Six-cent hectares... Six-cent hectares, c'est la superficie des parkings souterrains dans Paris intra-muros. C'est énorme et c'est très dur de se le représenter. Cela fait six millions de mètres carré. En parallèle avec la surface de votre appartement, c'est très, très grand. Il se trouve que c'est également la surface que le maraîchage occupait à Paris intra-muros au XIXe siècle, il y a 150 ans, hier ou avant-hier à l'échelle humaine. Ça nous donne un super objectif pour nous, agriculteurs urbains, agriculteurs souterrains, agriculteurs du béton, celui d'essayer de reconquérir tout cet espace qui a été laissé à la voiture dans nos mégalopoles, pour essayer de revitaliser, revégétaliser, et rendre une bonne partie de leur autonomie alimentaire à nos villes. C'est un des objectifs que nous nous fixons en faisant de l'agriculture : pouvoir donner aux gens la meilleure nourriture possible et travailler au plus près d'eux. Parce que voilà, je suis agriculteur urbain. Je travaille dans un parking souterrain à Paris, Porte de la Chapelle. On peut se dire : « Mais qu'est-ce qu'il fait dans un parking souterrain ? ». Quelles sont les solutions qu'on a à notre disposition pour essayer de revitaliser, revégétaliser une ville et remettre de l'agriculture ? C'est simple, on va regarder ce que la Nature a fait parce qu'à l'origine, la Terre était un gros caillou. Donc, si la Nature, la vie a réussi à se créer sur un gros caillou, peut-être qu'on peut faire la même chose dans un parking, sur du béton. Alors, qu'est-ce qu'on fait ? On va l'imiter; c'est le biomimétisme, on va essayer de s'en inspirer au maximum. La première chose qui est apparue sur Terre, il y a plusieurs milliards d'années, se sont les algues. Et c'est ce qu'on essaie d'installer dans notre parking - ça arrive en avril 2018 - en l’occurrence, la spiruline dont vous avez peut-être entendu parler, une algue assez magique et hyper nutritive. Donc elle arrive, on est en train de l'installer. Aujourd'hui, ce qu'on a déjà fait, c'est mettre des champignons. Il se trouve qu'ils sont apparus sur Terre, il y a un peu plus d'un milliard d'années, donc après les algues. Ils sont exceptionnels car ils peuvent vivre en symbiose avec les algues, c'est-à-dire qu'ils vont consommer leur oxygène et les algues vont consommer leur dioxyde de carbone. Donc, on a une première forme de symbiose, un début d'écosystème en train de se créer dans notre parking, sur nos plateaux de béton. On va chercher un peu plus loin ce que la Nature a réussi à faire pour nous aider, ce que tous les jardiniers connaissent : les lombrics, les vers de terre qui participent à la création de l'humus, et qui nous aident nous, dans notre parking, à faire du compost. On a des lombricomposts qui permettent de recycler une bonne partie de nos déchets produits sur place. Ces lombrics sont apparus sur Terre il y a des centaines de millions d'années. Donc, on reconstitue toute la chaîne qui a permis de mettre de la Nature sur notre planète. Après, avec tous ces éléments-là qui vivent et interagissent entre eux, le but est de faire d'autres légumes, par exemple des légumes à feuilles, des salades. C'est en train d'arriver, on est en train de l'installer sur notre site. Puis, en dessert, ce sera les fruits. Il faut attendre encore un petit peu, quelques années, 2020, mais on va y arriver. Avec toutes les techniques, concepts et relations de symbiose, toutes les synergies qu'on développe, on va y arriver. Pour casser la monotonie aussi, ce qu'on a réussi à faire, le mois dernier, c'est faire pousser des fleurs. Elles sentent très bon et sont très belles, des tulipes, des lys et des jacinthes. C'est agréable pour nous et ça permet de compléter cet écosystème. Donc, l'ensemble de ces écosystèmes constitue une nouvelle biosphère, qu'on a constituée dans Paris, dans notre parking, et pour nous, c'est très important de se dire que cette biosphère est au cœur de notre ville, au cœur de l'endroit où les gens vont consommer nos produits. Ce qui va se rajouter avec cette biosphère - on parle aujourd'hui beaucoup d'économie circulaire - c'est qu'on va prendre toutes les ressources, les déchets de la ville, et on va les intégrer à notre système agricole, agro-écosystème. Tous les déchets, le marc de café, la drêche de brasserie, le carton, on va les intégrer à notre système et ça va permettre de l'enrichir. Donc, on aura un recyclage à énergie positive. Donc nous, maintenant, nous cohabitons avec notre alimentation. Elle vit au milieu de notre ville, et c'est l'utopie qu'on est en train de construire aujourd'hui. Ce qu'on peut espérer, c'est que, tous ensemble, en cohabitant et en coévoluant avec nos aliments, on vit autour de notre alimentation et plus l'inverse. Cela s'appelle « l'écologie profonde » de Næss, adaptée aux villes du XXIe siècle. C'est un changement de paradigme très fort, le fait de pouvoir se dire qu'on est, peut-être, dans les prémices d'une ville soutenable et durable, quelque chose qu'on n'aurait jamais envisagé il y a plusieurs années. Donc, on a notre biosphère, c'est magique. L'humanité peut commencer à se dire qu'il y a peut-être un avenir pour elle sur notre planète, c'est génial. Et le petit plus, c'est que si jamais on arrive à inspirer d'autres mouvements sur Terre, si notre mouvement est efficace et a des résultats positifs, on va aussi montrer l'exemple à nos enfants. C'est un élément très, très important, de vouloir donner un avenir un peu plus vert, plus écolo, à nos enfants, parce que demain, nos enfants et nos petits-enfants vont sûrement partir explorer les étoiles, et on aimerait bien qu'ils pensent à nous, qu'on s'est battu pour un avenir durable, et réussir à coexister avec notre environnement. Ce serait bien de se dire que, demain, quand ils iront un peu partout sur d'autres planètes, ouvrir de nouvelles colonies, ils ne déforesteront pas les planètes qu'ils rencontreront. Voilà, ce serait bien. Merci. (Applaudissements)