Que voyez-vous ?
La plupart d'entre vous voit un barbier,
mais je vois une chance :
une chance pour la santé,
une chance pour une santé équitable.
Pour les hommes noirs,
un barbier n'est pas que l'endroit
où on coupe vos cheveux,
où on taille votre barbe.
Non, c'est bien plus que ça.
Historiquement, le barbier
était le refuge des hommes noirs.
C'est un lieu ouvert à l'amitié,
la solidarité et le réconfort.
C'est un endroit où l'on va
pour fuir le stress
ou les affres du travail
et parfois même la vie de famille.
C'est un lieu où on n'a pas à s'inquiéter
de la façon dont nous sommes vus
par les autres.
C'est un lieu dans lequel
on ne se sent pas menacé,
ni menaçant.
C'est un lieu de loyauté et de confiance.
Pour cette raison,
c'est l'un des rares endroits où nous
pouvons être nous-mêmes sans crainte
et simplement... discuter.
La discussion, le bavardage,
la conversation,
c'est l'essence même du barbier noir.
Je me souviens être allé chez le barbier
avec mon père étant petit.
Nous allions chez M. Mike, barbier,
chaque samedi.
Et réglé comme une horloge,
le même groupe d'hommes était présent
chaque fois qu'on venait,
soit attendant
leur barbier préféré
ou profitant simplement de l'ambiance.
Je me souviens des salutations joviales
qui nous accueillaient chaleureusement
chaque fois que nous venions.
« Salut Rev, » disaient-ils à mon père.
C'était le pasteur local
et ils le traitaient comme une star.
« Salut jeune homme, comment ça va ? »
me disaient-ils,
et je me sentais aussi important.
Je me rappelle de l'immense variété
des conversations.
Les hommes parlaient de politique,
de sport et de musique,
des informations internationales,
des informations nationales,
des infos de quartier.
Ils parlaient des femmes
et de ce que c'était que d'être
un homme noir en Amérique.
Mais souvent, ils parlaient de santé.
Les discussions sur la santé
étaient longues et profondes.
Les hommes rapportaient
les recommandations du médecin
d'arrêter le sel dans leurs repas
ou de manger moins de plats frits
ou d'arrêter de fumer
ou de diminuer le stress.
Ils parlaient des différents moyens
de réduire le stress,
comme en se simplifiant
la vie amoureuse -
(Rires)
tous les moyens pour
traiter l'hypertension.
On parle beaucoup d'hypertension
chez le barbier.
C'est parce que presque 40%
des hommes noirs en souffrent.
Ce qui signifie que
presque chaque homme noir
souffre d'hypertension
ou connait un homme noir qui en souffre.
Parfois, ces conversations chez le barbier
parlaient de ce qui se passe
quand l'hypertension
n'est pas traitée correctement.
« Hé, vous savez pour Jimmy ?
Il a fait un AVC. »
« Vous savez pour Eddie ?
Il est mort la semaine dernière.
Crise cardiaque.
Il avait 50 ans. »
Les hommes noirs meurent d'hypertension
plus que de quoi que ce soit d'autre,
bien que des dizaines d'années
de recherches médicales et scientifiques
aient montrées que la mort
par hypertension peut être évitée
grâce à un diagnostic précoce
et un traitement approprié.
Alors pourquoi l'hypertension est-elle
si mortelle pour les hommes noirs ?
Parce que trop souvent,
l'hypertension est soit non traitée
soit mal traitée chez les hommes noirs,
en partie à cause de notre faible
implication dans le système médical.
Les hommes noirs, en particulier
ceux souffrant d'hypertension,
ont moins souvent
un médecin traitant
que d'autres groupes.
Mais pourquoi?
Certaines de nos premières recherches
sur la santé des hommes noirs
ont révélé que pour beaucoup, le cabinet
du médecin est associé à la peur,
la méfiance,
le mépris,
et des désagréments inutiles.
Le cabinet du médecin est juste un endroit
où on va quand on ne sent pas bien.
Et quand vous y allez,
vous attendez pendant des heures
pour n'avoir que des réponses évasives
et être examiné par quelqu'un
en blouse blanche
qui n'a que 10 minutes à vous accorder
et qui ne s'intéresse pas au dialogue.
Ce n'est donc pas étonnant que certains
hommes ne veulent pas s'embêter
et évitent simplement d'aller
chez le médecin,
surtout s'ils se sentent bien.
Mais c'est là que se trouve le problème.
Vous pouvez vous sentir bien
alors que l'hypertension
dévaste vos organes vitaux.
Voici Denny Moe,
propriétaire à Harlem du
Denny Moe's Superstar Barbershop.
J'ai la chance d'avoir Denny
comme barbier depuis maintenant 8 ans.
Il m'a dit un jour :
« Hey Doc, tu sais,
beaucoup de Noirs font plus confiance
à leur barbier qu'à leur médecin. »
Ça m'a étonné,
au début,
mais beaucoup moins
quand on y réfléchit.
Les hommes noirs ont le même barbier
depuis aussi longtemps
que moi et Denny,
environ huit ans.
Et les hommes noirs voient leur barbier
environ toutes les 2 semaines.
Vous ne faites pas seulement confiance
à votre barbier pour le look et le style,
mais vous lui confiez aussi vos secrets
et parfois votre vie.
Denny, comme beaucoup de barbiers,
est plus qu'un simple artiste,
un homme d'affaires et un confident.
C'est un meneur et un représentant passionné
pour le bien-être de sa communauté.
La toute première fois que je suis entré
chez Denny Moe,
il ne faisait pas que couper des cheveux.
Il était aussi en train d'organiser
une campagne d'inscription des électeurs
pour donner une voix à ses clients
et à sa communauté.
Avec ce type d'activisme,
et d'investissement communautaire
typique du barbier noir,
le barbier est bien sûr
l'endroit idéal
pour parler d'hypertension et des autres
problèmes de santé de la communauté.
D'abord, le barbier
n'est pas un contexte médical,
et il n'a donc pas tout le poids
psychologique négatif
qui va avec.
Quand vous êtes chez un barbier,
vous êtes dans votre territoire,
et vous êtes avec des amis
qui partagent votre histoire,
votre combat et vos soucis de santé.
Ensuite, parce que le barbier
est un lieu de connexion,
de loyauté et de confiance,
c'est un endroit où vous êtes plus ouvert
à une conversation sur la santé
et surtout sur l'hypertension.
Après tout,
les discussions sur l'hypertension ont
tous les éléments d'une bonne conversation :
le stress et l'hypertension,
l'alimentation et l'hypertension,
les relations et l'hypertension,
et oui, ce que c'est que d'être
un homme noir aux USA
et l'hypertension.
Mais vous pouvez faire plus
que parler d'hypertension
chez le barbier.
Vous pouvez prendre des actions concrètes.
Nous avons ici l'opportunité de
nous associer aux Denny Moe du monde
et de permettre aux communautés
de résoudre les inégalités de santé
qui les affectent particulièrement.
Quand le dépistage de l'hypertension
s'est étendu des cliniques et hôpitaux
aux communautés
dans les années 1960 et 1970,
des médecins noirs comme
le Dr. Eli Saunders à Baltimore
et le Dr. Keith Ferdinand
à la Nouvelle Orléans
étaient à l'avant-garde pour promouvoir
la santé aux communautés
dans les quartiers noirs.
Ces pionniers ont tracé le chemin
de mon voyage professionnel
avec les barbiers et la santé,
qui a commencé à Chicago
en faculté de Médecine.
Le tout 1er projet de recherche sur lequel
j'ai travaillé en tant qu'étudiant
était d'aider à créer
des interventions médicales
qui attireraient les hommes noirs.
Nous avons créé une douzaine
de groupes d'étude
avec une large proportion d'hommes noirs,
et nous avons appris d'eux
qu'être en bonne santé venait autant
du fait d'être vu comme en bonne santé
que de se sentir en bonne santé,
et que se sentir bien allait avec
soigner son apparence.
Ce travail a conduit au développement
du Projet Fraternité,
une clinique communautaire
fondée par le Dr. Eric Whitaker
qui a fourni un service de santé
sur mesure pour les hommes noirs.
Une partie de ces soins sur mesure
impliquait d'avoir un barbier
dans les locaux
pour récompenser les hommes qui venaient
réaliser des soins
par une coupe de cheveux gratuite,
pour leur faire savoir que nous accordions
autant d'importance à leur image
qu'à ce qu'ils ressentaient,
et que ce qui était important pour eux
l'était aussi pour nous.
Mais alors qu'il n'y a qu'un seul
Projet Fraternité,
il y a des milliers de barbiers noirs
où le croisement de la santé et
des coupes de cheveux peut être développé.
L'arrêt suivant dans mon voyage
était Dallas au Texas,
où j'ai appris que les barbiers
n'étaient pas seulement désireux
mais aussi pleinement capables de
retrousser leurs manches et de participer
pour donner les soins nécessaires
pour améliorer la santé de leurs clients
et de leur communauté.
Nous nous sommes associés avec
un incroyable groupe de barbiers noirs
et nous leur avons appris
à prendre la tension
et à conseiller leurs clients
et les orienter vers des médecins
pour les aider à traiter l'hypertension.
Les barbiers n'étaient pas seulement
volontaires,
ils étaient aussi très doués pour ça.
Sur une période de 3 ans,
les barbiers ont mesuré
des milliers de tensions artérielles
amenant des centaines d'hommes noirs
à être orientés vers des médecins
pour une prise en charge médicale
de leur hypertension.
Ces partenariats barbier-médecin
ont entrainé une augmentation
de 20% du nombre d'hommes
qui ont réussi à retrouver
une tension normale
et une baisse de 3 points en moyenne
de la tension de chaque participant.
Si nous extrapolions
cette baisse de 3 points
à chaque homme noir
souffrant d'hypertension aux USA,
nous pourrions empêcher
800 infarctus, 500 AVC et 900 décès
liés à l'hypertension
en seulement un an.
Et notre expérience avec les barbiers
a été similaire à New York,
où mon voyage m'a aujourd'hui mené.
Avec une équipe incroyable
de chercheurs variés,
de travailleurs de santé
et de volontaires,
nous avons pu nous associer
avec plus de 200 barbiers
et d'autres personnalités de confiance
de la communauté
pour atteindre plus de 7000 hommes noirs
plus âgés.
Nous avons offert un dépistage
de l'hypertension et des conseils
à chacun d'entre eux.
Grâce à Denny Moe
et à une myriade d'autres barbiers
et de leaders de la communauté
qui partageaient la vision
d'opportunité et d'autonomie
pour faire la différence
dans leurs communautés,
nous n'avons pas juste été capables
de réduire la tension
de nos participants,
mais aussi d'avoir un impact
sur d'autres indicateurs de santé.
Que voyez-vous?
Quel est votre barbier?
Quel est pour vous cet endroit
où les gens souffrant
d'un problème spécifique
peuvent trouver une solution spécifique ?
Quand vous trouverez cet endroit,
saisissez l'opportunité.
Merci.
(Applaudissements)