Vivre bien, alors qu'on a arrêté
de manger volontairement
depuis 16 heures, deux jours, 10 jours,
cela vous semble impossible,
ou peut-être parfaitement normal,
parce que vous en avez
déjà fait l'expérience.
Laissez-moi vous expliquer
ce qu'est le jeûne,
et vous raconter mon histoire :
comment j'ai découvert
et redécouvert cette capacité
que chaque être humain a en soi,
de même que les animaux.
A 15 ans j'étais une adolescente genevoise
prise dans le tourbillon de 68.
Bien sûr, c'était
les festivals de musique,
c'était la lutte contre l'autorité,
mais surtout,
l'abondance d'idées nouvelles qui nous
arrivaient et élargissaient notre horizon.
J'entends pour la première fois
dire des mots comme :
écologie, yoga, méditation, féminisme...
alors qu'aujourd'hui ce sont des thèmes
qui sont intégrés dans ma vie
et dans la vie de mes contemporains.
Renoncer à la cuisine au beurre
de la table familiale patriarcale
pour demander des légumes,
des céréales complètes
et des huiles pressées à froid,
c'est vraiment une révolution
dans la famille
mais lorsqu'à 17 ans,
j'ai décidé de faire un jeûne,
là, je n'ai pas osé en parler
ni à mon entourage,
ni à ma famille.
J'ai tout simplement arrêté de manger...
comme ça, pour maigrir, par curiosité.
Je n'avais aucune idée
du métabolisme du jeûne,
de la pratique, de comment faire.
C'était une improvisation complète.
Et là, une expérience inoubliable :
après un ou deux jours,
j'ai l'impression d'avoir
un regain d'énergie,
d'être positive, presque euphorique.
J'avais une facilité à m'entretenir
avec mon entourage...
bien qu'il ne comprenait absolument pas
ce que je faisais.
Et moi-même, j'étais stupéfaite :
je n'avais pas faim.
Je me sentais heureuse,
ce qui ne m'arrivait plus beaucoup
dans cette adolescence tourmentée.
Ma peau devenait lisse,
l'acné disparaissait,
ce qui est très agréable
pour une adolescente.
Le matin, le réveil était sans problème.
Des km de randonnée ne me fatiguaient pas.
J'avais aussi cette impression d'être
en communion avec la nature.
Après 11 jours de cette expérience
extraordinaire, je me dis :
« il faudrait peut-être songer
à se ré-alimenter. »
Et là, comment faire
pour arrêter le processus ?
Je n'avais personne pour me guider,
je ne savais pas comment faire.
J'ai re-mangé d'une façon anarchique.
Je suis tombée malade.
Tous mes problèmes sont revenus :
familiaux, d'orientation professionnelle.
Et là, j'ai compris
qu'il fallait faire autrement.
Plus tard quand je serai moi-même médecin
et spécialiste du jeûne thérapeutique,
je prendrai un soin très particulier
à préparer mes patients
au retour à l'alimentation,
et surtout au retour au quotidien
qui doit se faire progressivement
et d'une façon très consciente.
En effet, j'ai eu la chance de rencontrer
par une amie, médecin elle-même,
un centre de jeûne accompagné médicalement
qui a été fondé en 1953.
Le fondateur est
un médecin allemand, Otto Buchinger,
qui s'est guéri lui-même
d'un rhumatisme articulaire aigu -
une inflammation généralisée
des articulations -
qui l'avait rendu invalide,
par 19 jours de jeûne.
J'ai appris qu'il y avait une méthode
basée sur une expérience clinique,
qu'il y avait des règles à suivre
et des rituels pour réussir un jeûne.
Je me suis initiée et j'ai eu la chance de
rencontrer le petit-fils du fondateur...
qui est devenu mon mari.
(Rires)
Nous sommes la 3ème génération à
développer cette méthode de jeûne médical
la plus pratiquée au monde.
Nous avons développé des centres de jeûne
maintenant dirigés par la 4ème génération.
Le jeûne intéresse les jeunes.
Ce qui est ahurissant pour moi,
c'est que cette expérience si fulgurante
et la vue de toutes ces améliorations
cliniques n'étaient pas enseignées.
Pendant toute ma formation de médecin,
à aucun moment,
je n'ai pas entendu parler du jeûne,
ni de la physiologie du jeûne.
Tout au plus par les animaux
parce que tous les animaux
autour de nous jeûnent.
Par exemple, une chenille
devient un papillon
alors qu'elle se met dans un cocon
et jeûne pendant plusieurs mois.
Sans manger, il y a une transformation
absolument extraordinaire.
Mais vous avez des animaux beaucoup plus
courants comme les marmottes, les ours,
les oiseaux migrateurs et, bien sûr,
les manchots de l'Antarctique.
On parlait du jeûne, peut-être, en deux
mots à propos du diabète décompensé,
et également, comme d'une mauvaise méthode
d'amaigrissement.
Mais il a fallu attendre les sciences
de la longévité et les publications
de ces dernières années pour comprendre
les mécanismes par lesquels
le jeûne thérapeutique a un effet
extraordinaire et exceptionnel
sur la santé et sur la longévité.
Vous me direz peut-être : « Mais à quoi
bon renoncer à ce plaisir extraordinaire
de la table et pour quelle raison
devrais-je jeûner ? »
D'abord c'est la fascination
de notre propre programme génétique.
Nous avons dans notre corps
ce savoir millénaire.
Et pourquoi ne pas le redécouvrir ?
Et, d'abord, il faut bien comprendre que
le jeûne n'est pas dangereux
s'il est fait correctement.
Et qu'est-ce que le jeûne ?
C'est le passage d'une forme de vie
qui dépend de la nourriture extérieure que
l'on digère en brûlant les composantes,
à la combustion des graisses
qui sont en réserve dans notre corps.
Donc, pour la cellule, jeûner, c'est
essentiellement changer de combustible,
nourrir nos cellules d'une autre façon.
Vous comprendrez peut-être mieux
si je compare les cellules de l'organisme
à des voitures hybrides.
Une voiture hybride peut switcher
de l'essence à l'électricité
indifféremment de l'une à l'autre.
Dans notre corps, les cellules
sont capables de passer
de la nourriture extérieure
à cette nourriture intérieure,
emmagasinée dans nos réserves.
Bien sûr, quels sont les effets
de ce passage ?
Ce sont tout d'abord des effets
sur notre métabolisme.
La glycémie - le sucre sanguin -
va baisser,
l'insuline va chuter,
trois hormones vont prendre le relais :
l'adrénaline, le glucagon
et l'hormone de croissance.
Ces trois hormones vont
mobiliser nos réserves.
D'abord une petite réserve
de sucre dans le foie : le glycogène ,
puis les grandes réserves de graisse
que nous avons presque tous
à partir d'un certain âge, et dont
on aime bien se débarrasser.
Le mot d'ordre du jeûne,
c'est l'épargne des protéines.
Que peut-on soigner par le jeûne ?
Comment agit-il ?
Tout d'abord la voirie
cellulaire s'active.
Le corps est avide, il va donc prendre
d'abord les structures modifiées,
vieillies, y compris des cellules entières
qui vont être capturées et auto-digérées -
c'est l'« autophagie ».
Les éléments récupérés vont être
recyclés ou éliminés.
Il y a des moyens d'élimination naturelle
qu'un jeûne bien conduit doit stimuler :
d'abord les reins qu'on stimule en buvant
beaucoup d'eau et de tisane.
Puis on stimule les poumons à
l'excrétion du gaz carbonique,
et la peau, par la transpiration
grâce à l'exercice physique
et des méthodes naturelles.
Puis on stimule aussi le foie et
les intestins par des méthodes naturelles.
Un autre mécanisme explique pourquoi
les douleurs et la raideur
diminuent dans un jeûne :
c'est la diminution des
processus inflammatoires.
C'est un effet extraordinaire
qu'on peut constater très vite.
Des gens viennent avec des arthrites
des mains, par exemple :
« Ça fait 3 jours que je jeûne et je peux
déjà à nouveau fermer mes mains. »
Ceci permet d'expliquer l'amélioration
de beaucoup de maladies.
Et pour ce qui est du métabolisme,
il y a la diminution du poids
mais aussi celle du périmètre abdominal
et une normalisation
de la pression artérielle,
du sucre sanguin et du cholestérol.
Tout cela alors que le bien-être physique
et émotionnel augmente de jour en jour.
Et ça, pour quelqu'un qui n'a jamais
jeûné, c'est complètement contre-intuitif.
On craint de se sentir très mal,
d'avoir faim tout le temps.
Ce n'est pas du tout le cas.
Toutes ces observations et
changements de paramètres,
ont été documentées dans une publication
de janvier 2019 portant sur 1 422 cas
de personnes qui ont jeûné
cinq, 10 ou 15 ou 20 jours,
avec cette méthode Buchinger.
La conclusion expose ce qu'on peut
traiter avec le jeûne médical :
- et ça c'est la deuxième motivation
après la fascination de découvrir
vos systèmes intrinsèques.
Les maladies métaboliques telles
l'obésité, le diabète de type 2,
l'hypercholestérolémie, l'hyperuricémie,
ce sont aussi des facteurs de risques
pour les maladies
cardiaques et vasculaires.
Donc on fait une prévention
de l'infarctus ou de l'AVC.
Il y a un deuxième grand groupe :
les maladies chroniques inflammatoires.
Typiquement, celles qui font mal,
qui rendent raides,
en particulier l'arthrite,
les maladies rhumatismales,
également les gastrites, les colites
et autres maladies finissant en « ite »,
mais également les allergies,
la migraine et l'asthme.
Il y a un troisième groupe, moins connu,
c'est tous les états dépressifs,
les états d'épuisement physique
et psychique, car le jeûne booste l'humeur
et booste l'énergie aussi
dans les cas de pré-burnout.
Aujourd'hui, comme je l'ai dit,
énormément de recherches se passent
dans le monde pour étudier
les effets des jeûnes courts, longs,
modifiés et l'effet des jeûnes répétés.
On constate l'effet sur certaines
maladies auxquelles nous ne pensions pas
il y a 20 ans, comme le cancer,
l'Alzheimer, au moins dans sa prévention,
la polyarthrite, la sclérose en plaques
et le Parkinson.
Voilà des terrains de recherche qui vont
nous éclairer les années qui vont venir.
Et vous allez vous demander, peut-être :
« Est-ce que je ne vais pas me jeter
à l'eau et tenter de faire un jeûne? »
A ce moment-là, je vous dirais :
« Attention ! Le jeûne, ce n'est pas
une promenade du dimanche,
c'est une course de montagne
de moyenne intensité. »
Il faut connaître l'itinéraire,
avoir un bon guide, il faut s'y préparer
et ne pas se surévaluer.
Il y a le groupe des gens
qui ont des maladies,
je les ai citées, celles qui sont
des indications pour le jeûne.
Dans ces cas-là, le jeûne ne peut se
faire que dans un centre spécialisé,
où des médecins sont spécialisés
dans la thérapie du jeûne.
Pour les gens en bonne santé, tentez
une expérience personnelle,
si possible avec un bon manuel
et un groupe, et un guide
et, à ce moment-là,
faire des jeûnes intermittents.
Par exemple, ce qui a bien
des effets et n'est pas difficile,
c'est d'arrêter de manger seize heures,
à cheval sur la nuit.
Vous mangez votre dernier repas à 18h
et vous prenez votre petit déjeuner à 10h.
On appelle ça le jeûne intermittent 16-8 .
On peut faire aussi une journée de jeûne
ou jusqu'à cinq journées,
ou des journées de restriction calorique
à environ 600 kcal.
Et les bons vivants, que vont-ils dire ?
Surtout les Français
qui adorent la gastronomie !
Pourquoi se priver de ce plaisir-là ?
N'est-ce pas de l'anti-gastronomie ?
Je vous dirais que non.
Bien sûr, on se prive
du plaisir de manger.
Il faut le remplacer
par d'autres plaisirs.
il y en a une abondance dans le jeûne.
C'est d'abord le plaisir d'avoir du temps,
d'être libéré de tous ces schémas
comportementaux,
de pouvoir lire un bon livre,
d'écouter de la musique,
d'être en contact avec la nature,
de se promener,
d'avoir du temps pour son propre corps
et pour sa propre personne.
Et, n'oubliez pas qu'à la fin du jeûne,
lorsque vous reprenez la nourriture,
alors là, le goût, c'est une merveille.
N'importe quel aliment vous semble
un repas trois étoiles.
De plus, après un jeûne, on peut réanimer
le sentiment de faim et de satiété,
qui nous aidera à réhabiliter
un comportement alimentaire normal.
Il y a aussi une dimension spirituelle
dans le jeûne.
Il y a le carême chrétien.
Mais toutes les religions
proposent le jeûne.
Car il y a une dimension spirituelle
mais aussi communautaire.
Donc le jeûne permet
de rajeunir son organisme,
parce que dans la reprise alimentaire,
les cellules souches embryonnaires
vont pouvoir se régénérer.
Donc nous avons
un rajeunissement cellulaire.
En plus on aura eu l'occasion
de méditer sur sa propre existence
et de ré-orienter sa vie
dans le bon chemin.
Il faut dire, peut-être,
deux mots de la méthodologie.
Un jeûne doit être vécu différemment
du quotidien, et loin du quotidien.
il faut bien soigner
la période de pré-jeûne
en diminuant la nourriture petit à petit,
faire un jour de mono-diète.
Rentrer dans un jeûne, c'est avoir
un rythme différent dans la journée,
une bonne alternance entre le repos
et l'exercice physique,
et puis des rituels, des rencontres,
une convivialité autour d'un jus de fruits
ou autour d'une soupe de légumes.
Et puis la reprise alimentaire doit être
progressive et consciente.
En résumé, j'aimerais vous dire :
« Soyez fasciné par ce programme
millénaire, par ce savoir millénaire,
qui se trouve dans votre corps, et que
vous n'avez peut-être jamais découvert. »
Et si vous décidez de faire un jeûne,
faites-le avec un bon accompagnement,
avec une bonne méthode et, si vous êtes
malade, avec un complexe médical.
Je vous souhaite aussi
de paniquer devant la malbouffe,
mais de retrouver confiance dans ce
programme du jeûne qui va vous aider
à prévenir les maladies et à vivre
plus longtemps en bonne santé,
et d'avoir, dans certains cas,
une expérience spirituelle profonde
et une ré-orientation de votre vie.
(Applaudissements)