Fouteurs et fouteuses de trouble, salut. Mon nom n'est pas important. Les dernières années ont été difficiles pour celles et ceux qui rêvent d'un monde sans frontières... sans parler de toutes ces personnes qui ont eu la malchance de ne pas être nées aux États-Unis... et de tout de même avoir l'audace de vouloir visiter Disneyland une fois dans leur vie. En tout cas... Je suppose qu'Euro Disney existe encore... Non? En réaction aux valeurs fantaisistes que sont le multiculturalisme, l'égalité des chances la solidarité et la valeur inhérente de toute vie humaine, une nouvelle forme de nationalisme vociférant a pris de plus en plus de place dans de nombreux pays. Souvent associé au Brexit, à l'extrême droite européenne et à l'élection de Donald Trump, ce populisme raciste et alarmiste est un phénomène mondial aux racines très profondes. Le nationalisme, après tout, est un pilier central du pouvoir étatique, et une valeur sûre en temps de crise. Il n'est donc pas étonnant qu'après presque une décennie de mesures d'austérité et plus de 15 années à subir la prétendue guerre au terrorisme, de nombreuses personnes succombent à l'illusion de sécurité qu'évoquent les murs étanches et les politiciens qui promettent d'en construire... et de faire payer le Mexique. Mais malgré ce contexte de paranoïa généralisée et de ressac nationaliste, nous sommes nombreux-euses à poursuivre la lutte pour un meilleur monde, un monde où les êtres humains jouiraient de la même liberté de circulation actuellement réservées aux marchandises. Au fil des 30 prochaines minutes, nous donnerons la parole à des personnes qui résistent comme elles peuvent à la militarisation des frontières, luttent contre les lois d'immigration et causent tout un tas de trouble... Des gens traversent par ici depuis... toujours. Plusieurs régions où nous travaillons sont des zones de migration saisonnière pour les gens dont c'est le territoire, comme les Tohono O'Odham et Yaqui. Mais plus récemment, l'idée est plus... de venir aux ÉU à partir du Mexique. Je suis bénévole pour l'organisme No More Deaths. Nous sommes un collectif horizontal, qui fait de l'aide humanitaire dans les régions frontalières. Nous laissons de l'eau sur les pistes connues. Nous menons des opérations de sauvetage. Nous documentons les abus de la police frontalière et des vigilantistes, nous aidons les gens qui ont été expulsés et distribuons des kits de réduction des méfaits aux gens qui veulent traverser le désert. En grandissant, nous avons commencé à travailler dans d'autres secteurs, comme les zones désertiques plus à l'ouest autour de Ajo Arizona, où les gens traversent la réserve nationale Organ Pipe, le refuge faunique Cabeza Prieta, puis une zone de bombardement active sur une trentaine de km. Le voyage vers le Nord a beaucoup changé au cours des 15 dernières années. Les centres urbains ont été scellés dans les années 1990, ce qui a repoussé les gens dans le désert. C'est une stratégie consciente du gouvernement US et de la police frontalière pour augmenter la souffrance et le nombre de morts à la frontière afin de dissuader les migrant-e-s. Au fil des ans, les régions où nous et d'autres groupes portons de l'eau sont devenues de plus en plus éloignées. Nous avons cartographié les pistes sud-nord. Nous sillonnons les routes et allons porter de l'eau. Mais dans les points de chute proches des routes, il y a eu une augmentation du vandalisme, et les points de chute sont parfois dans des zones extrêmement éloignées. Des nombreux migrant-e-s sont séparé-e-s de leur guide parce que la police frontalière les « ensablent ». Ils les survolent de près en hélicoptère, ce qui les fait fuir et perdre de vue leur guide, ils se perdent, et passent souvent des semaines à marcher en rond. Les gens voyagent de nuit, la cadence du groupe est très rapide. Celles et ceux qui ne peuvent pas suivre sons souvent abandonné-e-s. De nombreux patients qui arrivent au camp sont à l'article de la mort. On observe également une militarisation accrue des politiques migratoires au Mexique. Le Mexique a expulsé plus de personnes vers l'Amérique Centrale que les ÉU l'an dernier. En partie à cause du soutien des ÉU, par le Plan Frontera Sur. Les ÉU donnent de l'argent au gouvernement mexicain pour renforcer sa sécurité le long de sa frontière sud, avec le Guatemala. J'ai parlé à des gens qui ont pris le train et qui, pour éviter les points de contrôle, ont dû marcher pendant 8 ou 9 jours. Quand ils arrivent, ils voyagent parfois depuis plus d'un mois. Être identifié-e comme migrant-e du sud, au Mexique, rend les gens vulnérables à l’extorsion, aux enlèvements et aux agressions. Je dirais qu'une grande partie des femmes qui ont traversé la frontière ont vécu une forme ou une autre de violence traumatique au cours du voyage. Le but est de rendre la traversée tellement brutale et traumatique que les gens seront dissuadés d'essayer à nouveau. C'est très obtus comme approche, et ça ne tient pas compte des raisons pour lesquelles les gens migrent vers le nord. Les raisons qui poussent les gens à migrer depuis l'Amérique Centrale sont liées aux politiques économiques et extérieures des ÉU, d'hier à aujourd'hui. Ce qui se produit notamment, sous le couvert du renforcement de la démocratie, avec le Plan Frontera Sur ou le Merida Initiative, est que le gouvernement US finance l'armée et les paramilitaires, et facilite la torture et la répression des mouvements sociaux. Non seulement ils empêchent les gens de voyager au nord pour fuir la violence, ils aggravent et perpétuent la violence. Si l'on prend l'École des Amériques, et le financement de l'armée mexicaine pour combattre le terrorisme et le narcotrafic, l'un des groupes, les Zetas, était au départ une section de l'armée qui s'est détachée d'elle pour prendre le contrôle du narcotrafic au Texas et à Matamoros et Tamaulipas, et est devenue l'un des gangs les plus violents. Ils ont été entraînés, financés et armés par le gouvernement US. C'est comme un partenariat d'affaires entre le gouvernement US et les cartels. Ils ont des intérêts similaires et ils exploitent des personnes vulnérables en les extorquant le long de différents trajets. Les cartels obligent les gens à les payer pour traverser, puis le gouvernement US et les sociétés privées font à leur tour des profits en incarcérant les sans-papiers avant de les expulser. L'American Legislative Exchange Council, est constitué de législateurs républicains, et d'intérêts privés, L'une de ces compagnies est Corrections Corporation of America, l'un des plus gros consortiums carcéraux privés au pays. Ils ont rédigé le projet de loi SB 10-70, lequel a été adopté en Arizona il y a quelques années pour permettre à la police de contrôler le statut d'immigration. Nous vivons à moins de 160 km de la frontière, ici, la police et les services frontaliers ont toujours eu les coudées franches. Mais ce projet de loi a pris l'expérience des zones frontalières, l'a intériorisée et reproduite à l'ensemble de l'Arizona, puis des lois semblables ont été passées ailleurs au pays. Ça aggrave encore le risque d'expulsion. Si, par exemple, des employé-e-s cherchent justice parce que leur employeur refuse de les payer, il est très facile pour ce dernier de menacer d'appeler l'Immigration. Ça crée une population extrêmement vulnérable. Et ça semble voulu ainsi, parce que de nombreuses compagnies en profitent en exploitant ces gens qui sont ici. Je regarde Trouble... Il faut y mettre fin. L'entité coloniale connue sous le nom de Canada est souvent décrite comme le gentil voisin au nord des États-Unis. Eh, salut, eh! On se connaît? Non, je ne crois pas. Qu'est-ce que je peux faire pour toi? C'est un cambriolage. Pardon? Ben, oui, désolé. Je vais juste prendre ce porte-feuille, là... Ok! Conformément à cette caricature, de nombreux Canadien-ne-s progressistes bien intentionné-e-s voient leur pays comme un bastion du multiculturalisme et un foyer accueillant pour les réfugié-e-s fuyant la guerre et les persécutions. Il y a une célébration de la diversité ici qu'on ne trouve pas ailleurs. Ça n'est pas tant une question de règles qu'un esprit d'ouverture, dont nous sommes fiers, un état d'esprit qui est malheureusement de plus en plus rare dans le monde. Derrière ce vernis prétentieux, l'histoire du Canada et sa place dans le monde présentent une réalité plus sinistre. Même en laissant de côté les faits gênants que le pays est fondé sur le génocide de ses premiers habitants, que l'immigration non européenne y était pratiquement interdite jusqu'en 1967, et que le Canada est l'un des seuls pays permettant la détention indéfinie des migrant-e-s, on oublie souvent que le Canada partage sa frontière terrestre avec un seul autre pays, les États-Unis. Je ne veux pas de mur à la frontière canadienne. Cette qualité géographique a longtemps conféré au Canada un contrôle quasi total sur l'immigration, en plus de le mettre à l'abri des grands flux de migration irrégulière, à part quelques exceptions historiques, comme le chemin de fer clandestin et les déserteurs de la Guerre du Vietnam, ou plus récemment, à l'été 2010, un navire transportant 490 migrant-e-s Tamoul-e-s en soi-disant Colombie-Britannique. Mais alors que le climat politique au sud de la frontière continue de s'envenimer pour les migrant-e-s sans papiers et pour quiconque est perçu-e comme Musulman-e, le Canada voit une augmentation des réfugié-e-s cherchant à tirer parti de sa frontière poreuse pour fuir l'hostilité ouverte et la répression de l'Amérique de Trump. C'est de la cardamome. Ça sent bon, c'est délicieux dans le café. C'est un kanafeh, c'est palestinien. Je l'ai fait moi-même. Quand tu bois le café, tu peux le goûter, c'est savoureux. Tu vas aimer. Mon nom est Omar Ben Ali, je suis Palestinien. J'ai quitté mon pays il y a presque dix ans. J'ai quitté ma famille, mes enfants J'ai tout quitté. Parce que tout le monde ici sait ce que l'occupation israélienne fait subir au peuple de Palestine. Voici mon fils, Yazan. Ma fille, Tala. Elle a 13 ans, aujourd'hui... elle avait 3 ans quand je suis parti. C'est mon père, il est mort en 2014. C'est ma mère, mon amour, mon cœur. Elle est décédée en septembre. Je n'ai pas pu la voir. J'ai fait une demande du statut de réfugié en 2008. Après trois ans, j'ai eu un entretien avec quelqu'un de l'Immigration. Après 20 minutes, il m'a refusé! Il m'a envoyé une lettre avec 38 raisons de refus. 38 raisons! Il m'a rencontré 20 minutes! Je ne peux pas y retourner, car je serais en danger si j'y retourne. Ils ne m'ont pas permis de faire venir ma famille. Si tu me demandes ce que je veux, et bien, je vis ici en sécurité, mais ma famille n'est pas en sécurité. J'ai besoin de ma famille, je veux ma vie. J'ai besoin de ma femme. Nous sommes au poste frontalier de Lacolle C'est le principal poste frontalier entre le Québec et les États-Unis. Voici l'autoroute 15, du côté canadien, qui de l'autre côté de la frontière, devient l'autoroute I-87, pour aller à Plattsburgh, puis Albany, et plus loin New-York. C'est le passage qu'il faut éviter si vous voulez demander le statut de réfugié-e. En vertu de l'Entente sur les tiers pays sûrs, si vous venez d'un soi-disant tiers pays sûr, ce que sont les ÉU, en théorie, si vous faites une demande officielle ici, au poste frontalier canadien, on vous refusera l'entrée. Si vous passez ensuite irrégulièrement , ils vous interdiront de faire une demande officielle. Il y a un motif rationnel, une logique, tout à fait légitime de ne pas vouloir traverser régulièrement. Nous sommes du côté québécois de la frontière. Voici la route Roxham. Elle se termine ici, puis continue de l'autre côté, en sol américain. Ce lieu est très connu, parce que les gens passent ici à partir des ÉU pour entrer au Canada de manière irrégulière et demander le statut de réfugié-e. La dernière fois que j'étais ici il y avait un landau abandonné dans le fossé, il y a des vêtements d'enfants abandonnés... Je ne peux pas aller plus loin. Si je faisais un pas ou deux de plus, je serais du côté US, ce qui est techniquement illégal, et je ne le ferai pas, avec les flics qui sont là. Les gens arrivent par là, descendent de leur véhicule, du taxi ou autre, puis traversent... « Stop! Si vous traversez ici, vous serez arrêtés. « Parlez-vous français? Anglais? » Plattsburgh, New York, est la principale porte d'entrée. Le trajet de New York à Plattsburgh en autobus ne dure que quelques heures. Il y a aussi un aéroport. De Plattsburgh, on peut prendre un taxi. Il n'y a rien de mystérieux ou dangereux là-dedans. La frontière fait des milliers de km. Ici, la GRC surveille 24h sur 24, mais il n'y a pas de murs, il n'y a pas de drones. Il y a bien des détecteurs de mouvement, mais c'est impossible de tout contrôler. Avec de bons réseaux d'entraide des deux côtés de la frontière, nous pourrions la rendre essentiellement inopérante. Nous sommes à Dundee, Québec. La frontière est à quelques km d'ici. Depuis janvier, un grand nombre de personnes, plus que d'habitude, ont traversé par ici. Les gens de la région l'ont constaté, ils ont voulu aider, et il se trouve qu'un groupe communautaire qui traite avec les autres groupes communautaires de la région a organisé ce « souper spaghetti ». Nous sommes venu-e-s de Montréal pour leur passer de l'information. Ce sont des gens qui fuient les persécutions, qui craignent pour leur vie, des gens qui veulent trouver une vie meilleure et participer à la société. Et on leur répond, « désolé si vous voulez venir ici, vous ne pouvez pas passer par nos routes ou nos aéroports... » C'est évident pour nous qu'il faut, non seulement passer l'info aux résidents de la région, mais aussi aux gens qui traversent, pour les aider un peu à s'organiser. Quels sont les obstacles qu'ils devront surmonter? Nous aimerions qu'ils soient informés avant de venir. L'attitude que nous avons en ce qui a trait à ces gens est que, si quelqu'un vient ici avec des intentions perfides ou pour commettre des crimes, nous voulons tout mettre en œuvre pour le savoir avant de les remettre à l'Agence des services frontaliers du Canada. Une fois qu'ils ont traversé, vous pouvez aider concrètement, organiser dans votre communauté pour les aider. Il faut aussi dire qu'il n'y a absolument aucune raison de croire que les gens qui ont traversé de manière irrégulière, ou illégale, si vous préférez, sont plus dangereux que quiconque dans cette salle. Même de petits gestes, comme de poser une affiche « Bienvenue aux réfugié-e-s et immigrant-e-s », peuvent faire une différence. Ça donne le ton. Durant l'été 2015, le monde entier est resté stupéfait devant les dizaines de milliers de migrant-e-s débarquant sur les rives grecques pour entamer leur lente migration vers le nord, à travers les frontières militarisées de la Macédoine, la Serbie, la Croatie, et la Hongrie avant d'arriver à destination, dans des pays comme l'Allemagne et la Suède. Au départ, le taux de sympathie à l'égard des réfugié-e-s, dont la plupart fuyaient la guerre en Syrie, en Afghanistan et en Iraq, était élevé. Mais l'opinion publique s'est vite retournée. Lors des célébrations du Nouvel An, des agressions sexuelles ont eu lieu dans plusieurs villes d'Allemagne, notamment à Cologne, où des centaines de femmes disent avoir été agressées par des groupes de jeunes hommes du Moyen-Orient et du Maghreb. Même s'il s'est avéré que ces incidents étaient en partie inventés, de même qu'un incident similaire impliquant des réfugiés Syriens à Francfort, ces événements horribles ont tout de même cimenté la caricature raciste du réfugié violeur dans l'imaginaire collectif, et contribué à déchaîner une violente réaction anti-immigrante, exacerbée par les attentats terroristes en France et en Belgique. Dans les mois et années qui ont suivi, les portes de la Forteresse Europe se sont refermées, et le traité Schengen garantissant la libre circulation au sein des frontières de l'Europe, a essentiellement été rompu, reléguant ainsi des milliers de migrant-e-s aux limbes éternels. Pour pallier cette situation pénible, de nombreux anarchistes et militant-e-s se sont mobilisé-e-s pour essayer d'offrir des services et un peu d'esprit de communauté à celles et ceux qui ont été rendu-e-s apatrides en terre étrangère. Nous avions des tentes, au début, pendant deux mois, en périphérie d'Amsterdam. Les gens campaient dans la boue, la pluie, dans des tentes trouées, et tombaient malades, sans aide de l'État, seulement le soutien des voisins et des gens comme moi qui étaient là pour les aider. C'était difficile, ils souffraient, puis l'hiver est arrivé, et une église vide a été occupée, avec l'aide des squatteurs du voisinage. À partir de là, ils ont pris environ 25 bâtiments pour donner refuge à We Are Here. We Are Here est un collectif de réfugié-e-s de différents pays et nationalités. Nous aidons les gens qui demandent le statut de réfugié-e au Pays-Bas. Depuis 2002, des nombreux réfugié-e-s ont été mis-e-s à la rue. Des femmes et enfants ont été détenu-e-s. En Hollande, il y a une tradition, surtout à Amsterdam, de prendre des bâtiments vides et de les convertir en espaces de vie ou de travail, en espaces culturels, etc. Toutefois, l'État a réussi à contrôler les squats en les rendant illégaux, alors c'est dur de squatter et de rester en place. Parce qu'ouvrir un espace c'est une chose, mais l'occuper pour y rester, c'est une autre histoire. On peut presque dire que We Are Here le collectif de réfugié-e-s, a sauvé les squats. Parce que c'est plus facile pour les gens d'accepter des squats pour les réfugié-e-s que pour les punks anglais, ou les touristes espagnols. Les squatteurs avaient envie d'aider à trouver des espaces pour les réfugié-e-s. Pour la police et la justice, et les politiciens, ça n'est pas si facile d'évacuer cette chose qui génère de la compassion, de la solidarité et de la sympathie dans la société en général. Ils doivent se déplacer d'un lieu à l'autre parce que la menace d'expulsion pèse toujours sur les espaces. C'est important pour le système de nous garder occupé-e-s, parce que si on a le temps de relaxer on pourrait réfléchir à notre situation, et vouloir organiser des manifestations, et cela menacerait le système. C'est pourquoi ça qu'ils nous tiennent occupé-e-s à bouger d'un lieu à l'autre. Nous sommes ici pour trouver une meilleure vie que celle que nous avions en Somalie. - La vie n'est pas aussi bonne qu'au Canada! - Et cet espace ici, nous y resterons! Nous n'avons rien, mais nous attendons. Nous avons l'espoir que quelque chose arrivera. La solidarité autogérée avec les réfugié-e-s s'est mise en place il y a à peu près deux ans, lorsque les premiers réfugié-e-s Afghan-e-s sont arrivé-e-s à Athènes. Il y avait un gros groupe de réfugié-e-s qui restaient dans un parc, dans le quartier Exarchia. Nous avons voulu les aider avec l'eau, des trucs comme ça. Nous avons alors compris qu'ils étaient environ 300, et que l'eau ne suffirait pas. Nous avons organisé une assemblée en espérant mobiliser assez de monde pour les aider encore cinq jours, au moins. Des centaines de personnes sont venues des quatre coins d'Athènes. Ensemble, nous avons essayé de nous autogérer, et en même temps, avons réappris ce qu'est l'autogestion. Pendant des mois, nous avons donné des soins de santé, des vêtements, trois repas par jour, des tentes, des sacs de couchage qu'ils pouvaient apporter avec eux dans leur voyage. C'était le début de l'organisation autogérée de la solidarité envers les réfugié-e-s. De là, deux autres projets ont été conçus. L'un était le squat Notara, le premier squat d'habitation pour les réfugié-e-s, Et l'autre était Platanos, un campement autogéré sur Lesbos, en première ligne. Sur l'île de Chios, il y avait des manifestations. Nous avons parlé avec eux et elles, nous nous sommes lié-e-s d'amitié. Ils nous ont dit, « quand tu iras à Athènes, nous connaissons un bon endroit ». Alors quand nous sommes arrivé-e-s à Athènes, nous sommes allé-e-s à City Plaza. Je dirais que City Plaza est un espace d'hébergement pour les réfugié-e-s, mais plus que ça, c'est aussi un projet politique, Plus de 400 personnes vivent à l'intérieur de City Plaza. Il y a une grande diversité de nationalités, ici, des gens avec différents parcours et différentes intentions. Je connais l'histoire de Plaza, c'était un hôtel, pour les Jeux olympiques d'Athènes. Ça a été fermé, puis laissé à l'abandon. Ce sont les anarchistes qui l'ont repris, réparé, puis aidé beaucoup de monde, beaucoup de réfugié-e-s, à venir ici et vivre un peu mieux que dans les autres camps. Autant que je sache, nous n'avons pas perdu un-e seul-e immigrant-e ou réfugié-e. Personne ne s'est suicidé ou n'a été tué. Dans les camps, les suicides sont fréquents, les gens perdent espoirs, ils sont loin des centres-villes. Au contraire, les squats sont intégrés à la ville. Surtout à Exarchia, où il y a plus de six squats des squats résidentiels, pour les réfugiés. Les gens dans les squats ne sont pas... intégrés, mais ils font partie d'une communauté. Compte tenu du rôle central qu'elles jouent dans le cours de nos vies, et des ressources extraordinaires investies pour les militariser et les sécuriser, il importe de se rappeler qu'en fin de compte, les frontières ne sont que des lignes imaginaires. Pour la majeure partie de l’histoire de l'humanité, les frontières n'existaient pas. Elles sont, et ont toujours été, des instruments de colonisation, employées pour diviser le monde en populations distinctes pouvant être placées au service de puissances rivales. L'imposition de frontières a toujours suscité des résistances, et n'a toujours été possible que par la mise en œuvre d'une violence organisée à grande échelle. Sous l'effet d'un système capitaliste mondialisé, la fonction première des frontières est de découper le monde en marchés distincts qui peuvent être facilement administrés par les gouvernements locaux au profit de l'élite du milieu des affaires transnational. Les politiciens et les médias présentent simultanément les frontières comme des barrières impénétrables et de fragiles remparts de la civilisation, constamment soumis à la menace de dangereuses forces extérieures... Mais la réalité est qu'elles sont des lignes imaginaires, dessinées arbitrairement pour diviser les gens ordinaires et les pousser à se battre entre eux. En démystifiant les frontières et en les privant de leur emprise sur nos vies, nous pourrons atteindre une meilleure compréhension de nos intérêts collectifs en tant qu'humains et commencer à agir ensemble pour démanteler le système qu'elles servent à maintenir en place. Nous étions environ 80 personnes sur le bateau. C'était très dangereux. Ils nous ont seulement dit, « allez tout droit ». « Vous n'avez qu'à aller tout droit, et ces montagnes en face, là-bas, c'est la Grèce. « Est-ce que l'un d'entre vous sait piloter ce bateau?» Le climat politique actuel est plutôt effrayant pour les communautés directement affectées, et ce n'est pas clair du tout comment tout ça va finir. C'est un moment décisif pour les personnes qui travaillent et militent contre l'intériorisation des frontières. Le fait d'avoir un dossier criminel, même si ça n'est dû qu'à une traversée irrégulière, prive une personne du droit à l'assistance. Ça veut dire que quiconque se fait prendre à traverser la frontière perd pratiquement toutes ses chances d'obtenir un statut régulier dans ce pays, actuellement. Il est vraiment important de rejeter cette idée qu'il est acceptable d'expulser les criminels, ou même que cette catégorie, le « criminel », est une catégorie légitime. Les gens devraient approcher le travail local, où qu'ils soient, avec le même sentiment d'urgence que nous avons ici à la frontière. Si l'on peut garder quelqu'un dans sa communauté en luttant contre son expulsion ou en créant des réseaux de protection, cette personne n'aura pas à tenter de revenir en traversant le désert. Ça peut être de monter des kits de protection, Ça n'est pas toujours sexy, mais c'est extrêmement important de garder les communautés ensemble. Allez-y et restez humbles, et soyez prêt-e-s à écouter et à faire vos devoirs, à apprendre ce qui se passe, le cœur ouvert. Une fois qu'ils sont ici, qu'ils ont traversé la frontière, où peuvent-ils aller? Que peuvent-ils faire? Comment peuvent-ils rester? Comment pouvons-nous leur donner le soutien communautaire que nous aimerions recevoir si nous étions à leur place? Il faut rendre réguliers et normaux les passages irréguliers. Il faut rendre régulière et normale cette l'idée qu'il est parfaitement naturel de simplement traverser, que ces États qui sont définis comme l'État colonial canadien et l'État colonial impérialiste des ÉU, sont des entités auxquelles nous résistons, et nous ne laisserons pas les frontières nuire à nos solidarités. On ne peut pas dire, « on ne veut pas de vous ici! » et ensuite aller là-bas et détruire leur pays et piller leurs ressources... Ils n'ont plus d'eau potable? « Nous, on a de l'eau potable à revendre chez nous... nous ne vous aiderons pas.» Chacun-e de nous a une histoire, et une ascendance qui nous a mené ici, à ce lieu précis sur cette planète. Tu connais l'expression, « la police dans notre tête »? Selon moi, la frontière est dans notre tête aussi. Oui, si on traverse ici, la GRC est là, et il y a sûrement une présence des services d'immigration des ÉU (ICE) quelque part... Mais tout juste quelques centaines de mètres par là, ou par là, on peut traverser. Il est impossible de contrôler et défendre plusieurs milliers de km de frontières... Je crois que fermer les frontières n'est pas une solution et que ça ne marchera pas. Tant que les frontières seront fermées, les gens seront d'autant plus motivés à communiquer et à se retrouver. Prends le mur de Berlin, qui divisait l'Allemagne de l'Ouest et l'Allemagne de l'Est. Après tout ce temps, les gens s'enfuyaient. Et là, l'Allemagne est réunifiée. Je ne sais pas pour toi, moi je suis né avec deux jambes, et elles fonctionnent, alors je marche, je vais où je veux, ça s'appelle la liberté de circulation, Nous avons compris nous-mêmes dans la rue, que la seule chose que nous pouvons faire est de rester ensemble et de s'entraider, c'est le point de départ. La solidarité, et la visibilité. Selon moi, la solidarité exige que l'on puisse se mettre à la place de l'autre. Pas en effaçant les différences, mais en utilisant la diversité pour avancer. Nous apprenons d'eux et elles comment améliorer notre langage et comment démanteler les frontières de nos propres convictions politiques de manière à mieux les écouter. Le processus consistant à chercher un terrain d'entente avec des gens qui viennent d'un tout autre contexte culturel, social et politique, et à se rencontrer quelque part au milieu pour créer un nouvel espace... Je crois que c'est une des meilleures actions politiques que l'on puisse mener. Parce que ce qui vient ensuite, la personne qui est à tes côtés... elle ne se dira peut-être pas anarchiste, mais tu sais qu'elle est une camarade dans un sens encore plus profond. La charité est une mauvaise approche à mon avis, ça n'est pas de la solidarité La compassion, d'accord. Compassion, c'est d'essayer de ressentir ce que l'autre ressent et d'avancer ensemble. Mais la compassion à elle seule ne suffit pas. Il faut, individuellement, utiliser ses forces et ses compétences et les mettre à profit comme n'importe qui. Nous pouvons apprendre les un-e-s des autres tant que nous sommes ancré-e-s quelque part, géographiquement. C'est bien de voyager pour apprendre des luttes des autres... pourvu qu'on rapporte ces leçons à la maison. Nous tendons à réagir aux événements. Ils font quelque chose, nous réagissons. Nous devons créer les événements qui forceront les autres à réagir. Si c'est un mouvement, il doit être partout à la fois. Nous devons créer un réseau. Il nous faut, tou-te-s ensemble, nous organiser. Nous organiser nous-mêmes en quelque chose de plus grand. Les migrant-e-s qui n'ont pas le loisir de retourner dans leur pays et n'ont pas le droit de rester... Où peuvent-ils aller? Ils et elles ne demandent qu'à vivre normalement. Devant la perspective de guerres toujours plus déstabilisantes, d'inégalités toujours plus profondes et de catastrophes écologiques induites par les changements climatiques, le prochain siècle risque de connaître des taux sans précédent de migration humaine. Les formes que prendront ces migrations dépendront en partie de notre initiative collective, et de notre capacité à mettre en place des solidarités réelles qui dépasseront, et ultimement, détruiront, les frontières qui nous divisent aujourd'hui. Nous vous rappelons que Trouble est conçu pour être visionné en groupe, et utilisé comme ressource pour favoriser la discussion et l'organisation collective. S'il n'y a aucun projet d'aide aux migrant-e-s dans votre région, envisagez de projeter ce film entre camarades et définissez ensemble le projet qui correspondrait le mieux à votre milieu. Vous aimeriez organiser des projections à l'université, à votre infoshop, au centre communautaire, ou même chez vous entre ami-e-s? Devenez fouteurs et fouteuses de Trouble! Pour 10 dollars par mois, nous vous transférerons une copie de l'épisode à l'avance avec un kit comprenant des ressources complémentaires et des questions pour lancer la discussion. Si vous ne pouvez pas nous donner des $$, ... pas de problème! Vous pouvez télécharger ou diffuser tous nos contenus gratuitement à partir de notre site: sub.media/trouble. Si vous avez des suggestions de thèmes à traiter ou souhaitez simplement communiquer avec nous, écrivez à [trouble@submedia.tv] Nous sommes ravi-e-s que des fouteurs de troubles se rejoignent un peu partout et voulons saluer les nouvelles sections locales de Williamsburgh, San Jose, Santa Cruz, Cotali, San Antonio, Cambridge, Burlington, Amsterdam, Milwaukee, Springfield, Sockell, Sherbrooke, Doonside, Ottawa, Chicago, Madison et en Slovénie. Cet épisode a pu être produit grâce à l'aide généreuse de Brandon, Julian et Ross. Maintenant... sortez et causez du Trouble!