas à la maison pour les faire tester par leur femme ou leur petite amie. Mon père a fait de même et ma mère était ravie avec les premiers bas qu'elle avait testés, parce qu'ils étaient tellement résistants! Les chimistes avaient toutes les raisons d'être fiers de leur trouvaille. Même les hommes vantaient les mérites des bas en nylon. Le problème c'est que les bas ça marchait trop bien, parce qu'il étaient trop résistants. Les femmes étaient très contentes parce qu'ils ne filaient pas. Mais les fabricants qui les produisaient en vendaient forcément moins. duPont donna de nouvelles instructions au père de Nicols Fox et à ses collègues. Les employés de ce sont département ont du se remettre à l'ouvrage pour essayer de faire des fibres plus fragiles de façon à ce que les bas filent plus souvent et ne durent pas si longtemps. [Prof. Dr. Michael Braungart, chimiste] C'est assez facile de réduire la longévité d'une paire de bas car le nylon n'est pas l'unique composant. Il y a aussi des additifs qui par exemple protègent le nylon des rayons ultra-violets du soleil. Il suffit de varier la quantité d'additifs. Si vous ajoutez moins d'additifs, ou que vous n'en mettez aucun, le soleil ou l'oxygène présents dans l'air détruisent les bas et ils s'abîment alors plus facilement. Autrement dit, la destruction peut être programmée. Peu après, les bas commencèrent à filer à nouveau. Ça s'est fait petit à petit. Ce ne fut pas "aujourd'hui on a des bas solides et le lendemain on a des bas de piètre qualité", vous comprenez. Ça a été progressif. Au fur et à mesure les bas devenaient de plus en plus fins et de moins en moins résistants. Les mêmes chimistes qui avaient appliqué leur savoir-faire pour fabriquer des bas résistants ont du se résigner à suivre l'ère du temps et les ont rendus plus fragiles. Le fil éternel a fini par disparaître des usines comme au cinéma. Il nous faut le contrôle total de cette découverte Nous vous en offrons le double Un quart de million. - Pour la faire disparaître. - Oui. Comment ont réagi les ingénieurs de duPont face à la réduction délibérée de la durée de la vie du produit ? Les ingénieurs ont du se sentir frustrés de devoir utiliser leur savoir-faire pour créer un produit de qualité inférieure, après tous les efforts accomplis. Il se peut aussi que pour eux, créer des produits solides ou fragiles, ça leur était égal. Ça faisait partie de leur travail. Parmi les ingénieurs il y a eu un changement de valeurs. Il y a les ingénieurs de la vieille garde, qui veulent continuer à créer des produits solides et durables. Et il y a une nouvelle vague d'ingénieurs influencés par le marché, dont l'intérêt est de concevoir le produit le plus jetable possible. [Giles Slade, auteur de "Made to break"] Ce débat fut tranché quand cette nouvelle école d'ingénieurs s'est imposée. Vous changez souvent de portable ? - Tous les 18 mois. - Une fois par an. Aujourd'hui, on enseigne l'obsolescence programmée dans les écoles de design et d'ingénierie. Boris Knuf donne un cours sur le cycle de vie des produits de consommation, un euphémisme moderne pour dire "obsolescence programmée". J'ai fait des courses pour vous. J'ai acheté plusieurs choses : Une poêle, une salière, une chemise, une autre chemise. L'éthique ne compte plus dans un monde dominé par un seul objectif : l'achat fréquent répété. Voici un vieux grille-pain. Faites-les-vous passer et dites-moi, à votre avis, quelle est leur durée de vie. Les designers doivent comprendre pour qui ils travaillent. Le modèle commercial du client définit avec quelle fréquence il veut renouveler ses produits. [Dr. Boris Knuf, ingénieur industriel] Ce cahier des charges est remis aux designers qui doivent concevoir le produit afin qu'il corresponde exactement à la stratégie commerciale du client pour lequel il travaille. En parcourant la notice de plusieurs imprimantes, Marcos s'est rendu compte que la durée de vie est fixée par les ingénieurs dès le départ. 1-3. Durée de vie (1) Imprimante 18000 pages 5 ans d'usage Ils insèrent une puce dans les circuits de l'imprimante. J'ai trouvé la puce. C'est une EEPROM qui mémorise le nombre d'impressions. Et une fois qu'on atteint la quantité préétablie l'imprimante se bloque et n'imprime plus. Maintenant qu'il a trouvé le coupable, Marcos va tenter de faire fonctionner de nouveau son imprimante. "Les consommateurs veulent savoir" À la fin des années 50, les consommateurs commencent à se poser des questions sur l'obsolescence programmée et sur les astuces des fabricants. L'association des consommateurs américains teste une large gamme de produits en se concentrant sur leur longévité. Les résultats de ces tests sont publiés dans leur magazine qui connait un succès et une influence grandissante. L'association fait aussi du lobbying pour faire passer des lois qui protègent le consommateur. 20 ans plus tard elle remporte une victoire sur l'obsolescence programmée quand les premières lois sur la garantie des produits entrent en vigueur. "Mort d'un commis voyageur" La frustration des citoyens à l'égard de l'obsolescence programmée fait partie de l'ère du temps. Même Arthur Miller y fait référence dans sa célèbre pièce "Mort d'un commis voyageur" Oui mais il est vieux! Pour une fois, j'aimerais avoir quelque chose qui marche. C'est toujours pareil. À peine finie de payer la voiture menace de nous lâcher. Quant au réfrigérateur, il consomme des courroies à n'en plus finir. Ils sont conçus pour qu'une fois qu'on a fini de les payer, ils soient usés. The Waste Makers, publié en 1960 est le premier ouvrage qui analyse l'obsolescence programmée. Son auteur, Vance Packard, a déjà connu la gloire grâce à un livre sur le pouvoir de la publicité. Son nouvel ouvrage devient un best-seller. - Bonsoir, Mme Packard. - Bonsoir, Charles. Lors d'une rare apparition télévisée, il évoque le futur d'une société vouée au consumérisme et au gaspillage. J'ai le sentiment que l'avenir ne nous réserve rien de bon. Je pense que la consommation à outrance que connaît l'Amérique est en train de modifier notre mentalité de façon préoccupante. Nous devenons plus complaisants et d'une certaine manière, on nous encourage à la complaisance. Ce n'est guère réjouissant. J'aimerais pouvoir être plus optimiste. Les détracteurs de la société de consommation ont souligné ses failles mais n'ont pas proposé d'alternative car à l'époque elle existait déjà de l'autre côté du rideau de fer. À la fin des années 50, en pleine guerre froide, il semblait encore possible que le communisme s'impose au capitalisme comme système économique et politique. L'économie communiste ne se fondait pas sur le libre marché mais sur la planification centralisée par l'État. Dans ce système, inefficace et souffrant d'une insuffisance chronique de ressources, l'obsolescence programmée n'avait aucun sens. En Allemagne de l'est, l'économie communiste la plus performante, les normes officielles stipulaient que réfrigérateurs et machines à laver devaient durer 25 ans. J'ai acheté ce réfrigérateur est-allemand en 1985, donc il a au moins 24 ans. L'ampoule date de la même époque. Je n'ai jamais eu à la remplacer. Elle a aussi presque 25 ans. En 1981, une usine de Berlin est lance une ampoule longue durée. Là en haut il y avait le centre d'essais pour tester la durée des ampoules. Le fabricant est-allemand présente sa nouvelle ampoule à une foire internationale à la recherche de clients en occident. Quand les fabricants est-allemands ont présenté cette ampoule à la foire de Hanovre de 1981, leurs collègues de l'ouest, de l'Osram, ont dit: "Vous allez détruire vos propres emplois". Les ingénieurs de l'est ont répondu "Non, au contraire, en économisant les ressources, et sans gaspiller de tungstène, nous sauverons nos emplois." Les acheteurs occidentaux ont refusé l'ampoule. En 1989, après la chute du mur de Berlin, l'usine a été fermée et la production s'est arrêtée. Aujourd'hui on ne la trouve que dans des musées et des expositions. 20 ans après la chute du mur le consumérisme effréné est aussi bien présent à l'est qu'à l'ouest. À une différence près : à l'heure d'internet, les consommateurs sont décidés à lutter contre l'obsolescence programmée. Nous tournons tous nos films ici. Nous prenons des polaroids de toutes les personnes qui entrent ici. Ce support est comme un dinosaure : il n'existe plus. Nous sommes très fans de la VHS. Nous copions tous les films de DVD sur VHS puis nous les archivons. Pour les frères Neistat, artistes et réalisateurs New-Yorkais, aucun objet devient obsolète. Quitte à devenir décorations murales ou comme accessoires dans leur prochain film. Notre premier film à succès était un film sur l'iPod. J'étais complètement fauché et quand j'ai acheté cet iPod il coûtait dans les 400-500 dollars. Environ 8 ou 12 mois plus tard la batterie est tombée en panne. J'ai appelé Apple pour qu'ils la remplacent, et leur politique à l'époque était de dire à leurs clients d'acheter un nouvel iPod. Autant en acheter un autre. - Apple ne propose pas... - Non. - de batterie iPod de rechange ? - Non. Que la batterie soit morte ne m'embêtait pas, car quand la batterie de mon portable Nokia ou de mon portable Apple ne marchent plus, je peux les remplacer. Mais avec l'iPod, qui n'était pas donné, si la batterie lâchait, c'était l'appareil tout entier que l'on devait remplacer. Mon frère a eu l'idée d'en faire un film. Muni d'un pochoir nous avons bombé toutes les affiches d'iPod que nous avons rencontré en ville avec ce slogan : "La batterie non-remplaçable de l'iPod dure seulement 18 mois." On a posté la vidéo sur notre petit site, ipodsdirtysecret.com, et en un mois ou 6 semaines il y a eu 5 ou 6 millions de visites. Le site a explosé. À San Francisco, l'avocate Elizabeth Pritzker entend parler de la vidéo et avec ses associés décide de porter plainte contre Apple. 50 ans après l'affaire de l'ampoule, l'obsolescence programmée se trouve à nouveau devant le tribunal. Quand nous avons entamé le procès, l'iPod était sur le marché depuis 2 ans, et Apple avait vendu environ 3 millions d'exemplaires aux USA. Beaucoup de propriétaires d'iPod ont eu des problèmes de batterie et sont déterminés à poursuivre Apple. Comme la vidéo des frères Neistat, les nouvelles du procès se sont propagées sur internet et des milliers de gens se sont manifestés. Parmi eux, Andrew Westley. Je suis très mélomane et mon iPod est comme une extension de moi-même. En fait je l'ai acheté pour écouter de la musique dans l'avion. J'étais sur un vol San Francisco - New York, si je me souviens bien. La batterie a lâché avant même le décollage. Parmi les consommateurs qui nous avaient contacté, nous en avons choisi quelques uns pour être les plaignants de notre recours collectif. Un recours collectif est une procédure judiciaire aux USA par laquelle un petit groupe de personnes représente un groupe plus important pour porter plainte devant la justice. Comme plaignant, je représentais des milliers, peut-être des dizaines de milliers de personnes. L'affaire a été baptisée Westley contre Apple. Quand mes amis et ma famille ont appris que c'était un procès important, ils ont pensé que j'étais devenu un extrémiste, une sorte d'Erin Brockovich. En décembre 2003, Elizabeth Pritzker dépose une plainte au tribunal d'instance de San Mateo, tout près du siège social d'Apple. Nous avons demandé à Apple de fournir de nombreux documents techniques sur la durée de la batterie de l'iPod. Et on a reçu beaucoup de données techniques sur son design et sur les essais pratiqués sur les batteries. Nous avons découvert que le type de batterie au lithium contenu dans l'iPod était conçu pour avoir une durée de vie limitée. Il est clair que l'iPod d'Apple a été développé dans la perspective de l'obsolescence programmée. Le procès n'est jamais arrivé à terme. Après quelques mois de tension, les deux parties sont parvenues à un accord. Apple a mis en place un service de remplacement des batteries et a prolongé la garantie à 2 ans. Les plaignants ont été dédommagés. Andrew Westley a accepté un bon de 50 dollars pour l'achat d'un nouveau produit Apple. Je suis resté l'un de leurs clients. J'ai acheté un ordinateur portable haute-gamme et je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'en réalité, le vrai bénéficiaire de l'indemnité ce n'était pas moi mais bien Apple. Ce qui me gêne vraiment c'est qu'Apple se vend comme une marque très branchée et innovatrice. Alors que sa politique environnementale ne permet pas aux consommateurs de retourner les articles pour les recycler ou les traiter. C'est contraire à toute logique. Et c'est contraire à son message. L'obsolescence programmée produit un flot ininterrompu de déchets qui sont expédiés dans les pays du tiers-monde comme le Ghana, en Afrique. Il y a 8 ou 9 ans j'ai réalisé que beaucoup de containers arrivent ici remplis de déchets électroniques. Je parle de matériel informatique et de télévisions en panne dont personne ne veut dans les pays industrialisés. Un traité international interdit d'expédier des déchets électroniques dans les pays du tiers-monde, mais les marchands le détournent en déclarant ces produits comme des articles d'occasion. Ils mettent en avant le matériel électronique en bon état. Environ 10 articles dans chaque container de 12 mètres. Alors que tout le reste du container est rempli de déchets électroniques. Lorsque les douaniers l'ouvrent, ils pensent qu'il n'y a que du matériel en état de marche et qui pourrait durer longtemps. Les containers sont déchargés dans la zone portuaire où des hommes d'affaire locaux achètent les appareils électroniques qui fonctionnent encore ou qui peuvent être réparés. De là, le matériel part à Accra. Au Ghana, ce qui peut être réparé n'est pas jeté aussi facilement. Andrew Owusu achète des ordinateurs en provenance d'Europe puis les remet à neuf pour ses clients. [Andrew Owusu, informaticien] Cette machine vient d'Espagne et j'ai vu que le disque dur ne marchait plus. J'ai changé le disque et maintenant elle fonctionne. Pour celle-ci, le problème venait de la carte graphique. Je l'ai changée et maintenant elle est en état de marche. Si je repère la panne, ça me prend de 10 a 30 minutes pour la réparer. Andrew Owusu revend ses ordinateurs aux étudiants, aux écoles et aux petites entreprises. Il ne comprend pas cette mentalité de gaspillage des pays industrialisés. Ici en Afrique ce n'est pas donné à tout le monde d'avoir un ordinateur. C'est pour cela qu'ici nous ne jetons rien. Nous réparons. Mais en fait plus de 80% des déchets électroniques qui arrivent au Ghana sont totalement irréparables, et des containers entiers finissent dans des décharges illégales partout dans le pays. Nous nous trouvons dans la décharge d'Agbogbloshie. Avant, il y avait une jolie rivière ici, l'Odaw, qui traversait cet endroit. Elle regorgeait de poissons. Notre école n'était pas très loin d'ici et nous venions jouer au football. Nous flânions sur les rives. Les pêcheurs organisaient des ballades en bateau. Je m'en souviens très bien. À présent tout ça n'existe plus. Et cela me rend vraiment très triste et furieux. Aujourd'hui les jeux des enfants ont laissé place aux jeunes défavorisés qui recherchent de la ferraille. Ils brûlent la gaine en plastique des câbles d'ordinateurs pour récupérer le métal. On récupère le métal des ordinateurs, des télés et des machines. C'est un sale boulot. Des fois, on tombe malade, on tousse. On se coupe avec du verre. La nuit, on a du mal à dormir, on tousse. Les plus jeunes ratissent les déchets à la recherche de la moindre miette de métal que leurs aînés auraient pu oublier. Le métal est acheté par des ferrailleurs qui le revendent là où se développe une économie de croissance. Les principaux clients sont actuellement Dubaï et la Chine. Certains des responsables de ces cargaisons disent : "Nous voulons diminuer la fracture numérique entre l'Europe et l'Amérique d'une part et l'Afrique d'autre part". Mais la réalité c'est que les ordinateurs qui sont expédiés ici sont hors service. C'est absurde de recevoir tous ces déchets alors qu'on ne peut pas les traiter. D'autant plus que nous ne les avons pas produit et que notre pays est devenu la poubelle du monde. Ces déchets, cachés si longtemps pendant l'ère industrielle, sont maintenant entrés dans nos vies et nous ne pouvons plus les ignorer. L'économie du gaspillage vit ses derniers moments, car nous n'avons littéralement plus de place où stocker les déchets. L'obsolescence programmée s'est propagée pour des raisons économiques. Il est plus intéressant pour une compagnie de concevoir un produit qui ne dure pas plus de 3 ans ou 1000 heures parce qu'elle peut alors vendre davantage de produits. Au fur et à mesure, nous avons réalisé que cette planète qui est la nôtre ne pourra pas supporter cela indéfiniment. Les ressources naturelles énergétiques ne sont pas inépuisables. Les générations futures ne nous pardonneront jamais quand elles découvriront la vérité sur le mode de vie des pays développés, qui est basé sur le gaspillage. Partout dans le monde, les gens ont pris conscience du phénomène et ont commencé à agir. Pour lutter contre cet état des faits, Mike Anane rassemble des renseignements. C'est ici que je stocke les déchets électroniques qui ont une étiquette d'identification. Celle-ci dit centre d'AMO, Sjaelland occidentale, Danmark. Celui-là vient d'Allemagne, envoyé ici pour être jeté. Collège de Westminster, ville de Leeds, Royaume Uni. Celui-là vient d'Italie. Apple. Apple devrait faire mieux. Ils se targuent d'être écologiques. Pourtant beaucoup de produits Apple finissent à la décharge. J'ai créé une base de données avec les étiquettes, les adresses, et les numéros de téléphone des compagnies auxquelles appartenaient ces déchets électroniques qui ont été envoyés au Ghana. Mike prévoit de transformer ces renseignements en preuves pour intenter un procès. Il faut prendre des mesures punitives. Poursuivre les gens pour qu'ils arrêtent de déverser des déchets électroniques au Ghana. [Elizabeth Pritzker, Avocate] Aux USA, nous avons plusieurs modèles de lois qui pourraient s'adapter à ce cas de figure, comme la loi de l'air propre, ou la loi de l'eau propre. Ce type de législation pourrait être facilement transposé au domaine de l'industrie électroniques, en exigeant des fabricants qu'ils se débarrassent de leurs produits en tenant compte de l'environnement. Je crois que nous devons continuer sur cette voie. Il faut se rassembler, utiliser internet et les blogs, et surtout s'unir. Car l'union fait la force, et c'est le seul moyen de changer les choses. Grâce à la puissance des réseaux sociaux, Marcos avance dans sa recherche pour trouver des solutions pour son imprimante. Il a trouvé l'aiguille dans la botte de foin. En Russie. Un site propose un logiciel libre pour remettre à zéro le compteur de l'imprimante. Le programmeur a même pris la peine d'expliquer ses motivations personnelles. Subitement, l'imprimante cesse de fonctionner et un message obscur apparaît : "Des pièces de l'imprimante doivent être remplacées." C'est un problème de conception. Ce modèle d'activité n'est bon ni pour le consommateur ni pour l'environnement. Donc j'ai cherché à concevoir un logiciel facile d'utilisation pour permettre à ceux qui le souhaitent de remettre à zéro le compteur d'encre usagée. Marcos ne sait pas à quoi s'attendre mais il télécharge le logiciel. Depuis un petit village en France, John Thackara combat l'obsolescence programmée en aidant les gens du monde entier à partager leurs idées en matière de design et d'affaires. Dans les pays pauvres, les choses sons systématiquement réparées. Pour les gens du sud, jeter un produit à la moindre panne est totalement choquant et inconcevable. D'ailleurs en inde il y a un mot : Jugaad, pour décrire cette tradition de réparer les choses, quelle que soit la difficulté. Nous recherchons des gens actifs qui mènent des projets dans le monde, plutôt que des gens qui parlent de façon abstraite de l'état déplorable des choses, ou de ce que l'on devrait changer. Parmi ces gens, il y a Warner Philips, descendant de la dynastie des fabricants d'ampoules. Je me souviens que mon grand-père m'a emmené dans une des usines Philips à Eindhoven, pour me montrer comment étaient fabriquées les ampoules. C'était vraiment cool. Presque 100 ans après la création du cartel des ampoules, Warner Philips poursuit la tradition familiale, mais avec une autre approche. Il produit une ampoule à LED qui dure 25 ans. Cela signifie que l'on utilise les matériaux une fois tous les 25 ans au lieu d'une fois par an. Et aussi que l'on transporte le produit une fois tous les 25 ans au lieu d'une fois par an. Il pense que la production de produits pérennes n'est pas incompatible avec le monde des affaires. Ce n'est pas comme s'il y avait un monde écolo et un monde des affaires. Les deux vont de paire. C'est la meilleure base pour monter une entreprise. Et je crois que la seule façon d'y parvenir, c'est de prendre en compte le coût réel des ressources qui ont été utilisées. Il faut aussi regarder l'énergie consommée, et la consommation indirecte d'énergie générée par le transport. Si on faisait vraiment payer aux transporteurs le coût réel du transport [Serge Latouche, Professeur émérite d'économie, Université de Paris] sans parler du fait que le pétrole est une ressource non renouvelable et pour lequel on n'a pas vraiment de substitut, Je dirais que le prix du transport devrait être multiplié par 20 ou 30. Avec un prix du kilomètre transporté multiplié par 20 ou 30, ça changerait beaucoup de choses. Même l'ampoule la plus simple serait beaucoup plus chère si l'on incluait tous les coûts annexes : les émissions de carbone, les matière premières, l'impact environnemental et enfin le traitement et le recyclage. Et si nous répercutions tout cela sur chaque produit manufacturé, les fabricants et les entreprises auraient tout intérêt à concevoir des produits qui durent toute une vie. Pour combattre l'obsolescence programmée, on peut aussi repenser la fabrication des produits. [L'éco-conception] Selon une nouvelle approche, si les usines reproduisaient les lois de la nature, [repenser la façon] l'obsolescence programmée deviendrait elle-même obsolète. [de faire les choses] [Prof. Dr. Michael Braungart. Auteur de "Cradle to cradle"] Quand on parle de protection de l'environnement, on pense à réduire, renoncer, éviter, zéro déchets, moins d'impact, mais au printemps, un cerisier ne réduit pas, n'évite pas et ne renonce pas. En fait, la nature surproduit. Les fleurs flétrissent, les feuilles mortes et les autres restes organiques ne sont pas des déchets. Ils nourrissent d'autres organismes. C'est un cycle permanent. La nature ne produit que des nutriments, pas des déchets. Braungart soutient que l'industrie peut imiter le cycle vertueux de la nature. Et il l'a prouvé en réinventant les procédés de fabrication d'une compagnie textile en Suisse. Quand par exemple vous tapissez un canapé ou une chaise d'un tissus comme celui-ci, les chutes sont si nocives qu'elles doivent être traitées comme des déchets toxiques. Des centaines de teintures et de produits chimiques, hautement toxiques, étaient utilisées habituellement dans cette usine. Pour la fabrication des nouveaux tissus, Braungart et son équipe ont réduit la liste à 36 produits, tous biodégradables. On sélectionne des ingrédients que l'on pourrait manger. Si vous vouliez, vous pourriez les mélanger avec vos céréales. Braungart est persuadé que son concept peut s'appliquer à tout type de procédé industriel. On peut réinventer chaque chose pour la rendre utile d'un point de vue biologique ou technique. Dans une société basée sur le gaspillage, tout produit périssable crée un problème de déchets. Mais si une société crée des nutriments, les produits de courte durée offrent une chance de produire quelque chose de nouveau. Pour les détracteurs les plus radicaux de l'obsolescence programmée, changer le modèle de production est insuffisant. Il faut repenser entièrement le système économique ainsi que nos valeurs. C'est une vrai révolution, c'est d'abord une révolution culturelle parce que c'est un changement de paradigme, c'est un changement de mentalité. Cette révolution, c'est la décroissance. Comme Brooks Stevens dans les années 50, Serge Latouche va de conférence en conférence. Il propose d'en finir avec la société de croissance. La décroissance, c'est un slogan provocateur qui a pour fonction de rompre avec le discours un peu euphorisant de la croissance possible, infinie, soutenable, et donc pour marquer la nécessité de changer de logique, de sortir de cette logique de la démesure. L'essentiel du programme de la décroissance tient en un mot : réduire. Réduire notre empreinte écologique, réduire nos gaspillages, notre surproduction, notre surconsommation. En réduisant la consommation et en réduisant la production mais en libérant du temps libre on peut développer d'autres formes de richesse qui ont l'avantage de ne pas s'épuiser quand on les consomme comme l'amitié, le savoir... Nous dépendons de plus en plus des objets pour forger notre identité et avoir confiance en nous-même. Sans doute parce que les choses qui auparavant façonnaient notre identité, comme l'adhésion à une communauté, l'attachement à une terre ou tout autre lien social ont été remplacés par le consumérisme. Si le bonheur dépendait du niveau de consommation, on devrait être dans la félicité absolue parce que nous consommons 26 fois plus que du temps de Marx, mais toutes les enquêtes montrent que les gens ne sont pas 20 fois plus heureux, peut-être même qu'il y a une relation inverse, au-delà d'un certain seuil, entre la croissance de la consommation et la croissance du sentiment de bonheur, parce que le bonheur est toujours quelque chose de subjectif, finalement. Les opposants de la décroissance craignent que l'économie moderne soit détruite et nous oblige à revenir à l'âge de pierre. Revenir à une société soutenable, c'est-à-dire une société dont l'empreinte écologique ne dépasse pas une planète, hé bien ça n'est pas revenir à l'âge de pierre, c'est revenir, toutes choses égales d'ailleurs, pour un pays comme la France, aux années 60. Ça n'est pas vraiment l'âge de pierre. Enfin on peut dire que la société de décroissance réalise la vision de Gandhi qui disait : "Le monde est assez grand pour satisfaire les besoins de tous, mais il sera toujours trop petit pour satisfaire l'avidité de quelques uns." Marcos installe le logiciel russe sur son ordinateur. Le nouveau logiciel lui permet de réinitialiser la puce de comptage de son imprimante. "Compteur remis à zero." L'imprimante se débloque immédiatement. FIN? scénario et réalisation : COSIMA DANNORITZER producteurs exécutifs: JOAN ÚBEDA, PATRICE BARRAT image : MARC MARÍNEZ SARRADO. montage : GEORGIA WYSS. production : DAVINA BREILLET direction de production : RITA PUJALS. développement : EVA PERIS, BETTINA WALTER, CHARLOTTE COING-ROY, SARAH TRÉVILLARD production locale Ghana : MIKE ANANE. coordination postproduction : ANNA SALVANY palette graphique : MIREIA FONT, MARÍA LEIVA, ASIER LASA image additionnelle : XAVI CRESPIERA, XUBAN INTXAUSTI, FRANCESC PERIS, DAVID RAMOS, ADRÉS LOCATELLI steadycam : MARC MARÍN, HELGA OTERO. étalonnage : XAVIER SANTOLAYA son : MARC SOLDEVILA, MARK MALOOF, RAY DAY, ESTHER MARQUINA mixage et son : JUANMA GARCÍA, CARLES MIR musique originale : MARTA ANDRÉS, JOAN GIL. commentaire dit par NATHALIE SPITZER support technique : LLUÍS LÓPEZ, MAC BELLVERT. stagiaire : MARC VARGAS administration : SANDRA SANTIVERI, MANUEL BARRIONUEVO, ANNE-MARIE CADOZ conseillers juridiques : MÔNICA CAMINAL, DAVID SÁNCHEZ remerciements : JOAQUIN ALBALATE, ENRIQUE ALBIÑANA, SHARON BEDER, SERGION CAALLERO (INTERACTIVE), XAVIER COSTA (REVOLUTION COMPUTER), LOUIS DE BROGLIE, TOMÀS JOVÉ, STEFANO PUDDU, THOMAS C. REED, ANDRÉ PICARD, SERGIO LUIS RODRIGUEZ (PISTA CERO), ANNA T. SIIG, MARTIN WIEBEL élèves Elisava : LUCIANO BETOUDI, BEGOÑA BLANCO, FERRAN CÁCERES, RENAN LEGLOIRE, ALEJANDRO LÓPEZ, LAURIA MATEOS, RUBEN OYA OACHECO, OSCAR PÉREZ, CHARLOTTE TSAI, ÁNGEL VALIENTE, ISMAEL VELO une production MEDIA 3.14, ARTICLE Z en coproduction avec : ARTE FRANCE. Unité Actualité, Société et Géopolitique : Alex Szalat. Chargée de programmes : Marie Hélène Girod TELEVISIÓN ESPAÑOLA : Pere Roca, Andrés Luque TELEVISIÓ DE CATALUNYA : Joan Salvat, Muntsa Tarrés