Incubate Pictures présente tous les 3 ans en collaboration avec le Post Carbon Institute Traduit de l'anglais par iceman_nick1982 et factsory. Sans lendemain Ceci, c'est la Terre, telle qu'elle était il y a 90 millions d'années. Cette période est nommée le « crétacé supérieur ». Un temps caractérisé par un réchauffement planétaire extrême, durant lequel les dinosaures peuplaient encore la planète. IIls vaquaient à leurs occupations, tout en haut de la chaîne alimentaire. Ils n'étaient pas conscients des changements majeurs qui s'opéraient autour d'eux. Les continents s'éloignaient les uns des autres, ouvrant de larges brèches dans la croûte terrestre, plus tard inondées pour former les océans. Les algues se multipliaient sous la chaleur extrême, entrainant un empoisonnement de l'eau. Elles mourront ensuite, par billions et tomberont au fond des failles. Les rivières entraînent des sédiments dans les mers, qui viennent recouvrir les résidus des algues. Au fil du temps, la pression augmenta, ainsi que la chaleur. S'ensuit une réaction chimique qui transforma ces déchets organiques en hydrocarbures, soit en pétrole et en gaz naturel. Un processus similaire s'est produit à l'intérieur des terres pour créer du charbon. Ce processus a pris environ 5 millions d'années à la nature pour créer les énergies fossiles consommées par l'humanité en une seule année. Notre mode de vie moderne dépend de ce long processus, même si un nombre effarant de personnes agit comme si de rien n'était. Depuis 1860, l'humanité a découvert plus de 2 billions, ou 2 mille milliards de barils de pétrole. Depuis, la population mondiale en a consommé environ la moitié. Avant d'extraire le pétrole du sol, vous devez le trouver. Au départ, c'était facile et peu coûteux. Le premier grand gisement pétrolier américain était Spindletop, découvert en 1900. Suivi de beaucoup d'autres. Puis, les géologues ont parcouru les États-Unis, trouvant d'énormes réserves de pétrole, de gaz naturel et de charbon. Les États-Unis extrayaient plus de pétrole que tout autre pays, lui permettant de devenir une superpuissance industrielle. Lorsque l'extraction commence sur un puits de pétrole, ce n'est qu'une question de temps avant que la production de celui-ci décline. Chaque puits, pris individuellement, a un niveau de production différent des autres. Lorsqu'on fait la moyenne de plusieurs, la courbe que l'on obtient prend la forme d'une cloche. En général, cela prend 40 ans à un pays, après son pic de découverte, pour qu'il atteigne son pic de production, qui précède inexorablement une phase de déclin. Dans les années 50, un géophysicien travaillant pour Shell du nom de Marion King Hubbert fit une prédiction surprenante : la production de pétrole des États-Unis atteindrait son pic au cours des années 1970, 40 ans après le pic de découverte des États-Unis. Peu l'ont pris au sérieux. Cependant, en 1970, la production américaine a atteint son pic et a commencé à décliner de façon permanente. Hubbert avait raison. À partir de ce moment, les États-Unis ont été de plus en plus dépendant de l'importation de pétrole. Cela les a rendus vulnérables aux variations de l'approvisionnement et a contribué aux crises économiques résultant des chocs pétroliers de 1973 et de 1979. Les années 30 sont marquées par un nombre record de découvertes de gisements pétroliers aux États-Unis. Malgré les avancées technologiques, les découvertes se font par la suite de plus en plus rares. Les plus récentes découvertes, tel que le gisement d'ANWAR, ne pourrait au mieux fournir que le pétrole consommé durant 17 mois. Même le gisement Jack-2 du golfe du Mexique ne fournirait que quelques mois de la demande intérieure américaine. Même s'ils contiennent une grande quantité de pétrole, aucun de ces gisements ne peut satisfaire à lui seul la demande énergétique croissante des États-Unis. Les preuves s'accumulent pour démontrer que la production de pétrole a atteint son pic ou est sur le point de le faire. Globalement, le niveau de découverte de nouveaux gisements a atteint son pic durant les années 1960. Plus de 40 ans après, le déclin dans la découverte de nouveaux gisements semble immuable. 54 des 65 pays qui produisent le plus de pétrole dans le monde ont déjà atteint leur pic de production ; la plupart des autres devraient l'atteindre dans un avenir proche. Le monde se doit de fournir l'équivalent de la production de pétrole de l'Arabie Saoudite pour pallier à l'épuisement des gisements existants. Durant les années 60, 6 barils de pétroles étaient découverts pour chaque baril consommé. 4 décennies plus tard, l'humanité consomme entre 3 et 6 barils pour chacun de ceux découverts. Une fois le pic de production mondiale de pétrole atteint, la demande excèdera largement l'offre, et le prix de l'essence fluctuera grandement, cela aura des implications bien plus importantes que le seul coût d'un plein. Nos cités modernes sont dépendantes des combustibles fossiles. Même les routes sont fabriquées à partir de l'asphalte, un produit pétrolier, ainsi que le toit de beaucoup de maisons. De vastes espaces seraient inhabitables sans chauffage durant l'hiver ou sans l'air climatisé, pendant l'été. L'étalement urbain encourage les gens à conduire plusieurs kilomètres pour se rendre au travail, aller à l'école ou se rendre au centre commercial. Les grandes villes ont réparti leur territoire en zones résidentielles et commerciales situées loin les unes des autres, forçant les gens à se déplacer en voiture. La banlieue et les agglomérations ont été conçues sous l'hypothèse d'une abondance de pétrole et d'énergie. Les composés chimiques issus des combustibles fossiles, la pétrochimie, sont essentiels dans la fabrication d'un nombre incalculable de produits. L'agriculture moderne est lourdement dépendante des combustibles fossiles, tout comme les hôpitaux, l'aviation, les systèmes de distribution d'eau, et l'armée américaine, qui à elle seule utilise annuellement environ 140 millions de barils de pétrole. Les combustibles fossiles sont également essentiels pour la fabrication de plastique et de polymères, matériaux de base des ordinateurs, des appareils de divertissement et des vêtements. L'économie mondiale dépend de la croissance infinie, qui demande l'augmentation d'une offre énergétique peu coûteuse. Nous sommes si dépendants du pétrole et d'autres combustibles fossiles, que même un changement mineur dans l'apport d'énergie peut avoir un effet catastrophique sur notre mode de vie. L'énergie L'énergie, c'est la capacité d'accomplir un travail. L'américain moyen dispose de l'équivalent énergétique de 150 esclaves, travaillant 24 heures sur 24. Les matériaux qui contiennent de l'énergie utilisée pour accomplir un travail sont appelés carburants. Certains carburants contiennent plus d'énergie que d'autres, un phénomène que l'on nomme densité d'énergie. De ces carburants, le pétrole est le plus important. Le monde consomme annuellement 30 milliards de barils, ce qui équivaut à 5 kilomètres cube de pétrole, ou l'équivalent énergétique de 52 centrales nucléaires fonctionnant sans arrêt pendant les 50 prochaines années. Bien que le pétrole ne génère que 1,6% de l'électricité américaine, il fournit l'énergie de 96% de tous les moyens de transports. En 2008, les deux tiers du pétrole utilisé aux États-Unis était importé, majoritairement du Canada, du Mexique, de l'Arabie Saoudite, du Vénézuela, du Nigeria, de l'Irak et de l'Angola. Plusieurs facteurs font du pétrole un produit unique : sa forte densité d'énergie. Un baril de pétrole contient l'équivalent en énergie de près de 3 ans de travail humain. Il est liquide à température ambiante, facile à transporter et utilisable dans de petits moteurs. Pour recueillir de l'énergie, il vous faut en utiliser. Le truc, c'est de consommer moins d'énergie pour en trouver que ce qu'on obtient en l'extrayant. C'est ce qu'on appelle le taux de retour énergétique En anglais, EROEI – Energy Return on Energy Invested Le pétrole conventionnel est un bon exemple. Le pétrole brut facile d'extraction a été pompé en premier. Les producteurs utilisaient l'équivalent en énergie d'un baril de pétrole pour en trouver et en extraire 100. Le taux de retour énergétique était de 100. Comme le pétrole facile d'accès a été pompé en premier, l'exploration s'est déplacée vers des sources en haute mer, ou dans de lointains pays, ce qui requiert une dépense d'énergie plus importante. Souvent, le pétrole brut que l'on découvre aujourd'hui est épais ou sulfureux, et est plus coûteux à raffiner. Le taux de retour énergétique est seulement de 10. Si on utilise plus d'énergie pour produire le pétrole qu'il n'en contient, ça ne vaut pas la peine de l'extraire. Il est possible de convertir une source d'énergie en une autre. Quand on procède ainsi, une partie de l'énergie contenue dans le combustible originel est perdue. Par exemple, il existe des pétroles non-conventionnels : les sables bitumineux et les shales (improprement appelés schistes). On trouve majoritairement les sables bitumineux au Canada. Les deux tiers des shales du monde sont situés aux États-Unis. Ces deux combustibles peuvent être transformés en pétrole conventionnel. Toutefois, ce procédé requiert de grandes quantités de chaleurs et d'eau douce, réduisant leur taux de retour énergétique, entre cinq et un et demi. Les shales sont des carburants exceptionnellement pauvres, qui à poids équivalent contiennent environ un tiers de l'énergie contenue dans une boîte de céréales du petit déjeuner. Le charbon est disponible en grande quantité, et fournit environ la moitié de la demande d'électricité de la planète. Le monde utilise près de 8 kilomètres cube de charbon chaque année. Toutefois, la production totale de charbon pourrait atteindre un pic avant 2040. L'hypothèse selon laquelle les États-Unis disposent de charbon pour encore plusieurs siècles est trompeuse, puisqu'elle ne prend pas en compte la hausse de la demande et sa qualité moindre. La plupart du charbon anthracite de bonne qualité est déjà épuisé, laissant le charbon de moindre qualité qui contient moins d'énergie. Cela entraine des problèmes de production, puisque le charbon de surface est déjà extrait, les mineurs doivent donc creuser plus profond, dans des endroits moins accessibles. Ils vont même jusqu'à détruire des montagnes pour atteindre le charbon, sans se soucier des conséquences environnementales dramatiques. Le gaz naturel est souvent découvert près de sources de pétrole et de charbon. Les découvertes de gaz naturel ont atteint un pic durant les années 50 et la production, quant à elle, au début des années 70. Si l'on déplace de 23 ans vers le futur le graphique des découvertes, l'avenir possible de la production de gaz naturel en Amérique du Nord nous apparaît très clairement. De nouvelles techniques, qui permettent l'extraction de gaz naturel non-conventionnel tel que le gaz de shales, pourrait aider à repousser le déclin de production pour quelques années. Cependant, le gaz provenant des shales est controversé, puisqu'il nécessite des prix élevés pour être profitable. Même en ajoutant les gaz non-conventionnels, il est possible que nous voyions un pic de production de gaz naturel au niveau mondial d'ici 2030. De larges réserves d'uranium, nécessaires à la fission nucléaire, existent. Remplacer les 10 térawatts actuellement produits par la combustion des énergies fossiles, nécessiterait 10 000 centrales nucléaires. À cette vitesse, les réserves connues d'uranium ne pourraient qu'être utilisées pendant 10 à 20 ans. Les expériences de surgénération effectuées avec du plutonium dans des réacteurs en France et au Japon ne sont que de coûteux échecs. La fusion nucléaire bute sur de grands obstacles techniques. Puis, nous avons les énergies renouvelables. Le vent a un grand taux de retour énergétique, mais est intermittent. L'hydroélectricité est fiable, mais la plupart des fleuves dans le monde développé disposent déjà de barrages. Les centrales géothermiques conventionnelles se servent de zones chaudes près de la surface de la Terre. Elles sont confinées à ces zones. Dans les systèmes expérimentaux de géothermie avancés (EGS) deux tubes sont enfouis dans le sol jusqu'à 10 kilomètres de profondeur. De l'eau est pompée dans un de ces tuyaux vers le sous-sol, est réchauffée puis remonte dans le second tube pour générer de l'électricité. Selon un rapport récent du MIT, cette technologie pourrait fournir 10% de l'électricité américaine d'ici 2050. L'énergie des vagues est restreinte aux régions côtières. La densité d'énergie des vagues varie d'une région à l'autre. Transporter de l'électricité produite par l'énergie des vagues à l'intérieur des terres est un défi. En outre, l'eau salée des océans est corrosive pour les turbines. Les biocarburants sont produits à partir de matière végétale. Le bois a une faible densité énergétique et pousse lentement. Le monde utilise 15 kilomètres cube de bois chaque année. Le biodiesel et l'éthanol proviennent d'une agriculture dépendante du pétrole. Le gain énergétique de ces carburants est très bas. Certains politiciens parlent de convertir du maïs en éthanol. Utiliser cet éthanol pour subvenir à un dixième (1/10) de la demande estimée d'essence aux États-Unis en 2020, nécessiterait la conversion de 3% de la surface des États-Unis. Pour fournir le tiers de la consommation d'essence, cela nécessiterait 3 fois l'espace maintenant utilisé pour faire pousser du maïs. Fournir l'ensemble de la consommation pétrolière américaine en 2020 nécessiterait le double de surface utilisée pour faire pousser la nourriture. L'hydrogène doit être extrait du gaz naturel, du charbon ou de l'eau, ce qui requiert plus d'énergie que ce qu'on obtient. Cela rend peu probable une économie basée sur l'hydrogène. L'ensemble des panneaux solaires photovoltaïques du monde produisent autant d'électricité que deux centrales thermiques au charbon. L'équivalent d'entre une et quatre tonnes de charbon sont utilisés dans la fabrication d'un seul panneau solaire. Il faudrait recouvrir une surface de 360 000 kilomètres carré avec des panneaux solaires pour combler la demande mondiale actuelle. En 2007, ces panneaux recouvraient environ 10 kilomètres carré. Une centrale solaire thermodynamique, ou centrale solaire thermique, a beaucoup de potentiel, bien qu'en ce moment un nombre limité de centrales soit en opération. Elles sont également confinées à des climats ensoleillés et nécessitent que de grandes quantités d'électricité soient transmises sur de longues distances. Toutes ces énergies alternatives au pétrole dépendent de machinerie fonctionnant au pétrole, ou requièrent des matériaux tels que des plastiques produits avec du pétrole. Face à des affirmations quant à d'extraordinaires nouveaux carburants ou inventions, demandez-vous : est-ce que la personne qui les prône détient un modèle commercial en état de marche ? Quelle est sa densité énergétique ? Est-ce que c'est possible d'emmagasiner et de distribuer l'énergie facilement ? Est-ce que c'est fiable ou intermittent ? Est-ce qu'on peut l'étendre à l'échelle nationale ? Cachent-ils des problèmes de conception ? Quel est le taux de retour énergétique ? Quels sont les impacts environnementaux ? Souvenez-vous que de grands chiffres peuvent être trompeurs. Par exemple : 1 milliard de barils de pétrole ne vont combler la demande mondiale que pour 12 jours. Une transition à partir des combustibles fossiles serait un défi colossal. En 2007, le charbon produisait 48,5% de l'électricité américaine, 21,6% provenait du gaz naturel, 1,6% provenait du pétrole, 19,4% du nucléaire, 5,8% de l'hydroélectricité, les autres énergies renouvelables ne généraient que 2,5%. Est-il possible de remplacer un système basé sur les combustibles fossiles avec une mosaïque d'alternatives ? De grandes avancées technologiques sont nécessaires, tout comme une volonté politique et de la coopération, des investissements massifs, un consensus international, un réaménagement des 45 mille milliards de dollars de l'économie mondiale, incluant les transports, les industries manufacturières et les systèmes agraires, en plus des responsables compétents nécessaires à la transition. Peut-on réussir cela en ne changeant rien à notre mode de vie? La croissance Ces bactéries vivent à l'intérieur d'une bouteille. Leur population double à chaque minute. À 11:00, il n'y a qu'une bactérie. À midi, la bouteille est pleine. Elle est à moitié pleine à 11:59, laissant seulement assez d'espace pour qu'elle ne puisse encore doubler qu'une seule fois. Les bactéries ont conscience du danger qui les guette. Elles cherchent alors de nouvelles bouteilles et en trouvent 3. Elles pensent avoir réglé leur problème. À midi, la première bouteille est pleine. À 12:01, la seconde bouteille est pleine. À 12:02, toutes les bouteilles sont pleines. C'est le problème auquel nous devons faire face, en raison des effets de la croissance exponentielle. Quand l'humanité a commencé à utiliser le charbon et le pétrole comme source de carburants, elle a fait face à une croissance sans précédent. Même à un taux bas, la croissance devient très importante après un certain temps. À un taux de 1%, une économie doublera en 70 ans. À un taux de 2%, elle doublera en 35 ans. À un taux de 10%, une économie doublera en seulement 7 ans. Si l'économie croît à l'actuel taux d'environ 3%, elle doublera tous les 23 ans. À chaque dédoublement, la demande en énergie et en ressources dépassera celle de tous les autres dédoublements combinés. Le système financier est construit sur l'hypothèse de la croissance – ce qui requiert toujours plus d'énergie pour la supporter. Les banques prêtent de l'argent, qu'elles n'ont pas, pour la créer. Les emprunteurs utilisent ce nouveau capital pour faire croître leurs entreprises, et payer les dettes que cela occasionne, en plus des intérêts ce qui requiert encore plus de croissance. En raison de cette création monétaire à partir de dettes, la plupart de l'argent qui circule en ce moment dans le monde correspond à une dette dont les intérêts restent à payer. Sans apport continuel de nouvelles générations d'emprunteurs, toujours plus importantes, pour produire de la croissance, et ainsi payer ces dettes, l'économie mondiale va s'effondrer. Comme une chaîne de Ponzi, le système doit croître ou mourir. En partie à cause de ce système d'endettement, spectaculaires ont été les effets de la croissance économique : sur le PIB, la construction de barrages sur les fleuves, la consommation d'eau, la consommation d'engrais, la population urbaine, la consommation de papier, le nombre de véhicules automobiles, les télécommunications et le tourisme. La population mondiale s'est accrue jusqu'à 7 milliards d'individus, et devrait dépasser 9 milliards d'ici 2050. Sur une planète plane, infinie, ceci ne serait peut-être pas un problème. Or, puisque la terre est ronde et qu'elle a une limite, nous devrons faire face tôt ou tard aux limites de la croissance. La croissance économique a entraîné une augmentation de la concentration d'oxyde nitrique et de méthane dans l'atmosphère, la réduction de la couche d'ozone, l'augmentation du nombre d'inondations, des dommages aux écosystèmes océaniques, incluant le ruissellement des nitrates, la déforestation, une augmentation de la surface de terres utilisées par l'Homme et l'extinction de nombreuses espèces. Imaginons que l'on place un seul grain de riz sur la première case d'un échiquier, on double ce nombre et on place 2 grains sur la seconde, on le double encore et on en met 4 sur la troisième, on double à nouveau et on en place 8 sur la quatrième. En continuant de cette façon, toujours en déposant le double du nombre de grains qui était sur la case précédente, atteindre le dernier carré nécessite une quantité astronomique de grains. 9 trillions, 223 billards, 372 billions, 36 milliards, 854 millions, 776 mille grains de riz : plus de grains que la race humaine n'en a produit au cours des 10 000 dernières années. Les économies modernes, tout comme les grains de riz sur l'échiquier, doublent après quelques décennies. Sur quelle case de l'échiquier sommes-nous ? En plus de l'énergie, les civilisations nécessitent de nombreuses ressources essentielles : de l'eau potable, de la terre cultivable, de la nourriture, des forêts, en plus de divers minéraux et métaux. La croissance est limitée par la plus rare de ces ressources essentielles. Un tonneau est fabriqué avec des planches de bois, et comme l'eau que l'on stocke dans le tonneau, la croissance ne peut aller au-delà de la planche la plus courte, ou la plus limitée des ressources essentielles. L'humain utilise présentement 40% de toutes les activités de photosynthèse de la Terre Même s'il était possible d'en utiliser 80%, il nous serait impossible d'atteindre 160%. La nourriture L'approvisionnement mondial en nourriture repose fortement sur les combustibles fossiles. Avant la Première Guerre mondiale, toute l'agriculture était biologique. Suite à l'apparition d'engrais et de pesticides à base de pétrole, d'importantes améliorations ont été faites, permettant une augmentation de la population humaine. L'utilisation d'engrais artificiels a nourri bien plus de personnes que ce qui aurait été possible avec l'agriculture biologique seule. Les combustibles fossiles sont nécessaires pour alimenter les équipements des fermes, le transport, la réfrigération, l'emballage – en plastique – et la transformation. L'agriculture moderne utilise la terre pour transformer des combustibles fossiles en nourriture – et la nourriture en population. Environ 7 calories d'énergie provenant de combustibles fossiles sont utilisées pour produire 1 calorie alimentaire. Aux États-Unis, la nourriture voyage environ 2 500 kilomètres pour se rendre de la ferme au consommateur. En plus de la raréfaction des carburants fossiles, il y a plusieurs autres menaces à l'actuel système de production de nourriture : l'énergie peu coûteuse, de meilleures technologies et de généreuses subventions ont entraîné une surpêche. Le nombre de prises de poisson au niveau mondial a atteint un pic à la fin des années 80, forçant les pêcheurs à s'éloigner des côtes. L'utilisation d'engrais fabriqués à partir de combustibles fossiles a empoisonné des rivières et mers, créant ainsi d'énormes zones mortes. À ce rythme, toutes les populations de poissons pourraient s'éteindre d'ici 2048. Les pluies acides, provenant des villes et des industries, vident le sol de ses nutriments essentiels, tel que le potassium, le calcium et le magnésium. Une autre menace est le manque d'eau. Beaucoup de fermes pompent l'eau de sources aquifères souterraines pour irriguer les cultures. L'aquifère a besoin de milliers d'années pour se remplir, mais peut être asséché en quelques décennies, tout comme les puits de pétrole. Aux États-Unis, l'aquifère géant de Ogallala a atteint un niveau si bas que de nombreux agriculteurs ont dû revenir à des cultures sèches moins productives. En outre, l'irrigation et l'utilisation d'engrais peuvent entrainer la salinisation : l'accumulation de sel dans le sol. C'est une des causes principales de la désertification. Une autre menace est l'érosion des sols. Il y a de cela 200 ans, il y avait environ 2 mètres de terre fertile sur les Prairies des États-Unis. Aujourd'hui, en raison des labours et des pratiques industrielles, environ la moitié de cette terre est disparue. L'irrigation entraine le développement de parasites, comme le champignon de la rouille noire. Ce champignon a le potentiel de détruire 80% des récoltes mondiales de grain. Selon Norman Borlaug, le père de la Révolution Verte, la rouille noire « a un immense potentiel de destruction sociale et humaine ». L'utilisation de biocarburants signifie que moins de terres seront disponibles pour produire de la nourriture. Une surface possède une limite de capacité. C'est le nombre d'animaux ou d'êtres humains qui peuvent y vivre indéfiniment. Si une espèce dépasse la limite de capacité de cet endroit, elle se réduira d'elle-même jusqu'à ce que la population revienne à l'intérieur des limites naturelles. L'humain a trouvé le moyen d'éviter cette menace en découvrant de nouvelles terres à cultiver ou en augmentant la production de celles qu'il utilisait déjà, ce qui a été rendu possible seulement en raison de l'apport du pétrole. Pour continuer à croître, plus de ressources sont nécessaires que ce que la Terre peut fournir, mais aucune nouvelle planète n'est disponible. Face à tous ces défis, la production alimentaire doit doubler d'ici 2050 pour nourrir une population mondiale toujours grandissante. 1 milliard de personnes sont déjà mal nourries ou meurent de faim. Ce sera un défi de nourrir plus de 9 milliards de personnes dans les années à venir, quand la production de pétrole et de gaz naturel sera en déclin. Une fin heureuse L'économie mondiale croît exponentiellement, environ 3% par année, consommant toujours plus de carburants non-renouvelables, de minéraux et de métaux, en plus des ressources renouvelables telles que l'eau, la forêt, le sol et les poissons, à un rythme trop élevé pour qu'ils puissent se renouveler. Même à un taux de croissance de 1%, l'économie doublera chaque 70 ans. Le problème s'intensifie avec l'ajout d'autres facteurs : la mondialisation permet aux gens sur un continent d'acheter des biens et de la nourriture produits sur un autre. Les lignes d'approvisionnement sont longues, mettant la pression sur nos ressources pétrolières limitées. Nous comptons dorénavant sur de lointains pays pour combler nos besoins de base. Les villes modernes sont dépendantes des carburants fossiles. La majorité du système bancaire est basé sur la dette, emportant les gens dans un engrenage de prêts et de remboursements pour générer de la croissance. Que pouvons-nous faire pour affronter tous ces problèmes? Beaucoup croient que la crise peut être évitée par l'efficacité énergétique, la technologie, la croissance intelligente, le recyclage, les voitures électriques et hybrides, le changement, ou par le vote. L'efficacité énergétique vous fera économiser de l'argent, mais seule, elle ne sauvera pas la planète. Si quelques personnes réduisent leur consommation de pétrole, la réduction de la demande réduira les prix, permettant aux autres de se le procurer à moindre coût. Dans le même ordre d'idée, un moteur plus efficace qui utilise moins d'énergie va, paradoxalement, entraîner une hausse de l'utilisation d'énergie. Au XIXe siècle, l'économiste anglais William Stanley Jevons a réalisé que de meilleurs moteurs à vapeur ont rendu le charbon moins cher, entrainant une hausse du nombre de ces moteurs, et donc de la consommation totale de charbon. L'augmentation de l'efficacité énergétique va consommer toute énergie ou ressource ainsi sauvegardée. Beaucoup croient que les scientifiques vont résoudre ces problèmes via de nouvelles technologies. Toutefois, une technologie n'est pas de l'énergie. La technologie peut transformer de l'énergie en travail, mais ne peut pas la remplacer. Cela dévore également des ressources : par exemple, les ordinateurs sont fabriqués avec un dixième de l'énergie requise pour fabriquer une voiture. Les technologies dites avancées peuvent même empirer la situation, puisque beaucoup nécessitent des minéraux rares, qui approchent également leurs limites. Par exemple, 97 % des terres rares de la planète sont produites par la Chine, la plupart d'une seule mine en Mongolie intérieure. Ces minéraux entrent dans la fabrication de convertisseurs catalytiques, de moteurs d'avions, d'aimants supraconducteurs et de disques durs, de batteries pour voitures hybrides, de lasers, de générateurs de rayons X portables, de blindage pour les réacteurs nucléaires, de disques compacts, de moteurs de véhicules hybrides, de lampes fluocompactes, de fibres optiques et de téléviseurs à écran plat. La Chine a commencé à réfléchir à la restriction de l'exportation de ces minéraux, en raison de la hausse de la demande. Le développement durable ou la croissance intelligente ne seront d'aucune aide, puisqu'ils utilisent également des métaux et minéraux non-renouvelables en plus grandes quantités, incluant les terres rares. Le recyclage ne réglera pas le problème, puisqu'il requiert de l'énergie, et le processus n'est pas efficace à 100 %. Il est seulement possible de convertir une fraction du matériel recyclé ; une grande partie est perdue pour toujours, envoyée aux ordures. Les voitures électriques nécessitent de l'électricité. Puisque la plupart de l'énergie est générée à partir de combustibles fossiles, ce n'est pas une solution. De plus, la construction de tout type de voitures nécessite du pétrole. Chaque pneu est fabriqué avec environ 27 litres de pétrole. Il y avait environ 800 millions de voitures dans le monde en 2010. Au rythme de croissance actuel, ce chiffre pourrait atteindre 2 milliards d'ici 2025. Il est peu probable que la planète puisse supporter autant de véhicules pour longtemps, indépendamment de leur source d'énergie. Beaucoup d'économistes croient que le libre marché va substituer une source d'énergie par une autre avec l'innovation technologique. Toutefois, les principaux substituts du pétrole feront également face à leur propre déclin. Tout changement de source d'énergie doit prendre en compte le temps nécessaire à la transition. Le rapport Hirsch du Département américain à l'Énergie estime qu'il faut au moins 2 décennies pour se préparer aux effets du pic pétrolier. Les problèmes de raréfaction des sources d'énergie, de l'épuisement des ressources, de la perte de la terre arable, et de la pollution sont tous des symptômes d'un seul problème, plus large : la croissance. Tant que notre système financier requiert une croissance infinie, les réformes vont échouer. À quoi le futur pourra bien ressembler ? Les optimistes croient que la croissance continuera éternellement, sans limite. Les pessimistes pensent que nous nous dirigeons tout droit vers un nouvel âge de pierre, ou même vers l'extinction. La vérité se situe probablement entre ces deux extrêmes. Il est possible que notre société retourne à un état plus simple, dans lequel nos besoins énergétiques seraient bien moindres. Cela signifie que la vie sera plus dure pour la plupart d'entre nous. Plus de travail manuel, plus de travail à la ferme, et la production locale de biens, de nourriture et de services. Qu'est-ce qu'une personne doit faire pour se préparer en vue de ce possible futur ? Prévoyez une baisse d'importations de nourriture et de biens de consommation provenant d'endroits éloignés. Commencez à marcher ou à faire de la bicyclette. Préparez-vous à utiliser moins d'électricité. Réglez vos dettes. Tentez d'éviter les banques. Au lieu de faire ses courses dans de grands centres commerciaux, encouragez les entreprises locales. Achetez de la nourriture produite localement, directement au producteur. Au lieu d'avoir une pelouse, pensez à faire pousser votre propre nourriture. Apprenez à la conserver. Réfléchissez à l'utilisation de monnaies locales, au cas où les grands systèmes économiques ne fonctionnent plus, et développez l'auto-suffisance. Aucunes de ces actions n'évitera l'effondrement, mais elles pourraient améliorer vos chances dans un futur à basse consommation d'énergie, où nous nous devons d'être auto-suffisants, tout comme nos ancêtres l'étaient.