Je suis heureux de partager avec vous le travail que je réalise pour promouvoir la conservation par l'inspiration. Mais avant de parler de ce que je fais, je veux vous parler un peu de pourquoi et comment je me suis lancé là-dedans. Je précise aussi que chaque image que je vais vous montrer ce soir est réelle à 100%. Alors si je vous demande de quel animal s'agit-il à votre avis ? Je parie que la plupart d'entre vous répondraient - c'est une raie manta - « Ne serait-ce pas une raie géante ? Comme celle qui a tué Steve Irwin ? » Et bien non, c'est une raie manta. Elle n'a pas de dard ni de dents. En fait, elle est totalement inoffensive. C'est aussi une créature marine des plus fascinantes. Et elle se dirige tout droit vers l'extinction en ce moment en raison de la pêche non durable pour sa chair et ses branchies. Mon défi est d'établir un lien entre les gens et des créatures marines telles que les raies manta avec lesquelles ils n'ont jamais été en contact car toutes ces créatures jouent un rôle très important dans la gestion de l'écosystème le plus important de notre planète : les océans. Mon voyage a commencé il y a plus de vingt ans, quand j'ai débuté la plongée. Sous la surface, j'ai découvert un monde si beau, si plein de vie, les mots ne suffisaient pas à le décrire. Je me suis formé à la photographie et à la réalisation et me suis lancé dans une mission mondiale pour documenter les spectacles les plus incroyables de l'océan et les partager avec la planète. J'ai exploré les récifs de Raja Ampat en Indonésie, l'épicentre de la biodiversité marine mondiale. J'ai rencontré mes premiers requins de très près, sans aucune protection, y compris l'un des prédateurs les plus redoutés de la planète : le requin tigre. Et j'en suis tombé amoureux. Puis j'ai plongé dans des récifs grouillant de requins et dansé avec des raies manta géantes, d'une envergure dépassant 4,5 mètres pendant que des escadrons de raies mobula dansaient au loin, en-dessous de moi. J'ai même découvert un groupe de plus de 300 requins-baleines au large de la péninsule du Yucatán au Mexique et me suis immergé dans des bancs de plus de 200 espadons-voiliers alors qu'ils déchiquetaient des sardines servant d'appâts. J'ai batifolé avec des dauphins, me suis promené avec des globicéphales, et plongé dans la fureur d'une attaque d'orques sur une famille de cachalots. J'ai vécu une des expériences les plus intimes et touchantes de toute ma vie lorsqu'une mère baleine à bosse m'a présenté son nouveau-né. Bien que captivé par ces créatures marines, je n'ai pas pu ignorer de quelle manière impitoyable et systématique, nous avons effacé ces animaux de la surface de la Terre. J'ai la conviction que découvrir une vérité aussi importante entraîne l'obligation, même le devoir, d'intervenir. Ansi a débuté mon voyage d'une décennie pour documenter et dénoncer la destruction des océans. J'ai découvert que les requins étaient traqués uniquement pour leurs ailerons. De l'Amérique du Sud à l'Asie du Sud-Est, en fait, tous les pays possédant un littoral, les pêcheurs traquaient les requins principalement pour leurs ailerons. Et cela ne concernait pas juste beaucoup de requins, pas des centaines de requins, pas des milliers ou dizaines de milliers, mais des centaines de milliers de requins qui chaque jour étaient déchargés. Et pourquoi ? Pour de la soupe d'ailerons de requin. A Taïwan, j'ai vu un seul palangrier décharger 10 000 ailerons, soit plus de 3 000 requins. Quand on pense que Taiwan compte plus de 2 000 palangriers déclarés, déployant assez de lignes pour recouvrir huit fois la planète, et qu'ils ne sont que la quatrième nation de pêche au requin. Plus de 100 millions de requins tués chaque année principalement pour leurs ailerons. Quand ces ailerons parviennent au consommateur, cette chaîne de destruction a été effacée par des négociants qui changent le sang en or. Mais ce n'était pas juste des requins. Ils s'intéressaient aussi aux raies manta et les tuaient pour leurs branchies. Et comme les grands poissons se faisaient plus rares ils s'en prenaient aux dauphins et aux tortues en voie de disparition. Malgré le moratoire de 1986 sur la chasse commerciale à la baleine, plusieurs nations, dont le Japon, avaient recommencé à chasser des baleines de plus en plus. J'ai réalisé que si nous n'agissions pas très rapidement, j'assisterais de mon vivant à la mort des océans. Mes images de cette destruction ont fait le tour de la presse mondiale. Elles ont été relayées par la plupart des grands médias. Cependant, j'ai été attristé en réalisant que malgré cette incroyable publicité, une grande partie du monde ignorait toujours, ou même se désintéressait de la destruction en cours des océans. Et par conséquent, cette destruction n'a fait que continuer. Puis j'ai réalisé que je ne m'étais adressé qu'aux 1%, déjà convertis, comme beaucoup de personnes dans cette salle, sans toucher les 99% restants de la planète, qui ont le sort des océans entre les mains. Ma mission n'est pas de sensibiliser mais plutôt d'inspirer l'action et promouvoir le changement. Mon éveil s'est produit dans un endroit des plus improbables : dans une communauté de pêcheurs isolée du sud des Philippines. Ce village qui avait déjà participé à l'abattage de requins-baleines pour leurs ailerons s'était lié d'amitié avec ces gentils géants. Ils étaient aux balbutiements de la création d'une filière éco-touristique avec ces animaux. J'ai documenté cette relation incroyable et j'ai partagé cette histoire avec le monde entier. Ce qui m'a frappé est la réaction internationale à cette seule image. Les gens étaient captivés par la relation amicale et intime entre cet énorme requin et ce pauvre pêcheur. Six mois plus tard, depuis le Mexique, une image que j'ai postée sur Facebook est devenue virale. Elle a occupé la première page de Yahoo News pendant plusieurs jours et recueilli plus de 100 millions de vues depuis. Je me suis demandé : pourquoi les gens sont-ils si intéressés par des inconnus fixant un requin-baleine ? C'était une photo amusante, non ? C'est alors que j'ai compris. Cette image parlait à notre imaginaire, aux fantasmes de notre enfance sur ces créatures marines géantes qui rôdent sous la surface. Elle établissait un lien entre les humains et les requins-baleines d'une façon à laquelle tout le monde pouvait s'identifier. Soudain, les requins-baleines étaient dignes de l'attention internationale. À tel point que mon ami et allié Richard Branson s'est joint à une expédition spéciale WildAid-Virgin Unite pour nager avec ces animaux et sensibiliser le monde à la nécessité de les conserver. Mais j'ai fini par réaliser que la plupart des gens ne s'intéressent pas aux océans et à leurs créatures. Les gens sont pris dans leur quotidien. Après une dure journée de travail, on veut se détendre, décompresser. On ne veut pas qu'on nous rappelle les problèmes du monde, surtout pas des problèmes abstraits comme la pêche aux ailerons et la destruction des océans. On est influencés par la pop culture et la mode, et on se tourne vers les médias grand public pour nous évader. Mais nous devons entendre le message dès à présent. Subtilement au début, mais menant ensuite à une action décisive. Je suis donc retourné aux Philippines avec une mission : établir un lien entre les gens et ces animaux de façon novatrice et profonde ; produire des images concrètes d'une sirène dansant avec ces géants gracieux ; mettre en lumière un animal qui était en train de disparaître à cause de notre cupidité ; raconter une autre histoire de ces animaux, une histoire où nous dansons avec eux et où une pointure du base-jump, Roberta Mancino, saute par-dessus leurs queues au moment où elle s'envole au-dessus des falaises dans son wingsuit. L'histoire d'une relation où ces animaux et les êtres humains peuvent coexister, où nous les apprécions pour leur beauté naturelle. Un monde où l'on se mobilise autour d'une conviction : préserver ces gentils géants. Mais la prise de conscience ne suffit pas. Pour les raies manta en particulier, nous avions besoin d'une action immédiate et décisive. Nous avions enfin réussi à mettre les raies manta à l'ordre du jour de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction. Ce collectif de 178 pays membres qui ne se réunit qu'une fois tous les trois ans est le seul traité international contraignant au monde pour protéger les espèces menacées. C'est ce traité qui protège les rhinocéros, les éléphants et les tigres. Après une campagne de quatre ans menant à la réunion du CITES en mars 2013, nous avons réalisé, deux mois à peine avant la réunion, que nous avions commis une erreur critique. Le monde et la plupart de ces délégués ne savaient rien des raies manta. Nous craignions que beaucoup d'entre eux ne la confondent avec une raie géante comme celle qui a tué Steve Irwin. Nous n'avions que deux mois pour révéler ces raies manta au monde et montrer que ce sont des créatures belles, douces et vulnérables mais aussi des animaux charismatiques dignes d'une protection internationale. Nous avons donc créé « La dernière danse des manta ». L'histoire d'Hannah, une gitane rebelle, abandonnée par son clan de manta. Elle retourne enfin à l'océan mais réalise qu'elle arrive trop tard. Toutes les manta sont parties. Au comble du désespoir, elle lâche prise et rêve d'une dernière danse avec ses manta. Voici un aperçu du film. [La dernière danse des manta] (Musique: « If I Could Stay » de Terra Naomi) ♪ Et si je pouvais passer ♪ ♪ Une partie du temps gagné ♪ ♪ Je peux imaginer ton visage ♪ ♪ À l'instant où tu me vois revenir ♪ ♪ Ce n'est qu'un rêve ♪ ♪ Parce que tu es loin ♪ ♪ Et le temps passé à rêver pourrait être du temps gagné ♪ ♪ Et il y a tellement de choses que je ne comprends pas ♪ ♪ Je fais la queue avec ma main ouverte ♪ ♪ Dans l'attente d'une explication, quelque chose à conserver ♪ (Fin de la musique) Waouh ! (Applaudissements) Nous avons sorti le film une semaine avant la CITES. Il a été téléchargé 200 000 fois en 24 heures et cité dans le New York Times, Smithsonian, Wired et par les médias du monde entier. Nous avons amené le film à la CITES et lors d'une réception spéciale des délégués pour les raies manta, nous les avons inspirés. La semaine suivante, les manta l'emportaient par une écrasante majorité à 80% des voix. Le monde s'était finalement mobilisé à un moment décisif pour protéger les raies manta. (Applaudissements) J'ai la conviction que l'art est un outil essentiel pour stopper la destruction de ces espèces menacées. En révélant aux gens la beauté et la vulnérabilité de ces animaux, nous éveillons une curiosité et une passion pour eux sur un autre plan. Parce qu'au final, c'est le lien humain qui est au cœur de la conservation. Sans ce lien, nos efforts finiront par échouer. Mais en l'exploitant, nous pouvons changer le monde. Merci. (Applaudissements)