Je vous demande a tous de réfléchir une seconde
simplement au fait
que, de loin,
la plupart de ce que nous savons sur l’univers
nous vient de la lumière.
Nous pouvons nous trouver sur terre et regarder le ciel nocturne
et voir les étoiles simplement avec nos yeux.
Le Soleil brûle notre vision périphérique,
nous voyons la lumière réfléchie par la lune,
et dans le temps depuis que Galilée a pointé un télescope rudimentaire
vers les corps célestes,
l’univers connu nous est apparu à travers la lumière,
tout le long des ères de l’histoire cosmique.
Et avec tous nos télescopes modernes,
nous sommes en mesure de rassembler
cet étonnant film silencieux de l’univers --
cette série d’instantanés
qui remonte au Big Bang.
Et pourtant, l’univers n’est pas un film silencieux,
parce que l’univers n’est pas silencieux.
Je voudrais vous convaincre
que l’univers a une bande originale,
et que cette bande originale est jouée par l’espace lui-même.
Parce que l’espace peut vibrer comme une batterie.
Il peut jouer une espèce d’enregistrement
à travers l’univers
de certains des plus dramatiques événements qui se passent.
Nous aimerions pouvoir ajouter
à une espèce de composition visuelle glorieuse
que nous avons de l’univers
une composition sonore.
Et n’ayant jamais entendu les sons de l’espace,
nous devrions vraiment, dans les prochaines années,
commencer à augmenter le volume sur ce qui se passe là-dehors.
Dans cette ambition
de capturer les chansons de l’univers,
nous concentrons l’attention
sur les trous noirs et la promesse qu’ils nous font,
parce que les trous noirs détonnent dans l’espace-temps
comme des maillets sur un tambour
et interprètent une chanson très caractéristique.
J’aimerais jouer pour vous certaines de nos prédictions
sur ce à quoi cette chanson peut ressembler.
Les trous noirs sont sombres sur un fond de ciel noir.
Nous ne pouvons pas les voir directement.
Ils ne nous arrivent pas avec la lumière, du moins pas directement.
Nous pouvons les voir indirectement,
parce que les trous noirs font des ravages dans leur environnement.
Ils détruisent les étoiles tout autour.
Ils font des remous tout autour.
Mais ils ne nous arriveront pas directement par la lumière.
Un jour on pourrait voir une ombre
un trou noir peut se monter sur un fond très lumineux,
mais nous n’en n’avons pas pour le moment.
Et en plus les trous noirs peuvent être entendus
même si on ne les voit pas,
et ce parce qu'ils explosent dans l’espace-temps comme un tambour.
Nous devons l’idée que l’espace peut jouer comme une batterie
à Albert Einstein, à qui nous devons tant de choses.
Einstein s’est aperçu que si l’espace était vide,
si l’univers était vide,
il serait comme cette image,
excepté peut-être pour la grille dessinée dessus.
Mais si nous tombions librement dans l’espace,
même sans cette grille,
nous pourrions nous peindre,
parce nous remarquerions que nous avons voyagé sur des lignes droites,
des parcours en ligne droite
à travers l’univers.
Einstein s’est également aperçu --
et voici le fond du sujet –
que si vous mettez de l’énergie ou de la masse dans l’univers,
vous courbez l’espace.
Et un objet qui tombe librement
peut passer devant, disons, le soleil
et serait détourné
le long des courbes naturelles de l’espace.
C’est la grande théorie générale sur la relativité d’Einstein.
Même la lumière serait détournée le long de ces parcours.
Et vous pouvez tellement les plier
qu’ils sont capturés dans l’orbite du soleil,
comme la terre, ou la lune autour de la terre.
Voici les courbes naturelles de l’espace.
Ce qu’Einstein n’a pas remarqué
c'est que, si vous preniez le soleil
en le comprimant jusqu’à six kilomètres --
si vous preniez une masse un million de fois plus grande que la terre
et vous la comprimiez jusqu'à six kilomètres,
vous feriez un trou noir,
un objet tellement dense
que si la lumière se rapprochait, elle ne s’échapperait plus --
une ombre sombre contre l’univers.
Ce n’est pas Einstein qui s’en est aperçu,
c’est Karl Schwarzchild,
qui était un allemand juif pendant la première guerre mondiale --
il a rejoint l’armée allemande en tant que scientifique,
en travaillant sur le front Russe.
J’aime imaginer Schwarzchild pendant la guerre dans les tranchées
pendant qu’il calcule la trajectoire des balles de canon,
et en même temps,
il calcule les équations d’Einstein --
ce que l'on fait normalement dans les tranchées.
Il était en train de lire la théorie sur la relativité
récemment publiée par Einstein,
et il était ému par cette théorie.
Et rapidement il a supposé
une solution mathématique exacte
qui décrit une chose vraiment extraordinaire:
des courbes tellement fortes
que l’espace y tomberait dessus,
l’espace même courberait comme une cascade
en tombant dans les gorges d’un trou.
Et même la lumière ne pourrait pas échapper à ce courant.
La lumière serait entrainée dans le trou
comme n’importe quelle autre chose,
et tout ce qui resterait serait une ombre.
Il a donc écrit à Einstein,
et il a dit, « Comme vous voyez,
la guerre a été assez bonne avec moi,
malgré les fusillades.
J'ai pu m'en échapper
et parcourir vos idées."
Et Einstein a été réellement impressionné par l’exactitude de la solution,
et j’imagine aussi le dévouement du scientifique.
Voici le dur travail d’un scientifique dans de rudes conditions.
Il a donc amené l’idée de Schwarzchild
à l’Académie Prussienne des Sciences la semaine suivante.
Mais Einstein a toujours pensé que les trous noirs étaient une bizarrerie mathématique.
Il ne croyait pas qu’ils existaient en nature.
Il pensait que la nature nous protègerait contre leur formation.
Il a fallu des décennies
avant que le terme trou noir soit créé
et les gens ne s’aperçoivent
que les trous noirs sont de réels objets astrophysiques --
en fait se sont des états de mort
de grosses étoiles
qui collapsent de manière catastrophique
à la fin de leurs vies.
Notre soleil ne collapsera pas en un trou noir.
Il n’est pas assez gros.
Mais si nous faisions une petite expérience de la pensée –
ce qu'Einstein adorait faire --
nous pourrions imaginer
de réduire le soleil à six kilomètres,
et de mettre une petite terre dans son orbite,
à peu près 30 km
hors du trou noir du soleil.
Et elle serait auto-illuminée,
parce que le soleil serait parti, nous n’avons pas d’autre source de lumière --
auto-illuminons donc notre petite terre.
Et vous vous apercevriez que vous pouvez mettre la terre sur une orbite
même de 30 km
hors du trou noir écrasé.
Ce trou noir écrasé
pourrait à peu près rentrer dans Manhattan.
Il pourrait se déverser dans l’Hudson
avant de détruire la terre.
Mais fondamentalement c’est ce dont nous sommes en train de discuter.
Nous parlons d’un objet que nous pourrions réduire
à la moitié de la surface de Manhattan.
Nous déplaçons donc cette terre très près --
30 km de distance --
et nous remarquons qu’elle orbite parfaitement autour du trou noir.
Il y a une sorte de mythe
que les trous noirs dévorent tout dans l’univers,
mais il faut se rapprocher beaucoup pour tomber dedans.
Mais ce qui est impressionnant, c’est que, de notre point de vue,
nous pouvons toujours voir la terre.
Elle ne peut pas se cacher derrière le trou noir.
La lumière de la terre, une partie tombe dedans,
mais une partie est réfléchie et nous revient.
Vous ne pouvez donc rien cacher derrière un trou noir.
Si vous étiez dans Battlestar Galactica
en train de lutter contre les Cylons,
ne vous cachez pas derrière un trou noir.
Ils peuvent vous voir.
Notre soleil ne collapsera pas dans un trou noir;
il n’a pas assez de masse,
mais il y a des dizaines de milliers de trous noirs dans notre galaxie.
Et si l’un d’eux devait éclipser la voie lactée,
voilà à quoi ça ressemblerait.
Nous verrions une ombre de ce trou noir
contre des centaines de milliards d’étoiles
dans la galaxie de la voie lactée et ses chemins poussiéreux lumineux.
Et si nous devions tomber dans ce trou noir,
nous verrions toute cette lumière réfléchie,
et nous pourrions même commencer à croiser cette ombre
et ne pas remarquer réellement que quelque chose de dramatique s'est passé.
Ce ne serait pas bien d’essayer d’allumer nos fusées pour nous en sortir
parce qu’on ne pourrait pas,
pas plus que ne peut en échapper la lumière.
Mais même si le trou noir est sombre de l’extérieur,
il n’est pas sombre à l’intérieur,
parce que toute la lumière de la galaxie peut tomber derrière nous.
Et même si, à cause d’un effet relativiste qu'on appelle la dilation du temps,
nous aurions l’impression que nos montres ralentissent
par rapport au temps de la galaxie,
il nous semblerait que l’évolution de la galaxie
ait été accéléré et nous avait tiré dessus,
juste avant de nous écraser contre le trou noir.
Ce serait comme une expérience de mort imminente
quand vous voyez la lumière à la fin du tunnel,
mais c’est une expérience de mort totale.
(Rires)
Et il n’y a aucun moyen de parler à quiconque
de la lumière à la fin du tunnel.
Nous n’avons jamais vu une ombre comme celle d’un trou noir,
mais les trous noirs peuvent être entendus,
même s’ils ne peuvent être vus.
Imaginez de prendre une situation astrophysique réaliste --
imaginez deux trous noirs qui ont vécu une longue vie ensemble.
Ils ont peut être débuté en tant qu’étoiles
et collapsé en deux trous noirs --
chacun 10 fois la masse du soleil.
Nous allons donc les comprimer jusqu’à 60 km.
Ils peuvent tourner
des centaines de fois par seconde.
À la fin de leurs vies,
ils se côtoient tous les deux très près de la vitesse de la lumière.
Ils traversent donc des centaines de kilomètres
en une fraction de seconde.
Et pendant ce temps-là, non seulement ils courbent l’espace,
mais ils laissent dans leurs sillages
un retentissement de l’espace,
une onde dans l’espace-temps.
L’espace se comprime et s’étire
pendant qu’il ressort de ces trous noirs
en éclatant bruyamment dans l’univers.
Et ils voyagent là-bas dans le cosmos
à la vitesse de la lumière.
Cette simulation à l’ordinateur
nous vient d’un groupe de relativité à la NASA Goddard.
Il a fallu presque 30 ans pour n’importe qui dans le monde pour résoudre ce problème.
Ceci est un de ces groupes.
Il montre deux trous noirs chacun dans l’orbite de l’autre,
encore une fois, avec ces courbes colorées très utiles.
Et si vous regardez – c’est un peu vague --
mais si vous regardez les ondes rouges qui émanent,
ce sont des ondes gravitationnelles.
Elle sont littéralement les sons de l’espace,
et elles voyageront à partir de ces trous noirs à la vitesse de la lumière
pendant qu’elles produisent des sons et elles se fondent
en un seul tranquille trou noir qui tourne
à la fin du jour.
Si vous étiez assez près
vous entendriez résonner
l’étirement e la compression de l’espace.
Vous entendriez littéralement le son.
Naturellement, votre tête serait écrasée et étirée définitivement,
vous pourriez donc avoir des problèmes à comprendre ce qui se passe.
Mais j’aimerais jouer pour vous
le son que nous imaginons.
Ceci est de mon groupe --
un model programmé légèrement moins élégant.
Imaginez un petit trou noir
qui tombe dans trou noir très grand.
Le son que vous entendez
est celui du petit trou noir qui explose dans l’espace
chaque fois qu’il se rapproche.
S’il s’éloigne, c’est un peu trop tranquille.
Mais il arrive comme un maillet,
et il fait craquer littéralement l’espace,
en vibrant comme un tambour.
Et nous pouvons prévoir le son qu’il fera.
Nous savons que, pendant qu’il tombe dedans,
il accélère e il fait de plus en plus de bruit.
Et finalement,
nous entendrons le petit qui tombe dans le grand.
(Battement)
Ensuite c’est fini.
Je ne l’ai jamais entendu si haut – en fait c’est beaucoup plus dramatique.
A la maison il a un son anticlimactique.
C’est une espèce de ding, ding, ding.
Voici un autre son de mon groupe.
Non, je ne vous montrerai pas d’images,
parce que les trous noirs ne laissent derrière eux
aucune trace d’encre,
et l’espace n’est pas peint,
et ne vous montre pas les courbes.
Mais si vous flottiez dans l’espace en vacance
vous entendriez ceci,
ça donne envie de se tirer.
(Rires)
Il faudrait vous éloigner du son.
Les deux trous noirs se déplacent.
Les deux trous noirs se rapprochent.
Dans ce cas-là, ils sont en train de vibrer suffisamment.
Et ils vont fusionner.
(Battement)
C’est fini.
Ce pépiement est très caractéristique des trous noirs qui fusionnent --
Que sa pépie à la fin.
Ceci est notre prévision
de ce que l’on verra.
Heureusement nous sommes à distance de sécurité à Long Beach, Californie.
Et sûrement, quelque part dans l’univers
deux trous noirs ont fusionné.
Et certainement, l’espace autour de nous
sonne
après avoir voyagé probablement des millions d'années lumière, ou un million d'années,
à la vitesse de lumière pour arriver à nous.
Mais le son est trop faible pour que n’importe qui puisse l’entendre.
Voilà des expérimentations qui ont été faites sur terre --
l'une s’appelle LIGO --
elle détectera les déviations
dans l’écrasement et l’étirement de l’espace
à une fraction près d’un noyau atomique
sur quatre kilomètres.
C’est une expérimentation remarquablement ambitieuse,
et elle aura une sensibilité très avancée
dans les prochaines années.
Il y a également une mission proposée pour l’espace,
qui sera lancée, avec un peu de chance, dans les dix prochaines années,
qui s’appelle LISA :
LISA sera en mesure de voir les trous noirs énormes --
des trous noirs des millions ou des milliards de fois
la masse du soleil.
Sur cette image Hubble nous voyons deux galaxies.
Elles paraissent presque figées dans une étreinte.
Et chacune nourrit peut-être
un énorme trou noir en elle-même.
Mais elles ne sont pas figées,
elles sont en train de fusionner.
Ces deux trous noirs sont entrés en collision,
et ils fusionneront sur une échelle de temps de plus d’un milliard d’années.
Ça va au-delà de la perception humaine
de comprendre une chanson de cette durée.
Mais LISA pourrait voir les phases finales
de deux trous noirs énormes
plus tôt dans l’histoire de l’univers,
les 15 dernières minutes avant qu’ils ne fusionnent.
Mais ce n’est pas seulement les trous noirs,
mais n’importe quelle grosse perturbation dans l’univers --
et la plus grosse c’est le Big Bang.
Quand cette expression a été créée, elle était moqueuse --
comme dans, “Oh, qui peut croire à un Big Bang?”
Mais maintenant elle pourrait être techniquement plus précise,
parce que le Big Bang pourrait détonner;
il pourrait faire un bruit.
Cette animation de mes amis des Proton Studios
montre une vision du Big Bang de l’extérieur.
Nous ne voulons jamais faire cela. Nous voulons être à l’intérieur de l’univers,
parce qu'être en dehors de l’univers, ça n’existe pas.
Imaginez donc d’être à l’intérieur du Big Bang.
Il est partout, tout autour de vous,
et l’espace vacille chaotiquement.
14 milliards d’années passent
et cette chanson se joue toujours autours de vous.
Les galaxies se forment,
et des générations d’étoiles se forment dans ces galaxies.
Et autours d’une étoile,
au moins une étoile,
il y a une planète habitable.
Et nous voila désespérément en train de construire ces expérimentations,
de faire tous ces calculs, d'écrire ces codes.
Imaginez il y a un milliard d’années,
deux trous noirs en collision.
Cette chanson résonne dans l’espace
pendant tout ce temps.
Nous n’étions même pas là.
Elle se rapproche de plus en plus --
il y a 40.000 ans, nous sommes encore en train de peindre dans les grottes.
On est pressé, construisez vos instruments!
Ça se rapproche de plus en plus, et en 20…
n’importe quelle année
quand nos détecteurs ont finalement une sensibilité avancée --
nous les construirons, nous allumerons les machines
et, bang, nous la capturerons – la première chanson de l’espace.
C’est le Big Bang que nous allons capturer,
ça résonnerait à peu près comme ça.
(Statique) C’est un bruit terrible.
C’est littéralement la définition du bruit.
C’est un bruit blanc, c’est une sonnerie chaotique.
Mais c’est partout autours de nous, vraisemblablement,
s’il n’a pas été éliminé
par un autre procès de l’univers.
Et si nous le capturons, ce serait une musique pour nos oreilles,
parce que ce serait un écho tranquille
de cet instant de notre création,
de notre univers observable.
Donc dans quelques années,
nous pourrons monter un peu le son de la bande originale,
traduire l’univers en audio.
Mais si nous percevons ces premiers instants,
ça nous amènera très près
de la compréhension du big bang,
qui nous amène tellement près
à poser une des plus difficiles et élusives questions de l’histoire.
Si nous jouons à l'envers un film de notre univers,
nous savons qu’il a eu un Big Bang dans notre passé,
et nous pourrions même entendre le son cacophonique,
mais notre Big Bang est-il le seul?
Ce que je veux dire c'est que nous devrions nous demander: c’est déjà arrivé ?
Est-ce que ça arrivera à nouveau?
Dans l'esprit du défi de TED,
pour réanimer la curiosité,
nous pouvons poser des questions, au moins pour cette dernière minute,
qui pourraient nous échapper pour toujours.
Mais il faut se demander:
est-il possible que notre univers
soit un panache d’une histoire beaucoup plus grande?
Est-il possible que nous soyons seulement une branche d’un multivers --
chaque branche avec son Big Bang dans son passé --
certains peut-être avec des trous noirs qui jouent de la batterie,
certains peut-être sans --
certains peut-être avec une vie sensible, certains peut-être sans --
pas dans notre passé, pas dans notre futur,
mais en quelque sorte fondamentalement liés a nous?
Nous devons donc nous demander, s’il y a un multivers,
dans une autre partie de ce multivers,
y a-t-il des créatures?
Voici mes créatures du multivers.
Y a-t-il d’autres créatures dans le multivers,
en train de nous imaginer
Et en train de s’imaginer leurs origines?
Et si c’est le cas,
je peux les imaginer comme nous,
en train de calculer, écrire du code sur des ordinateurs,
construire des instruments,
essayant de détecter les sons les plus étranges
sur leurs origines
et imaginant qui d'autre est là-dehors.
Merci. Merci.
(Applaudissements)