Le web 3.0. Les objets connectés.
On nous parle d'une grande
révolution en marche.
Les objets du quotidien,
les tables, les chaises,
notre télé, le réfrigérateur,
vont être reliés à l'Internet.
On va pouvoir raconter l'histoire,
d'un réfrigérateur qui saura
que vous devez racheter de la bière,
parce que votre agenda lui aura dit
que votre ami d'enfance
allait passer samedi prochain.
On pourra raconter
l'histoire de votre agenda
qui aura dit à votre télévision,
de vous envoyer de la publicité
pendant toute la semaine
pour vous faire acheter
des chips au paprika.
(Rires)
Vous pourrez surement
les commander en ligne,
vous pourrez même les télécharger
si les grandes équipes qui travaillent
aujourd'hui sur ces projets avancent bien.
Dans les grands laboratoires américains,
les équipes travaillent aujourd'hui
à construire ces technologies
pour rendre ce monde réel.
Les ordinateurs sont reliés entre eux,
les bases de données
sont reliées entre elles,
des algorithmes puissants
analysent les données,
et font les recoupements qui permettent
aux fournisseurs de vendre des produits.
Le bon produit, à la bonne
personne, au bon moment.
Je suis Vigile Hoareau,
docteur en psychologie cognitive,
spécialisé en intelligence artificielle.
J'ai travaillé dans le cadre de ma thèse
sur ces algorithmes qui vous fournissent
automatiquement du contenu,
afin de vous faire consommer
plus de vidéos en ligne
ou vous faire lire plus d'articles.
La société dans laquelle
on vit aujourd'hui,
cherche à nous fournir, le bon produit,
à la bonne personne, au bon moment.
Mais cela représente une contrepartie
au niveau technologique.
Il faut réussir à construire
les technologies,
qui permettent de capter
le maximum d'informations,
sur chaque individu, à chaque instant.
Le maximum d'informations,
à chaque individu, à chaque instant.
Et c'est là que le système
peut devenir invasif.
En 2002, aux États-Unis,
la chaîne de magasins Target,
envoie une publicité
à une adolescente de 16 ans,
pour lui proposer des promotions
sur des articles pour femmes enceintes.
Le père de la jeune fille
ouvre la boite aux lettres
et tombe sur cette publicité.
Furieux, il va contacter
le responsable du magasin Target.
Souhait-on inciter sa fille de 16 ans
à tomber enceinte ?
Le responsable du magasin s'excuse,
et un peu inquiet, rappelle
le père 15 jours plus tard.
À ce moment-là, c'est le père qui s'excuse
auprès du responsable du magasin.
Il a appris entre temps que sa fille
était effectivement enceinte.
Que s'est-il passé ?
Target avait lancé un programme
de profilage des utilisateurs,
spécialement dédié à la détection
des femmes enceintes
dès le troisième ou le quatrième mois,
à partir de l'analyse des achats
que faisaient les clientes.
Non pas d'achats spécifiquement liés
au fait d'être enceinte,
comme des pilules
ou des tests de grossesse,
mais plutôt la détection d'un changement
de taille dans les vêtements,
[et] l'achat de certaines crèmes,
à un moment donné, dans un ordre donné.
La société dans laquelle nous vivions,
est une société de la captation
des données des utilisateurs.
Le bon produit, à la bonne
personne, au bon moment,
et les technologies qui captent
le maximum d'informations,
sur chaque individu, à chaque instant.
Dit comme cela,
on quitte l'univers du centre commercial
avec musique d'ambiance,
pour se rapprocher du monde carcéral
et de la surveillance.
Le monde de la surveillance.
Au 18ème siècle, Jeremy Bentham
décrit un modèle de prison,
qui permet aux gardiens de surveiller
chaque prisonnier, à chaque instant,
sans qu'un prisonnier puisse savoir
si il est surveillé à un moment donné.
Ce style de prison
s'appelle un panoptique.
Vous en voyez ici un exemple cubain.
Depuis les révélations d'Edward Snowden
sur la captation des communications
de l'ensemble des utilisateurs
au niveau mondial
par la NSA via les services du web,
de nombreuses voix se sont élevées
pour signaler le danger
que ça pouvait représenter
pour la liberté d'expression,
la liberté d'opinion,
et la démocratie elle-même.
Le monde digital dans lequel nous vivons,
s’inspire du panoptique,
et le panoptique n'est pas qu'une menace
pour notre libre arbitre politique.
Je suis psychologue,
et il me semble que l'aspect psychologique
du problème est sous-estimé.
Avant les révélations d'Edward Snowden,
Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook,
faisait [une] déclaration publique
[dans laquelle] il prétendait
que la notion de vie privée
était devenue une notion obsolète.
En faisant une telle déclaration,
Mark Zuckerberg ne fait pas seulement
la promotion du panoptique
comme idéal de société,
merci Mark,
il énonce surtout
une contrevérité psychologique.
La vie privée à avoir en psychologie
avec le concept d'intimité,
qui lui-même,
est une composante essentielle
de la construction d'un individu.
Se construire, c'est construire
une relation de soi et du monde,
et construire une représentation
de la relation entre soi et le monde.
L'intimité se positionne
dans cette relation.
L'intimité est à géométrie variable.
Ce qui est intime pour moi,
n'est peut-être pas intime
pour quelqu'un d'autre.
Ce que je considère
comme pouvant être partagé
dans un contexte familial ou amical,
peut me paraître trop intime
pour être partagé
dans un contexte professionnel.
Quand bien même la notion d'intimité
est relative en fonction de l'individu,
des époques, des lieux,
elle existe en tant que réalité
psychologique.
Elle ne peut pas être comparée
à un effet de mode,
qui pourrait devenir obsolète.
Ceux qui construisent
la société du panoptique
et de la négation de l'intimité,
veulent nous faire croire
que les individus qui se meuvent
dans cet espace sont satisfaits.
Il leur faut pour cela imaginer,
des individus qui ne sont pas
comme vous et moi,
et qui n'ont pas d'intimité.
Mais il est possible de construire
un monde différent,
basé sur des technologies différentes,
qui respecte l'humain
dans toutes ses dimensions.
Dans sa dimension publique,
lorsqu'il souhaite échanger
avec le plus grand nombre,
comme je le fais aujourd'hui,
et dans une dimension plus intime,
lorsqu'il souhaite partager
avec certaines personnes,
sur certains sujets.
Le web deviendrait plus humain,
s'il était capable
de respecter notre intimité.
Le web tel qui l'est aujourd'hui,
fonctionne comme si chaque utilisateur
n'échangeait
que des informations publiques.
Nous avons créé avec Didier Hoareau
et Fanilo Harivelo,
un logiciel qui respecte
les principes d'intimité,
et qui contribue à intégrer
cette notion au web.
Le logiciel s'appelle Places.
Places permet de partager des fichiers,
de partager des messages,
de partager des appels vidéo,
et l'utilisateur peut être certain
que ses appels, ses contenus,
ne sont échangés qu'avec la personne
avec qui il échange.
À aucun moment en utilisant Places,
en tant que fournisseur du système
ou créateur du système,
nous n'avons accès aux informations
qui sont échangées.
Places ne traite pas
le problème de la confidentialité
par les conditions d'utilisation,
en disant : « Nous avons
collecté toutes vos données,
mais vous pouvez nous faire confiance. »
Comme nous l'avons vu,
le bon produit, à la bonne
personne, au bon moment,
repose sur des technologies
qui captent le maximum de données,
sur chaque individu, à chaque instant.
Le problème de la vie privée,
ne peut pas être résolu
sur une simple déclaration.
Le problème est posé
d'un point de vue technologique,
et la réponse doit être apportée
d'un point de vue technologique.
Places utilise du code
qui est Open Source.
Ça permettra aux développeurs
qui souhaitent vérifier
que le logiciel réalise bien
le travail de chiffrement
et de sécurisation des informations,
que le logiciel
ne trahit pas les utilisateurs.
Pour la première fois
dans l'histoire de l'Internet,
les trois milliards d'utilisateurs
ont le choix de protéger leur vie privée.
Avant Places, ce choix était
restreint aux informaticiens,
et aux personnes un petit peu averties.
Lorsqu'un utilisateur utilise Places,
il utilise le même niveau de chiffrement,
le même niveau de sécurité,
qu'Edward Snowden lorsqu'il a fait
les révélations de la NSA.
Alors, un choix se pose à nous maintenant.
Places existe.
Le choix qui se pose à nous, c'est :
voulons-nous être ceux
qui [quittent] le panoptique ?
Voulons-nous être ceux qui partent
vers un avenir plus éclairé du web ?
Nous avons déjà depuis
le mois de septembre,
2000 utilisateurs qui utilisent Places,
dont les données
sont entièrement chiffrées,
et qui peuvent accéder
à des espaces intimes.
Si vous souhaitez contribuer
à nous éloigner du panoptique,
si vous souhaiter contribuer
à éclairer l'avenir du web,
à nous rejoindre dans Places,
je vous demande de mettre
un peu de lumière dans cette salle,
de prendre votre téléphone,
de quitter le panoptique,
et de nous rejoindre sur Places.
Encore, je vois des téléphones, bravo.
Chacun peut éclairer
le monde dans lequel il vit.
Lorsque vous allez renter
chez vous tout à l'heure,
vous allez recevoir un email,
qui vous propose de télécharger Places.
Prenez vos téléphones,
éclairer le monde dans lequel vous vivez.
Vous pouvez utiliser Places
pour envoyer les photos de famille
que vous n'avez jamais partagé sur le web.
Vous pouvez utiliser Places
pour appeler vos proches
à l'autre bout du monde.
Il est possible d'éclairer
l'avenir du web.
Je vous remercie.
(Applaudissements)