"Impressionant."
"Oh mon Dieu, regardez moi ça."
"Je n'en crois pas mes yeux !"
"Ouh ! Ça stimule bien mon économie tout ça !"
À la fin des années 90, le développeur
Rare cherchait à reproduire
le succès de leur jeu de tir
mythique de 1997 : Golden Eye,
tout en ne produisant pas un
second jeu James Bond.
Ils commencèrent donc à travailler sur un
thriller de science fiction et d'espionnage
nommé Perfect Dark.
Pour la star du jeu,
ils voulaient créer un nouveau genre
percutant d'agent spécial
qui ne se contenterait pas de vivre
dans l'ombre de James Bond.
Ils s'inspirèrent alors de personnages
allant de Jeanne d'Arc à Dana Scully,
d'X-files.
Elle fut appelée Joanna Dark.
Quelques années plus tôt,
Lara Croft, crée par Eidos Interactive
était rapidement devenue l'un
des plus célèbres
et reconnaissable personnage
de jeux vidéos de tous les temps.
Il était donc logique de penser
qu'un jeu d'action
avec une personnage féminin avait
le potentiel de devenir un hit retentissant.
Hélas, Joanne Dark n'atteint
jamais les niveaux
de célébrité occupés par Lara Croft.
Mais Perfect Dark fut tout de même un succès.
Regardons maintenant une
publicité pour le jeu :
"Bienvenue en 2023,
Des grandes entreprises se mêlent
à des nations aliens.
Une guerre ancienne se déroule
sous la mer.
Le président est sur le point
d'être cloné.
Et c'est vôtre travail de
tenter de sauver le monde.
Mais avant, vous avez
une important décision à prendre :
Qu'est ce que voulez allez porter pour travailler ?
Les créateurs de Golden Eye sur N64
vous présentez l'agent spécial Joanna Dark,
dans Perfect Dark,
dans lequel vous découvrirez que
la seule personne suffisamment masculine
pour gérer un travail comme celui là...
est une femme."
Est-ce que vous imaginez une publicité
exactement similaire,
mais seulement avec Marcus Fenix,
ou Master Chief,
sortant du lit nu,
prenant une douche sexy en slow-motion,
mettant un sous-vêtement sexy,
pendant que le narrateur nous annonce
qu'il a une importante décision à faire
que va t'il porter pour travailler ?
"Bienvenue en 2016.
Une guerre se déroule...quelque part.
Vous n'êtes pas sur d'où, exactement.
Enfin bon, ce qui est important, c'est que
vous êtes l'agent spécial Jake Grimshadow.
C'est à vous de sauver le monde.
La seule question est :
Mais qu'est ce qui vous allez porter ?
...ATTENDEZ...QUOI ??
Une publicité comme celle ci
n'arriverait jamais,
et ne devrait jamais arriver.
Mais Joanna est traitée différemment,
de ses homologues masculins.
Bien que Perfect Dark est un jeu de tir
à la 1ère personne
et donc on ne la voit que rarement
dans le jeu en lui même,
en se focalisant sur la manière dont
elle s'habille,
cette publicité encourageait les joueurs
à penser que l'attrait de Joanna
était lié au désir qu'elle succitait
plutôt que ses compétences en tant
qu'agent spécial.
Les vêtements d'un personnage sont parmi
les premières choses que nous remarquons.
Ils sont une part importante de
notre première impression
d'un personnage, et en tant que tel
sont pour les designers une manière
de communiquer immédiatement aux joueurs
ce qui est le plus important et
mémorable chez eux.
Les héroïnes féminines dans les jeux vidéos
peuvent être des agents spéciaux
des soldats ou des chasseuses de trésors.
Elles se retrouvent souvent
au cœur du danger,
dans des situations physiquement
éprouvantes,
combattant des méchants
et sauvant le monde.
Elles sont dans des situations appelant à
porter des vêtements pratiques,
protecteurs.
Mais lorsque que nous regardons
le type de vêtements
que les personnages féminins portent,
nous constatons qu'ils sont souvent
à la fois sexualisés et absurdes.
Ivy de Soulcalibur est une guerrière intrépide
qui se retrouve dans des combats
ou des armes acérées et mortelles
sont utilisées
et une armure protectrice
serait de mise.
Mais les tenues qu'elle porte
-ou ne porte pas-
ne sont pas vraiment faites
pour la protéger.
Cammy de la série Street Fighter
est une opératrice des forces spéciales anglaises
dont le justaucorps en lanière
sert plus
à attirer l'attention sur ses fesses
qu'à offrir la moindre protection.
Jessica Sherawat dans
Resident Evil : Revelations
est un membre du Bioterrorism
Security Assessment Alliance
et fait régulièrement face à
de mortels mutants infectés,
mais ses tenues sont plus
désignées pour...
Moi même je n'en ai
aucune idée.
Et ce n'est qu'une infime
partie du grand nombre
de personnages féminins forcés
à porter
des vêtements inadaptés et objectivants
dans de dangereuses situations.
"Tu vas apprendre le respect !"
"Tu as été imprudent de revenir ici."
"Allez, commençons !"
"Et au lieu de porter une côte de mailles,
tu te jettes dans la bataille,
la chemise ouverte, nombril et...
tout le reste exposé !"
Parce que les vêtements aident à
modeler nos premières impressions d'un personnage
ils ont une très grande influence
sur notre perception de qui ils sont
chaque fois qu'ils apparaissent à l'écran,
des tenues trop sexualisées
contribuent à ce qui est appelé
l'hyper-sexualisation des personnages féminins.
L'hyper-sexualisation advient
dans les médias
lorsqu'un personnage est conçu
pour être estimé en premier lieu
pour ses caractéristiques et
comportements sexuels.
Chez les personnages
hyper-sexualisés, ces attributs
sont mis en avant plus que tout le reste
et mis au centre de l'attention,
alors que tout autre chose à propos du
personnage passe au second plan.
Les jeux et autres médias essaient souvent
de montrer cette sexualisation
comme positive pour les femmes.
Ils rendent floue la frontière entre
sexualisation de la femme
et pouvoir féminin, le résultat est que
les personnages féminins sexualisés
sont souvent célébrés
comme des femmes contrôlant
leur sexualité
d'une manière indépendante.
Mais ce n'est pas vraiment de l'indépendance
parce que la sexualité qui
émane de ces personnages
est créé par, et montrée
comme existante pour
le joueur masculin et hétéro présumé.
Bayonetta est l'exemple par
excellence de ce type de personnage.
Quand la caméra caresse son corps
comme lors de la scène d'ouverture
de Bayonetta 2,
elle établit la relation du
personnage et du joueur.
Bayonetta est figée dans le temps,
l'objet passif du regard de l'homme.
La caméra la présente,
elle et Jeanne
exposées, en vitrine
pour le joueur,
déterminant ce que le jeu
communique de plus important à propos d'elles :
les aspects sexuels de leurs corps.
Et lorsque Bayonetta commence à bouger,
c'est le joueur qui a le pouvoir
de contrôler sa sexualité
en tant qu'arme lors du jeu,
à la fois littéralement et
au sens figuré.
Elle possède un assortiment
de mouvement spéciaux
appelés "attaques tortures" qui
utilisent des dispositifs
censés rappeler le BDSM
et ressemblent à quelque chose
que vous vous attendriez
à voir
dans un stéréotype exagéré de
donjon du sexe.
Mais ces attaques sexualisées
n'ont rien à voir avec
le sexe :
elle détruisent simplement
ses ennemis.
Et un certain nombre de ses
attaques la laissent tout simplement nue,
parce que, vous voyez, elle attaque
ses ennemis
avec ses cheveux, et ses
cheveux sont aussi sa tenue.
Donc, lorsqu'elle utilise ses
cheveux pour attaquer ses ennemis
ils ne peuvent couvrir
son corps et...
De cette manière,
le jeu fait délibérément le lien
entre la sexualité de Bayonnetta
et sa puissance,
nous vendant une version
d'objectivisation sexuelle
que nous sommes censés
trouver positive
et émancipatrice.
Chaque aspect de l'existence
de Bayonetta,
de la manière dont la caméra
est magnétiquement attirée
vers ses parties du corps sexualisées
jusqu'à la récompense de "pole-dance"
après avoir terminé le jeu,
est conçue de manière experte pour
être sexuellement affirmée
et satisfaisante pour l'audience masculine
et hétéro attendue.
Si je répète fréquemment
le fait
que le joueur est présumé être
un homme hétérosexuel,
c'est parce qu'il est vital
de se souvenir de cela.
Cette supposition
influence et modèle
énormément de décisions faites
dans le développement d'un
grand nombre de jeux.
"Voyons voir, notre cible marketing :
plutôt des hommes,
entre 18 et 24 ans, leurs
intérêts : de la violence effrénée,
des armes high-techs, de la douleur,
l'humiliation...
Hé ! Peut être que ça ça va
bien marcher !"
Bien sur, des personnages comme
Bayonetta sont des fantaisies fictives
mais en réalité, nous vivons dans une culture
où les femmes sont plus souvent estimées
pour le potentiel de désir
sexuel qu'elles provoquent chez les hommes.
Alors que ces personnages sont incroyablement puissants
dans un sens physique :
capables de détruire des armées entières
et de faire tomber des divinités,
il n'y a aucune émancipation dans le fait
qu'elles sont objectivées sexuellement.
En vérité, cette connexion entre objectivisation
et émancipation et extrémement destructrice.
Cela est dangereux pour les femmes,
parce qu'au lieu de
montrer qu'elle ont des valeurs
intrinsèques en tant que personnes,
cela insinue que leur genre de
pouvoir accessible
aux femmes vient des
hommes les trouvant désirables.
Mais cela est aussi dangereux pour les
hommes, parce que cela suggère
que les femmes qui sont libérées
et émancipées
sont aussi des femmes dont la sexualité
est toujours disponible pour les hommes.
Lorsque nous associons la
sexualisation des femmes
avec leur puissance,
nous intériorisons ce mythe destructeur
et commençons à croire que la
sexualisation est l'unique manière
d'accéder à une égalité entre
les genres.
Mais la vérité est que la sexualisation
n'est pas un moyen
de nous amener plus
près de l'égalité.
Dans son livre "Enlightnened Sexism"
("Le Sexisme Éclairé"),
Susan J. Douglas résume le problème.
"Sous l'apparence de l'évasion et du plaisir,
nous recevons des images d'un pouvoir
imaginé qui masque,
et même efface tout ce qui reste à faire
pour les filles et les femmes.
Des images qui rendent le sexisme
acceptable, divertissant même,
et qui insistent que le féminisme est
désormais complétement inutile,
et possiblement mauvais pour vous."
The Last of Us : Left Behing nous présente
des personnages féminins
qui expriment des sentiments
amoureux l'une pour l'autre,
plutôt que d'émaner une
énergie sexuelle
dirigée directement vers le joueur.
"Qu'est ce que l'on fait maintenant ?"
"On va se débrouiller."
Et dans Firewatch, bien que cela
soit seulement entendu et non vu,
Delilah exprime son désir sexuel pour le
personnage du joueur, Henry.
"J'aimerais être là."
"J'aimerais que tu sois là, toi aussi."
"Nous pourrions nous assoir dehors,
nous pourrions parler,
sans ces radios. Nous pourrions, heu.. tu sais."
Ces moments ne sont pas présentés
comme d’existants morceaux de sexualités
à consommer pour les joueurs.
Ils fonctionnement plutôt comme des expressions
de la sexualité d'un personnage
et renforcent notre attachement
aux personnages et à leur relation.
Pour clarifier cela, l'acte sexuel
n'est pas un problème en lui même,
mais il se trouve dans la manière
dont il est présenté.
J'adorerais voir d'excellentes représentations
de rapports sexuels sains et
consentis dans les jeux vidéos.
Mais malheureusement, lorsqu'un
rapport sexuel consenti se produit,
il est souvent montré comme
une transaction
ou alors une récompense
pour un accomplissement du joueur.
Que cette accomplissement soit
une quête effectuée
ou bien le choix des
bonnes options de dialogue
pour accéder à la cinématique
sexuelle.
Lorsque des personnages féminins fictifs
dans des jeux vidéos sont habillés
d'armures ou de vêtements peu pratiques,
cela encourage le joueurs à les voir
en tant qu'objets sexuels,
et renforce la notion déjà
persuasive et destructrice
dans notre culture que la
sexualisation est la plus viable
ou même l'unique manière
de rendre les femmes puissantes.
Par contraste, lorsque ces personnages
sont vêtus
d'habits qui sont véritablement
utiles et fonctionnels
pour le travail qu'elle sont en
train de faire,
et quand elles expriment leur sexualité
et leurs désirs sexuels
de manières différentes
des récompenses sexualisées
conçues premièrement
pour les joueurs masculins hétéros
consommables et appréciables,
cela encourage les
joueurs de tous les genres
à ne pas voir ces personnages
comme des objets sexuels
mais plutôt à les voir comme des personnes.