[Luchita Hurtado, C'est bien moi!]
Ça y est. Nous y sommes.
Bon, allons-y.
Coucou!
Bien contente de vous voir.
C'est bien moi!
On dirait la reine d'Angleterre!
[Rires]
[Applaudissements]
Ce soir, c'est un grand jour
pour les Galleries Serpentine.
C'est aussi un grand jour
pour notre artiste invitée.
Luchita Hurtado aura tout juste
cent ans dans un an.
Je crois qu'elle mérite que l'on lui fasse
les honneurs aussi pour cela!
[Applaudissements]
C'est une artiste qui voit le monde
d'une façon tout à fait particulière.
Je la cite: «Avec l'environnement,
pas moyen de se cacher».
Ça, c'est bien vrai!
C'est sa première exposition individuelle
dans une gallerie, en fait.
Et c'est aussi la première fois
que nous proposons
plus d'une centaine de peintures
de cette artiste exceptionnelle,
que le magazine américain "Time"
inclut dans sa liste
des personnalités les plus influentes de 2019.
[Applaudissements]
[John Mullican, fils de Luchita]
[Matt Mullican, fils de Luchita]
Oui.
J'adore peindre «la naissance».
Devenir mère, c'est s'émerveiller
en permanence!
Un peu de ciel par ci,
et un nombril...par là!
Vous en pensez quoi
de celui-là?
Je l'aime bien.
Oui, je l'aime bien.
Cette joie d'accueillir un nouveau-né,
c'est beau,
c'est inexplicable.
Ça ne peut pas s'expliquer.
Ces odeurs,
ces sensations,
ces émotions.
Bon, ça y est!
J'ai fini!
[Rires]
L'important, ce n'est pas l'argent.
L'important c'est cette animalité
qui est en nous.
Nous vivons sur une petite planète.
Et nous le détruisons
de façon systématique.
Cela devrait pourtant nous inquiéter.
J'avais 8 ans quand je suis arrivée aux USA.
Avant, je vivais au Vénézuela,
dans la banlieue de Caracas.
J'adorais les dessins des ailes de papillon.
Les papillons sont extraordinaires,
sous les tropiques, vous savez.
Je les fixais vivants aux murs.
Les pauvres! Comme ils souffraient!
Quand j'y pense aujourd'hui!
Tu veux que je mette le numéro là?
Oui, là.
Tu vas nous faire une
épreuve d'artiste, dis-donc!
Je mets juste «E.A.». Et, voilà!
...et là, tu mets tes initiales «L.H.».
[Jacob Samuel, Chargé d'impression]
Bon, ça avance!
On a fait quatre aquatintes,
et ça, c'est la première.
Celle-là, elle va aller à l'expo
de la gallerie Serpentine, à Londres.
Et les trois autres sont pour
notre gallerie.
Travailler avec Luchita,
je trouve cela passionnant.
Je vis un moment historique.
J'ai travaillé avec plusieurs artistes
de sa génération qu'elle a rencontrés.
Ça fait un bail!
Ça me permet de
boucler la boucle!
Toute jeune, je m'appelais
Garcia-Rodriguez.
C'est comme s'appeler
«Martin-Dupont».
J'ai décidé que je voulais changer de nom.
J'ai choisi le nom de ma
grand-mère maternelle:
«Hurtado». J'ai abandonné Garcia-Rodriguez.
À New-York, je vivais dans la banlieue nord.
J'ai décidé d'aller à un lycée situé
au sud dans le quartier du «Village».
Ma mère pensait que je prenais
des cours de couture et patronage,
pas du tout.
Je faisais arts plastiques.
C'est Man Ray qui a pris cette photo.
Et là, regardez, c'est Lee.
J'ai épousé Lee Mullican.
Nous avons eu deux fils.
John et Matt.
Ça demande beaucoup d'énergie,
d'être une mère
et de faire l'artiste,
de travailler et d'essayer
de joindre les deux bouts.
Il me restait les nuits,
pour peindre,
quand la maison était enfin
silencieuse.
[Ryan Good, Directeur studio]
J'ai longtemps travaillé pour Matt.
Nous nous connaissions bien.
Mais en m'installant ici,
on a commencé à se voir plus souvent.
On allait à la garderie,
au marché des petits producteurs
pour déjeûner.
Et nous sommes devenus amis,
de très bons amis.
C'est toi qui m'a découverte!
Quand j'ai commencé à
trier ses oeuvres
réalisées pendant près de 70 ans.
J'ai tout de suite su que c'était important.
La famille m'a demandé de
m'occuper des biens de Lee.
J'ai découvert plein d'oeuvres
au studio de Lee,
la plupart n'étaient même pas signées.
Une sur vingt peut-être
portait ses initiales «L.H.».
Son style est très hétéroclite.
C'est très intéressant.
Très caractéristique de son oeuvre.
Ça m'a pris environ un
an et demi-deux ans
pour trouver quelqu'un
qui puisse monter le projet.
Hans Ulrich Obrist a vu les oeuvres.
[Hans Ulrich Obrist, Directeur artistique]
Je me rappelle qu'il a demandé
à rencontrer Luchita.
Tout à changé à partir
de ce moment là.
Elle est tellement heureuse et surprise
que toute son oeuvre soit intacte.
Elle pensait que la plupart
n'avait pas survécu.
Elle continue à créer
pratiquement tous les jours,
il y a donc du nouveau
continuellement.
Elle se passionne surtout
pour ses nouvelles oeuvres.
Je suis assez sensuelle.
J'adore les odeurs et les goûts.
J'aime les fruits, vous savez.
Les fruits, c'est très religieux.
[Rires]
Une pomme, c'est...
beaucoup plus qu'une pomme!
Ces auto-portraits ont été
comme une révélation pour moi.
Il y en a un avec un rayon de lumière
qui passe par une porte ouverte.
J'ai compris que l'important
dans ma vie,
c'était moi-même.
Et je suis qui je suis
parce que je fais ce que je veux,
pas ce que l'on me dit de faire.
Dans mes rêves, je me vois
aux côtés de Lee,
qui n'est plus là depuis longtemps.
Et je rêve que mes enfants
sont petits,
je revis ma vie passée.
[Gazouillis d'oiseaux]
Près du Muséum d'Histoire Naturelle,
je me rappelle que -
dans le parc- sur le chemin
nous avons ramassé des plumes d'oiseaux.
Matt et moi nous avons commencé
une collection de plumes.
Nous nous sommes déguisés avec.
Des plumes dans les cheveux...
Ça a vraiment été un moment
heureux de nos vies.
Nous vivons ensemble sur cette planète,
et nous sommes tous unis les uns aux autres.
Notre parent le plus proche
c'est un arbre,
parce qu'il expire,
et que nous, nous inspirons.
C'est comme ça!
C'est merveilleux de pouvoir être là
dans ce parc avec les arbres autour.
Je me sens si heureuse,
heureuse d'être en vie.