Il y a dix ans, j'allais voir mon père en lui disant : « Mon ordinateur ne fonctionne pas. Tu peux me le réparer ? » Mon père soupirait, s'installait à l'ordinateur et le réparait. Levez la main si vous avez déjà connu une situation similaire chez vous. Ça fait beaucoup de mains levées. Cela arrive souvent, n'est-ce pas ? Plus tard, en tant qu'adolescente geek, je me suis rebellée contre le monde et j'ai fait de l'informatique ma spécialité. Pourquoi me rebellais-je exactement ? Si on regarde les chiffres, on peut facilement le deviner. Lorsque j'ai eu mon premier cours d'Introduction à l'informatique, j'étais la seule femme dans une classe de 30 personnes. En dehors de la salle de classe, j'ai découvert que la plupart des entreprises technologiques de l'Idaho n'ont pas de femmes développeuses de logiciels. Aux États-Unis, seuls 22 % des développeurs de logiciels sont des femmes. Alors que ma rébellion d'adolescente se calmait un peu, et que j'entrais dans cet état d'esprit analytique où on se demande : « Pourquoi le monde fonctionne-t-il ainsi ? », je me suis demandé : « Pourquoi y a-t-il si peu de femmes ingénieures en informatique dans le monde ? » Puis, je me suis demandé : « Était-ce étroitement lié au fait que je demande de l'aide à mon père pour l'ordinateur, alors que j'aurais très bien pu résoudre le problème ? » Puis, je me suis demandé : « Suis-je née avec ce désir inné de demander de l'aide à chaque fois que j'avais un problème en informatique ? Ou bien était-ce une conséquence ? » Mais, cela fait un moment que je ne suis plus une petite fille, donc je ne pouvais pas trouver la réponse par moi-même. À la place, j'ai décidé d'élaborer une expérience. J'ai commencé à faire du bénévolat lors d'événements pour encourager les jeunes enfants à poursuivre des études en STIM : Sciences, Technologie, Ingénierie et Maths. Des centaines d'enfants assistent à ces événements, dont beaucoup sont des petites filles. À la fin de ces événements, ce sont ces filles qui posent plus de questions que les petits garçons. Il est donc évident que les filles s'intéressent réellement à l'informatique. La question qu'il nous faut poser est donc : qu'arrive-t-il à ces filles au cours de leurs premières expériences avec l'informatique et la technologie pour qu'elles perdent leur désir et leur intérêt d'étudier la technologie et l'informatique ? Voici ce que j'ai découvert. Lors d'un des événements où j'étais bénévole, j'ai vu une petite fille et un petit garçon entrer et s'installer à l'ordinateur pour résoudre une question de programmation. Puis tout à coup, le garçon arrache le clavier des mains de la petite fille et se met à résoudre le problème lui-même pendant que la fille reste assise là, passive, à le regarder faire du code. Quel manque de respect ! Et quelle frustration ! Plus tard, au cours du même événement, j'ai été témoin d'une autre situation. Une petite fille et son père entrent et s'installent à l'ordinateur, jusqu'ici, tout va bien. Cependant, comme il arrive souvent dans le développement de logiciels, la petite fille rencontre un bug à un certain moment, un problème qu'elle doit corriger dans son code. Elle arrive à peine analyser le bug, quand le père lui arrache le clavier des mains et commence à réparer le bug lui-même. Ce fut un très mauvais jour pour les petites filles. (Rires) Mais ce fut un bon jour pour moi. J'ai compris une chose. C'est exactement ce qu'il m'est arrivé lorsque j'ai demandé à mon père de réparer mon ordinateur, alors que j'aurais très bien pu résoudre le problème moi-même. Puis, j'ai remarqué que les femmes étaient confrontées à ce phénomène partout : des claviers dérobés à des femmes en cours de technologie, dans des concours de technologie, et dans leurs propres maisons ! Mais qu'est-ce que j'entends par « claviers dérobés » ? Les femmes doivent-elles craindre, lorsqu'elles vont chercher ce nouveau clavier au magasin, que quelqu'un va s'approcher d'elles dans le parking pour leur arracher leur clavier et s'enfuir avec ? Sans doute que non. Ce que j'entends par « clavier », c'est un terme plus vague pour désigner la technologie. Un clavier peut être tout et n'importe quoi : votre téléphone, un casque de réalité virtuelle, un réacteur nucléaire, si vous voulez. Tout type de technologie qui vous fait réellement plaisir, et qui fait de vous ce que vous êtes, est un clavier. Mais que se passe-t-il lorsque ce clavier, cet objet technologique que vous aimez tant utiliser vous est enlevé ? Quelle serait votre réaction ? Au début, vous vous mettriez sans doute très en colère. « Comment osent-ils m'enlever cet objet technologique que j'aime tant utiliser ? » Mais avec le temps, cette colère se transformera en autre chose. Alors que la jeune fille ne rencontre que des échecs lorsqu'elle tente d'utiliser la technologie, à cause de ces événements incontrôlables et inattendus comme ce garçon qui a dérobé le clavier de la petite fille, elle commence ensuite à assimiler l'échec. Elle commence à croire qu'elle ne peut pas être douée en technologie et abandonne tout effort subséquent d'apprendre la discipline et de s'améliorer. En psychologie, on appelle ce genre de situations « l'impuissance technologique apprise », comme l'a nommé le Dr Joy Harris. Comment serait le monde si on se défaisait de l'impuissance technologique apprise ? Où en serions-nous aujourd'hui ? Il est clair qu'il y aurait plus de femmes développeuses de logiciels dans le monde. Cela permettrait non seulement d'améliorer l'état actuel de l'économie américaine, mais aussi de réduire les inégalités salariales omniprésentes entre les sexes. Imaginez seulement si plus de femmes touchaient le salaire moyen de 95 000 $ d'un développeur de logiciels. Mais outre leur indépendance dans leur vie professionnelle, se défaire de l'impuissance technologique apprise favorisera l'emprise des femmes sur leur vie de tous les jours. Grâce à ces claviers, les femmes auront l'impression de pouvoir faire l'impossible ! Alors, comment se défaire de l'impuissance technologique apprise ? Comment ces femmes récupèrent-elles leur clavier ? Déjà, vous, enseignants, parents, hommes et garçons : laissez les femmes dans vos vies s'affirmer. Si vous voyez une femme ou une petite fille, ne lui enlevez pas son clavier. C'est peut-être tentant, mais évitez. Mon mari sait ce qu'est l'impuissance technologique apprise, donc, à chaque fois que je viens le voir pour qu'il m'aide en informatique, il me regarde comme ça et me dit : « Tu as une licence et un master en informatique, tu peux te débrouiller. » Et il a raison. Donc, je m'assieds et je résous le problème, et normalement, c'est un problème très facile à résoudre. Mais pour nous, la principale façon de nous défaire de l'impuissance technologique apprise, c'est de nous affirmer. L'autre jour, j'installais un système d'exploitation Linux sur ma machine virtuelle, et j'avais quelques difficultés car l'écran était trop petit. J'ai eu du mal pendant un temps et à un moment, j'étais tellement frustrée que je me suis dit : « Je vais juste attendre que mon mari rentre et règle le problème pour moi. » Puis j'ai eu un déclic. Et je me suis dit : « Non, je ne vais pas faire ça. » Je me suis assise, j'ai persévéré, et j'ai réglé le problème moi-même. Puis, je me suis demandé : « Mais pourquoi ai-je cru que j'avais besoin d'un homme pour régler mon problème d'ordinateur ? » (Acclamations) (Applaudissements) Alors, croyez-moi, mesdames et mesdemoiselles. Continuez à travailler sur ce bug, créez des logiciels, et ne laissez jamais, au grand jamais, personne vous enlever votre clavier. Merci. (Applaudissements)