[La Physique Noire]
Aristote a dit :
« Plus on en sait, moins on en sait. »
Et c'est ce qui m'attire dans la science.
Les frontières de la science gonflent
et éclatent constamment,
élargissant nos connaissances
et notre ignorance.
La physique noire,
c'est la physique qu'on ne connaît pas,
la physique pas encore expliquée,
la physique pour laquelle on a des preuves
mais les preuves sont...
(Rires)
Il y a des preuves.
Ceci est la Voie lactée.
Aristote l'aurait facilement observé.
Malheureusement, la pollution lumineuse
fait que c'est pratiquement
impossible pour nous.
Mais Aristote savait
que nous faisons partie
d'une structure beaucoup plus vaste,
d'un univers beaucoup plus vaste.
Grâce à la technologie des télescopes,
nous savons aujourd'hui que la Voie Lactée
contient 100 milliards d'étoiles
dont nous ne sommes
qu'un seul système solaire.
100 milliards d'étoiles !
Grace à d'autres technologies,
nous savons que les étoiles
de notre galaxie
ne sont que quelques-unes
parmi tant d'autres.
Le télescope Hubble
est capable de voir
encore plus loin dans notre univers.
Si vous preniez un grain de riz
et le teniez à bout de bras devant vous
devant un ciel noir sans étoile,
vous pourriez voir ceci
si vous zoomiez dessus avec Hubble.
Cette image contient 10 000 galaxies,
dont chacune contient
près de 100 milliards d'étoiles.
C'est ce savoir qui pousse
les scientifiques
à mieux comprendre notre univers.
Et grâce à d'autres technologies,
nous avons pu scanner l'univers entier.
Ceci est appelé
le fond diffus cosmologique de l'univers.
C'est la lumière de l'origine du Big Bang,
qui se reflète aux limites de l'univers
et revient vers nous.
Le diamètre de cet univers
est de 9 millions de millions
de millions de millions de kilomètres,
ou 93 milliards d'années-lumière.
C'est une taille immense.
C'est presque inimaginable.
Ce qui est remarquable,
c'est que cette image montre
un gradient de température,
une différence d'énergie
à la frontière de notre univers.
La différence entre le rouge et le bleu
est de trois degrés Kelvin.
Ce qui veut dire que,
à une échelle aussi large,
notre univers est pratiquement uniforme,
presque lisse.
C'est un fait remarquable,
pour lequel on n'a pas encore
d'explication.
Une des explications possibles
vient d'une autre expérience
et d'autres observations.
C'est la matière noire.
La matière noire est sensible à la gravité
et seulement à la gravité.
Nous ne pouvons ni la voir, ni la mesurer,
ni la détecter de manière traditionnelle,
sauf en observant
ses effets gravitationnels.
Cependant, en étudiant
ses effets gravitationnels,
nous savons à présent que l'univers
contient dix fois plus de matière que
nous n'avions l'habitude d'en observer.
Cette masse immense, répartie uniformément
à travers l'univers entier,
est une des raisons possibles
pour cette structure uniforme.
De plus, la gravité est une force unique,
dans le sens où c'est juste
l'attraction de la matière.
La gravité agrège la matière.
Elle forme des structures.
Elle attire les étoiles entre elles.
Elle crée des planètes et des galaxies.
Elle ralentit l'extension
de l'énergie de l'univers.
Et donc, en 1994,
une équipe de scientifiques
a décidé de mesurer la vitesse
à laquelle cette extension ralentit.
L'idée étant de prédire
quand l'univers cessera de s'étendre.
Le simple fait de mesurer cette vitesse
aurait été un succès,
mais, à leur grande surprise, ainsi
qu'à celle de tous les scientifiques,
ils ont découvert que
l'extension de l'univers accélère
et que l'univers s'étend plus vite
qu'il ne l'a jamais fait.
Cela veut dire que
l'énergie de l'univers s'étend
au lieu de ralentir
et de former des structures.
C'est un phénomène remarquable
et inexpliqué.
Pour l'expliquer...
[Accélération de l'Univers]
Aujourd'hui, notre univers
ressemble à cela :
un univers qui accélère et s'étend
plus vite de jour en jour.
Dans un futur très lointain,
le télescope Hubble
ne sera plus capable
de voir ces 10 000 galaxies.
Pas parce qu'elles ne seront plus là,
mais parce qu'elles seront si loin
que leur lumière
n'atteindra plus notre planète.
Compte tenu de tout cela
il doit y avoir « quelque chose »
qui cause cette accélération.
C'est ce qu'on appelle l'énergie noire.
Et l'énergie noire est encore plus étrange
que la matière noire,
parce que nous n'avons aucune preuve,
aucune observation,
à l'exception de ce que je viens
de vous expliquer.
C'est l'objet de recherche
des scientifiques
à la pointe de la physique.
Pour effectuer ces recherches,
l'humanité a conçu cet outil :
le Grand Collisionneur de Hadrons, le LHC.
C'est la plus grande machine
jamais créée par l'homme.
C'est une machine
de 27 km de circonférence
enterrée 100 mètres sous terre.
C'est un électro-aimant géant,
pourvu de deux détecteurs
dont la taille dépasse l'entendement,
dans lequel on accélère les protons
à une vitesse proche de la lumière
jusqu'à la collision, afin de détecter
les particules projetées.
On catalogue ces particules
dans un Internet dédié
pour identifier des particules inconnues.
Le LHC, c'est mille scientifiques
de 35 pays
spécialisés en physique,
ingénierie, informatique, etc.
qui étudient les 25 pétaoctets de données
produites par ces détecteurs chaque année.
Ces données,
nous les connaissons déjà pour la plupart.
Protons, neutrons, etc.
Mais de temps à autre,
des particules remarquables
sont identifiées.
Notamment, en 2012, le boson de Higgs
qui est la particule messagère
de la gravité,
et qui conclut le modèle classique
de la physique
que nous utilisons aujourd'hui.
La semaine dernière,
ils ont annoncé l'identification
de cinq baryons :
des particules de haute énergie
utilisées en physique quantique.
C'est remarquable !
Cette machine nous donne la chance
de plonger dans l'inconnu à la recherche
de ces phénomènes noirs.
Je vous encourage donc
à éclater votre bulle.
Car, moins vous en savez,
plus la vie devient fascinante.
Merci.
(Applaudissements)