Qu'est-ce qui a changé depuis l'IMMI? Nous avons demandé au gouvernement de modifier dix lois dans quatre ministères. Nous avons déjà fait passer au Parlement la meilleure loi sur la protection des sources dont nous pouvons bénéficier. Nous travaillons sur un "Freedom of Information Act" qui est déjà dans les tuyaux au Parlement. Cela devrait être transposé dans la loi en septembre. Nous travaillons aussi sur une loi pour protéger les "lanceurs d'alerte". Mais nous devons partir de rien, car il n'existe pas de telle loi en Islande. Un grand nombre de points sont couverts par la loi sur la protection des sources. Nous avons bien sûr connu d'importants développements avec notre toute nouvelle Constitution. Il y a été inclus des règles générales sur la liberté d'informer. Ce ne sont pas encore des lois, mais c'est dans l'esprit de ce que les gens veulent voir advenir en Islande. Nous travaillons aussi à la conservation des données historiques. C'est assez important. En France par exemple, après trois mois, quelque chose qui a été publié sur Internet ne peut être effacé. Cela fait partie des archives historiques. Dans d'autres pays, ils peuvent effacer ces archives même si elles remontent à 5 ou 10 ans: au commencement d'Internet. On travaille aussi sur la protection de la communication. Et tout cela devrait être appliqué cet hiver. C'est à peu près ce vers quoi l'on va avec l'IMMI. Etes-vous inquiète de la manière dont gouvernements et hommes politiques se saisissent des problématiques numériques? Extrêmement, et particulièrement dans le monde occidental! Regardez ce qu'a dit Cameron sur la fermerture de Facebook et de Twitter. Je ne sais pas si c'est de l'ignorance ou... j'espère qu'il ne s'agit que d'ignorance. Les mêmes hommes politiques sévissent aux États-Unis. Toutes les poursuites ayant trait à WikiLeaks et les gens qui peuvent y être associés, vont se retrouver devant le "Grand Jury". Je suis également membre de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, et j'ai lu un rapport sur la cybersécurité et la cyberguerre. C'est vraiment inquiétant, ce manque de compréhension et cette pure hypocrisie. Les leaders occidentaux veulent que les chinois, les égyptiens, les syriens ou les iraniens se comportent d'une certaine façon, mais quand ils ont des problèmes, ils font exactement ce qu'ils dénoncent! Oui, je suis inquiète. Et je pense qu'il est très important, que nous soyons vigilants pour maintenir la liberté d'informer telle qu'elle devrait être: libre. Vous voyez des signes positifs à ce jour? Pas vraiment. Pas assez. Rien qui puisse tenir lieu d'exemple pour le reste du monde. En particulier si l'on parle des leaders occidentaux, puisque l'Occident domine malheureusement le monde. Il y a quelques lueurs d'espoir: je lisais le "Freedom of Information Act" que le Nigéria vient de voter, et il est en fait meilleur que dans la plupart de nos pays. Vous savez, il y a des hommes politiques qui sont impatients de changer les choses. J'en connais quelques-uns au Parlement européen, à qui j'ai pu parler. Mais il faut que nous soyons plus organisés. Qu'espérez-vous accomplir avec l'IMMI pour l'Islande et peut-être plus globalement? J'espère que nous allons parvenir à montrer l'exemple en terme de fabrication de la législation. Nous avons utilisé les mêmes méthodes que si nous avions voulu créer un paradis fiscal. Nous avons assemblé les meilleurs aspects de lois étrangères concernant la liberté d'informer et la liberté d'expression. Si on veut créer un paradis fiscal, on fait la même chose avec le secret. Si nous pouvons établir un modèle pour les autres pays, nous parviendrons à ce que certains hommes politiques s'inspirent de notre modèle. Dès que vous avez un pays qui montre l'exemple et que ses lois fonctionnent, d'autre suivront, j'ai confiance. Ils pourront s'inpirer de cet exemple, et des avantages qu'en tire notre société. Pensez-vous que la communauté des hackers est devenue plus active politiquement et pensez-vous qu'ils ont un rôle à jouer sur ces questions? Absolument. Je vois ici des hackers, des "hacktivistes", des activistes et toutes les formes d'engagement. C'est important de comprendre que tout ce concept de "hacking", sur les ordinateurs est applicable au monde "hors-ligne". Je me considère comme une hacker "hors-ligne", qui hacke le système en tentant de trouver les faiblesses des lois et de les améliorer pour le bien commun. Je pense qu'en général, pour travailler avec toutes ces visions du monde différentes, que ce soit celle des hackers ou celle des activistes, il faut que ces personnes soient à des postes de pouvoir, pour qu'elles puissent faire du lobbying et pousser au changement de leurs différents points de vue. Aujourd'hui, il est essentiel que les gens commencent à s'intéresser aux lois de leurs pays, et qu'ils se sentent en mesure de les modifier. Il n'est pas nécessaire d'être juriste, mais il faut se pencher sur l'esprit des lois, sur ce qu'elles représentent. Et il est très important d'aider les gens à être inspirés, de les aider à co-créer leurs sociétés, et de leur donner les outils pour qu'ils y parviennent. Il y a la possibilité d'appeler à un référendum, et d'autres moyens pour faire partie intégrante du processus de décision dans la société. Ici, il y a une créativité incroyable, dans tous les aspects de la société, portée par des gens merveilleux. Je me sens vraiment à la maison ici.