Bonsoir !
Plus tôt cette année, j'ai fait
quelque chose que je n'avais jamais fait,
quelque chose que je n'aurais
jamais pensé faire.
J'ai été arrêtée.
(Applaudissements)
Oui, c'est bien moi,
emmenée par quatre policiers
à Oxford Circus
durant les manifestations
d'Extinction Rebellion en avril dernier.
Je suppose que certains d'entre vous
se demandent pourquoi donc
une femme de 71 ans,
respectable, de classe moyenne,
(Rires)
une mamy comme moi ferait
quelque chose comme ça.
En particulier alors que la plupart des
gens de mon âge profitent de leur retraite
et de leurs petits-enfants,
ou planifient une croisière.
Eh bien, la réponse est très simple.
J'ai peur et je suis en colère.
J'ai peur, parce que selon
les scientifiques du climat,
nous n'avons plus beaucoup de temps
pour que notre planète « Boucle d'or »
ne devienne un désastre
climatique et écologique irréversible.
J'ai peur pour l'avenir
des enfants d'aujourd'hui,
de ceux qui ne sont pas encore nés,
et je suis très, très en colère,
contre les personnes au pouvoir
qui pourraient changer quelque chose
mais semblent manquer d'ambition politique
et de tout sentiment d'urgence.
Si d'éminents scientifiques
dont je respecte le savoir
me disent que tout ce que j'aime
est en danger,
alors, je suis désolée, mais je vais
devoir faire quelque chose,
même si cela signifie
avoir des ennuis avec la justice.
Je suppose qu'à ce stade, je devrais
vous donner des faits et des chiffres,
mais honnêtement,
je n'en vois pas l'intérêt.
Les faits et les chiffres
ne règlent pas le problème.
Ces mêmes éminents scientifiques
ne font que répéter ces faits et chiffres
depuis des décennies,
et pourtant, rien ne change.
Le taux de CO₂ dans l'atmosphère
ne cesse d'augmenter.
L'industrie des énergies fossiles continue
à se développer comme si de rien n'était.
Très bien, je vais vous donner un fait.
Ces quatre dernières années ont été
les plus chaudes jamais enregistrées
depuis le début des relevés en 1850.
2019 devrait même dépasser ce record.
Cela ne signifie pas que nous devons
nous réjouir
de passer nos vacances
sur les côtes de Cornouailles.
Cela signifie qu'il y aura
des catastrophes climatiques,
des inondations, des tempêtes,
des feux de forêts, des coraux mourants,
des pénuries alimentaires,
et des milliers, si ce n'est des millions,
de réfugiés climatiques fuyant
leurs maisons devenues inhabitables.
Les estimations varient
quant au temps qu'il nous reste
avant d'atteindre la hausse de 1,5 degré
des températures mondiales
qui marquerait un point de non-retour.
Certains disent que nous avons
10 ou 11 ans devant nous,
d'autres pensent bien moins.
Quelle que soit le temps qu'il nous reste,
nous ne pouvons nier
que nous sommes face
à une crise existentielle
d'une ampleur inégalée, que l'humanité
n'a jamais vécue auparavant.
C'est pourquoi je souhaite profiter
de ma conférence TEDx ce soir
pour interpeller ma génération,
mes pairs nés pendant le baby-boom.
Les écoliers sont
dans la rue en ce moment,
ils protestent contre leur avenir
volé et exigent des mesures concrètes
et nous devrions nous tenir à leurs côtés,
dans la rue, solidaires.
Après tout, nous avons laissé
le pire se produire.
Chère génération baby-boom,
ceci est un appel.
Nous avons besoin d'une armée
de retraités rebelles.
La planète, vos enfants
et vos petits-enfants ont besoin de vous.
Car sinon, vous pourriez entendre un jour
l'un d'entre eux vous reprocher :
« Qu'as-tu fait durant
la crise climatique, Mamy ? »
À présent, je souhaite dire quelques mots
à la jeune génération.
En réalité, un seul mot.
« Pardon ».
Vous avez toutes les raisons du monde
d'être en colère contre nous.
Je peux dire que nous n'avons
pas réalisé ce que nous faisions.
Certains l'ont réalisé
et ils devront répondre de leurs actes,
devant vous et les générations futures.
J'ai rejoint vos manifestations
et j'ai lu vos pancartes,
j'ai entendu vos discours passionnés,
et vous m'avez émue jusqu'aux larmes.
Vous et Greta Thunberg avez mon
soutien le plus complet.
Parlez à vos parents
et à vos grands-parents.
Expliquez-leur les enjeux et persuadez-les
de vous rejoindre dans la rue.
Je souhaite dire un mot à la génération
de mes fils, la génération au milieu.
Vous avez des emplois exigeants,
de jeunes familles,
et, oui, des parents âgés dont vous devez
vous occuper.
Vos vies sont remplies et stressantes,
et le temps est un luxe.
Mais si vous vous arrêtez un moment,
votre avenir et celui de vos enfants
doit forcément vous inquiéter.
Pourquoi ne pas montrer
cette conférence TEDx à vos parents
afin de gagner leur soutien ?
Je sais que certains d'entre vous
ont pris la douloureuse décision
de ne pas mettre au monde d'enfants
sur cette planète mourante
et je respecte cette décision,
bien qu'elle me rende très triste.
D'autres font tout ce qu'ils peuvent
pour limiter leur empreinte carbone,
mais n'ont que peu de temps pour militer.
Je vous comprends ;
je ne militais pas non plus à votre âge.
Permettez-moi de vous raconter
une partie de mon histoire.
Je dois avouer que je suis une militante
plutôt tardive.
Ado dans les années 60, je n'ai jamais
participé aux mouvements contre la bombe,
ou au Camp des femmes pour la paix
à Greenham Common.
Ma première manifestation a eu lieu
en 2003 contre la guerre en Irak.
Quand j'ai eu 50 ans, puis 60,
j'ai commencé à me préoccuper
de l'environnement.
Je dois dire que c'est mon amour
pour les animaux qui m'y a amené.
J'ai pleuré pour l'ours polaire sur la
banquise en train de fondre en Arctique,
pour les orangs-outangs terrifiés
dans les forêts en feux d'Indonésie.
Et, plus près de chez moi,
j'ai pleuré la disparition de notre faune.
Et par-dessus tout,
un profond et révoltant sentiment
d'injustice domine.
Ceux qui ont le moins contribué
au problème
sont ceux qui en souffrent
le plus aujourd'hui.
En 2009, la situation
m'est devenue insupportable.
Nous avons quitté la France
et avons emménagé à Bristol
pour que je puisse m'engager
dans le militantisme écologique.
Parce que pour moi, le militantisme
est un remède au désespoir.
Et durant ces 10 dernières années,
je me suis consacrée,
aux côtés d'autres personnes,
à militer en faveur de la vie sur terre.
C'est pourquoi je souhaite interpeller
ma génération
à davantage s'engager.
J'aime beaucoup une citation
de Maggie Kuhn.
Elle a fondé les Gray Panthers aux USA
et pour moi, sa citation est parfaite.
« Les aînés, ayant l'expérience de la vie,
le temps de faire les choses,
et le moins à perdre
en prenant des risques,
sont dans une position parfaite pour
défendre l'intérêt public.
Nous devons agir
en tant qu'aînés de la tribu,
pour protéger l'avenir,
et préserver l'entente précieuse
entre les générations. »
Elle a raison, nous bénéficions
de l'expérience de la vie durement acquise
et d'une certaine sagesse.
C'est une chose que
seuls les aînés peuvent offrir,
alors arrêtons de vouloir être jeunes.
Notre société obsédée par la jeunesse,
aujourd'hui plus que jamais,
a besoin de la sagesse des aînés.
Je n'oublierai jamais les mots
que m'a dit un jeune homme
en voyant des personnes âgées couchées
sur les ponts de Londres en novembre :
il m'a dit que cela lui avait donné
la permission d'être là.
L'âge confère une certaine sagesse,
alors n'ayons pas peur de l'utiliser.
Nous avons aussi quelque chose
que d'autres n'ont pas :
le temps.
Tellement de temps que certains
d'entre nous se sentent seuls,
isolés et ne trouvent
plus de sens à leur vie.
L'organisation Age UK estime
qu'il y a plus de 1,3 million de
retraités qui souffrent de solitude
dans le pays en ce moment.
Brisez la solitude et engagez-vous.
Extinction Rebellion a un groupe
appelé les XR Elders,
et à Bristol, certains d'entre eux
se sont surnommés les agitateurs âgés.
Voici une photo d'eux, défilant
dans les rues de Londres en octobre
dans leurs splendides manteaux argentés.
Ils ont apporté dignité et sérieux
à la manifestation,
et ne risquaient pas d'être arrêtés.
(Applaudissements)
Je vous promets que vous ne vous sentirez
jamais seuls dans une manifestation.
Et, qui sait, peut-être
trouverez-vous votre place.
Maggie Kuhn dit également que nous avons
peu à perdre en prenant des risques,
et c'est ce que j'ai constaté
lorsque j'ai été arrêtée.
Je risquais uniquement de passer 12h
au commissariat de la police locale
et une amende de 70 livres.
La police m'a traité avec la plus grande
gentillesse et le plus grand respect.
Je sais qu'en tant que femme,
âgée et blanche,
j'ai un certain privilège,
que d'autres personnes de notre
société n'ont pas.
Ce sont d'autant plus de raisons
d'en tirer parti.
Voir des personnes âgées se faire arrêter
a un effet particulièrement puissant :
cela brise le stéréotype du militant.
Bien sûr, il n'est pas nécessaire
de se faire arrêter.
Il y a tant d'autres choses à faire
en coulisse :
démarches administratives,
service traiteur, observation juridique,
assistance, relations publiques
et service de chauffeur.
Il y a tellement d'autres choses.
Mais si vous décidez de vous faire arrêter
et de prendre des risques avec votre corps
cela aura assurément un impact.
Dans la culture amérindienne,
il existe un « principe
des 7 générations ».
Il veut que pour toute décision
que nous prenons aujourd'hui,
nous devions prendre en compte ses
conséquences sur nos descendants
sur sept générations.
Les aînés de la tribu étaient les gardiens
de ce principe.
Malheureusement, dans notre monde fou
et matériel, nous avons perdu ce rôle.
Laissez-nous reprendre notre place
d'anciens de la tribu,
afin de trouver notre tribu,
notre communauté,
le sens de notre identité
et notre mission.
Nous vivons à une époque
marquée par des changements
dramatiques et inédits.
Nous, les anciens,
aujourd'hui plus que jamais,
avons un rôle essentiel à jouer
en ces temps cruciaux.
Les futures générations comptent sur nous.
Rejoignez-le mouvement, soutenez
les grèves des jeunes
et faites tout ce que vous pouvez
durant les années actives qu'il vous
reste pour que la planète soit sûre.
Nous le devons à nos enfants,
afin de leur laisser
le meilleur héritage possible.
En effet, l'unique chose dont ils
ont véritablement besoin
est une planète foisonnante de diversité,
durable et habitable.
(Applaudissements)