Il y a un certain nombre d'années,
je chantais de une chorale de femmes
et, pour l'une des productions,
la directrice de la chorale a décidé
que nous utiliserions un bout du concert
pour nous réapproprier le mot « salope ».
Je viens juste de dire « salope »
lors d'une présentation à TEDxOSU.
Beaucoup d'entre vous ont dû avoir
une réaction négative
face à ce mot quand je l'ai dit
et cela était aussi notre cas,
à moi et aux autres membres de la chorale.
Nous avons eu de nombreux
débats à ce sujet.
Des femmes ont pleuré,
des femmes ont crié,
les gens étaient vraiment inquiets
que nous aliénions notre public,
que nous re-traumatisions des femmes,
car on nous a appris
que c'était un mot horrible,
que c'était le pire mot qu'il soit.
En fait, il a été utilisé
de façons terribles, horribles.
Il est utilisé par
des agresseurs de femmes,
des gens voulant blesser des femmes.
Mais il y a des éléments
indiquant que, il y a très longtemps,
c'eut été un mot avec une énergie positive
[en anglais],
et que nous, en tant que communauté
et au fil du temps,
avons pris ce mot et en avons fait
un mot épouvantable.
Si nous l'avions construit,
nous pouvions le déconstruire.
J'avais une décision à prendre
car le personnage que je jouais
devait dire le mot « salope »
23 fois en une seule réplique.
J'allais traverser la scène
et traiter chacune de mes amies
de « salope » ou d'une variante.
J'employais une petite voix de pirate
et faisais toutes sortes de choses.
Puis, à la fin, nous allions chanter
deux courtes chansons,
l'une d'entre elles était de Mozart,
en personne, avec le mot « salope ».
Je devais vraiment m'investir complètement
ou m'extraire de cela entièrement.
Pour prendre cette décision,
j'ai pensé à ma fille,
qui avait sept ans à l'époque,
et j'ai pensé à un monde
où ce mot n'aurait plus
ce pouvoir sur elle,
où elle aurait la liberté
d'établir le sens des mots,
et j'ai décidé de m'investir complètement.
Cela a été le début de ma vie
comme travailleuse
en déconstruction du genre.
Depuis ce moment-là, j'ai passé
beaucoup de temps à réfléchir, à étudier
et à lire sur le genre et la sexualité
et j'en suis arrivée à la conclusion
que les normes de genre
socialement établies
sont toujours restrictives,
souvent néfastes et parfois mortelles
et je voulais partager
certaines de ces observations avec vous.
En quoi sont-elles restrictives ?
Cela ne vous surprendra pas de découvrir
que si nous demandons aux gens
de porter un maillot de bain
durant un examen de maths
ou de porter un pull
durant un examen de maths,
que les gens portant un maillot de bain
s'en sortiront moins bien à cet examen
que les gens portant un pull.
Ce qui pourrait vous surprendre,
c'est que cet effet
est vrai pour les femmes uniquement.
Les hommes peuvent passer un examen
en portant un maillot de bain ou un pull
et cela ne semble pas
affecter leurs résultats,
mais pour les femmes,
quand vous leur mettez un maillot de bain,
vous activez cette honte de leur corps
qui est socialement établie
ainsi que ce contrôle de leur corps
et elles doivent utiliser
une partie de leur énergie à cela,
leur performance à l'examen de maths
en est donc limitée.
Vous dites donc : « Lisa,
ce n'est pas réaliste.
Personne ne vous demandera de passer
un examen de maths en maillot de bain.
Ne nous avez-vous pas amené
un exemple concret ? »
Si.
Pensez à l'examen avancé de maths,
vous savez, cet examen mineur,
l'examen qui pourrait déterminer
les cours suivis à l'université
et même votre majeure
et même le chemin que votre vie suivra.
Durant l'examen de maths,
des études ont montré
que si nous mettions cette case en haut
pour indiquer si l'on est
un homme ou une femme,
les femmes s'en sortent
moins bien à l'examen
que si vous mettez cette case
à la fin de l'examen.
Simplement en rappelant aux femmes
qu'elles sont des femmes,
vous activez le stéréotype : « Les filles
ne sont pas bonnes en maths. »
Durant l'examen, elles doivent utiliser
une partie de cette énergie cognitive
qu'elles devraient utiliser pour l'examen,
car le calcul, c'est difficile,
elles doivent utiliser
une partie de cette énergie
pour refouler ce stéréotype
et, de ce fait, leurs résultats
pourraient en être limités.
Pour ce qui est néfaste, j'aimerais
m'appuyer sur le brillant Jackson Katz.
Katz a cette théorie
sur la socialisation de genre des garçons
et il dit que nous socialisons
les garçons dans une case.
Au sein de cette case,
il y a ces termes descriptifs géniaux :
indépendant, assertif, viril, fort, dur
et tout ce que vous voulez entendre.
En dehors de cette case,
il y a le négatif.
C'est là que vivent les termes
« mauviette », « pédé » et « lavette ».
En dehors de cette case, vous êtes
maltraité, tourmenté, traité de peureux.
Pour avoir tous
les bons termes descriptifs,
vous devez demeurer
dans cette petite case étroite.
Vous devez apprendre et intérioriser
le fait qu'être un homme,
c'est ne pas exprimer d'émotions humaines.
Cela signifie ne pas montrer
quand vous avez mal
et avoir recours à la violence
comme méthode préférée
de résolution de conflit.
Il dit que nous devons
arrêter de faire rentrer de force
nos garçons dans cette petite case.
Nous devons les autoriser à être
les êtres humains entiers qu'ils sont.
De plus, on nous inculque tellement
à voir les hommes
comme des créatures violentes
qu'ils ont été exclus
des histoires sur la violence.
Nous voyons des titres comme :
« Une femme a été violée »
ou « Une femme a été agressée ».
Nous ne voyons pas :
« Un homme a violé une femme »,
« Un homme a agressé une femme ».
Ils sont devenus ce que Katz appelle
une majorité invisible,
c'est-à-dire que quand je parle de genre,
vous pensez à une femme,
et cela fait de la violence
envers les femmes
un problème de femmes.
Vous obtenez des manifestations
pour se réapproprier la nuit
qui n'autorisent pas
aux hommes de participer,
comme si c'était le rôle de la femme
de résoudre la violence
plutôt que le rôle de l'humain
de résoudre la violence
qui peut être fatale.
Quand j'ai été choisie
pour donner une présentation,
j'étais très enthousiaste
et j'ignorais de quoi j'allais parler.
De genre et de sexualité, bien sûr,
mais j'ignorais de quoi
j'allais parler spécifiquement.
Une chose que vous ne savez pas
à mon sujet, c'est que j'adore rire
et, plus encore,
j'adore faire rire les gens
et l'idée de venir et de rire ensemble,
avec plus de mille personnes,
était très forte et attrayante.
Vous l'avez vu avec la brillante
démonstration d'Ida
où nous avons ri ensemble.
J'ai décidé d'écrire
cette présentation amusante, divertissante
où nous ririons tous ensemble.
J'effectuais des recherches
durant les vacances
et je suis tombée sur cette histoire
de Leelah Alcorn.
Certains d'entre vous la connaissent.
Leelah était une femme transgenre
de 17 ans vivant ici, en Ohio,
et elle a posté sur les réseaux sociaux
son parcours poignant
à travers la dépression,
la solitude, l'isolement
et les difficultés de sa famille
concernant son identité de genre :
même si elle était née
avec le corps d'un garçon,
elle avait l'identité
de genre d'une femme.
C'était une situation si déchirante,
solitaire et sans espoir pour elle
que le 28 décembre 2014,
elle s'est suicidée
en se jetant sous un camion.
Ses parents, malgré tout l'amour
qu'ils avaient pour elle,
n'ont pas pu dépasser les idées sociétales
dictant ce que c'est d'être un homme,
ce que c'est d'être une femme,
et maintenant, leur enfant est morte.
L'une des dernières demandes de Leelah
était : « S'il vous plaît, réglez cela. »
Dès que j'ai lu cela,
j'ai su ne pas pouvoir simplement
venir et rire avec vous.
Je savais que je devais en parler.
Je savais que je devais
vous demander de rejoindre
ce que j'appelle la ligue des travailleurs
de la déconstruction Bob anti-bricoleurs.
(Rires)
Vous souvenez-vous de Bob le bricoleur :
« On peut le faire ? Oui, on peut ! »
Nous l'avons déjà fait.
La question est donc :
pouvons-nous réparer cela ?
Je pense que la réponse est oui,
car je pense à nouveau à ma fille,
à cette fille à qui j'ai pensé
il y a de nombreuses années
quand j'ai chanté
le mot « salope » sur du Mozart.
Elle est maintenant adolescente
et m'a offert un cadeau l'autre jour.
C'était un autocollant
sur lequel il y avait un merle bleu
qui porte des lunettes de soleil
et fait du skateboard
et en dessous, cela dit :
« Le genre est une construction sociale. »
(Rires)
Je suis si fière que chaque jour,
elle et son frère me rappellent
que quand nous demandons :
« Pouvons-nous arranger cela ? »
la réponse est :
« Ensemble, nous le pouvons. »
Merci.
(Applaudissements) (Acclamations)