En 2015, 25 équipes à travers le monde ont concouru pour construire des robots sauveteurs, capables d'exécuter certaines tâches, comme utiliser un outil électrique, travailler sur un terrain accidenté et conduire un véhicule. Tout ça a l'air impressionnant, et c'est le cas, mais regardez la structure du robot gagnant, HUBO. Ici, HUBO essaie de sortir d'une voiture, et gardez en mémoire, la vidéo est accélérée trois fois. (Rires) HUBO, créé par KAIST en Corée, est à la pointe de la technologie avec des capacités impressionnantes, mais ce corps n'a pas l'air si différent des autres robots qu'on a vus il y a quelques décennies. Si vous regardez les autres robots de la compétition, leurs mouvements ont aussi l'air très robotiques. Leurs corps sont faits de structures mécaniques utilisant des matériaux rigides tels que le métal et des moteurs traditionnels électriques rigides. Ils n'ont certainement pas été conçus pour être bon marché, sûrs et faciles à adapter à des défis imprévisibles. Nous avons bien progressé avec les cerveaux des robots, mais leurs corps sont encore primitifs. Voici ma fille Nadia. Elle a seulement cinq ans et peut sortir de la voiture plus rapidement que HUBO. (Rires) Elle peut aussi se balancer sur les barres de singe facilement, beaucoup mieux que n'importe quel robot humanoïde. Contrairement à HUBO, le corps humain utilise constamment des matériaux souples et déformables tels que le muscle et la peau. Il faut une nouvelle génération de corps de robot inspirée par l'élégance, l'efficacité et la souplesse des designs trouvés dans la nature. Et en effet, cela est devenu l'idée clé d'un nouveau domaine de recherche appelé la robotique souple. Mon groupe de recherche et mes collaborateurs dans le monde utilisent des composants flexibles inspirés des muscles et de la peau pour fabriquer des robots agiles et habiles qui sont de plus en plus proches des capacités impressionnantes des organismes naturels. J'ai toujours été particulièrement inspiré par les muscles biologiques. Ce n'est pas surprenant. Je suis aussi autrichien, et je sais que je parle un peu comme Arnie, le Terminator (Rires) Le muscle biologique est un vrai chef-d’œuvre de l’évolution. Il peut guérir après un dommage et il est étroitement intégré avec des neurones sensoriels pour la rétroaction sur le mouvement et l'environnement. Il peut se contracter rapidement pour le battement rapide des ailes d'un colibri ; il peut devenir assez fort pour déplacer un éléphant; et il est suffisamment adaptable pour les bras extrêmement polyvalents d'une pieuvre, un animal qui peut comprimer son corps à travers de minuscules trous. Les actionneurs sont pour les robots ce que les muscles sont pour les animaux : les acteurs clés du corps qui permettent le mouvement et l'interaction avec le monde. Donc, si nous pouvions construire des actionneurs souples, ou des muscles artificiels, qui soient aussi polyvalents et adaptables, avec les mêmes performances que les vrais, nous pourrions construire presque tout type de robot pour presque tous les types d'usages. Sans surprise, les gens ont essayé pendant de nombreuses décennies de reproduire les capacités impressionnantes du muscle, mais cela a été très difficile. Il y a environ 10 ans, quand j'ai fait mon doctorat en Autriche, mes collègues et moi avons redécouvert ce qui est probablement l'une des toutes premières publications sur le muscle artificiel, publiée en 1880. « Modifications de forme et de volume des corps diélectriques causées par l'électricité », publié par le physicien allemand Wilhelm Röntgen. La plupart d'entre vous le connaissent pour sa découverte de la radiographie. Suivant ses instructions, on a utilisé une paire d’aiguilles connectée à une source haute tension et posée près d’un morceau de caoutchouc transparent pré-étiré sur un cadre en plastique. Une fois le courant allumé, le caoutchouc s'est déformé et tout comme nos biceps fléchissent nos bras, le caoutchouc a plié le cadre. On dirait de la magie. Les aiguilles ne touchent même pas le caoutchouc. Cependant, avec deux aiguilles, il n'est pas évident de faire fonctionner des muscles artificiels, mais cette incroyable expérience m'a attaché au sujet. Je voulais innover pour la construction de muscles artificiels qui pourraient fonctionner pour des applications réelles. Les années suivantes, j'ai travaillé sur différentes technologies qui étaient prometteuses, mais qui présentaient toutes des défis difficiles à surmonter. En 2015, quand j'ai débuté mon laboratoire à la CU Boulder, je voulais tester une nouvelle idée. Je voulais combiner une vitesse élevée et l'efficacité des actionneurs électriques, avec des actionneurs polyvalents souples et fluides. Par conséquent, j'ai pensé, que je pourrais utiliser une science ancienne d'une nouvelle manière. Le diagramme que vous voyez ici montre un effet appelé le stress de Maxwell. Quand deux plaques de métal sont placées dans un récipient d'huile, puis mises sous tension, le stress de Maxwell force l'huile entre les deux plaques, et c'est ce que vous voyez ici. L'idée principale était : pouvons-nous utiliser cet effet pour déplacer l'huile contenue dans des structures extensibles ? Et en effet, cela marche étonnamment bien. Franchement, mieux que ce que je pensais. Avec ma remarquable équipe d'étudiants, on a utilisé cette idée de départ pour développer une nouvelle technologie appelée muscles artificiels HASEL. Les HASEL sont assez délicats pour prendre une framboise sans l'endommager. Ils peuvent s'étendre et se contracter comme des vrai muscles. Et être commandés plus vite que les muscles réels. Ils peuvent être renforcés pour délivrer de grandes forces. Ici vous pouvez les voir soulever un bidon rempli d'eau. Ils peuvent être utilisés pour piloter un bras robot et ils peuvent même repérer leur position. Les HASEL peuvent être utilisés pour des mouvements très précis, mais aussi pour des mouvements très fluides, semblables au muscle, et augmenter de puissance pour tirer une balle en l'air. Plongés dans l'huile, les muscles artificiels HASEL peuvent être rendus invisibles. Alors comment marchent les HASEL ? Vous serez peut-être surpris. Ils sont basés sur des matériaux disponibles et peu coûteux. Vous pouvez même essayer, et je le conseille, le principe de base chez vous. Prenez des sacs zippés et remplissez-les d'huile d'olive. Retirez les bulles d'air si possible. Maintenant, placez un support en verre d'un côté du sac. Quand vous appuyez, le sac se contracte. Le niveau de contraction est facile à contrôler. Quand vous prenez un poids léger, vous avez une petite contraction. Avec un poids moyen, on obtient une moyenne contraction. Et avec un poids lourd, vous obtenez une grande contraction. Pour les HASEL, la seule différence est de remplacer la force de votre main ou le poids, par une force électrique. HASEL : « actionneur électrostatique auto-guérisseur amplifié hydrauliquement » Ici vous voyez une géométrie qu'on nomme actionneurs Peano-HASEL, un parmi les nombreux designs possibles. De nouveau, vous prenez un polymère flexible comme notre sac zippé que vous remplissez d'un liquide isolant, comme l'huile d'olive, et maintenant, à la place d'une plaque de verre, vous placez un conducteur électrique sur un côté du sac. Pour créer une sorte de fibre musculaire, vous pouvez connecter plusieurs sacs et attacher un poids d'un côté des sacs. Ensuite, on met sous tension. Maintenant, le champ électrique commence à agir sur le liquide, Il déplace le liquide, et il force le muscle à se contracter. Ici vous regardez l'actionneur Peano-HASEL complet et comment il s'étend et se contracte lorsque le voltage est appliqué. Vu de l’intérieur, Vous pouvez vraiment voir ces sacs prendre une forme plus cylindrique, comme pour les sacs zippés. On peut aussi placer quelque-unes de ces fibres musculaires à côté pour être plus semblable à un muscle qui se contracte et s'étend en sections transversales. Ces HASEL ici soulèvent un poids 200 fois plus lourd que leur propre poids. Ici vous voyez un des nouveaux designs, appelé quadrant donut HASEL et comment ils s'élargissent et se contractent. Ils peuvent fonctionner très rapidement, atteignant des vitesses surhumaines. Ils sont même assez puissants pour sauter en l'air. (Rires) Globalement, les HASEL ont le potentiel de devenir la première technologie qui égale ou surpasse la performance des muscles biologiques tout en étant compatible avec la fabrication à grande échelle. C'est aussi une très jeune technologie. Nous débutons juste. On a beaucoup d'idées sur comment améliorer nettement les performances, avec de nouveaux matériaux et designs pour atteindre un niveau de performance au-delà des muscles biologiques et des traditionnels moteurs électriques rigides. En allant vers des designs plus complexes pour la bio-robotique - voici notre scorpion artificiel qui peut utiliser sa queue pour chasser des proies, dans ce cas, un ballon. (Rires) Revenons à notre inspiration initiale, la flexibilité des tentacules de pieuvre et de trompe d'éléphant, nous pouvons maintenant construire des actionneurs continus mous qui se rapprochent de plus en plus de la capacité du réel. Je suis très excité sur les applications pratiques des muscles artificiels HASEL. Ils vont permettre des robots mous qui peuvent améliorer la qualité de vie. Ils vont favoriser une nouvelle génération de prothèse plus réaliste pour les personnes qui ont perdu une partie de leur corps. Vous pouvez voir ici des HASEL de mon laboratoire, les premiers tests, pour une prothèse de doigt. Un jour, on pourra peut-être fusionner nos corps avec des pièces de robotique. Je sais qu'à première vue, cela semble effrayant. Mais quand je pense à mes grands-parents et à la façon dont ils deviennent plus dépendants des autres pour réaliser les tâches quotidiennes comme seulement utiliser les toilettes, ils se sentent souvent comme s'ils étaient un fardeau. Avec la robotique souple, on sera capable d'améliorer et de restaurer l'agilité et la dextérité, et ainsi aider les personnes âgées à maintenir leur autonomie plus longtemps dans leur vie. Nous pouvons peut-être appeler cela « la robotique anti-vieillissement » ou même la prochaine étape de l'évolution humaine. Contrairement à leurs homologues rigides, les robots souples réalistes agiront sans danger et nous aideront à la maison. La robotique souple est un nouveau domaine qui commence juste. J'espère que beaucoup de jeunes personnes de milieux différents nous rejoindront dans cette aventure passionnante et développeront le futur de la robotique en introduisant de nouveaux concepts inspirés par la nature. Si on le fait bien, on peut améliorer la qualité de vie pour nous tous. Merci. (Applaudissements)