Je suis venu ici pour vous parler
du micromanagement
et de ce que j’ai appris à ce sujet
car j’ai moi-même été un micromanager
ces dernières années.
Alors, qu'est-ce que le micromanagement ?
Comment le définit-on en pratique ?
Pour moi, c'est choisir des personnes
géniales, merveilleuses et inventives,
comme vous tous,
de les réunir dans une organisation
puis de broyer leur âme
en leur imposant
une taille de police d'écriture.
Dans l’histoire de l’humanité,
quelqu'un a-t-il déjà dit ceci :
« John, on n'allait pas achever ce contrat
avec du Times New Roman,
mais parce que vous avez insisté
sur la police Helvetica,
Boum !
quelques pointillés,
et on récolte des millions.
Voilà ce qui manquait » ?
Personne n'a jamais dit ça.
Il y a des symptômes physiques
que nous ressentons intérieurement
quand on est micromanagé.
Pensez à la fois où vous avez été
le plus épuisé de votre vie.
Sûrement pas la fois
où vous êtes resté tard au bureau
ou après un long déplacement
pour le travail.
C'était sûrement quand quelqu'un
était derrière votre dos,
scrutant chacun de vos faits et gestes.
Un peu comme ma belle-mère
quand elle vient, non ?
(Rires)
Je dis : « J'assure ! »
Il y a des données qui étayent cela.
Une récente étude en Angleterre
a observé 100 employés d'hôpitaux.
On leur a posé un traceur
et ils ont vaqué à leurs occupations
pendant leur rotation de 12 heures.
Une rotation habituelle de 12 heures.
À la fin de leur garde, on leur a demandé
s'ils se sentaient fatigués.
Et les résultats suscitent la curiosité.
Ce ne sont pas toujours
ceux qui bougent le plus
qui se sentent le plus fatigué.
Les plus fatigués, c'était ceux
qui ne contrôlaient pas leur travail.
Si l'on sait que le micromanagement
n'est pas vraiment efficace,
pourquoi le faisons-nous ?
La définition serait-elle fausse ?
J'ai affirmé que le micromanagement
consistait à attirer de gens géniaux,
merveilleux et inventifs
pour broyer leur âme.
Par conséquent, souhaitons-nous recruter,
au fond de nous-mêmes,
des gens ennuyeux et sans imagination ?
C'est une question rhétorique
qu'on pourrait se passer de poser.
« Voulez qu'on vous vole
votre bagage à l'aéroport ? »
Sûrement pas, non,
mais on ne me l'a jamais demandé.
Vous a-t-on jamais demandé,
à vous, manager :
« Voulez-vous recruter des gens
mornes et sans imagination ? »
Comme on est à TED,
on a préparé nos chiffres.
On a posé cette question
à des centaines de gens.
Des centaines de managers dans le pays.
Voulez-vous recruter des gens
ennuyeux et sans imagination ?
Question intéressante.
Avec des résultats intéressants.
94% ont affirmé que non.
On n'a pas envie de recruter des gens
ennuyeux et sans imagination.
6% n'ont pas dû comprendre la question.
(Rires)
Mais, Dieu les bénisse,
ils le veulent peut-être vraiment.
Mais 94% ont dit non, alors,
pourquoi continuons-nous de micromanager ?
Je pense que c'est un phénomène
vraiment très simple
que nous connaissons tous sans l'avouer,
et que nous avons tous éprouvé.
Quand on est recruté par une organisation,
que ce soit un club, un bureau d'avocats,
une association pédagogique, peu importe.
Personne ne commence au sommet.
On démarre en bas de l'échelle.
Pour faire quoi ?
Travailler.
Vous travaillez réellement, n'est-ce pas ?
Si vous travaillez vraiment bien,
comment vous remercie-t-on ?
Encore plus de travail.
Et voilà, vous êtes tous
de super micromanagers.
(Rires)
Vous travaillez plus,
et assez rapidement,
si vous êtes vraiment bon,
vous travaillez encore un peu plus,
et en fait, vous commencez
à gérer le travail des autres.
Et si vous êtes bon à ça,
que se passe-t-il ?
Vous gérez les gens qui gèrent
les gens qui font le travail.
À ce moment de votre carrière,
vous perdez le contrôle
du produit de votre travail.
J'en suis le témoin direct.
J'ai fondé une entreprise
appelée Boxed dans mon garage.
C'était le grand moment,
je sais ça paraît modeste,
avec le Karcher dans le fond du garage,
mais c'était mon rêve qui se réalisait.
Ma femme était super fière de moi
au moment de la création,
c'est ce qu'elle m'a dit,
elle était super fière,
elle voulait m'embrasser mais je suis
certain qu'elle avait son calepin en main
se demandant si John, de Harvard,
était encore célibataire.
C'était comme un stand de limonade
qui dérape le premier jour.
Toutefois, les affaires ont bien pris,
le secteur mobile croissait
et le marché des biens emballés
allait évoluer avec le temps :
on a pris ces énormes colis
difficiles à rapporter à la maison,
pas le lot de 2 paquets d'Oréos,
mais celui de 24
et pas le lot de 24 rouleaux
de papier toilette, celui de 48 ;
et on vous les a envoyés,
à la manière d'un entrepôt,
sauf qu'il ne vous les envoie pas.
C'est ce qu'on faisait.
Notre imprimante était très lente.
Et comme notre imprimante
était extrêmement lente,
on scribouillait des mots
destinés à réjouir le client
au dos de la facture :
« Gardez le sourire, s'il vous plaît »
« Vous êtes fabuleux »
« Quelques Doritos ? »
ou : « Nous aussi, on aime ça. »
Ce genre de petits mots.
Et cela a commencé à rompre
la monotonie de notre boulot,
car après tout, on recevait
et emballait des colis
à longueur de journée,
pendant 9, 10 ou 12 heures,
assis dans le garage.
Une chose curieuse est survenue :
les affaires se développaient.
Sur les derniers 36 mois, exactement,
on a fini par brasser
des centaines de millions de dollars,
et les affaires se sont développées
vraiment vite.
Dans l'intervalle, mon rôle a changé.
Certes, j'étais toujours
le PDG dans son garage,
je recevais, déballais,
remballais, la totale.
Puis je suis passé au stade suivant
pour gérer des gens
qui déballaient et emballaient
et assez vite, j'ai géré les gens
qui géraient les gens
qui recevaient et emballaient.
Aujourd'hui, je gère la direction
qui dirige les départements
qui gèrent les gens qui gèrent
ceux qui reçoivent et emballent.
À ce stade, j'ai perdu le contrôle.
J'ai pensé que mes mémos
amusaient mes clients.
Cela leur a vraiment plu
mais je ne peux plus en écrire.
Alors, comment faire ?
Je vais dire à mon personnel
comment écrire ces petits mots.
Quel stylo utiliser,
quelle couleur, quoi écrire,
quelle police choisir,
de ne pas mordre sur les marges,
d'écrire assez grand,
mais pas trop quandmême.
Rapidement, l'objectif de vivifier
la motivation de tous
en étouffant la monotonie
du centre d'approvisionnement
s'est transformée en micromanagement,
et les gens s'en plaignaient aux RH :
« Il faut que le PDG
me laisse faire mon boulot !
Je sais comment écrire un petit mot ! »
(Rires)
À ce stade, on s'est dit :
« Vous savez quoi ?
On a engagé des gens
talentueux et merveilleux,
offrons-leur la mission
d'émerveiller le client. »
Donnons-en leur les moyens et allez-y,
lâchez-vous sur les petits mots ! »
On a découvert un résultat incroyable.
Certains se donnaient à fond
et ils dessinaient des ornements
miniatures pour égayer les documents.
Sur une commande de couches,
ils écrivaient des choses drôles :
« Coucou au bébé de notre part ! »
À la commande suivante - des couches
plus grandes - ils écrivaient :
« Waouh ! Il grandit vite ! »
Les employés se sont pris au jeu.
C'est hélas à cette époque
que ça a déraillé plusieurs fois.
Une personne écrivait simplement :
« mb, mb » à chaque message.
On dirait un « merci bien »
rapidement écrit par mon ancien boss.
Évitons le « mb » à l'avenir !
De l'autre côté du spectre aussi,
c'était parfois trop.
Les employés devenaient trop créatifs.
Comme nous vendions tout par lots,
des lots de couches,
des lots de papier toilette,
des lots de Doritos ou de biscuits Oreo
et des lots de produits contraceptifs.
Et donc,
cela devient sensible.
(Rires)
Bref, on livrait des lots
de 40 préservatifs.
Nous sommes tous adultes ;
des lots de 40 préservatifs.
Et quelqu'un a vraiment commandé
quatre lots de 40 préservatifs.
(Rires)
Uniquement ça.
160 préservatifs.
Notre employé pensait savoir
comment émerveiller son client.
(Rires)
Cet homme,
voici son petit mot :
[On adore tous les optimistes.]
(Rires)
(Applaudissements)
On hésitait entre le promouvoir
ou le virer - il est encore avec nous.
Donc, on aime tous les optimistes.
Voici un cas qui a vraiment déraillé
et je reste mitigé sur le sujet.
[CONFLIC]
Oh, il manque le suffixe,
mais comme je savais qu'il y aurait
un TED rouge sur la scène,
cela donne « CONFLIC - TED ».
[MITIGE]
(Rires)(Applaudissements)
Je vous avais prévenu
de mon sens tordu de l'humour.
Le voilà en action.
Donc, j'étais vraiment mitigé.
Nous avions donc commencé
à faire des choses
qui n'étaient plus en lien
avec notre mission
et des employés n'y arrivaient pas.
Nous ne savions pas
si nous devions les laisser faire.
Devons-nous les laisser faire ?
Je ne sais pas.
À l'époque non plus, je ne savais pas
mais je me suis demandé
si l'échec était vraiment
une mauvaise chose.
Je ne dis pas qu'il faut célébrer l'échec.
Dans la Silicon Valley, on entend
souvent : « Célébrons l'échec. »
Je crains que personne n'ait
envie d'emprunter cette voie.
Dans nos réunions
du comité d'administration,
personne ne dit : « Chieh,
les résultats sont mauvais,
continue comme ça, mon pote ! »
Personne, pas une fois.
Si vous faites partie
d'une telle organisation,
contactez-moi, je veux
participer aux réunions.
En privé, peu de gens célèbrent l'échec,
mais celui-ci, je crois, est indispensable
aux gens pour le long terme,
aux personnes intelligentes et créatives
qui essaient sincèrement de remplir
la mission qu'on leur a confiée.
On peut dès lors considérer
l'échec comme une étape
sur le chemin vers le succès.
Si l'inconvénient de ne pas micromanager
est la perception potentielle
qu'on pourrait échouer plus souvent
et si cela n'est pas vraiment grave,
quels sont les avantages ?
Nous les avons obtenus,
et ils sont assez bons.
On a confié une mission à nos ingénieurs :
« Certains de nos centres logistiques
ont coûté des millions de dollars.
Il y a des kilomètres de tapis roulants.
Pouvez-vous faire pareil ?
Pouvez-vous les optimiser
sans dépenser des millions ? »
Ils ont relevé le pari.
Ils ont vraiment fait ça -
pas de Photoshop ici -
il utilise vraiment une disqueuse.
Ils ont fabriqué un véhicule autonome.
On ne leur a imposé
aucun plan, aucun format.
En 90 jours, ils ont
sorti le premier prototype :
équipé de batteries Tesla,
de vision stéréoscopique et de lidars.
C'est aussi efficace
que les tapis roulants
sans même investir
dans des tapis roulants.
Et il n'y a pas que les ingénieurs.
Le département marketing,
on leur a demandé
de semer la bonne parole.
Il y a une dame formidable
dans ce département, Nitasha.
Un matin, elle m'a abordé :
« Chieh, on fait quoi
pour la taxe rose ? »
J'ai pris un café, nous nous sommes assis.
« Nitasha, qu'est-ce que la taxe rose ? »
Elle m'a expliqué,
c'est super intéressant.
Dans 32 États des États-Unis,
on impose une taxe de luxe
sur les produits pour femmes,
comme les produits de soin -
les tampons et les serviettes
sont considérés luxueux.
Je n'oserais jamais,
si ma femme me demande
des serviettes hygiéniques,
répondre : « Ma chérie,
avec cette guerre commerciale,
c'est la crise économique,
pas de produits de luxe ce mois-ci,
mais, promis, le mois prochain,
je vais envisager ça. »
La voie rapide pour le célibat.
(Rires)
Ce qui est super intéressant,
et on ne le leur a pas demandé,
mais en collaborant avec les finances,
ils remboursent la taxe
que nous devons imposer
au client de manière injuste.
Vous vous demandez peut-être :
« Quel est le vrai avantage
de ne pas micromanager ? »
Le voici :
Je n'ai conçu aucun de ces projets.
Je n'ai pas conçu le robot
ni la campagne « repensons la taxe rose ».
Rien de ça ne vient de moi.
Toutefois, c'est moi qui suis sur la scène
de TED pour recueillir votre admiration.
(Rires)
« Il n'en fout pas une
et récolte tous les fruits.
C'est un vrai PDG, ce mec.
Il a tout compris. »
(Rires)
La réalité est celle-ci :
je ne suis pas un vrai PDG à 100 %.
Mais j'ai appris la leçon
fondamentale la plus difficile
que j'aie jamais apprise
et c'est celle-ci :
il y a une seule solution
au micromanagement :
la confiance.
Merci.
(Applaudissements)