Je vais aujourd'hui vous parler d'énergie et de climat. Et cela peut sembler un peu surprenant parce que mon travail à temps plein à la Fondation concerne plutôt les vaccins et les semences, les choses que nous devons inventer et distribuer pour aider les deux milliards des plus pauvres à vivre mieux. Mais l'énergie et le climat sont extrêmement importants pour ces personnes, en fait, plus importants que pour quiconque sur la planète. Le climat se détériore, ce qui signifie qu'il y aura de nombreuses années où leurs cultures ne pousseront pas. Il y aura trop de pluie, ou pas assez de pluie. Les choses vont évoluer dans des directions que leur environnement fragile ne peut tout simplement pas supporter. Et cela conduit à la famine. Cela conduit à l'incertitude. Cela conduit à des troubles. Les changements climatiques seront terribles pour eux. Le prix de l'énergie, également, est très important pour eux. En fait, si vous ne pouviez baisser le prix que d'une seule chose, pour réduire la pauvreté, ce serait, de loin, celui de l'énergie. Or, le prix de l'énergie a baissé au fil du temps. Vraiment, les avancées de la civilisation sont fondées sur les avancées de l'énergie. La révolution du charbon a alimenté la révolution industrielle, et, même dans les années 1900, nous avons assisté à une diminution très rapide du prix de l'électricité, et c'est grâce à ça que nous avons des réfrigérateurs, l'air conditionné, que nous pouvons fabriquer des matériaux modernes et faire tant de choses. Dans le monde riche, tout va bien par rapport à l'électricité . Mais, en même temps qu'on abaisse son prix - et c'est parti pour le diviser par 2 -- nous devons répondre à une nouvelle contrainte, et cette contrainte concerne le CO2. Le CO2 réchauffe la planète, et l'équation sur le CO2 est en réalité très simple. Si vous prenez le total du CO2 rejeté, cela conduit à une augmentation de température, et cette augmentation de température conduit à des effets très négatifs. Des effets sur la météo et, peut-être pire, des effets indirects, parce que les écosystèmes naturels ne peuvent pas s'adapter à ces changements rapides, et alors on voit l'effondrement de ces écosystèmes. C'est vrai que sur les chiffres exacts, quelle température on aura, à partir de quelle augmentation de CO2, et à quel endroit on aura des effets secondaires positifs, là, on rencontre une certaine incertitude, mais pas beaucoup. Et si on ne connait pas exactement le degré de gravité de ces effets, on sait qu'ils seront extrêmement graves. A plusieurs reprises, j'ai demandé à des scientifiques de haut niveau s'il fallait vraiment descendre jusqu'à près de zéro? Ne peut-on pas simplement diminuer de la moitié ou du quart? Et la réponse est que, jusqu'à ce que nous approchions de zéro, la température continuera à augmenter. Et donc c'est un grand défi. C'est très différent que de dire qu'on est un camion de 3,5 m de haut essayant de passer sous un pont de 3 m, et qu'on va trouver le moyen de s'y glisser. Là, c'est quelque chose qui doit arriver à zéro. Chaque année, nous rejetons une grande quantité de CO2, plus de 26 milliards de tonnes. Pour chaque américain, ça représente près de 20 tonnes. Pour un habitant d'un pays pauvre, c'est moins d'une tonne. La moyenne est d'environ cinq tonnes par personne sur la planète. Et on doit trouver le moyen d'apporter les changements pour descendre à zéro. L'augmentation a été constante. Ce n'est qu'à cause de divers changements économiques que ça s'est ralenti, alors nous devons donc passer d'une hausse rapide à une baisse, jusqu'à descendre à zéro. Cette équation a quatre facteurs. Faisons un peu de multiplication. Bon, on a quelque chose à gauche, le CO2, qu'on veut réduire à zéro, et ça va être basé sur le nombre de personnes, les services que chaque personne utilise, en moyenne, l'énergie utilisée en moyenne pour chaque service, et le CO2 rejeté, par unité d'énergie. Alors, penchons-nous sur chacun de ces membres, et voyons comment on peut réduire le résultat à zéro. Il faudra probablement que l'un de ces chiffres soit tout proche de zéro. C'est du niveau de l'algèbre du secondaire, mais jetons un coup d'oeil. D'abord nous avons la population. Le monde compte aujourd'hui 6,8 milliards de personnes. On devrait atteindre les 9 milliards. Avec de très bons résultats sur les nouveaux vaccins, les soins de santé, le contrôle des naissances, on pourrait le réduire de, peut-être, 10 ou 15 pour cent, mais on gardera un facteur d'augmentation d'environ 1,3. Le deuxième facteur concerne les services que nous utilisons. Cela englobe tout, la nourriture que nous mangeons, les vêtements, la télévision, le chauffage. Ce sont de très bonnes choses, et se débarrasser de la pauvreté signifie pouvoir fournir ces services à presque tout le monde sur la planète. Et c'est une bonne chose que ce chiffre augmente. Dans le monde riche, peut-être le milliard du haut, nous pourrions probablement les réduire, en utiliser moins, mais chaque année, ce chiffre, en moyenne, va monter, et finira par plus que doubler le nombre de services fournis par personne. Ici nous avons un exemple de service très basique. Vous avez à la maison un éclairage suffisant pour lire et faire les devoirs scolaires. Pas ces enfants. Alors ils sortent et font leurs devoirs à la lumière des lampadaires de la rue. Maintenant, l'efficacité, "E", la quantité d'énergie pour chaque service, et ici, nous avons enfin de bonnes nouvelles. Nous avons quelque chose qui ne grimpe pas. Grâce à diverses inventions et de nouvelles façons de faire de la lumière, grâce à de nouveaux types de voitures, des façons différentes de construire les bâtiments. Il y a beaucoup de services pour lesquels on peut réduire l'énergie de façon substantielle, et pour certains services particuliers, la réduire de 90 pour cent. Il existe d'autres services comme la façon de fabriquer les l'engrais, ou d'effectuer le transport aérien, où les marges d'amélioration sont beaucoup beaucoup plus réduites. Et donc, en gros, en étant optimistes, on pourrait obtenir une diminution d'un facteur de trois à, peut-être même, un facteur de six. Pour l'ensemble de ces trois premiers facteurs, nous sommes au mieux passés de 26 milliards à, peut-être 13 milliards de tonnes, et ce n'est pas suffisant. Alors, voyons ce quatrième facteur -- qui va être un facteur clé -- et c'est la quantité de CO2 dégagée par unité d'énergie. Et donc, la question est: "Peut-on le réduire à zéro ?" En brûlant du charbon, la réponse est non. Si vous brûlez du gaz naturel, non plus. Presque toutes les techniques pour produire aujourd'hui de l'électricité, en dehors des énergies renouvelables et du nucléaire, rejettent du CO2. Et donc, ce que nous allons devoir faire à une échelle globale, c'est de créer un nouveau système. Alors, il nous faut des miracles dans le domaine de l'énergie. Mais quand j'utilise le mot miracle, je ne veux pas dire quelque chose d'impossible. Le microprocesseur est un miracle. L'ordinateur personnel est un miracle. L'Internet et les services web sont un miracle. Dans ce sens, les gens présents ici ont participé à la création de nombreux miracles. D'habitude, on n'a pas de date butoir, où il faut réaliser le miracle pour une date donnée. D'habitude, on se tient juste prêts, et alors certains se produisent, d'autres pas. Dans le cas présent, il faut aller à toute vitesse et obtenir un miracle avec un calendrier assez restreint. Je me suis demandé comment je pourrais résumer visuellement cela. Y aurait-il une sorte d'illustration venant de la nature, une démonstration qui saisirait l'imagination des gens ici? J'ai repensé à l'année dernière, quand j'avais apporté des moustiques, les gens avaient bien aimé. (Rires) Ça leur avait permis de vraiment intégrer l'idée qu'il y a des gens qui vivent avec les moustiques. Donc, avec l'énergie, tout ce que à quoi j'ai pu arriver, c'est ça. J'ai décidé que libérer des lucioles serait ma contribution à l'environnement ici, cette année. Voici donc ici des lucioles naturelles. On m'a dit qu'elles ne mordent pas, en fait, elles pourraient bien ne pas quitter ce pot. (Rires) Il y a toutes sortes de solutions astucieuses comme ça, mais elles n'apportent pas grand chose, en fait. Nous avons besoin d'une ou de plusieurs solutions, qui fonctionnent à une échelle immense, avec une immense fiabilité, et, bien qu'on cherche dans nombreuses directions, Je n'en vois vraiment que cinq qui tiennent la route. J'ai laissé de côté l'énergie marémotrice, la géothermie, la fusion, les biocarburants. Elles apporteront leur contribution, et si c'est plus que je ne pense, tant mieux, mais mon idée là-dessus, c'est que sur ces cinq-là, il y a encore du travail à faire, et nous ne pouvons en laisser tomber aucune, même si ça paraît difficile, même si les défis à relever semblent importants. Regardons d'abord la combustion des combustibles fossiles, qu'il s'agisse du charbon ou du gaz naturel. Ce qu'il faut faire là paraît simple, mais ça ne l'est pas, c'est de prendre tout le CO2, après la combustion, le sortir du circuit, le mette sous pression, le rendre liquide, le mettre quelque part, et espérer qu'il y reste. Il y a des projets avancés permettant de réaliser cela à 60 à 80 %, mais arriver à 100%, ça sera très délicat, et ce sera difficile de convenir de l'endroit où tout ce CO2 devrait être mis, mais le plus dur est ici la question du long terme. Qui pourra avoir cette certitude ? Qui pourra garantir quelque chose qui est des milliards de fois plus volumineux que tout autre type de déchets auquel vous pouvez penser, nucléaires ou autres? Cela fait beaucoup de volume. Alors ce sera difficile pour cette solution. Ensuite, il y a le nucléaire. Qui présente aussi trois gros problèmes : Le coût, en particulier dans les pays fortement réglementés, est élevé. La question de la sécurité, d'être vraiment sûrs qu'il n y aura pas de problème, que, même en ayant des opérateurs humains, le combustible ne soit pas utilisé pour les armes. Et puis, que faire avec les déchets? Et, bien que le volume ne soit pas pas très impotant, il pose de nombreux problèmes. Les gens ont besoin de se sentir bien là-dessus. Donc, trois problèmes très difficiles qui pourraient être résolus, et donc, sur lesquels il faudrait travailler. Les trois derniers des cinq, je les ai regroupés. Ce sont ceux auxquels les gens font souvent référence en tant qu'énergies renouvelables. Mais en fait - même si c'est génial qu'elles ne nécessitent aucun carburant -- elles présentent quelques inconvénients. Le premier est que la densité d'énergie produite grâce à ces technologies est considérablement inférieure à celle d'une centrale électrique. Il s'agit de fermes à énergie, on parle là de nombreux kilomètres carrés, des milliers de fois plus d'espace que pour une centrale à énergie normale. De plus ce sont des sources fonctionnant par intermittence. Le soleil ne brille pas toute la journée, il ne brille pas tous les jours, et, pareillement, le vent ne souffle pas tout le temps. Et donc, si vous dépendez de ces sources, vous devez avoir un moyen d'obtenir de l'énergie pendant ces périodes de temps où elle n'est pas disponible. Nous avons ici de gros problèmes de coûts . Nous avons des problèmes de transmission. Par exemple, disons que cette source d'énergie est en dehors de votre pays, alors non seulement vous avez besoin de la technologie, mais vous devez faire face au risque d'une énergie venue d'ailleurs. Et, finalement, il y a ce problème de stockage. Alors, pour dimensionner cela, j'ai étudié tous les types de batteries qu'on fabrique, pour les voitures, pour les ordinateurs, les téléphones, les lampes de poche, pour tout, et comparé cela à la quantité d'énergie électrique utilisée dans le monde, et ce que j'ai constaté, c'est que la totalité des batteries que nous faisons aujourd'hui pourrait stocker moins de 10 minutes de toute l'énergie. Alors, en fait, nous avons besoin d'une percée importante ici, quelque chose qui puisse améliorer d'un facteur de 100 les approches que nous avons actuellement. Ce n'est pas impossible, mais ce n'est pas une chose très facile. C'est ce qu'on voit quand on essaie d'obtenir d'une source intermittente plus de, disons, 20 à 30 pour cent de ce qu'on utilise. Si on compte sur cette source pour fournir les 100%, vous avez besoin d'une incroyable batterie miracle. Bon, essayons d'avancer sur la question de la bonne approche à adopter. Est-ce que c'est un nouveau "Projet Manhattan" ? Quels moyens pour y arriver ? Eh bien, il nous faut un grand nombre d'entreprises pour travailler sur le sujet, des centaines. Dans chacune de ces cinq voies, nous avons besoin d'au moins une centaine de personnes. Et pour beaucoup d'entre eux, vous penserez qu'ils sont fous. C'est parfait. Et, je pense qu'ici, dans le groupe TED, beaucoup de gens poursuivent déjà ces voies. Bill Gross possède plusieurs sociétés, dont une appelé eSolar qui maîtrise quelques importantes technologies thermiques solaires. Vinod Khosla investit dans des douzaines d'entreprises qui font de grandes choses et ont d'intéressantes possibilités, et j'essaie d'aider à soutenir financièrement ces projets. En fait, Nathan Myhrvold et moi, nous soutenons financièrement une société qui, cela vous étonnera peut-être, a choisi l'approche nucléaire. Il ya quelques innovations dans le nucléaire: modulaire, liquide. Et l'innovation avait vraiment cessé dans cette industrie depuis un certain temps, Alors, l'idée qu'il y ait quelques bonnes idées qui traînent n'est pas surprenant. L'idée de Terrapower est, qu'au lieu de brûler une partie de l'uranium, ce un pour cent, qui est le U235, on a décidé de brûler les autres 99 %, le U238. C'est une idée un peu folle. En fait, ça faisait longtemps que des gens en parlaient, mais ils n'étaient jamais arrivés à simuler correctement si ça marcherait ou non, alors c'est grâce à l'avènement des super-ordinateurs modernes qu'on a pu effectuer la simulation, et voir que, oui, avec la bonne approche sur les matériaux, il semble que ça peut marcher. Et, parce que vous brûlez ces 99 pour cent, vous avez énormément amélioré le profil des coûts. Ce que vous brûlez, ce sont les déchets, et vous pouvez utiliser comme combustible tous les surplus de déchets produits par les réacteurs d'aujourd'hui. Ainsi, au lieu de s'en inquiéter à leur sujet, on les utilise. Ça, c'est quelque chose. Ça aspire cet uranium en fonctionnant. C'est un peu comme une bougie. Vous pouvez voir ça comme une bûche, on en a souvent parlé comme du "réacteur à vague d'ondes". En termes de carburant, ça résout vraiment le problème. J'ai une photo ici d'un lieu dans le Kentucky. Ce sont les "restes", les 99 pour cent, dont on a enlevé toute la partie qu'on brûle actuellement, alors on appelle ça "uranium appauvri". Cela permettrait d'alimenter les États-Unis pour des centaines d'années. Et, par un processus peu coûteux, simplement en filtrant l'eau de mer on aurait assez de carburant pour toute la vie du reste de la planète. D'accord, il reste encore beaucoup de chemin à faire, mais c'est un exemple parmi les centaines et les centaines d'idées dont nous avons besoin pour avancer. Réfléchissons, comment allons-nous établir notre échelle de notation ? De quoi devrait avoir l'air notre feuille de route ? Commençons par le but que nous devons atteindre, et puis regardons les étapes intermédiaires. Pour 2050, vous avez entendu beaucoup de gens parler de cette réduction de 80 pour cent. C'est vraiment très important que nous y arrivions. Et que les 20 % proviennent de ce qui se passe dans les pays pauvres, ou encore un peu de l'agriculture. Espérons que d'ici là nous aurons une sylviculture et une industrie du ciment propres. Donc, pour arriver à ces 80 %, les pays développés, y compris des pays comme la Chine, auront eu à transformer complètement leurs méthodes de production d'électricité. Le niveau suivant, ce sera de mettre en oeuvre cette technologie zéro émission, de l'avoir mise en oeuvre dans tous les pays développés et d'être en passe de le faire dans les autres pays. C'est super important. C'est un élément essentiel pour tenir la feuille de route. Alors, en revenant en arrière à partir de là, à quoi ressemble la feuille de route de 2020 ? Eh bien, là encore, on devrait avoir les deux éléments. Nous devons passer par des mesures d'efficacité pour commencer à obtenir des réductions. Moins nous émettons, moins grande sera la somme de CO2, et, par conséquent, moins chaude sera la température. Mais à certains égards, le niveau que nous atteindrons ici, en faisant des choses qui ne conduisent pas tout de suite à d'importantes réductions, n'est pas plus important, et peut-être même moins, que cet autre, qui est l'innovation sur laquelle reposent ces percées. Ces progrès, il faut que nous les réalisions à toute vitesse, et nous pouvons quantifier cela en termes de sociétés, de projets pilotes, de modifications des dispositions réglementaires. Beaucoup de grands livres ont été écrits à ce sujet. Le livre de Al Gore, "Notre Choix" et le livre de David McKay, «L'énergie durable sans air chaud". Ils éclairent vraiment bien le sujet, et créent un cadre qui ouvre largement à la discussion, parce qu'on a besoin d'un soutien large pour cela. Beaucoup de choses doivent se produire en même temps. Il s'agit donc d'un souhait. C'est un vœu très concret, que l'on invente cette technologie. Si on me donnait un seul vœu à faire pour les 50 prochaines années, si je pouvais choisir le prochain Président, ou choisir un vaccin, ce qui est quelque chose que j'aime, ou encore choisir que cette chose soit inventée, un coût divisé par deux sans aucune émission de CO2, c'est ce dernier que je choisirais. C'est celui qui aurait le plus grand impact. Si ce souhait ne se réalise pas, la division entre les gens qui pensent à court terme et à long terme sera terrible, entre les Etats-Unis et la Chine, entre pays pauvres et pays riches, et la vie sera bien pire pour la plupart de ces deux milliards de gens. Alors, qu'avons-nous à faire? En quoi fais-je appel à vous pour aller de l'avant ? Il faut plus de financement pour la recherche. Lorsque les pays se réunissent, comme à Copenhague, ils ne devraient pas discuter seulement du CO2. Ils devraient discuter de ce programme d'innovation, et vous seriez étonnés par le niveau de dépenses ridiculement faible nécessité par ces approches innovantes. Nous avons besoin d'incitations pour le marché, une taxe CO2, avec plafonnement et échanges, quelque chose qui active un signal de prix. Nous devons faire passer le message. Nous avons besoin que ce dialogue devienne plus rationnel, plus compréhensible, y compris les étapes, les mesures que le gouvernement prend. C'est un souhait important, mais je pense que nous pouvons l'accomplir. Merci. (Applaudissements) Merci. Chris Anderson: Je vous remercie. Merci. (Applaudissements) Merci. Juste pour mieux comprendre, à propos de Terrapower, je veux dire, tout d'abord, pouvez-vous donner une idée de l'ampleur des investissements que cela représente? Bill Gates: Pour finaliser le logiciel avec le supercalculateur, embaucher les meilleurs scientifiques, ce que nous avons fait, ça se chiffre seulement en dizaines de millions, et même en ayant testé nos matériels dans un réacteur russe pour s'assurer qu'ils fonctionnent correctement, on arrive seulement dans les centaines de millions Le plus dur est la construction du réacteur pilote, trouver les quelques milliards, trouver le régulateur, l'emplacement voilà comment on construira le premier. Une fois que le premier sera construit, si tout fonctionne comme annoncé, alors ça deviendra une évidence, avec des données économiques et une densité d'énergie, tellement différentes de celles du nucléaire que nous connaissons. CA: Alors, pour bien comprendre, cela implique de construire, profond dans le sol, quelque chose comme une sorte de colonne verticale de combustible nucléaire, faite de cet uranium appauvri, et puis le processus commence par le haut et continue vers le bas ? BG: C'est ça. Aujourd'hui, on doit constamment ravitailler le réacteur en carburant, ça nécessite donc beaucoup de gens et beaucoup de contrôles peuvent mal tourner, comme quand il faut l'ouvrir, et y faire entrer et sortir des choses. Ce n'est pas bon. Mais si on a un carburant très bon marché qu'on peut y mettre pour 60 ans -- pensez-y simplement comme à une bûche -- le poser là sans avoir tous ces mêmes problèmes complexes. Il est là, il va brûler pendant les 60 ans et puis c'est fini. CA: Il s'agit d'une centrale nucléaire qui est sa propre solution d'élimination des déchets. BG: Oui. Eh bien, ce qui se passe avec les déchets, c'est que vous pouvez les laisser sur place - il y a beaucoup moins de déchets avec cette approche -- et puis vous pouvez les récupérer, les mettre dans un autre réacteur et brûler le tout. En fait, on démarre avec les déchets qui existent aujourd'hui, qui sont dans ces bassins de refroidissement dans des tonneaux secs, près du réacteur. C'est ça, le carburant avec lequel on commence. Ce qui a été un problème avec les anciens réacteurs, c'est ce qui nourrit le nôtre, et on réduit radicalement le volume des déchets avec ce processus. CA: Mais quand vous parlez aux gens autour de vous, dans le monde entier, des possibilités qu'on a ici, où montre-t-on le plus d'intérêt à en faire réellement quelque chose ? BG: Eh bien, nous n'avons pas choisi de lieu particulier, et il y a toutes ces règles de divulgation concernant tout ce qui se rapporte au nucléaire, alors, nous éveillons donc beaucoup d'intérêt, et la société a envoyé des gens en Russie, en Inde, en Chine. Je suis retourné voir le Secrétaire à l'Énergie ici, parler de comment cela s'intègre dans l'agenda énergétique. Je suis optimiste. Vous savez que les Français et les Japonais ont fait du bon travail. Il s'agit là d'une variante de quelque chose qui a déjà été réalisé. C'est un progrès important, mais c'est comme un réacteur rapide, et de nombreux pays en ont déjà construits, donc chacun de ceux-là est candidat pour être le premier pays où nous construirons le premier.. CA: Quels sont, selon vous, l'échéance et la probabilité de mener cela à bien dans la réalité ? BG: Eh bien, pour une de ces unités de production électrique à grande échelle, et ce n'est qu'une approximation, nous devons compter 20 an pour inventer, et 20 ans pour mettre en œuvre. C'est à ce genre d'échéance que les modèles environnementaux nous ont montré qu'il fallait nous attendre. Et, vous savez, Terrapower, si les choses vont bien, ce qui est beaucoup espérer, pourrait facilement tenir ces délais. Et il y a heureusement, aujourd'hui, des dizaines d'entreprises, et il faut qu'il y en ait des centaines, qui pourront, si le côté scientifique avance bien, et si le financement de leurs usines pilotes se passe bien, entrer aussi dans la compétition. Et ce sera mieux si on assiste à plusieurs succès, car alors on pourra utiliser un mélange de tout ça. Il faut absolument qu'un de ces projets réussisse. CA: En termes de changements des règles du jeu à grande échelle, est-ce que c'est le plus important dont vous ayez entendu parler ? BG: Une percée dans le domaine de l'énergie est la chose la plus importante. Ça l'aurait été, même sans la contrainte de l'environnement, mais la contrainte environnementale la rend simplement tellement plus importante. Dans le domaine nucléaire, il y a d'autres innovateurs. Vous savez, on ne connait pas aussi bien leur travail que celui-ci, mais il y a ceux qui étudient l'approche par modules, c'est une approche différente. Il y a le réacteur de type liquide, ce qui semble un peu difficile, mais c'est peut-être ce qu'ils pensaient aussi de nous. Donc, il y a différentes voies, mais la beauté de tout ça, c'est qu'une molécule d'uranium renferme un million de fois plus d'énergie qu'une molécule de, disons, de charbon, et qu'ainsi, si l'on sait traiter les aspects négatifs, c'est à dire essentiellement la radiation, alors, l'empreinte et le coût, le potentiel, en termes d'effets sur la terre et sur le reste, le place quasiment dans une catégorie à part. CA: Et si ça ne marche pas, alors que faire ? Devons-nous commencer à prendre des mesures d'urgence pour essayer de garder stable la température de la terre? BG: Si vous arrivait dans cette situation, ce serait comme si vous aviez trop mangé, et que vous étiez prêt à avoir un infarctus. Alors, où allez-vous? Il vous faut une chirurgie cardiaque ou quelque chose comme ça. Il ya une ligne de recherche sur ce qu'on appelle la géo-ingénierie, portant sur différentes techniques, qui retarderaient le réchauffement, pour gagner les 20 ou 30 ans nécessaires pour nous prendre en main. Ce n'est rien de plus qu'une police d'assurance. On espère ne pas en avoir besoin. Certains disent qu'il ne faudrait même pas travailler dans cette direction, car elle pourrait nous rendre paresseux, comme si vous continuiez à manger parce que vous savez que la chirurgie cardiaque sera là pour vous sauver. Je ne suis pas sûr que ce soit avisé, étant donné l'ampleur du problème, mais, bon, il y a cette histoire de géo-ingénierie, à garder au fond de la poche, au cas où les choses arrivent plus vite que prévu, ou que l'innovation soit beaucoup plus lente. CA: Les climato-sceptiques : si vous aviez une ou deux phrases à leur dire, comment pourriez-vous les persuader qu'ils ont tort? BG: Eh bien, malheureusement, les sceptiques sont dans des camps différents. Ceux dont les arguments sont scientifiques sont très peu nombreux. Disent-ils qu'il y a des effets de rétroaction négative qui ont à voir avec les nuages qui ont compensé les choses? Il y a très, très peu de choses qu'ils puissent même dire, il y a une chance sur un million pour cela. Le principal problème que nous ayons ici est un peu comme avec le SIDA. Vous faites une erreur maintenant, et vous en payez le prix beaucoup plus tard. Quand vous avez n'importe quel genre de problème urgent, cette idée de souffrir maintenant, avec un gain plus tard -- par rapport à une douleur dont on n'est pas sûrs. En fait, le rapport du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, ce n'est pas nécessairement le pire des cas, et il ya des gens dans les pays riches qui regardent le GIEC et se disent "Ok, ce n'est pas si important." Le fait est que c'est cette part d'incertitude qui devrait nous pousser dans cette direction. Mais mon rêve est que, si vous pouvez faire que ce soit économique, et répondre aux contraintes de CO2, alors les sceptiques diront : "OK, ça m'est égal qu'il ne rejette pas de CO2, j'aurais préféré qu'il émette du CO2, mais je crois que je vais l'accepter parce que c'est meilleur marché que ceux d'avant. (Applaudissements) CA: Et alors, ce serait votre réponse à l'argument de Bjorn Lomborg, que, si on dépense toute cette énergie à essayer de résoudre le problème du CO2, ça va l'emporter tous les autres objectifs, comme d'essayer de débarrasser le monde de la pauvreté et du paludisme, etc. Que c'est un gaspillage stupide des ressources que de dépenser de l'argent pour ça,quand il y a bien mieux à faire. BG: Eh bien, les dépenses réellement consacrées en Recherche & Développement -- disons, si les États-Unis dépensaient 10 milliards de plus par an qu'actuellement -- ce ne serait pas si dramatique. Ça ne remettrait pas les autres postes de dépense en cause. Là où les gens raisonnables peuvent ne pas être d'accord, et on parle ici de grosses sommes, c'est quand vous avez quelque chose de pas économique, et que vous essayez de le financer. C'est surtout ça, pour moi, qui est du gâchis. Sauf si on est très proche de la solution, et que ce qu'on finance c'est la progression du savoir, et que ça va être très bon marché. Je crois qu'on devrait essayer plus de choses choses qui pourraient, potentiellement, coûter beaucoup moins cher. Si l'arbitrage que vous choississez, c'est " Rendons l'énergie super chère", alors seuls les riches pourront se le permettre. Ce que je veux dire, c'est que nous tous, ici, nous pourrions nous permettre de payer notre énergie 5 fois plus cher, sans changer notre mode de vie. La catastrophe serait pour ces deux milliards de gens. Et même Lomborg a changé. Son truc, maintenant, c'est de répéter "pourquoi ne discute-t-on pas plus de R&D." Il est encore, à cause de l'affaire d'avant, toujours associé avec le camp des climato-sceptiques, mais il a compris que c'est une position assez solitaire, alors, il ramène son truc de R&D. Mais là-dedans, il y a quelque chose qui ne me semble pas faux. C'est dingue de voir à quel point la R&D est peu financée. CA: Et bien Bill, je pense que je parle au nom de la plupart des gens ici en disant que j'espère vraiment que ton souhait devienne réalité. Merci beaucoup. BG: Je vous remercie. (Applaudissements)