Village des Pruniers, France, juin 2014. Thich Nhat Hanh, Maître Zen. (Son de demi-cloche et cloche) S'il n'y a ni naissance ni mort, nous sommes condamnés à vivre pour toujours. Ceci n'est pas une solution, mais un problème pour moi et me remplit de désespoir ! [Questionneur] Si notre vraie nature est ni la naissance ni la mort, cela signifie que nous sommes condamnés à vivre pour toujours, vie après vie, après vie, après vie. Donc, pour moi l'enseignement qu'il n'y a ni naissance ni mort n'est pas une solution, c'est un problème. (Rire) Je n'ai pas l'impression... je ne comprends pas comment il est possible de ne pas se sentir désespéré et perdu avec cet enseignement, parce que ce n'est pas seulement penser mais également ressentir. Et pour moi, cela ne m'aide pas et ne fait que créer plus de désespoir. Je préfère mourir à la fin de cette vie, plutôt que de vivre à nouveau. [une Soeur] Cher Thay, chère sangha, notre ami dit que l'enseignement sur notre vraie nature n'ayant ni naissance ni mort, semblerait nous condamner à vivre pour toujours. Cet enseignement, pour lui, n'est pas une solution mais une source de souffrance, pas seulement une souffrance intellectuelle, mais un réel sentiment de peur et de désespoir. Pour lui, il semble bien plus attractif, s'il pouvait mourir et renaître s'il pouvait mourir. (Rire) [Q] Parce que si nous mourrons, la vie est courte et est vraiment intense, donc, nous pouvons l'apprécier autant que possible. Mais si nous continuons de vivre, à plus ou moins longue échéance nous allons nous ennuyer vraiment. (Rire) [Thich Nhath Hanh] Il y a deux types de personnes. (Rire) L'une est que plusieurs d'entre nous désirent vivre pour toujours, ils ont vraiment peur de mourir. Et c'est pourquoi dans l'histoire de l'humanité , beaucoup de gens recherchent l'immortalité. Dans le taoïsme, on essaye de trouver toutes sortes d'herbes, de remèdes et de produits chimiques, de façon à être immortel. Donc, l'immortalité est ce qu'on cherche, et en dessous de ce genre de souhait, de désir, il y a la peur de... la peur de l'anéantissement, la peur de 'ne pas exister', la peur de ne pas être. Nous ne voulons pas passer du royaume de l'existence, au royaume de la non-existence, c'est très effrayant. Vous devez comprendre la mentalité de ceux qui recherchent l'immortalité, qui ont peur de mourir. Ils souffrent avec ce genre de point de vue. Ils recherchent l'immortalité, effrayés de ne pas exister. D'un autre côté, il y a ceux qui sont fatigués de la vie. Ils s'ennuient après 50, 70 ans ou peut-être après 30 ans. Et ils trouvent que cette vie est insupportable. Alors ils cherchent à ne pas être. Certains d'entre eux pensent que commettre un suicide, est une façon de mettre fin à la souffrance et de passer du royaume d'être à celui de ne pas être. Ce genre de souhait est également basé sur une vue fausse, qu'il y a quelque chose que vous appelez 'ne pas être', la non-existence, l'anéantissement, et vous aimeriez y aller, que c'est mieux, on ne... on ne souffre plus, ce n'est plus ennuyeux. Donc vous aspirez à ne pas être, à... à l'anéantissement, et ce genre de désir est basé sur toutes sortes de vues fausses. Mais la vue juste est que la naissance et la mort, la vie et la mort, vont toujours de pair. Vous ne pouvez pas en prendre un sans prendre l'autre. Vous cherchez la mort, et vous essayez d'abandonner la vie derrière vous. C'est quelque chose d'impossible. Parce qu'on veut toujours être ensemble, comme la gauche te la droite. Vous ne pouvez pas prendre la gauche sans la droite, et la droite sans la gauche. C'est la loi que nous découvrons en regardant profondément. Et nous voyons que ceci n'est qu'une manifestation, et que la notion de gauche et droite est plus dans nos têtes, dans notre façon de penser, que dans la réalité? Donc, toutes les notions comme ennuyeux et pas ennuyeux, souffrance et bonheur, être et ne pas être, viennent plus de notre esprit de discrimination, de notre mental et de nos constructions mentales, plutôt que de la réalité. Nous nous comportons comme si nous savions quelle est la réalité. Nous avons seulement à composer avec la réalité. Mais la réalité que nous croyons connaitre, n'est qu'une construction de notre mental. Naissance et mort sont également une construction de notre mental. Et ce n'est pas la réalité. Nous avons appris durant cette retraite que naissance, vie et mort, naissance et mort, sont des notions plus que la réalité. Être et ne pas être est une paire d'opposés qui est là en tant que fondement des notions de naissance et mort. Votre question révèle que vous croyez toujours dans un soi, une âme, qui reste le même toujours. Mais en réalité il n'y a rien de tel. Il n'y a rien qui puisse rester le même dans deux instants consécutifs. Donc, qui est entrain de s'ennuyer ? Qui s'ennuie ? Parce que le vous de cet instant n'est plus le même vous que celui de l'instant précédent. Parce que vous n'êtes pas allé suffisamment profond et n'êtes pas entré en contact avec la vraie nature de... pas de naissance ni de mort, pas de soi ni d'autre, pas d'être ni de non-être. Donc ceux qui cherchent le Nirvana, ils peuvent penser que quand vous entrez en contact avec le Nirvana, quand vous entrez au Nirvana, vous n'avez plus besoin de reprendre naissance, que vous appartenez désormais au royaume du non-être. C'est l'image la plus trompeuse à propos du Nirvana : Le Nirvana est une mort éternelle. Pour certains la mort éternelle est un salut. Parce qu'alors vous n'avez pas besoin de renaître et de souffrir. C'est une vue fausse. Et beaucoup de gens - y compris des érudits occidentaux du bouddhisme - ils croient que le but du bouddhisme est d'obtenir une mort éternelle. et une non-existence éternelle totale. Mais le Bouddha à plusieurs reprises a démenti cela : 'Notre but n'est pas d'atteindre le néant, d'atteindre... l'anéantissement.' Il a dit cela de nombreuses fois : 'Je n'enseigne pas l'anéantissement. Mon point de vue est le genre de vision intérieure qui transcende les deux notions - l'anéantissement et la permanence -" C'est une paire d'opposés. L'immortalité est un extrême. L'âme immortelle qui ne peut jamais mourir, qui est un extrême, et l'anéantissement est un autre extrême. Donc la vue juste est une sorte de vision intérieure qui transcende les deux notions, l'immortalité, et la non-existence, l'anéantissement. La méditation est faite pour ôter ces sortes de notions. Il y a de nombreuses paires de notions que nous devons ôter. Et quand vous êtes capable d'ôter ces notions, vous avez la paix. Vous ne vous inquiétez plus. Spécialement vous ne croyez pas dans un soi, qui doit passer par la naissance et la mort appartenant au samsara. Il n'y a ni naissance ni mort. Il n'y a pas de soi qui passe par la naissance et la mort. Tout cela ne sont que des notions. Quand vous avez ce genre de vision intérieure, vous êtes léger, vous n'avez plus de peur. Et vous voyez que tout se renouvelle, tout le temps. La joie et le bonheur sont possibles, la transformation de la souffrance est possible. Et vous pouvez aider tellement de gens à moins souffrir. La vie a un sens. Vous ne vous fatiguez pas. Vous ne vous ennuyez pas. Parce que vous savez que votre vie a un sens, votre vie est utile. Vous pouvez générer l'énergie de la compassion et de la joie, de façon à aider le monde à guérir. Il n'y a pas besoin d'un soi permanent, d'une âme, du point de vue de l'impermanence, du point de vue de l'immortalité, ou du point de vue de l'anéantissement, parce que vous êtes libre de tout cela. Le nirvana est possible, la disparition de cette sorte de souffrance et d'afflictions, telles que la peur, la colère et le désespoir. Et la disparition de ces afflictions est possible seulement quand vous pouvez mettre fin à des notions telles que naissance et mort, être et ne-pas-être. Donc nous pouvons définir le nirvana en termes très clairs : l'absence de notions, et l'absence de souffrance née sur la base de ces notions. (Rire) Très bien ! Bon sourire ! (Rire) Très bon sourire. Se connecter, être inspiré, être nourri. (Cloche)