Alors, je vais trouver quelqu'un qui va me prêter son cerveau pendant quelques minutes. Vous, là-bas. Vous, super. Je vous le rendrai. Alors, imaginons que j'ai votre cerveau dans mes mains. Qu'est-ce que je trouve dedans ? De l'eau - ça, vous vous en doutiez, sans doute - ensuite du gras, wahou ! vraiment beaucoup de gras. Pas d'inquiétude, tous les cerveaux sont très gras, ne jugez pas, c'est normal. Un cerveau, c'est gras. Si je l'avais dans mes mains, vous entendriez sans doute « scouitch scouitch ». C'est très fragile et tout mou. En fait, à regarder comme ça, ça ressemble plutôt à l'intérieur de nos intestins. Bon, je n'ai jamais tenu d'intestins dans ma vie, mais j'ai déjà tenu un cerveau. Si je le déposais sur une table, pour venir en chercher un morceau pour une expérience, quand je reviendrais, il serait un peu étalé sur lui-même, déformé. Donc ne le secouez pas trop, il est fragile. Ce cerveau, il est très gras, mais pas du type de gras que vous retrouveriez dans un cornet de frites. Il est gras comme le type de gras que vous trouvez dans des petits poissons gras. C'est un type de gras qui est très flexible, qui nous offre cette plasticité neuronale, et qui donc permet aux neurones de communiquer si vite entre eux. Peut-être que vous vous demandez : « Tiens, si je mange plus de sardines, est-ce que je serais plus intelligent ? » Ma maman me disait : « Émilie, mange ton poisson, ça rend intelligent. » Elle n'avait pas tout à fait raison, c'est plus compliqué que ça, mais je peux lui dire : « Maman, est-ce que tu sais que la consommation de petits poissons gras est inversement corrélée au taux de maladies psychiatriques, notamment la dépression ou la schizophrénie ? » Alors, vous êtes sans doute, pour la majorité, trop vieux pour développer une schizophrénie, parce que c'est plutôt pendant l'adolescence. Par contre, vous êtes dans le mille pour vous taper une grosse dépression, surtout avec notre mode de vie d'aujourd'hui. Donc manger un peu de petits poissons gras pourrait faire du bien à votre cerveau. Si je continue à regarder ce qu'il y a dans ce cerveau, je vais trouver des protéines et des acides aminés. Donc je vais trouver de l'eau, du gras, maintenant des protéines et des acides aminés. Pour faire simple, une protéine, c'est un grand collier de perles. Les acides aminés, ce sont toutes les petites perles qui constituent ce collier. Quand je mange des protéines, comme par exemple du poulet, ou un mix de lentilles-quinoa - c'est peut-être pas mal pour vous aussi - je vais manger ces protéines, ces colliers vont se couper en petits morceaux, et ces perles vont aller faire quelque chose dans mon corps : créer une belle structure ou jouer une fonction. Vous, vous pensez tout de suite : « Ouais, les muscles. » Moi je pense : « Beaux neurotransmetteurs et belles hormones. » Un neurotransmetteur, c'est une molécule qui permet à deux neurones de communiquer. Pour vous donner un exemple, la sérotonine, c'est le neurotransmetteur du bonheur, car soi-disant elle permet de voir la vie en rose. En fait on a vu, par exemple, que dans la dépression, les taux de sérotonine sont diminués. Du coup, certaines boites ont créé des très beaux médicaments, qui permettent d'améliorer le taux de sérotonine dans le cerveau, et d'alléger les symptômes. Des jeunes vous diront : « Des drogues aussi font voir la vie en rose. » En effet, ces drogues manipulent les taux de sérotonine dans le cerveau. Ce qui est fou, c'est que cette sérotonine que je sentirai peut-être ce soir, dans mon cerveau, qui me permettra de m'endormir, en faisant de beaux rêves, elle est synthétisée grâce à un précurseur, que je trouve uniquement dans mon alimentation. Ce précurseur, donc cette petite perle, un acide aminé, s'appelle le tryptophane. C'est un acide aminé essentiel, c'est-à-dire que mon corps a l'incapacité de le produire tout seul si je ne lui apporte pas les petites briques de construction. Je continue à regarder ce qu'il y a dans ce cerveau. Je trouve aussi du sucre, du glucose. Le glucose, c'est le carburant du cerveau. Le cerveau est tout petit, il ne mesure que 2 % de cette grosse masse corporelle, mais il consomme 25 % de l'énergie que je mange. Il a besoin de beaucoup d'énergie, il est énergivore, surtout quand on est intelligent - je rigole. (Rires) Je ne voulais pas dire ça, mais c'est sorti. (Rires) Mon cerveau n'a pas besoin que je le nourrisse de beaucoup de bonbons ou d'un énorme jus d'orange. Il préfère avoir des taux de sucre stables et raisonnables. Il y a différents types de sucres. Il y a des sucres qu'on appelle simples, ou rapides, et des sucres plutôt complexes et lents. Les sucres simples, par exemple que je trouverais dans un petit fruit - qui n'est pas dessiné ici - disons une orange - quand j'en mange une, beaucoup de sucres simples vont venir d'un coup dans mon corps. Ce sont des petites molécules avec une structure plutôt simple, qui sont digérés très vite. Très vite, j'ai l'énergie qui arrive dans mon sang. Et ensuite, j'aurai une descente. C'est pour ça qu'on parle de « coup de pompe ». Les glucides complexes, ce sont de plus grosses molécules, qui sont digérées plus lentement, et nous apportent de l'énergie pendant toute la matinée ou toute l'après-midi. On essaye de favoriser ce type de glucides complexes quand on a envie d'être concentré et malin. Donc au petit déjeuner, ce n'est peut-être pas plus mal de manger une tartine de pain complet, plutôt que de manger des céréales multicolores parce qu'on adore ça. Je pourrais parler pendant des heures de votre cerveau, comme si c'était le plat que j'allais manger tout à l'heure, mais je vais m'arrêter là. Moi, ce qui me fascine, c'est l'impact de mon mode de vie sur mon cerveau. Et tout a commencé avec la nutrition. Quand j'étais petite, mon papa disait : « Émilie, c'est l'enfant qui court après les papillons. » Il n'avait pas tout à fait tort, mon papa. Mon cerveau a beaucoup de mal à se concentrer sur une tâche. Il virevolte tout le temps. C'est impossible de le laisser se concentrer pendant 30 secondes. Très vite, ce cerveau, on lui a donné une belle étiquette : « Trouble De l'Attention et de l'Hyperactivité », pour faire simple, TDAH. « Alors, ne vous inquiétez pas, mesdames les professeurs, Émilie va arrêter d'être insupportable. Les médicaments existent dans ce type de cas. » Très jeune, on m'a dit : « Ce serait bien qu'elle prenne un médicament pour alléger les symptômes. » Ces médicaments marchent très bien. C'est comme de la cocaïne légale : ça stimule votre cerveau. Très petite, je suis passée d'un 40 % à un 80 %. C'est peut-être grâce à ça que j'ai pu aller à l'université, on n'en sait rien. Mon écriture est devenue belle et ronde. Et à l'école ça allait beaucoup mieux, parce qu'avant, Émilie, ça donnait quoi ? Une enfant assise sur une chaise qui se trémousse tellement que personne ne veut s'asseoir à côté, qui insupporte le professeur, qui parfois tombe de sa chaise, tellement elle éclate de rire, ou qui regarde pendant des heures ce qu'il se passe sur le chantier de construction, et tout d'un coup : « Wahou ! Regardez ! La grue a enfin bougé. Je n'avais jamais vu personne dedans ! » Et le prof qui dit : « Émilie, tu as oublié tes médicaments » ou « Émilie, tu as de nouveau raté. Ne demanderais-tu pas à tes parents si on peut reprendre le médicament, ou peut-être, doubler la dose ? Prends-tu toujours tes médicaments ? » Évidemment, le prof dit ça devant tous les élèves. Peu à peu, j'ai commencé à sentir les premiers effets secondaires, plutôt psychologiques. Donc évidemment, aujourd’hui ça vous fait marrer, moi aussi. Mais à l'époque, pas du tout ; je n'avais plus confiance en moi. Je pensais que je n'arriverai à rien, peut-être même que j'ai pensé que je ne serais pas là aujourd'hui. Heureusement, ma famille m'a beaucoup entourée, et m'a emmenée vers des professionnels, qui m'ont expliqué ce que signifiait TDAH, qui m'ont fait passer plein de tests, et ont vraiment essayé de me prouver que j'avais un beau potentiel, parce que je n'y croyais pas du tout. Et puis, ma vie continue, je me sens un peu mieux dans ma peau. J'ai compris. Mais là, d'autres effets secondaires se font sentir. Si vous prenez ce type de médicaments prescrits aux enfants dans mon genre et que vous lisez la notice des effets secondaires, vous verrez : migraines, insomnies, troubles de la digestion, perte d'appétit, anorexie, dépression... J'en ai eu quelques-uns - d'ailleurs quand j'arrêtais, et que je demandais à quelqu'un de m'en refiler car j'avais oublié depuis quelques semaines d'avoir une prescription, je me tapais une grosse migraine, des insomnies. Je ne voulais plus parler à personne. Au lieu d'étudier, j'allais trier mes stabilos par couleur parce que tout d'un coup, je développais une grande concentration pour autre chose. Bref, vous pensez peut-être que déjà ça, ce n'est pas très agréable, mais ce n'est rien, ce n'est rien du tout par rapport aux beaux symptômes de sevrage, que tu te tapes après un an de scolarité sous ce chouette médicament. Donc un syndrome de sevrage, parce que j'étais comme une droguée qui prend de la drogue depuis longtemps, donc quand tu arrêtes, tu as des anxiétés, des idées noires, tu en vomis d'angoisse. Mais de nouveau, il y a une solution : si tu vas chez ton médecin - car on t'emmène à l'hôpital en disant : « Regardez, mon enfant est tellement anxieuse » - le médecin ne te demande pas : « Tu n'aurais pas pris ce médicament ? Que se passe-t-il ? » Non, on te donne un petit shot d'une petite substance bleue qui te rend zen, et puis, tu continues ta vie. Alors là, je me suis dit : « Ça suffit. Tu as un cerveau qui ne fonctionne pas tout à fait correctement. En plus, tu es semi-anxieuse, tu frôles je ne sais pas quelles limites. » Et donc, j'ai voulu arrêter tout ça. Et avant, pendant, ou après, je ne sais pas, j'ai commencé à avoir des intuitions pour différents types d'aliments. Dans ma famille, on m'a donné un surnom : « Zibeline Vorace ». Une zibeline, c'est une espèce de petit furet, carnivore. Je ne pouvais plus manger du pain blanc avec de la confiture le matin, je rêvais de ce pavé de saumon que ma mère avait préparé la veille, et des bons légumes qu'elle avait faits. Il n'y a pas longtemps, je suis rentrée à la maison, à Bruxelles, et mon papa m'a laissé un tupperware dans le frigo avec écrit : « Reliefs pour Zibeline Vorace ». Je n'ai pas fait le lien entre ce type de nutrition, par rapport à ceux de mes amis, ma vie a continué et j'ai commencé mes études de neurosciences, et là, j'ai tout compris. Je n'ai que vingt-sept ans, je ne connais encore quasiment rien. J'ai beaucoup encore à apprendre, mais j'ai compris ce qui m'arrivait. Je vais vous le raconter maintenant. TDAH dans mon cerveau, c'est sans doute une difficulté pour ce petit cerveau de synthétiser suffisamment de dopamine et de noradrénaline, deux neurotransmetteurs qui, ensemble, permettent de bonnes fonctions d'apprentissage, de bonnes capacités d'attention et de concentration - qui me manquent, clairement. Ces deux neurotransmetteurs, on peut les booster avec un médicament, mais aussi avec ce type de nutrition que je commençais à suivre. Donc en mangeant plus de protéines au petit déjeuner - je n'en mangeais pas du tout - j'apportais les petites perles me permettant de créer ces neurotransmetteurs dans mon cerveau. Et en évitant à tout prix les sucres rapides ou simples, j'évitais à cette petite perle d'être déviée ailleurs, ou juste d'avoir de la difficulté à entrer dans mon cerveau. Quand j'ai appris tout ça et que je me suis rendu compte que j'aurais pu éviter toutes ces petites pilules et ces grosses angoisses, en ayant un mode de vie peut-être plus sain, je me suis dit qu'il fallait que j'en parle autour de moi. Alors j'ai lancé des réseaux sociaux. J'ai commencé à en parler à ma famille, à des copines. Puis, j'ai fini dans les entreprises. Et là, je suis dans ce grand rond à vous parler de ça. Alors, maintenant, j'aimerais vous donner trois petits conseils, des conseils vraiment très simples. Vous allez peut-être dire qu'ils sont bidons, mais je suis sûre que vous ne les mettez pas déjà en place. Ces trois conseils sont : un, essayez de garder une glycémie stable et raisonnable. Le deuxième : faites attention à votre deuxième cerveau. Et le troisième : essayez d'avoir une bonne hygiène de vie. Désolée, j'ai aussi beaucoup d'allergies, ma génétique n'est pas très bonne. (Rires) Le premier, essayez de garder une glycémie stable et raisonnable, pourquoi ? La Nature est très bien faite, mais notre mode de vie n'est pas tellement au point aujourd'hui, en tout cas pour moi, je ne sais pas pour vous. Pour que vous compreniez, imaginez que je suis un homme, disons, une femme préhistorique, et sur mon chemin, je vais manger des baies, des céréales, peut-être des légumineuses. De temps en temps, si j'ai beaucoup d'énergie, j'arrive à tuer un animal et le manger. Heureusement, quand je mange, des sucres par exemple, j'ai une chouette hormone qui va se synthétiser, et permettre de stocker l'excès de sucre en graisse corporelle, ce qui me permet, si pendant 2-3 jours, je ne trouve plus à manger, d'avoir de quoi survivre. C'est pas mal ! Autre mécanisme : quand je n'ai plus assez de sucre dans mon sang, je libère des bonnes hormones de stress me permettant d'aller chasser ce lion - je ne sais pas si on en chassait mais c'est l'exemple qui me vient en tête - d'être agressif, courir très vite, et le tuer. De nos jours, moi perso, je ne sais pas pour vous, ça m'arrive parfois d'être allongée dans mon canapé, à faire la carpette, et d'appuyer sur mon téléphone pour commander une pizza. Donc, mon insuline ne me sert plus vraiment à survivre, et à stocker du gras pour quand je ne mange plus car ça ne m'arrive pas souvent. Donc pour notre santé métabolique, ce type de mode de vie n'est pas top, et aussi pour la famille, il n'est pas excellent. Je ne sais pas si vous avez un enfant insupportable quand il a faim, ou un conjoint qui vous fait vivre une misère quand il crève la dalle. Je vais vous raconter une étude très marrante : un groupe de chercheurs a pris une centaine de couples. Ils leur ont donné des petites poupées vaudou, et leur ont dit : « Une fois par jour, vous plantez entre 1 et 51 aiguilles, pour montrer à quel point vous être fâché avec ce conjoint. » Et ensuite, ils ont pu corréler très bien la glycémie de ces personnes avec le nombre d'aiguilles plantées. Donc si vous avez quelqu'un d'insupportable dans votre famille, évitez de lui donner un donut pour avoir un gros pic puis une descente pendant laquelle il va être insupportable. Nourrissez-le plutôt comme un homme qui vivait dans la préhistoire, avec ce genre de choses, par exemple. Le deuxième conseil, faire attention à notre deuxième cerveau. Le deuxième cerveau, je parle de votre intestin et du tas d'invités qui vit dedans, parce que vous avez énormément de bactéries dans votre intestin. Cet univers était là avant votre premier cerveau, donc peut-être que l'on pourrait l'appeler « premier cerveau ». Ces bactéries ne sont pas là à ne rien faire, à manger ce que vous mangez, et juste profiter de votre environnement. En fait, elles ont un rôle important sur votre santé, sur votre immunité, sur votre humeur. Je parlais de la sérotonine : une grande majorité de la sérotonine est justement synthétisée grâce aux bactéries qui vivent dans notre intestin. Une autre étude - parce que j'adore ce genre d'études qui permet de bien comprendre de quoi je parle - a été faite, et je la trouve fascinante. On a pris des jumeaux, l'un obèse, l'autre diabétique. On a transplanté les microbiotes de ces jumeaux dans des souris. Les souris qui ont hérité du microbiote des sujets atteints d'obésité ont développé le même phénotype. Les autres sont restées minces. Si on laisse les souris minces manger les selles des souris obèses, elles vont sans doute augmenter de taille. Les souris sont coprophages et mangent les selles des autres. N'essayez pas de manger les selles d'une personne mince, vous pourriez en mourir. (Rires) (En anglais) soit dit en passant. Ces bactéries, qu'est-ce qu'elles aiment manger ? Des fruits, des légumes, plein de légumes, des produits complets, des céréales, des légumineuses. Elles n'aiment pas du tout les aliments super transformés. Alors mon dernier conseil, je vais vous demander d'abord de lever la main si vous arrivez à dormir environ huit heures par nuit - pas six mais huit heures par nuit - de manière systématique à intervalles vraiment réguliers. Levez la main si c'est le cas. Ouais, pas de bol... Le sommeil est le pilier de la santé, plus important que le sport ou la nutrition. Pas une fonction n'est pas améliorée avec une bonne nuit de sommeil, ou diminuée avec une mauvaise nuit de sommeil. Maman dit souvent à ma sœur : « Tu es de mauvaise humeur, tu as trop fait la fête. » Elle a raison. Dans des études, quand on prive de sommeil la moitié d'un groupe, et qu'on laisse dormir l'autre, le premier groupe se souvient beaucoup plus des évènements négatifs de la veille. L'autre a pu « digérer » ses émotions. Si je vous fais passer un examen demain, et que vous, la nuit, je vous réveille, et que vous, je vous laisse dormir, et que je vous demande de restituer les informations apprises la veille. Vous, vous avez tendance à faire 40 % moins bien que vous. Donc, eux vont bien réussir, et vous, vous allez complètement foirer. Si vous voulez que vos enfants réussissent à l'école, attention à leur sommeil. Je finis avec ceci : le trouble de l'attention et de l'hyperactivité, ses symptômes peuvent être imités par un manque de sommeil. Moi, j'aimerais qu'on fasse plus attention à notre mode de vie, pour se sentir mieux dans notre corps et notre tête. J'espère que ces quelques mots vous permettront de prendre soin de vous. Voilà, merci !