Le 16 juin 2015, Donald Trump descendait l'escalier vers le hall d'entrée doré de la Trump Tower, en plein coeur de Manhattan, pour annoncer sa candidature officielle aux élections présidentielles des États-Unis. Quelle belle foule que voici! Des milliers! À l'époque, l'idée que Trump puisse vraiment remporter les élections semblait loufoque à la plupart des gens, particulièrement pour les libéraux américains, qui voyaient cette campagne comme un vulgaire coup de publicité ou une large farce. La semaine dernière, Donald Trump a confirmé à la National Review qu'il songeait toujours à se présenter aux candidatures présidentielles de 2016. Fais-le! (Rires) Fais-le! Regarde-moi. Fais-le! Mais au fil des mois, les rires ont pris une tonalité plus nerveuse, alors que Trump se hissait de plus en plus près du troupeau républicain. Donald Trump, c'est le poil noir qui pousse sur notre dos. C'était peut-être insignifiant il y a un an, mais maintenant que ça s'empire, on ne peut plus l'ignorer. Même alors qu'il accédait à la scène de la convention républicaine nationale pour accepter sa nomination au parti, en juillet 2016, plusieurs continuaient de refuser à croire ce qui se passait tout juste sous leurs yeux. Nous sommes de retour avec David Hundo P. Plouffe, l'homme qui affirme qu'Hillary Clinton a 100% de chances de gagner. Je continue de croire que M. Trump de sera pas président. Vous pensez donc que cette campagne électorale tire à sa fin? Pratiquement, oui. La seule chose qui pourrait sauver Trump à l'heure qu'il est, c'est une intervention extérieure quelconque. Mais l'incrédulité devait s'arrêter net le soir des élections, alors que les commentateur.trice.s annonçaient sombrement que Donald J. Trump serait bel et bien le 45e président des États-Unis. (Soupir) Vous êtes réveillé.e.s, en passant. Ceci n'est pas un terrible, terrible rêve, et non, vous n'êtes pas mort.e.s, ni en enfer... Bienvenue dans votre nouvelle vie, ceci sont bien nos élections : nous en sommes là, c'est notre pays, c'est bien réel. USA!! USA!! USA!! Merci! Le Parti Démocratique et ses nombreuses filiales médiatiques de masse avaient largement sous-estimé le contre-coup anti-institutionnel qu'avaient alimenté des décennies de politiques capitalistes néolibérales auprès de larges pans de la population américaine. La campagne de Trump avait mis le doigt dans le mile en ciblant ce profond bassin de rage flambante, sur laquelle il a jeté de l'huile explosive en faisant appel aux pulsions patriarcales et nationalistes de l'Amérique blanche. Décalisse! C'est notre pays, enfoiré! Notre pays! J'suis américain et fier de l'être! Made in USA bitch! Trump! Donald Trump! Fuck you! Le soir des élections, alors que les trolls de 4Chan et les membres d'Alt-Right célébraient et que les libéraux sombraient dans la paralysie du fatalisme et du désespoir... les anarchistes, les antiautoritaires et des foules de jeunes en colère prenaient la rue. Dans les villes de partout au pays, de larges manifestations spontanées ont éclaté, avant même que les votes ne soient complètement comptés. Plusieurs de ces manifestations étaient combatives, et leurs participant.e.s y brûlaient des effigies, confrontaient la police et bloquait des artères d'autoroutes majeures. À Oakland, deux voitures de police furent défoncées et brûlées, envoyant plusieurs flics à l'hôpital. Dans cette ambiance politique survoltée, un réseau anarchiste s'est élaboré entre plusieurs villes pour planifier une manifestation-monstre à l'occasion de l'inauguration de Trump, le 20 janvier. En seulement quelques jours, un site web a été mis sur place, invitant les gens à # DisruptJ20. Au cours des 30 prochaines minutes, nous jeterons un oeil aux manifestations historiques qui ont secoué les rues de Washington ce jour-là, ainsi que la vague de répression massive sans précédent qui suivit. Nous en profiterons pour parler avec quelques accusé.e.s et leurs allié.e.s, qui nous raconteront comment illes ont participé à l'émeute de Washington, confronté le département de la Justice dans son propre tribunal, et finalement... se sont sorti.e.s du trouble. Nous avons besoin de quelqu'un qui saura prendre ce pays et le rendre génial à nouveau. Donald Trump gagne les élections présidentielles! Le lendemain, on se disait : "On fait quoi, maintenant?" Quelques jours plus tard, nous avions monté un site web, un vidéo, un événement facebook, tout ça... Des gens ont monté un conseil de porte-paroles. C'était l'une des meilleures mobilisations de coalition dont j'ai fait partie. Les conseils de porte-paroles agissaient par consensus et suivaient les principes organisationnels de Saint-Paul. C'est une excellente façon de mobiliser des masses de gens selon quelques principes anarchistes de base. Notre solidarité se fondera sur le respect de la diversité des tactiques et des plans des autres groupes. Les actions et tactiques seront organisées de manière à maintenir une séparation du temps et de l'espace. Tous débats et critiques seront adressés à l'interne du mouvement et non sur la place publique ou dans les médias, afin d'éviter la dénonciation de camarades ou d'actions. Nous nous opposons à toute répression étatique de la dissidence, incluant la surveillance, l'infiltration, la perturbation ou la violence. Nous nous engageons à ne pas collaborer avec l'application de la loi à l'encontre des activistes ou de quiconque. Il y avait plusieurs assemblées, chacune chargée d'un aspect spécifique ; environ neuf blocages ont été organisés dans ces assemblées, ainsi qu'une marche "autorisée". J19 se voulait une manifestation contre Deploraball, séparée de la marche antifasciste et anticapitaliste. Nous en sommes venu.e.s à tenir des rencontres massives, qui rassemblaient jusqu'à 500, 600 personnes. Les groupes se subdivisaient pour travailler sur les actions directes, la marche illégale, le festival autorisé de la résistance, l'art, le logement, l'équipe médicale ou légale... il y en avait pour tous les goûts. Mais personne ne voulait qu'y aller et repartir. Il y avait une intention claire de perturber l'inauguration. Des automobiles en feu et des fenêtres brisées! Des manifestants vêtus de noir, le visage couvert, armés de marteaux et de briques. Des briques et des roches sont lancées directement à la police! Six agents de police auraient été blessés. This thing’s crazy! Black Lives! Matter! Make nazis afraid again! Ce jour-là, notre objectif était de faire fermer un poste de contrôle. Nous avons commencé avec un rassemblement devant les postes de police. Bien sûr, une des choses contre lesquelles on continue de lutter, c'est la brutalité policière et ses meurtres, ici à Washington. D'abord, nous nous sommes enchaîné.e.s devant les entrées contrôlées prévues tout au fil du trajet annoncé de la parade. Nous sommes arrivé.e.s avant le début. Personne n'est passé par ce point de contrôle de toute la journée. Nous étions venu.e.s avec l'intention très claire de tenter de perturber l'inauguration, spécifiquement dû à la montée de fascisme de Trump. Il y a eu un bref discours, puis nous nous sommes mis.e.s à marcher. Au début, ça ressemblait à une manif normale. Les gens chantaient des slogans dans la rue. Puis, graduellement, j'ai commencé à voir des gens tirer des poubelles et du recyclage dans la rue. Puis, il y a eu les feux d'artifices. Et finalement, les fenêtres ont commencé à éclater. Je me souviens de la Banque d'Amérique... Il ne restait plus une seule fenêtre dessus. C'est ça qui arrive, partout ailleurs dans le monde, lorsque les gens luttent contre un État fasciste. Il y a un degré de sérieux de plus que nos manifs ici, où les gens gueulent et crient, puis retournent à la maison. Quand on commence à comprendre que c'est un peu plus sérieux que "j'suis fâché.e aujourd'hui" ou "ce président va être terrible". Quand je repense à ce jour-là, il symbolise la solidarité. Puis tout à coup, tout le monde s'est mis à courir. Les flics nous bloquaient pour nous faire prendre un autre chemin, puis nous bloquaient encore... En nous enfuyant, nous avons réalisé qu'un mur de flics se formait devant nous. On a fini par se faire prendre en souricière au coin de la 12e et rue L, au centre-ville de Washington. Les gens ont maintenu bravoure et moral tout au long de cette très longue période, à être détenu.e.s dehors au coin de la rue. On nous a gardé là à partir d'environ 10h a.m, jusqu'à bien après le coucher du soleil. Tout le monde était très à l'aise de partager la nourriture, l'eau, l'équipement médical, les cigarettes ou tout ce dont on pouvait aider à maintenir une certaine normalité. Le moment de l'arrestation, en particulier, était très intéressant ; toustes se partageaient conseils tactiques ou stratégiques. À la fin, on nous a toustes été arrêté.e.s individuellement, avant de passer la nuit en prison, pour être relâché.e.s le lendemain. Depuis des années. la police de Washington était connue pour sa relative retenue, au niveau des manifestations. S'il est donc compréhensible que l'usage systématique de grenades sonores, de poivre de cayenne et d'arrestations massives lors des manifestations du J20 ait surpris beaucoup de personnes... ces actions n'étaient pas sans précédent. Hey hey! Ho ho! The IMF has got to go! Hey hey! Ho ho! Au pic de l'époque altermondialiste, Washington fut le terrain de deux manifestations majeures contre la Banque Mondiale et le FMI, où la police de Washington avait employé le même style de tactique "brasse-camarade", dans le cadre d'une politique officielle visant l'arrestation de masse préventive, surnommée la "trappe à détention". Aux manifestations anticapitalistes du "A16", en avril 2000, la police de Washington arrêté plus de 1300 personnes, dont 648 furent arrêté.e.s à la veille des manifestations majeures prévues pour la fin de semaine. Deux ans plus tard, lors d'une manifestation similaire en septembre 2002, la police et des agent.e.s fédéraux des parcs nationaux ont encerclé et arrêté environ 400 personnes dans le parc Pershing, à un coin de rue de la Maison Blanche. On attacha les détenu.e.s par les pieds et les poings, les maintenant en position de stress pendant plus de 24h, avant de finalement les relâcher. Des avocats en droit civil, faisant partie du Partenariat pour la Justice Civile, ont réagi à ces deux arrestations de masse en poursuivant le MPD et le gouvernement fédéral. La poursuite aura coûté plus de 20 millions de dollars en dédommagements, plongeant les politicien.en.s et la police municipale dans l'embarras et menant à une nouvelle législation qui établit de nouveaux mécanismes de contrôle de l'activité policière, incluant l'illégalisation explicite de la détention de masse arbitraire. Mais il est bien connu que les flics n'apprécient pas particulièrement qu'on remette en question leur autorité... et ceux de Washington n'y font pas exception. Le jour des manifestations du J20, le chef de police en intérimaire, Peter Newsham, qui avait personnellement commandé l'arrestation de masse des manifestant.e.s de Pershing Park seize ans plus tôt, occupait son nouveau poste depuis tout juste quatre mois. Sans doute encouragé par les promesses électorales de Trump, qui promettait de donner carte blanche à la police de brutaliser les gens comme bon leur semblerait, Newsham a décidé que l'époque des gentils flics était terminée. Le 21 janvier, plus de 230 personnes avaient passé la nuit en détention, sans qu'on ne connaisse leurs accusations. Au début, lorsqu'on a été arrêté.e.s, j'ai cru qu'on nous donnerait seulement une amende de 50$. Le jour de notre apparition en cour, j'ai compris qu'on nous accusait au criminel. Je me suis dis, "Wow, c'est gros." Honnêtement, beaucoup d'entre nous avions peur, et pour de bonnes raisons. Fuck tes rêves. Fuck tes aspirations. Tu sais... tu t'en vas en prison. C'est un tout autre monde qu'il te faut saisir, auquel tu dois t'ajuster. Mais on n'y était pas encore. Au début, on nous a toustes accusé d'avoir participé dans une émeute criminelle. Trois mois plus tard, alors que j'étais à un rassemblement anarchiste au Mexique, j'ai reçu un courriel d'un camarade, m'informant que de nouvelles d'accusations avaient été émises. Nous étions maintenant devant de multiples nouvelles accusations, dont la participation dans une émeute illégale, conspiration émeutière, plusieurs chefs d'accusation de destruction de propriété, incitation à l'émeute, voies de fait, dont plusieurs envers un policier avec une arme létale. C'était incroyable... Vous savez, de faire face à 80 ans de prison, c'est très dur sur les nerfs. L'idée consiste à accuser les gens de beaucoup d'accusations de ce qu'il est probable de prouver en cour. Même si on comprend que c'est sûrement juste une tactique d'intimidation pour forcer les gens à prendre entente... on parle quand même de 80 ans de prison. À Washington, les procureurs ont déposé une nouvelle série d'infractions et d'accusations criminelles à l'encontre de plus de 200 personnes ayant été arrêté.e.s pendant l'inauguration de Donald Trump, le 20 janvier. Ces nouvelles accusations pourraient mener les manifestant.e.s jusqu'à 75 ans de prison. Après la mobilisation, les gens de Washington étaient crevé.e.s. Donc nous avons monté un collectif chargé de travailler sur la défense légale, nommé le MACC : le Metropolitain Anarchist Coordinating Council. Les gens de Richmond ont vraiment pris le relais. Je me suis mis à m'impliquer au niveau du support légal à partir du 21 janvier, directement au moment du contre-coup. Il y avait de nombreux petits noyaux de gens qui organisaient différents types de soutien ; celui où j'ai été le plus actif était le DC Legal Posse - le collectif spécifiquement concu pour l'aide légale. Le MACC a aidé à organiser les assemblées initiales, à partir desquelles les accusé.e.s ont pu s'entendre sur quatre points de solidarité précis. On se subdivisait pour penser à des suggestions, puis nous en discutions ensemble. C'était genre, "Je n'aime pas ce point-ci, mais je suis d'accord avec celui-là... élaborons cette idée-ci..." Tout reposait sur la nécessité que ça marche. C'était un effort décentralisé, impliquant des gens de villes différentes. Ça impliquait le mouvement Black Lives au niveau local, mais nous étions en contact avec le mouvement Black Lives national, composé d'environ 75 associations différentes au pays. Nous nous coordonnions vraiment avec elleux pour discuter de ce que notre alliance signifiait. C'était important d'en parler ; nous nous assurions de toujours inclure les endroits comme Ferguson, où sont détenu.e.s des prisonnier.e.s politiques lié.e.s aux révoltes de Ferguson. Nous nous rassemblions ou nous appellions à chaque semaine pour faire de la recherche légale et former des groupes de travail. Ces groupes travaillaient sur différents aspects. J'ai pu contribuer à beaucoup de travail médiatique. Les accusé.e.s tenaient à produire leurs propres médias. De toutes manières, c'est le meilleur type de média. J'ai donné plein d'entrevues. Nous avons donné beaucoup d'information "off the record", afin que les journalistes puissent relater le contexte plus large. Nous avons mené une campagne féroce. Nous avions des affiches, c'était très "grassroots". C'était très professionnel. J'étais très fier du travail de tout le monde. Nous avons employé beaucoup de tactiques décentralisées. Un truc qui était vraiment merveilleux, c'est comment ce large groupe de personnes diversifiées ont pu faire face à des poursuites fédérales en agissant collectivement pour résister au réflexe de vouloir prendre une entente quelconque avec la cour. Avant le J20, des gens avaient été accusé.e.s de participation à une émeute suite à Standing Rock. Je crois qu'il y a eu une accusation portées à Minneapolis. Une autre a été portée le même jour, à la Nouvelle-Orléans. Je pense qu'il y a eu des accusations similaires contre des militant.e.s de Sacramento. Alors plusieurs étaient inquièt.e.s que nos accusations s'inscrivent dans un même style de continuum. Je dirais que les accusations sont utilisées dans le but de criminaliser certaines formes de dissidence, particulièrement les tactiques et les stratégies. Spécifiquement, la pratique des assemblées de masse publiques et celle du black block. Le département de la Justice américaine a même tenté de désigner la participation dans un black block comme étant de la conspiration émeutière. Il est apparu, très tôt dans le processus, que l'État avait séparé les 230 accusé.e.s en plusieurs catégories. Il semble que ces catégories aient servi à démontrer un continuum de culpabilité. Il y avait les "acteurs mouvants", qui étaient éligibles à la réinsertion. Il y avait ensuite les prétendu.e.s "casseur.e.s", c'est-à-dire celleux qu'on accusaient d'avoir brisé une vitre, jeté un présentoir à journaux dans la rue, etc. La troisième catégorie, dans laquelle on m'a placé, c'est celle des prétendu.e.s "organisateur.trice.s". celleux qui ont prétendument formé le black bloc pendant le J20. Les changements et limitations imposées aux pratiques policières, qui avaient été gagnées après de brutaux affrontements au début des années 2000, avaient un peu donné le ton à Washington. Je pense que beaucoup de gens à Washington s'étaient habitué.e.s à un traitement policier plutôt gentil. De l'autre côté, je pense que la police s'était habituée à beaucoup de manifs autorisées. J'ai grandi ici, j'y ai vécu toute ma vie. On ne croyait pas qu'il pouvait y avoir des arrestations de masse au J20, puisqu'il n'y en avait pas eu depuis quelque chose comme une décennie. Une des raisons pourquoi ça a pris tout le monde par surprise, c'est que la loi qui a été employée pour accuser les manifestant.e.s n'avaient pas été utilisée depuis le début des années 70. Elle avait été votée au Congrès pendant les soulèvements de Newark et Detroit, parce qu'ils craignaient une révolte noire à Washington. Il y avait une nécessité réelle d'affirmer notre soutien au J20. Beaucoup disaient, genre "C'est juste les p'tits maigres blancs, mais avec des masques... on ne veut pas gérer ça." Mais la vérité... c'est que nous sommes elleux et illes sont nous. Ça aurait pu être nous, au J20 et ça nous concerne en tant que combattant.e.s pour la libération noire. La menace potentielle d'aller en prison ou d'être tué.e.s pour nos convictions politiques est bien réelle et nous en sommes conscient.e.s. Les procureurs fédéraux américains ont pris l'habitude de porter des accusations démesurées contre les militant.e.s pour leur faire peur et les forcer à prendre entente. C'est une des raisons pour lesquelles plus de 90% des accusations criminelles ne se rendent même pas en procès. C'est cette même stratégie éprouvée que la procureure et cheffe adjointe de la division des crimes majeurs de Washington, Jennifer Kerkhoff, a tenté d'employer contre les co-accusé.e.s du J20. En dressant une liste stupéfiante d'accusations criminelles contre presque 200 personnes, liées par le seul argument discutable voulant que chaque personne arrêtée dans les rues de Washington ce jour-là aurait conspiré dans le but de causer une émeute. Kerkhoff s'attendait sans doute à ce que les accusé.e.s paniquent et se mettent à s'entre-dénoncer, lui laissant le terrain libre pour une série de condamnations faciles en échange d'accusations diminuées. Malheureusement pour elle, les co-accusé.e.s ont refusé de jouer le jeu. Dès le début, nombreux.ses d'entre elleux ont signé une déclaration de principes communs, lequel explicitait clairement leur refus de collaborer avec l'État et sa tentative de les faire condamner ; de plus, illes se sont engagé.e.s à coordonner leur défense légale ensemble. Devant la solidarité déterminée des co-défendant.e.s, le département américain de justice n'eut d'autre choix que de tenter d'arguer son procès farfelu. Dans une tentative désespéree de défendre leur point, illes ont cité le serveur californien Dreamhost à comparaître pour les forcer à révéler les adresses IP de toute personne ayant visité le site DisruptJ20.org. Illes ont également tenté d'accéder aux comptes Facebook personnels des organisateur.trice.s, afin d'y trouver des éléments incriminants susceptibles de prouver qu'il y ait eu conspiration. Leurs efforts ont échoué, les forçant à s'appuyer lourdement sur des pièces d'évidence fournies par des médias d'extrême-droite peu crédibles. Les poursuites qui ont suivi se sont avérées une sévère humilitation pour Kerkhoff et l'entièreté du système juridique américain. C'est essentiellement un crime de la pensée ; la conspiration émeutière, ça peut se résumer à trois personnes qui se rassemblent et se disent : "Il devrait y avoir une émeute". En gros, la loi sur la conspiration dit que quiconque qui se voit accusé ou peut être affilié au crime, dans ce cas-ci la conspiration criminelle, est responsable de tout acte criminel qui en découlerait. En résumé, si on vous trouve dans la rue, comme par exemple le jour de l'inauguration, habillé.e d'une certaine manière ou criant certains slogans... AK-47! Put the cops in piggie heaven! ...ou endossant certains messages, ou assurant une aide médicale... On vous tient responsable d'avoir comploté à des centaines pour causer l'émeute dans les rues. L'État s'est mis à affirmer, de manière plutôt inhabituelle, que la conspiration puisse être spontanée. Autrement dit, si deux personnes passent devant un magasin et se disent : "Hey, cette boutique ne semble pas verrouillée, allons tout piquer!", à ce moment-là, on commet une conspiration. Donc l'État défendait que pendant les événements du J20, les gens conspiraient dans les rues. Ça signifie que les critères sont bien plus bas en termes de ce qu'illes doivent prouver ; cela donne aux procureur.e.s énormément de jeu pour accuser les gens. L'État ne cessait d'affirmer que tel.le accusé.e n'avait agressé personne, ni brisé de fenêtres, mais par sa simple présence à une assemblée, ille avait conspiré à aider d'autres personnes à le faire. Salut tout le monde, ici James O'Keefe de Project Veritas. Depuis la publication de nos vidéos au sujet des perturbations du J20, nous avons quelques nouvelles pour vous. Project Veritas est un groupe qui s'est démarqué par sa technique d'enquête, qui consistait à envoyer des gens dans les rencontres organisationnelles, avec la mission de prétendre faire partie des militant.e.s de gauche ; mais en vérité, illes portaient des caméras cachées. Le but était de tomber sur des informations croustillantes qu'illes puissent utiliser pour soumettre l'organisation militante au procès de l'opinion public, saboter leurs campagnes de financement, leur base de soutien ou leur réputation. Notre avocat a rencontré un détective de l'agence spéciale antiterroriste ce matin, où un représentant du bureau du procureur fédéral devait les rejoindre. Notre avocat nous informe que suite au visionnement et l'analyse des vidéos et de nos échanges courriels avec eux, il semblerait qu'il y ait des développements légaux. La procureure était convaincue que cette unique vidéo d'un rassemblement public, où on discute de la marche anticapitaliste et antifasciste, était une pièce cruciale de leur poursuite. Dans la vidéo, je fais un commentaire désinvolte, qui est devenu le point central de mes accusations. qui se veut familial, alors ne brisez pas de vitres. Avec du recul, c'était un commentaire stupide. Project Veritas n'était pas le seul groupe d'ultra-droite avec lequel le bureau du procureur fédéral et le département la police métropolitaine ont collaboré et dont ils ont utilisé les vidéos pour cette poursuite. Je pense qu'Alex Jones et plusieurs autres membres de droite ont en fait infiltré nos rassemblements publics. Ils ont aussi obtenu des séquences vidéo et des reportages des Oathkeepers, une milice de droite affiliée à Rebel Media, un média nationaliste blanc d'Alt-Right situé au Canada. Oh merde, des marteaux! Ça n'est pas une manifestation pacifique, ça! C'est l'anarchie! À la fin du dernier des dossiers vidéos, on voit un des membres de Project Veritas discuter avec quelques personnes ; et puis, à la toute fin de la vidéo, on le voit sortir par les portes vers l'extérieur du bâtiment avec un des types avec qui il discutait Puis, la vidéo s'arrête net. Retourne là-bas... Après plus d'un an de litiges au sujet, très largement, de l'accès à l'entièreté des documents de Project Veritas auquel la défense avait eu accès, le gouvernement a produit une deuxième révélation des quatre dossiers vidéos que nous avions initialement reçus, qui incluaient des séquences auxquelles nous n'avions jamais eu accès jusque là. Dans la quatrième vidéo des dossiers initiaux qu'on nous avait fournis, à la fin de la dernière scène, où l'agent de Project Veritas et l'autre homme sortent dehors, cette fois-ci la vidéo continue. Le bureau du procureur général justifiait avoir coupé la fin de la vidéo parce qu'il ne comportait plus d'image. On pense que la personne qui portait la caméra a peut-être mis une veste, faisant en sorte de couper l'image, mais pas le son. Dans la séquence audio, la personne qui enregistre passe un appel à Veritas, et dit : Ouais, je parlais avec un.e des organisateur.trice.s de la IWW et je ne pense pas qu'illes soient au courant de ce qui se passe à l'échelon supérieur. Évidemment, ça a causé beaucoup de tumulte et encore plus de litiges. Ils ont retenu comme, 69 vidéos, mais aussi l'identité de la personne qui filmait. Une semaine avant mon procès, mon avocate a réussi à passer la personne en entrevue, suite à quoi il est devenu un témoin central à mon procès. Finalement, son témoignage a miné le récit de Kerkhoff, puisqu'il affirmait ne pas croire que quiconque prévoyait poser des actes de violence cette journée-là. Cela a ultimement mené le juge en chef à déclarer une infraction Brady. Brady c. Maryland est une affaire de la Cour suprême dans les années 1960, qui stipule que les procureur.e.s ont l'obligation et le devoir de rendre à la cour toute pièce d'évidence en leur possession, incluant à la partie défendante, même si elles comportent le potentiel de démontrer l'innocence de l'accusé.e au cours de l'audience. Suite à tout ça, le juge a rejeté certaines accusations contre plusieurs accusé.e.s, excluant les pièces d'évidences en lien avec les vidéos de Project Veritas, ce qui rayait toute preuve potentielle de conspiration de la poursuite du gouvernement. À partir de ce moment-là, les pièces du domino se sont mises à tomber une à une et il n'y a plus eu d'accusations après. Le premier procès des arrêté.e.s des manifestations tenues marge de l'inauguration de l'administration Trump s'est soldé ce jeudi par la mise en échec de la tentative gouvernementale de faire taire la dissidence. Six personnes furent acquittées en décembre, puis le gouvernement a abandonné ses poursuites contre les 149 autres. Toutefois, 59 manifestant.e.s font toujours face à de multiples accusations criminelles. Le gouvernement affirme maintenant vouloir se concentrer sur un plus petit noyau qu'il croit responsable de la destruction causée lors des événements. Les procureurs ont abandonné les accusations criminelles contre plusieurs personnes, qui faisaient face à des décennies de prison. Des douzaines de manifestant.e.s arrêté.e.s à l'inauguration de Trump sont maintenant libres. Quelqu'un.e.s pourraient même obtenir dédommagement. Quoi? Le 6 juillet, l'État a discrètement abandonné ses poursuites contre les 39 dernier.e.s manifestants du J20, amenant cette longue saga juridique à une conclusion stupéfiante. Au final, des 226 individus qu'on a poursuivi pour leur participation aux manifestation du J20, 205 dossiers furent abandonnés ; les 21 autres ont pris entente, la plupart des mineur.e.s, qui ont vu le gros de leurs accusations tomber à leur tour. L'État n'a pu mener une seule condamnation à terme. Au cours des procédures, les co-accusé.e.s du J20 ont reçu une quantité incroyable de soutien. Partout au monde, des camarades ont participé à des journées d'actions coordonnées, posé des bannières, des graffittis et des gestes d'action directe en solidarité avec la cause. Ces camarades comprenaient l'importance et la gravité de cette poursuite... ce qui n'a rendu la victoire que plus satisfaisante. Pour finir les choses en beauté, des recours collectifs ont été intentés à l'endroit de la police métropolitaine de Washington, qui se solderont sans doute par un gentil petit chèque pour les co-accusé.e.s, grâce à l'incapacité de la police à suivre ses propres règles. Des recours additionnels sont également en cours contre Kerkhoff elle-même, des à ses tentatives ratées de condamner des gens à des décennies de prison via une campagne désespérée de mensonges et de désinformation. Je pense qu'une des choses les plus importantes à faire, c'est de créer une culture normative où nous ne coopérons pas avec la police, ne répondons pas à leurs questions, ne participons pas aux jurys fédéraux, n'acceptons pas d'ententes qui incrimineraient d'autres gens, ne consentons pas aux fouilles. En créant ces pratiques et en faisant d'elles des normes, nous pouvons agir collectivement de manière à protéger les plus vulnérables. Il aurait été bien que la marche non-autorisée élargisse son noyau organisationnel. Ainsi, on aurait pu avoir une approche plus disciplinée face à l'intensification de la répression policière. Il y avait un noyau de personnes impliquées, puis des tonnes d'autres qui ne l'avaient pas été et avaient simplement reçu le message d'arriver avec des masques. Il n'y avait pas eu de processus collectif avec elleux, au niveau de la meilleure façon d'approcher le tout stratégiquement. En ce sens, on a peut-être un peu manqué cette occasion de comprendre le contexte plus large, au niveau de ce que nos actions impliquaient vraiment, comment ça se déroulerait. Genre, quand est-ce que dans l'histoire, un dictateur s'est-il mis à collaborer avec certains médias? Comment ça s'est déroulé ailleurs dans l'histoire, et comment l'État a-t-il alors criminalisé la dissidence? Par exemple, que comprenons-nous toustes de la répression, de pourquoi et comment elle est employée, par qui, et de qui en profite? Il est crucial que nous nous éduquions politiquement ; je crois que nous devons comprendre le sens de ce qu'on dit et de ce qu'on voit, de façon à en parler couramment, dans le langage commun. Je pense que c'est important que les gens comprennent et lisent davantage au sujet de la manière dont l'État utilise les lois contre la conspiration. Avec un peu d'espoir, au cours des prochains mois les gens impliqué.e.s dans ce type de poursuites au cours des dernières années pourront écrire des témoignages et nous aider à mieux comprendre, en tant que mouvement, la résistance au capitalisme, à la suprémacie blanche et au nationalisme. Quelques mois après mon arrestation, j'étais chez moi et j'ai reçu un appel frénétique de mon collègue. Je suis allé sur Facebook et j'ai vu que mon compte avait été attaqué, mon adresse avait été distribuée, illes savaient où je travaillais... Je me faisait clairement doxxer par l'extrême-droite. Une liste de toutes les personnes arrêté.e.s au J20 a été publiée ; je crois, comme beaucoup de gens, que c'est la police qui a fourni ces informations à l'extrême-droite. Nous avons contesté la tentative fédérale de prendre nos comptes Facebook en évidence, mais illes ont eu accès à toutes nos données, auxquelles on n'a changé que nos vrais noms. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu d'autres développements... Et c'est pourquoi il faut avoir de bonnes pratiques sécuritaires! Pendant les procès du J20, il y a eu beaucoup de discussions au sujet des principes de solidarité et d'unité. En tant que mouvement, j'aimerais nous voir dépasser ce stade, afin que lorsque des gens sont arrêté.e.s ou détenu.e.s, illes puissent savoir à l'avance qu'il y aura une mobilisation massive et une défense collective, que personne ne prendra entente avec la cour ou collaborera avec les grands jurys fédéraux. Si on est lié.e.s par une confiance profonde, alors on peut naviguer les divergences politiques, tactiques ou stratégiques et éviter de rompre les liens avec des gens avec qui on travaillait de très près avant. Outre le fait que plus de 200 personnes ont retrouvé leur vie, l'autre victoire majeure de cette histoire, c'est l'espoir qu'il y aura plus de bâtons dans les roues de cette attaque massive contre nos capacités à porter une voix d'opposition sur la place publique. En termes de précédent social et de la façon dont les gens traitent ce dossier ou sont susceptibles de réagir à de cas similaires à l'avenir, cette histoire peut servir d'exemple. Je crois que c'était une victoire très importante pour la gauche et les militant.e.s "grassroots". Je pense que ces poursuites étaient une sorte de test, et je pense qu'on l'a passé haut-la-main. Nous avons été capables de réagir collectivement alors que l'État faisait tout pour nous forcer à nous trahir les un.e.s, les autres : les "bon.ne.s" contre les "mauvais" manifestant.e.s, celleux qui étaient "juste là", contre celleux qui "brisaient les vitres"... Alors je pense que ça donne un très bel exemple de solidarité, d'action commune et de force collective. Le J20 était peut-être la première arrestation de masse des opposants politiques à l'ère de Trump, mais ça n'était pas la dernière... et on peut être certain.e.s que d'autres viendront. Depuis sa prise du pouvoir, Trump a présidé à une force escalade de répression étatique, tendance qui coincide avec une montée notoire de violence fasciste et nationaliste blanche paramilitaire. Jusqu'à maintenant, les immigrant.e.s, les réfugié.e.s et les musulman.ne.s ont écopé du pire de cette vague réactionnaire... mais ils ne sont pas les seuls groupes concernés. Les femmes et les personnes trans se préparent au recul annoncé des droits autour des identités de genre et des droits reproductifs, sous attaque de la Cour suprême. De nouvelles politiques étatiques et fédérales ont déjà été mises en place pour criminaliser de nombreuses formes de contestation politique, incluant des lois visant spécifiquement de plus lourdes peines pour les activités liées à la protection des territoires ou l'antifascisme. Pendant ce temps, le FBI a adapté son guide COINTELPRO afin d'écraser la lutte pour la libération noire, prétextant devoir contrer les soi-disant "extrémistes de l'identité noire". Si nous pouvons et devrions célébrer la victoire du J20, nous vivons toujours une époque dangereuse. Il est important de ne pas nous laisser bercer par une fausse illusion de sécurité. Maintenant, nous vous rappelons que Trouble est conçu pour être visionné en groupe et employé comme outil de discussion et d'organisation collective. Intéressé.e.s à partir votre collectif local de soutien ou à simplement approfondir la connaissance de votre bande au sujet des systèmes judiciaires? Pense à te réunir avec quelques camarades pour organiser une projection de ce film et discuter de comment vous y prendre. Envie d'organiser des projections récurrentes de Trouble à ton campus, ta librairie anarchiste, ton centre communautaire, ou encore entre potes à la maison? Deviens un.e fouteur.se de Trouble! Pour 10$/mois, on te fournit une copie de l'émission à l'avance, avec une trousse de projection incluant des ressources additionnelles, comme des questions pouvant servir à lancer la discussion. Si t'as pas les moyens de nous aider financièrement, pas de stress! Tout notre contenu est disponible gratuitement à partir de notre site : sub.media/trouble. Pour nous joindre ou nous faire part de suggestions de sujets d'émission, écris-nous à trouble@sub.media. En passant, on a décidé de retarder notre campagne de financement jusqu'au Nouvel an, mais on travaille à notre swag. Allez faire un tour à sub.media/gear pour gâter toustes les fans de SubMedia sur ta liste de Noël. Cet épisode n'aurait pas vu le jour sans l'aide généreuse de Robbt, ainsi que les excellentes séquences filmées par Wes, Brandon, Ross Domoney et les potes de Unicorn Riot. Restez à l'écoute pour l'épisode 17, où nous jeterons un oeil à la crise de santé mentale de notre société actuelle, d'un point de vue anticapitaliste, anticolonial et antiétatique. N'essayez jamais de simplifier, ou donner des étiquettes aux gens : "Cette personne est traumatisée", ou "Cette personne va s'en sortir, elle est faite forte", vous voyez le genre? On simplifie trop souvent des situations très complexes. Maintenant, allez jouer dehors... et foutre le trouble!