J'ai l'immense privilège de vous présenter un projet dans lequel je suis engagé et dont je suis à l'origine, qui est en fait ma manière de rendre service. Je travaille pour une organisation appelée SevaUnite, qui s'efforce d'inspirer les gens à s'engager à réaliser des actions bénévoles sur base de ce qu'elles ressentent pouvoir faire. La raison pour laquelle nous faisons ça, c'est qu'il s'agit d'encourager les gens au bénévolat non seulement en tant qu'accomplissement d'une bonne action mais en tant que moyen pour se développer. Vous avez tous déjà fait cela, agir pour autrui, apporter votre aide, et vous avez pu constater la synergie extraordinaire qui se met en place et qui fait qu'on s'aide soi-même. On se sent bien quand on aide autrui et il y a un processus qui explique ça. Je vais esquisser aujourd'hui ce que je fais. J'adore vraiment ce projet. C'est vraiment - mes mercredis matin sont un des moments les plus gratifiants et qui font sens, dans ma semaine. Même si je suis d'humeur massacrante, le simple fait de me rendre là me fait me sentir bien. Voici ce que je fais. Nous travaillons à la prison de haute sécurité de Pollsmoor. Le mercredi matin, avec un autre instructeur, on traverse le sas en voiture, on s'arrête devant les barrières et la sécurité, il y a des gardiens partout et voici ce qu'il se passe : le gardien à l'entrée fait ça, pousse sur un bouton et les barrières se lèvent. On entre alors que les gardiens crient : à tue-tête : « Entrez les yogi-man ! » On ne nous a jamais fouillés. On aurait pu faire passer n'importe quoi, mais, (Rires) je ne le recommande vraiment pas et nous ne le faisons pas. Notre première étape, car nous avons trois cours le mercredi matin, notre première étape est le centre d'admission. Ensuite, la section des mineurs et la section de pré-libération. Mais je vais me concentrer sur le centre d'admission faute de temps pour parler de tout ce que je souhaiterais. Le centre d'admission de la prison de Pollsmoor est le lieu où les détenus sont accueillis quand ils ont commis un crime. Ils sont arrêtés et emmenés là. C'est l'endroit où ils attendent leur procès, leur peine ou leur libération. Ils ne sont pas encore condamnés, ils sont là, en attente. Ils sont entre 7 000 et 8 000 dans ce centre, relativement exigu car il a été conçu pour 4 000 prévenus il y a très très longtemps. Manifestement, c'est surpeuplé. Le manque de personnel dans le service fait que les détenus sont enfermés entre 22 et 23 heures par jour dans des cellules surpeuplées et entourés de criminels comme eux. Alors, essayez d'imaginer comment on peut réinsérer quelqu'un ou même lui en donner la chance. Ai-je mentionné qu'il n'y a qu'un seul travailleur social, pour 7 000 détenus ? Ils ont peu de chances de réinsertion. Ils sont assis, derrière des verrous, serrés comme des sardines, ils ont des courbatures et se sentent mal à l'aise. Imaginez l'effet de la sensation de mal-être corporel sur votre esprit alors que vous n'avez pas besoin de ça en plus. Voilà pourquoi 63 % des personnes libérées récidivent endéans les 24 heures. 80 % sont de retour en prison endéans les deux mois. Ces nombres sont hallucinants et les prisons n'ont pas d'effet positif. C'est évident. C'est là que le yoga m'impressionne car on a prouvé qu'il a la capacité incroyable d'aider à la réinsertion d'un détenu. Les études montrent aussi qu'il contribue à diminuer le taux de récidive. Les personnes qui commencent la pratique du yoga en tôle réveillent en fait quelque chose en eux. Et je sais de quoi je parle car ça m'est arrivé à moi. Cela fait 14 ans que je fais du yoga et je suis passionné par cette pratique. Dans le centre d'admission, on entre dans notre cours qui peut accueillir entre 10 et 35 prisonniers, mais nous les appelons des détenus. Ils nous accueillent avec reconnaissance. Ce sont des types durs et le yoga leur est souvent totalement étranger. Manifestement, ils n'en ont pas eu l'occasion et il y a aussi leur attitude, la dureté qu'on s'attend à trouver parce qu'ils doivent cultiver cet air dur en prison où la faiblesse ne pardonne pas. Ce n'est vraiment pas un endroit où on a envie de finir. Respectez la loi sinon... (Rires) C'est le message subliminal. Donc, on fait du yoga avec ces personnes et on leur enseigne des poses de yoga. Des exercices simples pour bouger le corps, l'étirer et le réveiller un peu. On travaille sur les courbatures dans leur dos. Donc, le corps se sent mieux et cela améliore son fonctionnement. À l'instant où le corps se détend, la relaxation s'installe timidement. Un relâchement des tensions dans le corps. Cela influence l'esprit et ensuite les sensations et les émotions. On leur enseigne aussi des techniques de respiration. La respiration est la chose la plus simple pour détendre son esprit et calmer et rééquilibrer son corps. Simplement, on se concentre 10 minutes sur l'inspiration et l'expiration. Ça transforme l'état d'esprit. Ensuite, on leur enseigne un peu de méditation pour les aider à lâcher prise et observer ce qu'il se passe en eux, cette chose incroyablement mystérieuse qui fait de nous des humains. Curieusement, ils en retirent beaucoup de choses. Ils commencent par discerner leur négativité, leurs émotions, leur colère et à contempler les actes qu'ils ont commis, leurs actions et les répercussions que ça a. On termine toujours avec de la relaxation qui finit par endormir plus de la moitié des participants. Le visage des détenus est adouci, l'atmosphère virile de la classe a disparu pour laisser place au calme et à la sérénité. Après ça, on discute et c'est ce que je préfère. Les détenus partagent avec moi les plus belles histoires. C'est ce qui fait sens pour moi car je suis là pour moi, pour me connecter, pour apprendre comment me connecter avec l'autre. Au-delà de mon rôle d'instructeur ou de personne privilégiée alors que l'autre est un criminel ou un type qui suit mon cours, ou le rôle de personne qui aide et de celle qui a besoin de mon aide. Ces rôles sont oubliés. Je suis un être humain et l'autre aussi et on se retrouve. Et quand on se retrouve, quand on s'ouvre au potentiel, quand on dépasse les rôles, c'est magique. C'est magique et il en sort des choses extraordinaires. Ces types me racontent des choses vraiment extraordinaires. Un détenu avec qui je corresponds régulièrement, John, m'envoie des lettres aussi. Parfois, quand j'ai une sale journée, je relis une de ses lettres et ça me remonte le moral car ce qu'il retire de sa pratique du yoga m'inspire tellement. À la fin du cours, on remet un manuel à tous les participants. On essaie de proposer des exercices très très simples qui ne nécessitent pas beaucoup d'espace pour pratiquer du yoga. Ce n'est ni bizarre, ni ésotérique. C'est pratique et les bienfaits sont prouvés scientifiquement. Des techniques simples donc. On leur remet un manuel avec des petits exercices à faire dans un espace de la taille de ce petit tapis rouge. Cela peut transformer radicalement leur ressenti et le temps qu'ils passent en prison. Ils sont nombreux à être envoyés au centre pénitentiaire de Malmesbury, à Brandvlei Max, à Helderstroom, à Aliwal North. Mais ils continuent la pratique du yoga avec leur manuel. Ils nous écrivent et on leur répond. On les inspire et ils nous inspirent. Ils forment des groupes. Et on a des nouveaux types qui nous écrivent. Ils nous demandent un manuel pour s'exercer au yoga. On a eu un groupe de frères rastafari à Aliwal North qui ont démarré un groupe de yoga qui se réunit le jour du Sabbath. Avant leurs prières, ils s'assoient, font quelques étirements, des exercices de respiration, de la méditation et après, ils prient. Un gardien de Brandvlei North nous a téléphoné en demandant : « Que leur enseignez-vous ? Quelque chose a changé ! » J'ai demandé ce qu'il se passait. Certains détenus m'écrivaient et j'avais ma petite idée. Ils se levaient à 4 heures du matin pour faire deux heures de yoga. Ils étaient dix. Ils ont créé leur groupe de yoga et c'est ainsi que cela s'est répandu depuis Pollsmoor. C'est ça qui est super génial. Car on sait que le yoga est efficace. C'est la contribution que moi, je pouvais faire. J'avais la technique et j'y prends du plaisir mais j'aimerais parler d'autre chose les deux ou trois minutes qu'il me reste. Comment pouvez-vous aider ? Pas besoin d'être instructeur de yoga. Il n'est pas nécessaire de faire une chose aussi extravagante qu'aller dans la prison de Pollsmoor pour enseigner le yoga à des détenus. L'astuce est de trouver en vous ce que vous pensez devoir advenir, et si vous pensez que ça doit venir de vous, c'est sans doute ce que vous devrez faire ou envisager. Posez-vous la question : que puis-je faire ? Laissez venir à vous la réponse sans la chercher consciemment. Ne demandez pas aux gens, ressentez-la en vous car le cheminement du bénévolat est un cheminement pour se découvrir qui va vous faire traverser de nombreux défis et de nombreuses expériences variées quand vous vous y serez engagé. C'est peut-être ça, c'est peut-être ça. Mais ainsi, vous vous autorisez à grandir car vous trouvez des sources de motivation et cherchez les réponses en vous. Et ce que vous allez y découvrir, c'est que vous avez cette intelligence extraordinaire dans votre corps, dans votre cœur qui va vous guider. On appelle ça l'intuition. Si vous faites confiance et écoutez cette petite voix en vous et que vous la suivez, et vous êtes le témoin de cette voix chez tous les orateurs, le message est le même, si vous suivez cette voix, la vie ne vous donnera pas tout ce que vous voulez, mais vous aurez tout ce dont vous avez besoin, ces choses qui vous aideront à grandir, vous développer et à découvrir comment vous dépasser, être plus qu'un étudiant, un apprenant, ou encore aller à l'université pour étudier telle ou telle chose, dépasser ces rôles et ces étiquettes et ne pas rater notre plus grand don. Ce don, c'est le fait que nous sommes des êtres humains. Pour une raison que j'ignore encore, on ne nous apprend pas cela. On ne nous apprend pas à nous demander ce que ça signifie vraiment d'être humain, d'être un être humain. Je crois avoir découvert - j'ai compris en fait que plus je découvre ce que c'est, moins je sais ce que signifie d'être humain. Le mystère s'épaissit de plus en plus. Ce mystère est excitant. L'exploration même du mystère du sens de notre humanité est le chemin qui nous conduit vers un lieu de découverte de la liberté. Et donc, peu importe les circonstances dans votre vie, le lieu où vous êtes, derrière des barreaux ou dehors, vous serez libre... d'être un être humain. Et ça vaut la peine de chercher. Pour conclure, pour ceux qui souhaitent réfléchir au bénévolat, voici un kit de démarrage. Pour explorer ce que signifie être soi, passez cette semaine, un jour par semaine, demandez à vos proches mais sans leur expliquer la raison, faites une chose pour aider une autre personne à passer une meilleure journée, quelque chose qui rendra meilleure la journée de votre père, de votre mère, de votre sœur et à la fin de la semaine, réfléchissez-y. Qu'est-ce que vous avez ressenti et qu'avez-vous appris ? Et si vous avez appris quelque chose, vous pouvez élargir votre cercle familial. Merci beaucoup. (Applaudissements)