En observant attentivement la nature
à la loupe de la science,
les concepteurs extraient des principes,
des procédés et des matériaux
qui forment la base même
des méthodes du design.
Depuis les constituants synthétiques
qui ressemblent aux matériaux biologiques
jusqu'aux méthodes de calcul
qui émulent les processus neuronaux,
la nature est le moteur de la conception.
La conception est aussi
le moteur de la nature.
En génétique,
en médecine régénérative
et en biologie de synthèse,
les concepteurs cultivent
de nouvelles technologies
que la nature
n'a ni prévues ni anticipées.
La bionique explore l'interaction
entre la biologie et la conception.
Comme vous le voyez,
mes jambes sont bioniques.
Aujourd'hui, je vais raconter
des histoires humaines
d'intégration bionique,
sur la façon dont l'électromécanique
reliée au corps
et implantée à l'intérieur du corps
commence à combler le fossé
entre l'invalidité et la validité,
entre les limites humaines
et le potentiel humain.
La bionique a défini mon physique.
En 1982, j'ai été amputé des deux jambes
à cause de dommages tissulaires
suite à des gelures
survenues lors d'un accident
d'escalade en montagne.
À l'époque, à mes yeux,
mon corps n'était pas cassé.
Je me disais qu'un être humain
ne peut jamais être cassé.
C'est la technologie qui est cassée.
La technologie est inadéquate.
Cette idée simple mais puissante
a été un appel aux armes
pour faire progresser la technologie
afin d'éliminer ma propre invalidité
et en fin de compte celle des autres.
J'ai commencé par développer
des prothèses spéciales
qui m'ont permis de retourner
au monde vertical de l'escalade.
Je me suis rapidement rendu compte
que la partie artificielle de mon corps
était malléable,
capable de prendre
n'importe quelles formes, fonctions,
une ardoise vierge
sur laquelle on peut créer
des structures qui pourraient
peut-être s'étendre
au-delà des capacités biologiques.
J'ai rendu ma taille ajustable.
Je pouvais ne faire qu'1,52 m
ou être aussi grand que je le voulais.
(Rires)
Donc lorsque je me sentais
mal dans ma peau,
que je manquais de confiance en moi,
j'augmentais ma taille.
(Rires)
Mais lorsque je me sentais
confiant et charmeur,
je diminuais ma taille d'un cran
rien que pour laisser
une chance à la concurrence.
(Rires)
(Applaudissements)
Des pieds fins et en pointe
m'ont permis d'escalader
des fissures rocheuses abruptes
là où le pied humain ne peut se caler,
et des pieds hérissés de pointes
m'ont permis d'escalader
des parois verticales de glace
sans jamais ressentir de fatigue
musculaire dans les jambes.
À travers l'innovation technologique,
je suis revenu à mon sport
plus fort et meilleur.
La technologie avait éliminé mon infirmité
et m'avait permis de nouvelles
prouesses en escalade.
Jeune, j'imaginais un futur
où une technologie si avancée
pouvait débarrasser le monde
de tout handicap,
un monde dans lequel
les implants neuronaux
permettraient aux malvoyants de voir,
un monde dans lequel
les paralysés pourraient marcher
via des exosquelettes.
Malheureusement, à cause
de la déficience de la technologie,
l'infirmité sévit partout dans le monde.
Cet homme a été amputé de trois membres.
Il témoigne de la technologie actuelle,
car il est hors du fauteuil roulant,
mais nous devons faire mieux
avec la bionique
pour permettre un jour
la réhabilitation complète
à une personne souffrant de
ce niveau de lésions.
Au labo média du MIT, nous avons établi
le Centre de bionique extrême.
La mission du centre
est de mettre en avant
la science fondamentale
et la capacité technologique
qui permettra
la réparation biomécatronique
et régénératrice de l'homme
dans un large éventail
d'invalidités cérébrales et corporelles.
Aujourd'hui, je vais vous dire
comment mes jambes fonctionnent,
comment elles marchent,
à titre d'exemple
de ce que fait ce centre.
Je me suis rasé les jambes hier soir
parce que je savais
que j'allais les montrer.
(Rires)
La bionique implique l'ingénierie
d'interfaces extrêmes.
Il y a trois interfaces extrêmes
dans mes membres bioniques :
mécanique,
comment mes membres sont reliés
à mon corps biologique ;
dynamique, comment ils bougent
comme s'ils étaient de chair et d'os ;
et électrique, comment ils communiquent
avec mon système nerveux.
Je vais commencer
par l'interface mécanique.
Dans le domaine de la conception,
nous ne comprenons toujours pas
comment relier mécaniquement
les appareils au corps.
Ça me semble extraordinaire
qu'à notre époque,
l'une des technologies
les plus matures, les plus anciennes
dans la chronologie humaine,
la chaussure,
nous donne encore des ampoules.
Comment est-ce possible ?
Nous ne savons pas du tout
relier les choses à notre corps.
C'est le travail de conception
magnifiquement lyrique
du Professeur Neri Oxman
au MIT Media Lab,
qui montre les variations spatiales
d'impédances d'exosquelette,
que l'on voit ici
par la variation de couleur
dans ce modèle imprimé en 3D.
Imaginez un avenir où les vêtements
sont raides et doux là
où et quand vous en avez besoin,
pour un maintien
et une flexibilité optimale,
sans jamais causer d'inconfort.
Mes membres bioniques
sont attachés à mon corps biologique
via des peaux synthétiques
avec des variations de rigidité
qui reflètent la biomécanique
des tissus sous-jacents.
Pour atteindre cette imitation,
nous avons développé
un modèle mathématique
de mes membres biologiques.
À cette fin, nous avons utilisé
des outils d'imagerie comme l'IRM
pour regarder à l'intérieur de mon corps,
pour comprendre les géométries
et les positions des différents tissus.
Nous avons aussi utilisé
des outils robotiques.
Voici un cercle de 14 mécanismes
qu'on met autour du membre biologique.
Les mécanismes démarrent,
trouvent la surface du membre,
mesurent sa forme non chargée,
puis ils poussent sur les tissus
pour mesurer la compliance des tissus.
à chaque point anatomique.
On combine les données
de l'imagerie et de la robotique
pour créer une description mathématique
de mon membre biologique, ici à gauche.
Vous voyez des points ou nœuds.
À chaque nœud, une couleur
représente la compliance du tissu.
Ensuite, on fait une transformation
mathématique
pour la conception de la peau synthétique,
à droite.
et nous avons découvert
que l'optimalité est que
là où le corps est raide,
la peau synthétique doit être souple,
là où le corps est souple,
la peau synthétique est raide,
et cette imitation a lieu
dans toutes les compliances des tissus.
Avec ce système, nous avons produit
les membres bioniques
les plus confortables
que j'ai jamais portés.
Il est clair que dans l'avenir,
nos vêtements, nos chaussures, nos atèles,
nos prothèses, ne seront plus conçus
et fabriqués en utilisant
des stratégies d'artisans,
mais plutôt des systèmes quantitatifs
pilotés par les données.
Dans ce futur, nos chaussures
ne nous donneront plus d'ampoules.
Nous intégrons aussi
des matériaux de détection intelligents
dans les peaux synthétiques.
C'est un matériau
développé par SRI International,
en Californie.
Sous l'effet électrostatique,
il change de rigidité.
Sous une tension nulle,
la matière est souple.
Il est souple comme du papier.
Puis on pousse le bouton,
une tension est appliquée,
et il devient raide comme une planche.
Nous intégrons ce matériau
dans la peau synthétique
qui attache mon membre bionique
à mon corps biologique.
Quand je marche ici,
il n'est pas sous tension.
Mon interface est souple.
On pousse le bouton,
la tension est appliquée, il se raidit,
m'offrant une plus grande maniabilité
du membre bionique.
Nous construisons aussi des exosquelettes.
Cet exosquelette devient rigide et souple
dans tous les bons
domaines du cycle de course
pour protéger les
articulations biologiques
des impacts majeurs et de la dégradation.
Dans l'avenir,
nous allons tous porter des exosquelettes
au cours des activités ordinaires
comme la course.
Ensuite, l'interface dynamique.
Comment mes membres bioniques
bougent-ils comme de la chair et des os ?
Dans mon laboratoire au MIT,
on étudie
comment des humains aux physiologies
normales tiennent debout,
marchent et courent,
ce que font les muscles,
et comment ils sont contrôlés
par la moelle épinière ?
Cette science fondamentale
motive ce que nous construisons :
des chevilles, des genoux
et des hanches bioniques.
Nous construisons les parties
du corps à partir de zéro.
Les membres bioniques que
je porte sont appelés BIOMS.
Ils ont équipé près de 1000 patients,
dont 400 étaient
des soldats américains blessés.
Comment ça marche ? À l'attaque
du talon, contrôlé par ordinateur,
le système contrôle la rigidité
pour atténuer le choc du membre
quand il touche le sol.
Puis, à mi-position,
le membre bionique produit
des couples et des puissances
pour soulever la personne
et lui permettre de marcher à grands pas,
avec un fonctionnement comparable
aux muscles dans la région du mollet.
Cette propulsion bionique
est très importante
pour les patients.
Sur la gauche, on voit le dispositif
bionique porté par une dame,
sur la droite un dispositif
passif porté par la même dame
qui ne parvient pas à imiter
la fonction musculaire normale,
lui permettant de faire quelque chose
que tout le monde devrait pouvoir faire :
monter et descendre l'escalier chez soi.
La bionique permet aussi des prouesses
sportives extraordinaires.
Voici un homme qui monte
un chemin rocailleux en courant.
C'est Steve Martin, pas le comédien,
qui a perdu ses jambes dans l'explosion
d'une bombe en Afghanistan.
Nous construisons aussi des
structures en exosquelette
utilisant ces mêmes principes
qui s'enroulent autour
d'un membre biologique.
Cet homme n'a aucun problème
aux jambes, aucun handicap.
Il a une physiologie normale.
Ces exosquelettes appliquent donc
des couples et puissances
similaires à ceux des muscles,
de sorte que ses muscles
n'ont pas à les appliquer.
C'est le premier
exosquelette dans l'histoire
qui augmente effectivement
la marche humaine.
Il réduit considérablement
le coût métabolique.
L'augmentation est si grande
que lorsqu'une personne normale
en bonne santé
porte l'appareil pendant 40 minutes
puis l'enlève,
leurs propres jambes biologiques
leur semblent ridiculement
lourdes et maladroites.
Nous entrons dans l'ère où
les machines attachées à nos corps
nous rendront plus forts, plus rapides
et plus efficaces.
Passons à l'interface électrique :
comment mes jambes bioniques
communiquent-elles
avec mon système nerveux ?
Sur mon moignon, il y a des électrodes
qui mesurent l'impulsion
électrique de mes muscles,
et le communiquent
au membre bionique.
Quand je pense à déplacer
mon membre fantôme,
le robot suit les désirs de mouvement.
Ce diagramme montre fondamentalement
comment le membre bionique est contrôlé,
si nous modélisons
le membre biologique manquant,
et nous avons découvert quels réflexes
se produisent,
comment les réflexes de la moelle épinière
contrôlent les muscles,
et cette capacité est intégrée
dans les puces du membre bionique.
Ensuite, nous modulons
la sensibilité du réflexe,
le réflexe spinal modélisé,
avec le signal neuronal,
de sorte que quand je me détends
mes muscles dans mon moignon,
j'ai très peu de couple et de puissance,
mais plus je tire mes muscles,
plus j'ai de couple,
et je peux même courir.
C'était la première démonstration
d'un pas de course
sous commandement neuronal.
C'est super.
(Applaudissements)
Nous voulons aller plus loin.
Nous voulons vraiment boucler la boucle
entre l'humain et le membre
externe bionique.
Nous faisons des expériences
où nous cultivons des nerfs
les nerfs sectionnés,
dans des canaux ou micro-canaux.
À l'autre bout du canal,
le nerf s'attache ensuite à des cellules,
des cellules de la peau
et des cellules des muscles.
Dans les canaux moteurs,
nous pouvons ressentir
comment la personne souhaite se déplacer,
ce qui peut être envoyé sans fil
au membre bionique,
puis des capteurs sur le membre bionique
peuvent être convertis en stimulations
dans les canaux adjacents,
les canaux sensoriels.
Donc, lorsque ce sera
complètement développé
et pour l'usage humain,
les personnes comme moi
auront non seulement
des membres synthétiques
qui bougent comme de la chair et des os,
mais seront vraiment ressentis comme tels.
Cette vidéo montre Lisa Mallette
peu après avoir été équipée
de deux membres bioniques.
La bionique fait vraiment
une grande différence
dans la vie des gens.
(Vidéo) Lisa Mallette : Oh, mon Dieu.
Oh, mon Dieu, je ne peux pas le croire !
C'est comme si j'avais une vraie jambe !
Ne cours pas.
Homme : Maintenant, fais demi-tour
et fais la même chose en montant.
Monte, sers-toi de ton talon
et de tes orteils
comme quand on monte normalement
la pente d'un terrain régulier.
LM : Oh, mon Dieu !
Homme : Est-ce que ça
te pousse vers le haut ?
LM : Oui ! Je ne suis même pas...
je ne peux même pas le décrire.
Homme : Ça te pousse jusqu'en haut.
Hugh Herr : La semaine prochaine,
je vais visiter le centre...
(Applaudissements)
Merci. Merci.
Merci. La semaine prochaine,
je vais visiter
les services
du Centre Medicare et Medicaid,
et je vais essayer de les convaincre
d'accorder le langage de code
et le prix adéquat
pour que cette technologie
puisse être disponible
pour les patients qui en ont besoin.
Merci.
(Applaudissements)
On le mesure mal, mais plus de la moitié
de la population du monde
souffre d'un handicap cognitif,
émotionnel, sensoriel ou moteur,
et à cause d'une mauvaise technologie,
trop souvent, les conditions
entraînent des incapacités
et une moins bonne qualité de vie.
Des niveaux élémentaires
de fonction physiologique
devraient faire partie
de nos droits de l'homme.
Chaque personne devrait avoir le droit
pour vivre la vie sans handicap
si elles le désirent,
le droit de vivre sa vie
sans dépression grave ;
le droit de voir un être cher
dans le cas des malvoyants ;
ou le droit de marcher ou danser,
dans le cas de paralysie
ou d'amputation des membres.
En tant que société, nous pouvons
réaliser ces droits de l'homme
si nous acceptons la proposition
que les humains ne sont pas inavlides.
Une personne ne peut jamais être cassée.
Notre environnement construit,
nos technologies,
sont cassées et invalides.
Nous, le peuple, n'avons pas
à accepter nos limites,
mais pouvons transcender le handicap
grâce à l'innovation technologique.
En effet, grâce aux progrès fondamentaux
de la bionique au cours de ce siècle,
nous allons mettre la base technologique
pour une expérience humaine renforcée,
et nous en finirons avec le handicap.
Je voudrais terminer
avec une autre histoire,
une belle histoire,
l'histoire de Adrianne Haslet-Davis.
Adrianne a perdu sa jambe gauche
dans l'attentat terroriste de Boston.
J'ai rencontré Adrianne
quand cette photo a été prise
à Spaulding Rehabilitation Hospital.
Adrianne est une danseuse,
une danseuse de salon.
Adrianne respire et vit la danse.
C'est son expression.
C'est sa forme d'art.
Naturellement,
quand elle a perdu son membre
dans l'attentat terroriste de Boston,
elle voulait retourner
à la piste de danse.
Après l'avoir rencontrée et ramenée
chez elle dans ma voiture,
je me suis dit, je suis professeur au MIT.
J'ai des ressources.
Construisons-lui un membre bionique
pour lui permettre
de revenir à sa vie de danse.
J'ai mis à contribution
des chercheurs du MIT
experts en prothèses, robotique,
apprentissage machine
et biomécanique,
et sur une période
de recherche de 200 jours,
nous avons étudié la danse.
Nous avons fait venir des danseurs
avec des membres biologiques,
et nous avons étudié
comment ils se déplacent,
quelles forces ils appliquent
sur la piste de danse,
et nous avons pris ces données
et avons mis en avant les principes
fondamentaux de la danse,
la capacité de danse réflexive,
et nous avons intégré ce savoir
dans le membre bionique.
La bionique ne se contente pas
de rendre les gens
plus forts et plus rapides.
Notre expression, notre humanité
peuvent être intégrées
dans l'électromécanique.
Il y a eu 3,5 secondes
entre les explosions
dans l'attentat terroriste de Boston.
En 3,5 secondes,
les criminels et les lâches
ont privée Adrianne de la piste de danse.
En 200 jours, nous l'y avons ramenée.
Nous ne serons pas intimidés, abattu,
diminué, conquis ou arrêtés
par des actes de violence.
(Applaudissements)
Mesdames et Messieurs,
permettez-moi de vous présenter
Adrianne Haslet-Davis,
sa première performance depuis l'attentat.
Elle danse avec Christian Lightner.
(Applaudissements)
(Musique: Ring My Bell
interprété par Enrique Iglesias)
(Applaudissements)
Mesdames et Messieurs,
les membres de l'équipe de recherche,
Elliott Rouse et Nathan Villagaray-Carski.
Elliott et Nathan.
(Applaudissements)