Quand je dis le mot « végane », à quoi pensez-vous ? Vous vous dites sans doute : « Ah, les véganes. Pourquoi ne peuvent-ils pas vivre et laisser vivre ? Cela ne me dérange pas que vous soyez végane, mais pourquoi m'imposer votre point de vue et ne pas respecter mon choix de manger des produits animaux ? » Certains d'entre vous se disent peut-être : « Je ne pourrais jamais être végane. J'aime trop le fromage. » D'autres parmi vous pourraient être perdus et se dire : « Manger de la viande fait partie du cycle de la vie, et d'autres animaux mangent des animaux, alors pourquoi pas moi ? » Ce sont des exemples de ce que je disais quand quelqu'un prononçait le mot végane. Mais je disais souvent aussi que les véganes étaient fous, et que personne ne devrait jamais devenir végane. Mais maintenant je le suis. Comment en suis-je arrivé là ? C'est une question que je me pose souvent. Pour essayer de comprendre pourquoi je suis devenu végane, je souhaite passer en revue tous les arguments que j'avançais et vous montrer pourquoi j'ai changé d'avis. Premier argument : « C'est un choix personnel. » Pouvons-nous moralement justifier le fait de ne pas être végane en avançant que c'est un choix personnel de consommer des produits animaux ? En fait, oui, c'est notre choix de consommer des produits animaux tout comme c'est notre choix de maltraiter un chien ou de battre un chat. En substance, ce que je dis, c'est que chacune de nos actions est un choix que nous faisons. Donc suggérer qu'il est moralement justifiable d'exploiter des animaux parce que c'est un choix personnel reviendrait à dire que chacune de nos actions est moralement justifiable parce que toute action est un choix personnel. Est-il alors moralement justifiable d'attaquer au hasard un étranger dans la rue ? Ou d'aller dans un refuge, d'adopter un chien, et de le ramener chez soi pour le maltraiter ? Non, bien sûr que non. Parce que ces choix impliquent une victime, quelqu'un qui souffre à cause du choix que nous avons fait. Et de ce fait, s'il y a une victime, il est impossible de justifier moralement notre choix. De plus, une des raisons pour lesquelles je suis devenu végane était un choix personnel. Des milliards d'animaux sont tués chaque année. Leur a-t-on donné le choix ? Ils préféreraient vivre leur vie sans se faire exploiter par l'homme. N'oubliez pas, les animaux n'entrent pas délibérément dans un abattoir. Ils y sont forcés contre leur volonté. Toute possibilité de choix leur a été ôtée. Lorsque l'on parle de choix personnel comme justification, de quel choix personnel parlons-nous, sinon du nôtre ? Et si c'est un choix, pourquoi choisir d'être cruel ? Nous pourrions alors nous dire : « Oui, mais c'est différent, car ces animaux sont élevés pour ça. Donc, votre exemple de maltraiter un chien est fallacieux, car ce serait une souffrance inutile. » A quoi je répondrais que la plupart d'entre nous trouvent les combats de chien abominables, pourtant beaucoup de chiens de combats sont élevés spécifiquement pour ça. Cela rend-il la chose acceptable ? On pourrait continuer en disant : « Oui mais les combats de chiens sont illégaux dans ce pays, alors que les fermes et les abattoirs sont admis par la loi, ce sont des pratiques légales. » Mais est-ce que légalité égale moralité ? Est-ce qu'une chose est acceptable simplement parce qu'elle est légale ? Si cela était vrai, les combats de chiens seraient moraux dans les pays où ils sont légaux. Retenons ce mode de pensée, et transposons-le à un cas humain. Est-ce que la mutilation génitale est une pratique morale et acceptable dans les pays où cette pratique est admise ? Et reprenons cet argument et cette façon de penser et appliquons-les à l'excuse : « culture et tradition ». Est-il justifiable de tuer des chiens au Festival de viande de chien de Yulin parce que ce festival est un événement culturel ? Est-il justifiable de massacrer les dauphins au Japon ou les globicéphales aux Îles Féroé parce que c'est la tradition ? Et si l'on revient à l'exemple des mutilations génitales féminines, est-ce une pratique acceptable parce que culturelle et traditionnelle ? Car si on essaye de justifier l'utilisation des animaux en disant : « Ils appartiennent à notre culture et à nos traditions », on devra alors accepter que toute action culturelle et traditionnelle est moralement justifiable juste parce qu'elle est culturelle et traditionnelle. Et nous en arriverons alors sans doute au point suivant : « Tout ça est bien joli, mais nous avons besoin de manger des produits animaux pour survivre. Ils sont même essentiels à notre alimentation. » Se pose alors la question : les produits animaux sont-ils nécessaires ? L' American Dietetic Association, le plus grand corps de professionnels de la nutrition aux États-Unis, qui comprend plus de 100 000 praticiens certifiés, a affirmé de façon catégorique qu'un régime végane est sain, sans danger et adéquat au point de vue nutritionnel à tout âge, même durant la grossesse, l'allaitement et la petite enfance. C'est aussi l'avis de la British Dietetic Association et du système de la santé publique du Royaume-Uni. De plus, des recherches poussées et solides ont prouvé qu'il existe un lien entre la consommation de produits animaux et certaines de nos principales maladies comme les maladies cardiaques, certains types de cancer, le diabète de type 2 et les AVC. L'idée d'un régime végane qui nourrit bien n'est pas une idée controversée au sein de la communauté scientifique, et donc, la consommation de produits animaux est une action injustifiée. Poursuivons dans le même ordre d'idées en disant : « Oui, mais vous niez notre nature. Après tout, nous sommes omnivores. Vous avez vu nos canines ? On a toujours mangé de la viande. Si nos ancêtres n'avaient pas mangé de viande, vous n'existeriez pas. » D'abord, beaucoup d'herbivores ont des canines, le cerf porte-musc par exemple. Avoir des canines n'implique pas nécessairement manger de la viande. Ensuite, il y a beaucoup de gens qui pensent que sur les plans biologique et physiologique, notre corps est plus proche des animaux herbivores que des animaux omnivores. Nos intestins sont en moyenne trois fois plus longs que ceux d'un omnivore moyen. Le déplacement latéral de notre mâchoire inférieure lorsque nous mâchons est commun aux animaux herbivores. L'acide chlorhydrique dans notre estomac est moins robuste que celui des carnivores ou mêmes des omnivores. Mais je ne pense pas que ce soit pertinent. Cela n'a pas d'importance qu'on soit herbivore ou omnivore. Le fait qu'on sache physiquement faire quelque chose ne rend pas l'action moralement justifiable. Vu que manger de la viande n'est pas indispensable, on peut survivre avec des plantes. Sur le plan biologique, cela ne change rien, vu que ce n'est pas nécessaire ; et s'il n'y a pas de besoin, il n'y a pas de justification. Et puis, c'est un peu malhonnête, un peu hypocrite, de revendiquer que nous avons été créés, et fondamentalement conçus pour tuer des animaux alors que beaucoup d'entre nous ne voudront jamais tuer un animal eux-mêmes. Si nous ne voulons pas tuer un animal nous-mêmes, pourquoi est-ce acceptable de payer quelqu'un d'autre pour le faire ? Je trouve toujours cela curieux que quand j'essaie de montrer à quelqu'un des images d'abattoir, ils disent : « Je ne veux pas voir ça ! Ça va me couper l'appétit. » Je réponds alors, pourquoi ? Pourquoi est-ce que voir comment un produit animal arrive dans ton assiette pourrait t'en dégoûter ? Cela n'a pas de sens. Pourquoi est-on bouleversé en regardant des images d'animaux tués dans des chambres à gaz, ou d'animaux se débattant pour survivre en essayant désespérément de s'échapper du plan d'abattage où ils ont été amenés de force ? Revenons un moment à nos ancêtres. Nos ancêtres faisaient pas mal de choses horribles. Ils violaient, ils assassinaient. Ces actions sont-elles automatiquement acceptables dans notre société simplement parce que nos ancêtres les commettaient ? De plus, pourquoi baser notre moralité sur les actions d'une société primitive où nos notions de bien et de mal n'existaient pas, et où par manque de choix, consommer des animaux était une question de survie ? Continuons avec cet argument car il est pertinent en rapport avec l'excuse « les animaux mangent d'autres animaux ». Le simple fait qu'un lion tue et mange une gazelle ne justifie pas l'action d'aller acheter un steak au supermarché. Les lions sont purement carnivores, ils doivent manger de la viande pour survivre. Comme nous l'avons déjà établi, ce n'est pas le cas pour nous. Encore une fois, pourquoi baser notre moralité sur le comportement d'animaux sauvages, alors que les recherches montrent systématiquement qu'ils agissent d'une façon qui ne serait jamais acceptable dans notre pays ou dans notre société en général ? Allons plus loin avec cet argument. Développons cette idée de nécessité et de survie. Je n'ai guère de doute que si un végane naufragé sur une île déserte n'avait d'autre nourriture qu'un animal, il finirait, c'est sûr, par le manger. En réalité, personne ne sait comment il réagirait dans une situation extrême de survie. C'est en fait le but de cet argument, de faire passer les véganes pour des hypocrites s'ils admettent qu'ils mangeraient un animal pour survivre. Mais il y a eu des cas documentés de cannibalisme pour survivre. Cet accident d'avion dans les Andes, dont les rescapés ont survécu en mangeant la chair des passagers décédés. Dans ce cas précis, le cannibalisme était justifiable. Cela veut-il dire que le cannibalisme est un acte justifiable en temps normal ? De même, ce n'est pas parce qu'un végane pourrait manger un animal s'il le devait vraiment pour survivre que la consommation de produits animaux est moralement justifiable dans la société quotidienne. L'argument va plus loin : « Oui, mais manger des animaux fait partie de la chaîne alimentaire. C'est le cycle de la vie, on naît et on meurt, c'est un processus naturel, en harmonie avec la nature et le monde dans lequel nous vivons. Nos chaînes alimentaires sont très importantes. Elles symbolisent l'ordre naturel et aident à maintenir les écosystèmes. Elles existent principalement pour veiller à ce que les tailles des populations animales restent constantes et garantir l'équilibre de l'écologie naturelle. » Ce que l'on fait aux animaux avec la reproduction sélective, quand on les modifie génétiquement, quand on les insémine artificiellement, qu'on les fait saillir de force, quand on leur enlève leurs jeunes, quand on les mutile, qu'on exploite ce qu'ils produisent naturellement pour leurs petits, quand on les charge dans un camion, qu'on les emmène à l'abattoir, où on les pend la tête en bas, les égorge et les vide de leur sang, cela n'a plus rien à voir avec l'ordre naturel. Et surtout, cela ne répond à aucun critère de ce que l'on qualifie de chaîne alimentaire. Cette chaîne alimentaire que nous invoquons est une construction humaine commodément inventée pour essayer de justifier une action totalement inutile. Elle ignore la complexité et l'interdépendance de ces tissus vivants qui forment nos écosystèmes. C'est un faux raisonnement qui ignore notre aptitude à prendre des décisions morales et à exercer notre libre arbitre. En substance, l'argument de la chaîne alimentaire est fondé sur le proverbe « force fait loi ». Cela veut dire qui si vous avez les moyens d'exploiter physiquement quelqu'un d'autre, vous avez en quelque sorte le droit de le faire. Quant au cycle de la vie, il ne fait référence qu'à deux moments indéniables de notre existence : la naissance et la mort. Tout ce qui naît doit un jour mourir. Ce qu'il se passe entre les deux est variable, et n'a rien à voir avec un cycle de vie préétabli. Si nous continuons avec cet argument, il serait moralement acceptable, de faire du tort à qui que ce soit, n'importe quand et de n'importe quelle manière. Il serait moralement acceptable de tuer un animal et même un homme, si on continue dans cette logique. Argument plus pratique cette fois : « Si le monde devenait végane, que ferait-on de tous les animaux ? On ne peut pas relâcher des milliards d'animaux dans la nature, ce serait un désastre pour l'écologie. » Oui, évidemment. Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'agriculture animale est basée sur l'offre et la demande. En d'autres mots, quand on achète un produit, on crée une demande. Les fermiers n'élèveront des animaux que s'ils peuvent les vendre. Ils ne vont pas élever des animaux qu'ils ne peuvent pas vendre, économiquement ce ne serait pas viable. La transition vers le véganisme devra se faire graduellement. Plus il y aura de véganes, moins il y aura d'animaux élevés pour être mangés. Et si, et c'est un grand si, nous arrivons un jour à avoir un monde végane, ce sera un monde où les fermiers ne feront plus d'agriculture animale. Et donc nous ne serons jamais face à ce choix entre relâcher des milliards d'animaux dans la nature ou les amener à l'abattoir et jeter ensuite leurs cadavres. « D'accord, je vois où vous voulez en venir, mais c'est là le problème. Les véganes sont des hypocrites. On sait que de petits animaux sont parfois tués par la production agricole, donc, c'est impossible d'être 100% végane. » C'est vrai. Les chenilles et les vers meurent dans la production agricole. On ne peut pas garantir que de petits mammifères comme les souris ou les rats ne seront pas aussi parfois tués. Mais la différence est cette notion d'intention et de certitude. Quand on achète un produit animal, on paie intentionnellement quelqu'un qui causera la souffrance et la mort d'un animal. C'est une certitude. Quand on achète un produit végétal, ce n'est pas le cas. Pensez-y de cette façon : vous conduisez et renversez accidentellement un chien, moralement, ce n'est pas la même chose que si vous aviez vu le chien et l'aviez résolument poursuivi jusqu'à l'écraser. La philosophie et l'idéologie derrière cet argument qui dit qu'il est justifiable d'acheter des produits animaux car parfois des animaux meurent de la production agricole revient à dire, moralement parlant, qu'écraser un chien par accident revient au même que de l'écraser volontairement. « Et les plantes alors ? Les plantes aussi sont vivantes. Pourquoi n'ont-elles pas droit elles aussi à notre compassion ? » Oui, les plantes sont aussi des choses vivantes. Mais elles ne sont pas conscientes. Elles n'ont pas de cerveau, de système nerveux ou de nocicepteurs. De plus, il faut parfois jusqu'à 16 kg de plantes pour produire 1kg de viande. Donc, bien plus de plantes sont utilisées dans la production d'une alimentation non végane que végane. Donc, si on aime les plantes, logiquement et moralement, on est obligé d'être végane. Et cela cadre bien avec ce qui vient d'être dit concernant les animaux tués par la production agricole. S'il faut plus de plantes pour une alimentation non végane et qu'on se soucie des petits animaux tués par la production agricole, alors, logiquement et moralement, on est tenu d'être végane. « Et la culture du soja ? La culture du soja est dévastatrice pour l'environnement, non ? » La culture du soja est horrible pour l'environnement. Mais c'est parce que 70 à 85 % de la production de soja sert à nourrir les animaux d'élevage. En fait, on estime que seuls 6 % seraient nécessaires à la consommation humaine. Il ne s'agit pas seulement du tofu des véganes. Le soja est omniprésent dans l'alimentation de tout le monde. On le trouve dans le pain, les céréales, les sauces, le chocolat, etc. Argument suivant : « Faut-il vraiment être végane ? Végétarien, je comprends. On ne tue pas d'animaux pour produire du lait et des œufs, donc être végétarien devrait être suffisant, non ? » En termes simples, non. Dans l'industrie des œufs, les poussins mâles sont inutiles, ils ne pondront pas. Ils n'atteindront pas la taille des poulets qui sont tués pour être mangés. Cela veut dire que dès qu'ils naissent, Ils sont jetés dans un broyeur géant qui les hache vivant, ou jetés dans une chambre à gaz et gazés. Toutes les poules pondeuses seront aussi envoyées à l'abattoir après environ 72 semaines de vie, lorsque leur corps seront totalement épuisés d'avoir trop produit et que le fermier n'en tirera plus profit. Dans l'industrie laitière, les vaches ne produisent du lait que pour nourrir leurs petits. Ce sont des mammifères comme nous. Les fermiers les inséminent de force, année après année, pour garantir une production continue de lait qu'ils puissent vendre. Lorsque la vache met bas, on lui enlève son veau, en principe dans les 24 heures qui suivent la naissance. Les veaux mâles ne servent à rien dans l'industrie laitière. Cela veut dire qu'environ 95 000 veaux mâles sont tués peu après leur naissance, rien que dans notre pays. Normalement, on leur tire une balle dans la tête. Juste parce qu'ils ne produiront pas de lait, et que parfois, ce n'est pas assez rentable de les vendre pour leur viande. Les femelles seront élevées et rejoindront le troupeau, et seront inséminées de force année après année. Et toutes les vaches laitières finiront elles aussi, à l'abattoir. Les produits laitiers et les œufs sont donc en fait comme la viande. Mais probablement pire, car les animaux souffrent plus longtemps, et ils sont quand même tués de la même façon. Parlons maintenant de l'abattage sans cruauté. On entend ça souvent quand on parle de tuer des animaux dans des abattoirs. « Sans cruauté » veut dire avec compassion ou bienveillance. Un abattage sans cruauté est donc un oxymoron. Comment en effet tuer un animal avec compassion ou bienveillance quand l'animal ne veut pas mourir ou n'a pas besoin de mourir. Et voici notre dernière excuse : le goût. Je voudrais que vous réfléchissiez à ces deux questions. Qu'est-ce qui a plus de valeur, le goût ou la vie ? Est-ce qu'un plaisir sensoriel à lui seul peut justifier moralement une action ? Rappelons-nous qu'un repas ne dure que quelques minutes, mais ce repas a coûté toute une vie à un animal. On leur enlève la vie pour un moment fugace, pour un repas oublié sitôt mangé. Je trouvais que les véganes nous imposaient leurs vues. Je le disais souvent. Mais j'ai réalisé qu'il n'y avait rien de pire que de prendre de force la vie de quelqu'un qui ne veut pas mourir, prendre la vie d'un animal qui ne veut pas mourir. Et c'est pour cela que je suis devenu végane. Car mis en perspective, mes arguments manquaient de véracité, de crédibilité et de validité. Je suis fondamentalement un ami des animaux, et pourtant je payais pour que des animaux souffrent et meurent en mon nom. Toutes les excuses que j'utilisais m'ont fait réaliser que mes valeurs étaient en contradiction avec mes actions, et je savais qu'il n'y avait aucune justification possible. Merci beaucoup de m'avoir écouté. (Applaudissements)