John Ronald Reuel Tolkien est né le 3 septembre 1892.
Lui et son frère Hilary vécurent une enfance pénible.
Quand Tolkien eut 4 ans, ils perdirent leur père Arthur
d'une fièvre rhumatismale.
Veuve avec un revenu modeste, sa mère Mabel,
éduqua les deux frères à domicile et elle joua un rôle vital dans leur éducation préscolaire
et dans leur développement
Tolkien était un jeune garçon intelligent, avec une fascination et une soif pour les langues.
Tolkien passa et réussi l'examen d'entrée de la King Edward's School de Birmingham.
Dès l’automne 1900, pour une somme de 12 livres sterling l'année,
Tolkien serait éduqué dans un environnement
qui l'aiderait à accomplir son potentiel universitaire.
Aller à la King Edward's School fut extrêmement important pour Tolkien.
C'était un garçon exceptionnellement doué et
la King Edward's School lui offrit une multitude d'opportunités
ainsi que la compagnie d'autres garçons aussi talentueux que lui,
ce qui était probablement difficile à trouver pour Tolkien.
Non seulement, il jouait au rugby mais c'était une référence
dans la société de débat et la société littéraire ;
il en était bel et bien la vie et l'âme,
et il regretta beaucoup l'école, je pense, quand il dû finalement en partir.
À l'âge de seulement 11 ans, Tolkien avec son frère Hilary,
perdent leur mère, Mabel, d'un diabète.
Frappé de douleur, il se plonge dans la vie scolaire
avec encore plus d'énergie qu'avant.
Il excelle dans les travaux académiques,
et en 1905, il rencontre son rival intellectuel,
Christopher Wiseman.
Tolkien rencontra son meilleur ami de la King's Edward,
Christopher Wiseman, sur un terrain de rugby.
Musicien, mathématicien, il était très différent de Tolkien.
Ils développèrent un lien si fort sur le terrain de rugby
qu'ils s'appelaient eux-mêmes les Grands Frères Jumeaux,
qui était une phrase tirée des Lais de l'Ancienne Rome de Lord Macauley.
Ils étaient également
rivaux amicaux à l'école
étant tous deux des garçons très travailleurs.
Wiseman avait un esprit formidable
et s'intéressait à beaucoup de choses
qui finirent par intéresser Tolkien :
comme les langues. Je crois qu'il étudiait l'égyptien et les hiéroglyphes.
Tolkien et Wiseman ont dû chacun contribuer à définir l'autre
au travers de leurs années d'adolescence,
car ils discutaient,
ils discutaient sans cesse de toutes
leurs croyances dans la vie.
Wiseman était un musicien très talentueux,
Tolkien n'avait pas l'oreille musicale, mais ça ne les a pas empêché de bien s'entendre !
Tolkien se lie aussi d'amitié avec le fils du proviseur, Rob Gilson
Tolkien, Wiseman et Gilson créent des liens très forts
qui durèrent durant toute leur scolarité et au-delà.
Hors de la King Edward's School, la vie de Tolkien est sur le point de changer une nouvelle fois.
Tolkien vivait dans une pension avec son frère Hilary,
et quand il eut 16 ans, il rencontra une autre locataire, Edith Bratt, qui avait alors 19 ans.
C'était une belle jeune femme, pianiste talentueuse et également orpheline.
Tous deux se rapprochèrent via leur tristesse partagée,
mais également via leurs espoirs et leurs rêves.
La difficulté pour Ronald, comme elle l'appelait, et Edith,
c'était qu'il était catholique tandis qu'elle était anglicane.
Pour le tuteur de Tolkien, le père Francis Morgan,
un prêtre catholique,
c'était un problème majeur. Il pensait aussi qu'Edith allait distraire Tolkien
dans ses tentatives d'entrer à l'université d'Oxford.
Le Père Francis Morgan leur interdit de se voir,
et même de communiquer.
Il se retourna vers ses amitiés de la King Edward's
et ce fut au cours de la phase finale de cette période qu'il commença à s'épanouir
et à se faire sa propre place ;
lui et ses amis faisaient la loi.
Tirant le meilleur parti de sa dernière année à la King Edward's
ainsi que des amitiés qu'il s'était créé,
Tolkien et ses pairs créèrent une association informelle.
Ces jeunes intellectuels se réunirent dans la bibliothèque de l'école
et firent ce qu'on leur a interdit : boire du thé.
En dehors des heures de cours, ils se rencontraient au café des magasins Barrow à Birmingham
et ainsi, se moquant d'eux-mêmes, se nommèrent le "Tea Club and Barrovian Society"
ou, pour faire court, le TCBS.
Le cœur du TCBS était probablement
Tolkien et Wiseman
les autres gravitaient autour d'eux.
Il y avait Robert Quilter Gilson,
le fils du proviseur.
Rob était un garçon cultivé et sociable,
c'était peut-être la clé de voûte sociale du groupe.
Il accueillait tout le monde et faisait cause
commune avec chacun.
Un compagnon artiste
qui aimait dessiner.
C'était un artiste doué et
il avait l'ambition d'être architecte.
Il y eut l'arrivée tardive de Geoffrey Bache Smith,
qui était fasciné par la mythologie,
la mythologie celtique ; cela lui donna un point commun
avec Tolkien ; c'était un autre des passions de Tolkien
Smith était un poète tout à fait accompli
et moderne qui recommandait de la poésie contemporaine à Tolkien.
Quand il commença à écrire de la poésie,
Tolkien s'inspira, dans une certaine mesure,
de Smith et de leur groupe.
Et ce fut vraiment le début de Tolkien comme auteur.
Des débuts, qui étaient
essentiellement de l'amusement, jusque plus tardivement, durant les années de guerre
cela se développa une fraternité dans laquelle
chacun d'eux tirait beaucoup de force et
de réconfort.
Plus tard cette année-là, les jours de Tolkien à la
King Edward's s'achevèrent et il commença
son premier trimestre à Oxford,
ayant passé avec succès l'examen d'entrée.
À l'aube de son 21ème anniversaire
et de son indépendance vis-à-vis du Père Francis Morgan,
Tolkien écrivit à Edith,
et moins d'une semaine plus tard, ils étaient réunis.
Edith s'était engagé à épouser un autre homme,
mais en dépit d'un certain ridicule,
elle accepta de briser son engagement pour être
avec son Ronald.
Durant les mois suivants, un sentiment croissant
de trouble infusait à travers l'Europe
et le 28 juin 1914, tout changea.
Gravillon Princip fut arrêté pour
l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand.
Une crise diplomatique s'ensuivit et en quelques semaines,
les principales puissances d'Europe étaient en guerre.
L'Allemagne envahit la Belgique et
la Grande-Bretagne déclara la guerre à l'Allemagne.
Le Parlement lança un appel aux armes
au peuple britannique.
Il n'y eut pas tout de suite de ruée vers les couleurs.
Il devint beaucoup plus évident que
le peuple voulu s’enrôler
quand les histoires d'atrocités
commencèrent à émerger.
Il y eut alors un afflux beaucoup
plus concerné par l'engagement.
Il y avait un air d'excitation à propos de la guerre,
un sentiment naïf que cela permettrait
aux jeunes hommes de réaliser leur potentiel
d'une manière qui était impossible en temps de paix.
Il y eut un formidable élan patriotique
et un sens du devoir envers
ce que l'Angleterre ou la Grande-Bretagne représentaient.
Ils sont attirés par l'idée d'un règlement de comptes avec les Allemands,
ou, du moins, certains d'entre eux le seront.
Dans l'ensemble, ils pensaient
qu'ils allaient mettre les Allemands à genoux.
Les Allemands avaient été ignobles
et on devait s'occuper d'eux et les remettre à leur place.
Les hommes s'engageaient par souci économique
et vous trouverez ça dans n'importe quelle guerre.
La vie n'est pas très excitante et le romantisme
et l'éclat de rejoindre l'armée
et de faire partie de quelque chose de très grand,
est, j'en suis sûr, très attrayant.
Ils voyaient les choses
d'une façon assez romantique,
qui était évidemment destinée à échouer ;
nous savons tous ce que
la Première Guerre mondiale devint.
Ce n'est pas une guerre de mouvement,
de course et de panache.
Ce ne sont pas des charges de cavalerie et des trompettes au loin...
Je crains que ce ne soit que le crépitement des mitrailleuses
et l'explosion de l'artillerie qui va dominer.
Ils avaient, je pense,
des idées de ce que devait être la guerre
et je pense que leur principale émotion était
"ce sera terminé avant que je sois envoyé en France."
Tolkien, qui lisait des reprises
de littérature héroïque antique,
était étonnamment lucide à propos
de ce qui se passait à la guerre
Il y alla beaucoup plus conscient.
Il se décrivait lui-même comme un
"jeune homme avec beaucoup trop d'imagination"
et donc il ne prit aucun plaisir d'aucun sorte dans la bataille.
Je crois que cela s'applique non seulement
aux hommes comme Tolkien qui y combattirent,
mais également aux politiciens
et aux généraux qui la dirigeaient...
Je pense qu'un grand nombre de gens comprenaient que cette guerre pourrait être terrible.
Ce que vous voyez dans les lettres
entre Gilson, Tolkien et Wiseman,
et aussi dans la poésie de Smith,
est une sérieuse détermination à faire leur devoir
et qu'ils étaient préparés à donner leur vie.
Une évaluation réaliste que c'était une période sombre
et qu'ils devaient la traverser.
G.B. Smith et Rob Gilson rejoignirent tous deux l'armée en 1914,
le frère de Tolkien, Hilary, s'enrôla comme clairon
et Christopher Wiseman rejoignit la marine.
Tolkien faisait, quant à lui, face à un dilemme.
Tolkien était dans une position difficile
quand la guerre éclata.
Il était à un an de son diplôme à Oxford
et Tolkien en avait désespérément besoin
car il voulait poursuivre une carrière académique.
Il n'avait aucune richesse de sa famille,
contrairement à Gilson,
et donc, s'étant consacré trois ans à son diplôme,
il était très important qu'il aille au bout.
Il finit par découvrir un système
par lequel il pouvait subir un entrainement
au Corps de formation des Officiers
tout en complétant son année,
ce qu'il fit triomphalement
avec une mention à Oxford.
Il suivit son ami, G.B. Smith,
dans les Lancashire Fusiliers,
dans l'espoir d'être affecté au même bataillon.
Dans l'armée, Tolkien cherchait quelque chose
dans laquelle il pourrait utiliser ses talents particuliers,
et ses talents particuliers étaient les langues et les systèmes d'écriture.
Il était fasciné par les codes et ainsi de suite.
Ce fut donc tout naturellement
qu'il s'entraina pour être signaleur.
Cela signifie que Tolkien était au contact
de la technologie disponible à cette période
et que ça devait l'intéresser
Il utilisait la radio,
les signaux, les sémaphores.
Il apprit le corde morse,
comment utiliser les lampes de signalisation, les téléphones de campagne...
qui se révélèrent bien évidemment
en grande partie inefficaces ou inopérants.
Il devient l'officier de signalisation de son bataillon.
Tolkien devait superviser les communications d'un bataillon
de 600 à 1000 hommes selon
les effectifs du moment.
Son travail de base consistait bien sûr
à faire le lien entre les diverses couches de commandement.
Il devait être responsable des ordres entrants,
faisant en sorte que les bonnes personnes les reçoivent
et bien sûr il devait être chargé de dire
au commandement plus éloigné
de la ligne de front quelle était
la situation dans son secteur.
Ainsi, il était une pierre angulaire absolue dans une guerre qui ne dépendait absolument
que de la quantité d'informations vous aviez sur
la position de vos ennemis.
En mars 1916, alors que
son entraînement touche à sa fin,
Tolkien et Edith se rendent compte
qu'il sera bientôt envoyé au Front.
Ils se marient
et seulement deux mois plus tard,
Tolkien est affecté en France.
Tous deux se séparent sans savoir
s'ils se reverront un jour.
Quand Tolkien arrive au Front,
la Guerre fait rage depuis presque deux ans.
Le coût de la Guerre est clair.
Le pays est dévasté et les pertes innombrables.
Après un enlisement virtuel
dans une guerre des tranchées en 1915,
et avec une nouvelle vague
de milliers de recrues fraîchement entrainées,
il semble clair que la Grande Offensive est imminente.
Le bataillon de Tolkien reste en réserve,
mais il craint pour la vie de ses vieux amis
qui sont sur le Front.
Dans le mois suivant son arrivée en France
les Alliés lance l'Offensive de la Somme.
À 7h30, le samedi 1er juillet,
les troupes britanniques en première ligne
s'engagent sur le terrain.
Le premier jour de l'Offensive
20 000 hommes sont tués, 35 000 blessés
et plus de 2 000 sont portés disparus.
La première victime fut le plan lui-même.
Il commença à se désagréger très rapidement.
Tragiquement, pour les hommes restés en plein air,
ce fut une condamnation à mort.
Un homme sur cinq qui allèrent
au combat le 1er juillet, fut tué.
Ce fut le jour le plus désastreux
de l'histoire de l'Armée Britannique
et une tragédie pour tout le pays.
Il y eut des villages qui perdirent
tous leurs jeunes hommes.
C'est considéré comme la perte de l'innocence.
Les 20 000 tués représentent
un tournant dans la conscience britannique
et peut-être dans les relations entre ceux qui décident et ceux qui sont obligés d'obéir.
Parmi les nombreux hommes tombés ce jour-là
se trouve l'ami fidèle et membre de TCBS
Robert Gilson.
Il mena son peloton sur le terrain,
prit le commandement de sa compagnie,
mais fut abattu au milieu du No Man's Land.
Il était dans la quatrième vague.
Il vit la première vague y aller et échouer,
la seconde vague y aller et échouer,
la troisième vague y aller et échouer.
Et lui, membre de la quatrième vague,
devait y aller... et pourtant ils y allèrent.
Et cela, je crois que c'est ce qu'il y a de plus poignant
et probablement de plus tragique
à propos du 1er juillet 1916.
Que cette génération, qui avait tant
de foi en ses supérieurs,
qui avait probablement tant
de dévouement envers leurs camarades,
qu'ils étaient préparés à y aller,
même si cela signifiait une mort certaine.
Tolkien l'apprit après sa première action en Somme,
quelques semaines plus tard...
et il fut dévasté.
Cela ébranla jusqu'aux fondations de ses croyances.
Il avait, comme tous les membres du TCBS,
construit leur groupe comme
une fraternité, avec des idées et un esprit
qui avaient quelque chose à apporter au Monde,
dans laquelle tous quatre
étaient des parties vitales,
mais désormais l'un d'eux était mort.
Qu'est-ce que cela signifiait
concernant leur raison d'être ?
Mais aussi sur sa raison d'être.
Geoffrey Smith lui écrivit une lettre
dans laquelle Smith expérimente clairement des sentiments de dévastation
et le sentiment que leur fraternité est brisée.
Rob ne deviendrait jamais architecte,
il ne réaliserait jamais sa part
dans ce qu'ils avaient rêvé d'être.
Je crois que cela lui demanda
beaucoup de temps pour s'en remettre.
Les deux autres membres, Wiseman et Smith,
étaient déterminés à le persuader que,
si, l'objectif du TCBS continuait
et je crois qu'à la fin, Tolkien s'en réjouit.
Tolkien écrivit au père de Rob,
le Proviseur de la King Edward's School,
pour lui exprimer ses condoléances.
Le TCBS perdit un jeune homme brillant,
un artiste talentueux et surtout, le plus douloureux,
un ami très cher.
La guerre de Tolkien avait bel et bien commencé,
et durant les mois à venir, il fut le sujet de bien des épreuves dans la guerre des tranchées.
Il passait son temps dans et hors des tranchées
Les bataillons devaient alterner
de la première ligne aux tranchées
de réserve pour se reposer, comme ils disaient en riant,
mais ce n'était pas vraiment du repos,
c'était de l'entraînement.
Tolkien a parlé de la lassitude universelle
de toute cette guerre.
Mais durant cette période, il participa à trois attaques.
Il eut beaucoup de chance de ne pas
avoir à participer au premier jour de la Somme
Il était à quelques kilomètres
derrière la ligne de front, à ce moment-là.
Son bataillon avança pour
la deuxième vague d'attaques.
Ils furent envoyés contre un village appelé Ovillers qui était la ligne de front allemande.
L'une des premières choses qu'il rencontra
fut le chaos complet
dans le système de communications
du champ de bataille.
Il était très primitif, seulement partiellement construit
et endommagé par les aléas de la bataille.
Il avait des signaleurs qui traversaient
le No Man's Land en portant des balises
pour dire "nous sommes arrivés",
d'autres pour dire "nous avons fait des prisonniers".
Ils portaient des pigeons, qui étaient presque
le moyen de communication le plus fiable.
L'un des signaleurs de Tolkien gagna
une médaille militaire pour avoir réussi
à emporter ses pigeons à travers le No Man's Land
et pour avoir fait son travail correctement.
L'attaque fut un succès
et de nombreux prisonniers furent capturés.
De tous les combats rencontrés par Tolkien,
l'un des plus importants fut aussi l'un de ses derniers,
une attaque de la Tranchée Regina.
C'était en octobre.
À cette époque, le champ de bataille
s'était transformé en boue.
L'attaque avait été retardée par la pluie incessante,
mais le 21 octobre, il y eut une vague
de froid et le sol gela
et l'attaque pu être déclenchée.
Il vit des morts violentes,
il vit et ressenti aussi une terreur extrême.
Il n'a jamais, pour autant qu'on sache,
décrit précisément comment
fut la guerre des tranchées,
mais il le résuma en deux mots,
dans l'une de ses lettres.
C'était "horreur animale".
Cela réduisait votre humanité
et vous transformait en une bête vomissante,
prête à tout pour se recroqueviller et survivre.
C'est vraiment intéressant,
si vous lisez le Seigneur des Anneaux
quand les personnages sont
dans des situations de peur extrême,
ils sont toujours décrits baissés et hébétés, déshumanisés par la terreur.
De nombreuses tranchées britanniques
étaient volontairement inconfortables,
car les Généraux voulaient que les hommes croient
qu'elles n'étaient que temporaires,
qu'ils avanceraient bien au-delà,
que ce n'était pas leur foyer.
Loin sur le front ouest,
Tolkien se sentait isolé de son foyer
et les lettres de et à Edith étaient sa ligne de vie.
Pour des raisons d'importance stratégique
Tolkien avait interdiction de partager
sa position dans ses lettres,
alors il inventa un code de points,
pour tenir Edith informée d'où il était.
Il trouvait simplement les lettres de l'alphabet
dans ce qu'il lui écrivait
et mettait un point par-dessus
pour épeler le nom du lieu où
il était positionné à ce moment-là.
Et Edith gardait une carte sur son mur
qu'elle punaisait pour montrer où il était à ce moment-là.
Après l'attaque victorieuse sur la Tranchée Regina,
le bataillon fut relevé du front
et parada devant les hauts gradés.
Cependant, Tolkien tomba malade.
C'était la fièvre des tranchées,
une maladie portée par les poux
due aux mauvaises conditions d'hygiène
dans les tranchées
Elle s'attrape par contact avec les poux
et ses symptômes sont très déplaisants.
Cela vous donne des maux de tête,
des crampes d'estomac,
des douleurs articulaires et dans les os,
des lésions cutanées, etc.
Ce n'est pas fatal,
mais cela peut rendre très affaibli.
Si affaibli que nous ne pouvez être un soldat efficace.
Tolkien était un cas très mauvais,
si mauvais qu'il dû être considéré invalide.
"Retour au bercail", comme ils disent.
Et, de fait, ce fut la fin de sa guerre.
Cela sauva la vie de Tolkien.
Cela l'emporta hors du champ de bataille
et de retour en Angleterre.
Il fut ramené à Birmingham,
au First Southern General Hospital,
comme on l'appelait alors, qui fut mis en place
dans l'enceinte de l'université de Birmingham.
Ce fut là que Tolkien et sa femme Edith furent réunis
et où il commença à écrire
les premières histoires en Terre du Milieu.
Sa réunion avec Edith fut très intense
et ce fut une inspiration pour diverses pièces
d'écriture de sa mythologie,
en particulier l'histoire de Lúthien et Beren
qui est décrite dans le Silmarillion
et mentionnée dans le Seigneur des Anneaux
Une histoire d'amour entre
un homme mortel et une elfe immortelle.
Néanmoins, le répit de Tolkien fut de courte durée.
Peu de temps après son retour à Birmingham,
Tolkien apprit de Christopher Wiseman
que leur ami G.B. Smith avait été tué.
La Bataille de la Somme était terminée
et Smith organisait un match de foot pour ses hommes,
près de 7 kilomètres derrière la ligne de front
quand un obus explosa près de lui.
Il fut frappé par un éclat et développa ce que l'on appelle une gangrène gazeuse,
qui le tua en quelques jours.
Plus tôt en 1916,
alors que Tolkien était encore à l'entraînement,
il avait reçu une lettre de G.B. Smith,
qui était alors dans les tranchées en France.
Smith allait partir pour une patrouille de nuit.
L'officier qui devait menait la patrouille
la nuit précédente
avait été capturé et plus probablement tué.
C'était presque l'activité la plus dangereuse
que vous pouviez faire sur le Front Ouest
et Smith était sur le point de le faire.
Il eut l'opportunité d'écrire à Tolkien et de lui dire :
"Je suis sur le point de partir en patrouille de nuit,
je suis fervent admirateur
de ce que tu as écrit et de ce que tu écriras".
Il adjure Tolkien : "tu as été, j'en suis sûr, choisi."
"Tu dois publier."
Smith était essentiellement
le premier fan de la Terre du Milieu.
Smith dit dans une lettre que
la mort ne pourra pas signer la fin du TCBS,
des "quatre immortels" comme il les appelait,
que Tolkien pourrait dire les choses qu'il avait voulu dire,
longtemps après qu'il ne soit plus là pour les dire.
C'est très émouvant, car Tolkien,
bien qu'ayant sa propre individualité artistique,
voyait, je crois, sa carrière future comme
une tentative de réaliser les rêves artistiques
qu'ils partageaient.
Il était capable de réunir ses forces
et voyait peut-être Smith comme un idéal à atteindre.
À l'été 1918, Tolkien et Wiseman
réunirent quelques poèmes de Smith
et les publièrent dans un petit volume intitulé
"A Spring Harvest", une moisson de printemps.
La guerre de Tolkien était terminée,
mais l'impact de ses expériences lui restèrent à vie
et figurèrent même dans ses écrits futurs.
L'expérience de la Guerre
eut un effet constant sur une grande partie
de la mythologie de Tolkien.
Aussitôt que Tolkien revint de la Somme, il commença à écrire une histoire, "La Chute de Gondolin",
qui était le premier élément de sa mythologie
qui abordait une bataille.
Et la chose fascinante à ce propos,
c'est que les forces assaillantes
utilisent des choses qui sont appelées par Tolkien
"dragons", "bêtes" ou "monstres",
mais qui sont décrites comme
métalliques et déferlantes,
crachant du feu, et dont certaines
ont des troupes en leur sein.
C'est assez clair que c'est une sorte
de mythification du tank,
qui était l'arme secrète des Anglais,
qui venait d'être dévoilé en Somme,
alors que Tolkien était encore là-bas.
Le Seigneur des Anneaux se concentre
sur une fraternité,
ils sont séparés par diverses batailles,
tout comme l'était le TCBS.
Il est presque inimaginable que,
en écrivant l'éclatement de la fraternité,
dans le Seigneur des Anneaux,
Tolkien n'ait pas été influencé par ses propres pertes
durant la Première Guerre mondiale
et par l'éclatement du TCBS.
Il existe une lettre tardive dans laquelle il mentionne
que les Marais Morts, par lesquels Frodo,
Sam et Gollum voyagent, doivent quelque chose
au Nord de la France, de la région de la Somme,
où il combattit.
Frodo et Sam sont clairement
les équivalents d'un officier
et de son aide de camp, son serviteur.
Et Tolkien ne dit pas autre chose.
"Mon Sam Gamgie est inspiré des Secondes Classes,
des Aides de Camp que je connaissais durant la Première Guerre mondiale".
Frodo représente vraiment
les sentiments d'un jeune homme
tel que Tolkien lui-même,
jeté dans une guerre contre son gré
et portant un terrible fardeau sur ses épaules, le fardeau du devoir.
Vous voyez Frodo développer les symptômes de ce que
nous appellerions aujourd'hui le Trouble de Stress Post-Traumatique
ou Traumatisme de guerre, ou encore comme ils l'appelaient alors, l'Obusite.
Il se retire du Monde,
se referme sans cesse sur lui-même,
disant qu'il ne peut se souvenir d'à quoi ressemble l'herbe,
de la lumière du soleil.
Quand la guerre se termine
dans le Seigneur des Anneaux,
Frodo ne se pavane pas comme un héros,
il est visiblement traumatisé par toute son expérience.
C'était le cas de nombre de soldats
qui revinrent du Front Ouest,
incapables de parler des expériences
qui les avaient si profondément affectés .
La génération qui combattit durant la Première Guerre Mondiale, devait être appelé courageuse.
La sacrifice de cette génération
était extraordinaire.
Il y eut des pertes tragiques non seulement
pour les familles et les amis,
mais aussi pour la civilisation dans son entier.
Elle a fait vaciller les croyances bien ancrées
et les préjugés d'honneur et de gloire.
C'est la première guerre totale des machines
Tant de milliers puis finalement de millions d'hommes
pouvaient être anéantis, détruits,
sans nécessairement faire face à leur ennemi individuel.
Ces hommes n'eurent pas le privilège
de mourir un par un.
Ils moururent en masse.
Et ce sont ces chiffres qui, je crois,
nous traumatisent tellement.
C'est pour cette raison que nous avons
des mémoriaux à Thiepval et à la Porte de Menin,
où il y a juste une longue liste de noms.
Leurs corps ont simplement disparus
et ce sont tous des vies séparées,
mais ils se sont tous évanouis comme une seule.
Quand vous lisez les King Edward's School Chronicle,
comme j'ai dû le faire il y a plusieurs années
pour mes recherches sur la vie de Tolkien,
vous apprenez à connaître les garçons
avec lesquels il a grandit,
vous voyez leur réussite,
ce qu'ils ont appris,
comme ils étaient merveilleusement intelligents,
et potentiellement créatifs et brillants.
Puis la Première Guerre mondiale
et vous voyez qu'ils s'y dirigent tout droit.
Ces jeunes hommes,
avec leurs vies entières devant eux, ont été,
c'est une phrase que l'on connaît tous,
fauchés dans la fleur de l'âge.
Ils étaient plein de potentiel, pleins de vie,
pleins de vigueur, pleins de plans, pleins d'ambitions ;
voulant faire toutes sortes de choses
dans leurs vies professionnelles et personnelles
et on leur a refusé cette opportunité.
Quand vous pensez aux aléas de la guerre,
il est très étonnant que Tolkien ait survécu
et qu'il finit par produire
les grandes œuvres de littérature qu'on lui connaît.
Des œuvres qui ont forgé notre culture.
On pourrait se demander combien
d'autres n'ont pas survécu,
quel potentiel était enfermé en eux
qu'ils n'eurent jamais le temps de révéler.
Il y eut donc là une perte incommensurable.
G.B. Smith donne un bref aperçu
d'une jeune vie soufflée
et ne communiquant que
très incomplètement sur ses rêves.
C'est une génération qui ne parlait pas
de ce qu'elle ressentait.
En ce sens, je crois que les effets
psychologiques durèrent longtemps.
De nombreux vétérans survécurent à la guerre pour découvrir qu'ils ne pouvaient survivre à la paix.
Dans la chapelle de la King Edward's School,
huit plaques de cuivre portent les noms
des 245 Anciens Edwardiens qui perdirent la vie durant la Première Guerre mondiale.
Tolkien et ses amis du TCBS n'étaient que quatre parmi près de mille cinq cents Ancien Edwardiens
qui répondirent à l'appel de leur pays
et combattirent dans la Grande Guerre.
Chacune de leurs histoires mérite d'être racontée.
Les pierres tombales entre lesquelles
vous pouvez marcher
dans le nord de la France sont désormais
presque devenues les cathédrales du 21ème siècle
où de nombreuses et importantes questions se posent,
sur la nature de la guerre et du sacrifice,
Et, dans le cas de la Première Guerre Mondiale,
de l'échelle de ce sacrifice.
Est-ce qu'aucune guerre en vaut la peine ?
1 403 Anciens Edwardiens servirent leur patrie durant ce conflit. Presque 1 sur 5 fut perdu.
On estime à plus de 16 millions le nombre de tués et à 20 millions celui des blessés durant la Première Guerre