Bonjour. Je me présente : je m'appelle Éléa Lemetayer. Je suis une jeune femme d'une trentaine d'années, originaire de Haute-Savoie. Comme tout le monde ici, je suis passée par l'Université de Savoie. Personnellement, j'y ai obtenu un DUT, une licence et un Master en logistique. Au fil des expériences, je suis devenue chef de projet logistique. J'ai, ou plutôt j'avais, le trio gagnant : job stable, conjoint, propriété du logement. Passionnant tout cela, n'est-ce pas ? Non, pas vraiment ! Alors, laissez-moi recommencer. Bonjour. Je me présente : je m'appelle Éléa Lemetayer. Je suis passionnée par la danse de couple, ainsi que par les sports de plein air, particulièrement ceux qui se déroulent en montagne. J'aime partager du temps avec d'autres personnes autour de ces activités. Dans ces activités, comme dans le reste de ma vie, d'ailleurs, je ne recherche ni la performance, ni l'excellence, mais simplement à m'améliorer. Est-ce que c'est mieux ? Pas tout à fait, laissez-moi une dernière chance. Je recommence. Bonjour. Je m'appelle Éléa Lemetayer. Je suis... Je suis. Mais au fait, qui suis-je ? Est-ce que je suis mon nom, mon prénom, mon lieu de naissance ou mon lieu de vie ? Est-ce que je suis un diplôme, un métier ? Un membre d'une entreprise ou d'un club ? Est-ce que je suis un loisir, une activité ? Et puis, je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais j'ai remarqué que je suis différente selon où et avec qui je suis. Tenez, par exemple, au travail, je suis dynamique, organisée, rigoureuse, autonome. Auprès de mes proches, je suis joviale, boute-en-train, aidante, bienveillante. Auprès d'enfants, je suis joueuse, pédagogue, protectrice. Dans la rue, il m'arrive d'être souriante ou parfois méfiante. Il m'arrive d'être pressée ou contemplative. Alors, dans tout ça, qui suis-je ? Qui est-on ? Comment peut-on définir un individu ? Parce que, c'est gentil tout ça-là, ce TED, « Oser être soi », mais enfin, pour pouvoir oser être soi, ne faudrait-il pas savoir définir qui est ce « soi », qui est-on ? Au fait, j'y pense, vous souvenez-vous de ces labyrinthes qui nous divertissaient quand nous étions enfants ? En jeune fille sage et disciplinée, je partais de l'entrée du labyrinthe et je cherchais la sortie. Je n'y arrivais pas toujours mais laissez-moi vous faire une petite confidence. Plutôt que d'admettre un échec, je repartais de la fin du labyrinthe pour rechercher l'entrée. J'avais un peu l'impression de tricher, mais ça marchait super bien. Et plus grande, j'ai appris que, quand on ne trouve pas de réponse ou de solution satisfaisante à un problème, il faut regarder le sujet sous un autre angle. Alors, regardons notre sujet sous un autre angle. Admettons que savoir qui l'on est, c'est une notion complexe. Comme on vient de le voir, on est, d'une certaine manière, une somme d'éléments, qui, bien que faisant partie de nous, ne s'expriment pas en même temps. Heureusement, car ce serait peut-être un peu compliqué à gérer. Alors, savoir qui l'on est, c'est complexe, d'accord, mais, en fait, pas seulement. C'est aussi évolutif. Je suis sûre que tout le monde, ici, est différent de l'enfant qu'il était, différent de l'adolescent qu'il a été, et vous êtes probablement déjà différent du jeune adulte que vous étiez il y a peu. Partant du principe que les expériences que nous vivons nous forgent un peu plus chaque jour et nous font évoluer et changer, je vous souhaite à tous et toutes d'être différents tout au long de votre vie. Mais... alors... comment faire, si on ne sait pas qui l'on est, pour être soi ? Partant du principe que c'est à la fois une notion complexe et évolutive, est-ce qu'on peut définir qui l'on est ? Alors, oui, certains y arrivent, et ce n'est pas forcément simple. Moi, je me sens plutôt dans le clan de ceux qui trouvent la définition si vaste et si changeante, qu'elle en devient indéfinissable. Suis-je pour autant condamnée à ne jamais être moi-même ? Je ne pense pas. Mais alors, peut-on être soi sans savoir définir complètement qui l'on est ? Il me semble que oui. Je vous propose de vous arrêter un instant sur la célèbre citation de Ralph Waldo Emerson : « Life is a journey, not a destination », la vie est un voyage, pas une destination. Pour moi, chercher à définir complètement qui je suis serait comme chercher à connaitre la destination, avant même d'avoir entrepris le voyage. Or, la destination n'est-elle pas susceptible de changer au fil du voyage ? Tenez, savez-vous qu'il y a, en ce moment, entre 22 et 28 % de Français qui changent de métier ? Ne changent-ils pas de destination ? J'en vois quelques-uns se questionner : « Elle est gentille avec son histoire de voyage, mais si je ne sais pas qui je suis, comment je fais pour oser être moi ? Et puis pourquoi parle-t-on d'oser d'ailleurs ? Qu'est-ce que ça veut dire tout ça ? » Une question à la fois, nous y venons ! Il me semble que, pour pouvoir oser être soi, il faut accepter de se connecter à ses aspirations profondes. Moi, j'appelle ça ma « petite voix », c'est un petit peu ma boussole. Attention, quand je parle de « petite voix », je parle de cette voix intérieure qui vous donne de l'inspiration, de la motivation, qui vous pousse à avancer, à créer, à faire des choses motivantes - à ne pas confondre avec cette autre voix qu'en général on connaît assez bien, que j'ai baptisée le « mental », qui, souvent, vient générer un bruit de fond, qui peut parasiter un peu nos élans, parasiter un peu le message de la petite voix. Je ne sais pas si vous me suivez ; je vous donne un exemple. Au printemps dernier, lors d'une journée tout à fait banale, j'ai reçu un mail de l'Université de Savoie. Le titre était : « Wanted : l'Université recherche des experts pour l'organisation d'un TED. » Je sortais d'une formation en communication, prise de parole, qui m'avait reboostée. Je me suis dit : « Ouah, c'est fou ! je travaille sur moi, je fais des progrès, j'évolue, et boum ! cette opportunité challengeante s'offre à moi. Il faut que je participe ! » Vous l'avez reconnue ? Ça, c'était ma petite voix. C'était cet élément en moi qui me pousse à faire des choses qui m'inspirent, et à avancer. Alors là, boostée à bloc, je clique sur le lien pour m'inscrire, et je tombe sur un formulaire : « Nom, prénom, coordonnées. » Jusque là, fastoche, je maîtrise. « Domaines d'expertise, titre et grandes lignes du TED. » Oui, c'est vrai, ça paraît un peu logique, mais, en cliquant, je n'y avais pas trop pensé. Alors, je ne sais pas bien quoi mettre. J'ai envie de le faire, mais je ne sais pas sur quoi. Donc, je remets à plus tard, forcément. Et le temps passe. Le temps passe et moi, je ressasse. Je ressasse les questions du formulaire dans ma tête. « Une experte, une experte... je ne suis une experte de rien du tout moi ! Bon, je pourrais parler d'oser être soi, c'est vrai que ça me tient à cœur, c'est un sujet sur lequel j'ai planché, mais d'ici à dire que je suis une experte, il ne faudrait pas pousser non plus. » Alors je fais ce qu'on fait souvent dans nos générations et à nos époques, je vais surfer un peu en ligne, j'écoute d'autres vidéos TED, et là, je découvre qu'il y a des dizaines, pour ne pas dire des centaines de speakers qui, d'une manière ou d'une autre, ont déjà abordé le sujet, chacun à leur façon. Alors, moi, je fais quoi ? Je repars pour un petit tour. « Tout a déjà été dit ! Je n'ai rien à apporter de plus. Et puis, ils sont bien meilleurs que moi. » Vous l'avez reconnu, tout ce bruit de fond-là, c'est ça que j'appelle le « mental », le mental qui vient un peu parasiter mon élan initial. Alors, je vais juste faire une petite parenthèse. Le mental, ce n'est pas vraiment un parasite. C'est juste un élément de votre écosystème interne, tout comme la petite voix et bien d'autres choses. Ce qui est important dans tout écosystème, c'est que chacun occupe une place mesurée, pour que tous puissent cohabiter. Pour ça, ce qu'il faut, c'est comprendre le rôle de chacun. On l'a vu, le rôle de la petite voix, c'est de nous pousser à aller de l'avant, à nous challenger, nous faire avancer, à faire des choses qui nous inspirent. Mais alors, le mental, c'est qui là-dedans ? Le mental, c'est un peu notre cerveau primitif. C'est la partie de nous qui veut nous garder vivant, et, du coup, en sécurité. En fait, c'est simplement sa raison d'être. C'est votre mental qui va vous dire : « Ne saute pas d'un pont, c'est dangereux. » On sera tous d'accord que sauter d'un pont, c'est quand même un peu dangereux, effectivement, et, du coup, écouter notre mental, ça peut être pas mal. Oui mais, en fait, des fois, sauter d'un pont, c'est aussi possible, si vous faites du saut à l'élastique, ou s'il y a de l'eau avec une profondeur suffisante en-dessous du pont. Tenez, je vous emmène avec moi. Vous êtes sur un de ces deux ponts, choisissez : vous avez à votre gauche le pont de l'Artuby, le plus haut spot d'Europe connu pour le saut à l'élastique, et à votre droite, le départ du canyon de Rio Barbaira où vous sauterez du pont dans cette magnifique rivière. Vous êtes venu sur un de ces deux ponts pour participer, pour réaliser cette activité. Vous avez l'envie, l'inspiration, et la motivation de faire cette chose. Votre mental, lui, va continuer à résister. Il va continuer à vous dire : « Ne saute pas d'un pont, c'est dangereux. Non, non, non, il ne faut pas le faire ! » Mais votre inspiration, elle, était autre. Et là, il va sûrement s'engager un dialogue interne en vous, entre votre petite voix et votre mental pour savoir si oui ou non, vous allez tenter cette aventure, ce truc nouveau, un peu fou, de sauter d'un pont dans des conditions acceptables. Si vous parvenez à calmer et à rassurer votre mental, vous allez probablement sauter de ce pont. En sautant, vous ressentirez un cocktail d'émotions, dans lequel vous trouverez très certainement de la peur, mais aussi de la motivation, de la joie et beaucoup d'énergie positive, qui sont souvent ce qui arrive quand on ose sortir de sa zone de confort pour réaliser quelque chose qui nous inspire. Alors, pour en revenir à l'histoire de ce TED, vous l'aurez compris : oui, j'ai eu peur. J'ai eu peur de venir ici, devant vous. Je me suis sentie pas assez bien, pas à la hauteur, avec une histoire vraiment pas intéressante. Au bout d'un moment, j'ai réalisé que j'étais surtout en train de me trouver toutes les bonnes mauvaises raisons de ne pas faire ce qui m'avait initialement inspirée. Alors, je me suis demandé pourquoi. C'est vrai, ça ! pourquoi, en partant d'une chose qui m'inspirait, je passais toute mon énergie à me convaincre que ce n'était pas pour moi, au lieu de passer mon énergie à rendre ça possible ? Alors, je me suis questionnée : quelle peur, quelle croyance limitante me retenaient ? J'ai cherché. Était-ce la peur de parler en public ? Non, pas vraiment. La peur de ne pas y arriver ? Non, je pense que quand on veut, on peut ; ça ne doit pas être ça. La peur de ne pas être intéressante, de raconter n'importe quoi ? Ça pourrait y ressembler... Alors, est-ce la peur du regard des autres ? Je pensais pourtant m'en être détachée, peut-être pas complètement. En poursuivant ainsi mes réflexions et en cheminant, pas à pas, j'ai réalisé qu'être filmée aujourd'hui et mise en ligne très prochainement, signifiait pour moi immortaliser l'instant présent et perdre le contrôle sur qui aurait accès à ce que je suis en train de vous raconter. D'une certaine manière, c'est ça qui me faisait peur et qui me retenait à la réalisation de ce qui initialement m'inspirait. Vous voyez, ce qui est intéressant, quand on identifie ses peurs, ses croyances, ses valeurs, et tout un tas d'autres choses, c'est qu'on comprend un petit peu mieux qui l'on est et surtout, qui l'on s'autorise à être. À partir de là, il nous devient possible de choisir, choisir si le constat que l'on fait nous convient, ou si l'on souhaite faire évoluer des petites choses, ou des grandes, pour s'approcher un peu plus de la personne qu'il y a au fond de nous-même. Personnellement, j'ai choisi que j'avais envie aujourd'hui d'être, le temps de ces quelques minutes, un messager pour tous ceux et celles qui, comme moi, ont pu être parfois tiraillés entre diverses aspirations, ou tiraillés entre ce qu'ils voudraient être et ce qu'ils croient devoir être. J'aurais pu faire le choix de la zone de confort : supprimer le mail de l'Université ainsi que leurs relances, ça aurait été nettement plus facile : pas de contenu à rédiger, pas de réunions de préparation auxquelles aller, pas de questions à se poser, le rêve ! J'aurais pu faire ce choix dans toutes les sphères de ma vie d'ailleurs : continuer dans un job stable avec une rémunération satisfaisante, continuer à rentrer chez moi tous les soirs sans me poser de questions si ce n'est ce que j'allais faire le week-end. Ainsi, j'aurais continué à vivre, ou plutôt à survivre de week-end en week-end, en ne trouvant plus d'intérêt dans mon travail, et plus d'intérêt dans grand chose, car en m'enfermant dans ma zone de confort dans toutes les sphères de ma vie, j'en étais venue à perdre toutes mes sources de motivation. Alors, c'est là pour moi qu'intervient la nécessité d'oser : oser aller au-delà de mes peurs, oser regarder mes croyances en face, et oser reconsidérer ce qui m'appartient ou pas. Oser être moi, oser être soi, c'est oser suivre ses intuitions. C'est aussi accepter, lorsque nécessaire, de sortir de sa zone de confort pour pouvoir progressivement, au fil du voyage, se rapprocher de la personne qu'il y a au fond de nous-même. Alors, qu'en est-il pour vous ? Savez-vous qui vous êtes ? Osez-vous être vous-même ? Avant de vous laisser y songer, je voudrais vous partager cette dernière citation d'Oscar Wilde : « Soyez vous-même, les autres sont déjà pris. » Merci. (Applaudissements)