Certaines lois sont injustes.
Devons-nous nous contenter d'y obéir ?
Devons-nous tenter de les modifier
tout en continuant à y obéir ?
Ou devons-nous les transgresser sans attendre ?
L'un des co-fondateurs
du site Reddit a été retrouvé mort.
C'était vraiment un prodige,
mais il ne s'est jamais considéré comme tel.
Il n'était absolument pas emballé
par la création d'entreprises ou par l'argent.
Un profond sentiment de perte
règne ce soir à Highland Park,
la ville natale d'Aaron Swartz,
tandis que ses proches disent adieu
à l'un des esprits les plus brillants du Net.
Les militants de l'informatique
et du libre accès sont en deuil.
"Une intelligence stupéfiante"
d'après ceux qui le connaissaient.
Il a été tué par le gouvernement,
et le MIT a trahi tous ses principes.
Ils voulaient en faire un exemple, OK ?
Les gouvernements sont avides de surveillance.
Il risquait 35 ans de prison et
une amende d'un million de dollars.
Cet acharnement suscite des interrogations
et représente même, selon moi, une faute grave.
Avez-vous examiné cette question précise
et pu en tirer des conclusions ?
En grandissant j'ai peu à peu réalisé
qu'il y a des choses autour de nous,
dont on croit la nature immuable
mais qui ne sont pas naturelles du tout.
Certaines choses peuvent changer,
et surtout, devraient changer.
Quand on a pigé ça, pas
de retour en arrière possible.
L'ENFANT D'INTERNET
C'est l'heure de lire une histoire.
Le titre du livre est "Paddington à la foire".
Aaron est né à Highland
Park et il a grandi ici.
Il est issu d'une famille de 3 frères,
tous extraordinairement brillants.
Oh, la boîte est en train de basculer...
Nous n'étions pas vraiment
les enfants les plus disciplinés.
3 garçons remuants et turbulents,
vous voyez le genre.
Hé, non, non, non !
- Aaron !
- Quoi ?
J'ai fini par réaliser qu'Aaron
avait appris à apprendre dès le plus jeune âge.
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10.
- Toc, toc !
- Qui est là ?
- Aaron
- Aaron qui ?
- Aaron Le Rigolo.
Il était têtu, il savait ce qu'il voulait.
Il réussissait toujours ce qu'il désirait.
Sa curiosité était sans bornes.
Voici une petite image
de ce que sont les planètes.
Chaque planète a un symbole.
Le symbole de Mercure, celui de Vénus,
le symbole de la Terre,
celui de Mars, de Jupiter.
Un jour, il dit à Susan :
"C'est quoi ce spectacle familial
gratuit à Highland Park ?"
Spectacle familial gratuit à Highland Park
Il n'avait que 3 ans.
Elle lui demande :
"De quoi tu parles ?"
Il dit : "Là,
regarde, sur le frigo,
c'est marqué Spectacle familial
gratuit à Highland Park."
Elle fut sidérée de voir qu'il savait lire.
Ça s'appelle "Le séder de ma famille".
La nuit du séder est
différente de toutes les autres nuits.
Un jour, nous visitions
la bibliothèque de l'Université de Chicago.
J'ai retiré des rayons un livre
datant de 1900, à peu près.
Je lui ai montré en disant : "Tu sais,
cet endroit est vraiment extraordinaire".
Nous étions tous des enfants curieux,
mais Aaron aimait vraiment
apprendre et enseigner.
Nous allons maintenant
apprendre l'alphabet à l'envers.
Z, Y, X, W, V, U, T...
Je me souviens quand il est rentré
de son premier cours d'algèbre.
Il m'a dit un truc du genre : "Noah,
laisse-moi t'apprendre l'algèbre !"
Et moi : "c'est quoi l'algèbre ?"
Et c'était tout le temps comme cela.
On presse ce bouton,
clic, là, ça donne ça !
Maintenant c'est rose !
Quand il avait 2 ou 3 ans,
Bob l'a initié aux ordinateurs.
Ça l'a complètement emballé.
(babillages)
On avait tous un ordinateur, mais Aaron
accrochait vraiment avec eux, avec Internet.
- Tu travailles sur l'ordinateur ?
- Naann...
Comment... Maman, pourquoi
est-ce que rien ne fonctionne ?
Il a commencé à programmer très jeune.
Je me souviens du premier
programme que j'ai écrit avec lui.
C'était du Basic. C'était
un quizz sur Star Wars.
Il est resté sur l'ordinateur des heures
pour programmer ce jeu avec moi au sous-sol.
Le problème que j'avais avec lui,
c'est que moi je ne bouclais jamais rien.
Et pour lui, il y avait
toujours quelque chose à faire,
toujours quelque chose
à résoudre en programmant.
Aaron a toujours vu la programmation
comme une sorte de magie,
qui permet de faire des choses
impossibles aux gens normaux.
Aaron a fait un distribanque
avec un Macintosh et des cartons.
Une année, je ne savais pas
comment me déguiser pour Halloween.
Il a pensé que ce serait trop cool
que je me déguise en son ordinateur favori,
à savoir le premier iMac.
Il détestait s'accoutrer pour Halloween
mais il adorait convaincre les autres
de se déguiser comme il le souhaitait.
Hôte Aaron, arrêtez !
Les gars, allez, regardez la caméra !
Spiderman regarde la caméra
Il a créé "The Info", un site où les gens
pouvaient aisément saisir des informations.
Si quelqu'un, quelque part,
connaît tout sur l'or, la dorure....
Pourquoi n'expliquerait-il
pas tout ça sur ce site ?
D'autres pourraient venir
lire ces informations par la suite,
voire les modifier s'ils
les trouvent peu pertinentes.
Pas trop éloigné de Wikipédia, non ?
C'était avant les débuts de Wikipédia
et ça a été développé par un garçon
de 12 ans, dans sa chambre, tout seul,
avec un petit serveur
et des technologies un peu dépassées.
L'un de ses enseignants a répondu :
"Quelle idée affreuse !
On ne peut pas laisser
n'importe qui rédiger l'encyclopédie.
C'est le métier des érudits
d'écrire ces livres pour nous.
D'où vous vient cette idée si absurde ?"
Moi et mon frère, on disait :
"Oui, Wikipédia c'est cool... Mais on
avait déjà ça à la maison il y a 5 ans."
Le site d'Aaron, TheInfo.org,
gagne un concours scolaire
lancé par ArsDigita, une société
de conception de sites basée à Cambridge.
On est tous allés à Cambridge
quand il a remporté ArsDigita.
Mais on ignorait ce qu'Aaron faisait.
Il était évident que ce prix
était vraiment important.
Aaron s'est vite engagé
dans des communautés de programmeurs,
et dans un projet de conception
d'un nouvel outil pour le web.
Il vient et me dit : "Ben, il faut que
tu voies ce truc génial sur lequel je planche".
OK, c'est quoi ?
"C'est un truc appelé RSS."
Il m'explique ce qu'est RSS,
mais je lui réponds :
"Pourquoi est-ce utile ?
Y'a des sites qui s'en servent, Aaron ?
Pourquoi je voudrais l'utiliser ?"
On avait une liste de diffusion
pour travailler sur RSS,
et XML en général.
Sur cette liste, il y avait
un certain Aaron Swartz
un type pugnace mais très intelligent
et qui avait beaucoup de bonnes idées.
Mais il ne venait jamais aux réunions
donc, on lui a demandé :
"Quand viendras-tu à nos réunions ?"
Il a dit : "Je sais pas si ma mère
me laissera. Je viens juste d'avoir 14 ans."
Donc la première réaction a été :
"Ce gars avec qui
on a travaillé toute l'année,
il avait 13 ans à l'époque
et il n'en a que 14 maintenant !"
Mais ensuite ça a été :
"Mince, c'est extraordinaire !
Nous devons le rencontrer !"
Il faisait partie du comité qui a ébauché RSS.
Son travail a permis de construire
la "tuyauterie" de l'hypertexte moderne.
La partie sur laquelle il travaillait,
RSS, est un outil utilisé pour obtenir
un résumé de ce qui se passe
sur d'autres pages web.
C'était le plus souvent
utilisé par les blogs.
Imaginons que vous
vouliez lire 10 ou 20 blogs.
Vous utilisez leurs flux RSS,
ce résumé de ce qui se passe sur leurs pages,
pour créer une liste unifiée
de ce qui se passe ailleurs.
Aaron était vraiment jeune,
mais il comprenait la technologie.
Il la savait imparfaite
et cherchait un moyen de l'améliorer.
Donc sa mère le déposait
à l'aéroport de Chicago.
On le récupérait à San Francisco.
On l'a présenté à des personnes
intéressantes afin qu'ils discutent.
Son alimentation affreuse nous a surpris.
Il ne mangeait que de la bouffe blanche,
comme du riz à la vapeur,
pas de riz frit, car ce
n'était pas assez blanc,
et du pain blanc, et ainsi de suite...
On s'émerveillait de la qualité
des débats soulevés par un si jeune garçon.
On pensait : "C'est un gamin qui ira loin
s'il ne meurt pas du scorbut !"
Aaron, à toi !
Les choses ont changé. On ne peut plus
faire des sociétés de type point-com,
des sociétés qui vendraient
juste de la pâtée pour chien
via Internet ou un téléphone portable.
Cependant, il y a encore
beaucoup d'innovation en cours.
Si vous ne la voyez pas,
c'est que vous faites l'autruche.
Il pouvait parfois se comporter
en "nerd" de base, du genre :
"Je suis plus malin que toi.
Vu que je suis plus malin,
je suis meilleur que toi
et je peux te dire quoi faire."
C'était l'une de ses
facettes, son côté peste.
Vous combinez ces ordinateurs
pour résoudre de gros problèmes,
comme guérir le cancer
ou chercher des extra-terrestres.
Je l'ai d'abord rencontré sur IRC
(Internet Relay Chat).
Il ne faisait pas que programmer,
il parvenait aussi à intéresser les gens
aux problèmes qu'il souhaitait résoudre.
C'était un "connecteur".
Son énergie était bénéfique
pour les mouvances libristes.
Selon moi, Aaron voulait faire
en sorte que le monde fonctionne.
Il voulait le réparer.
Il avait une forte personnalité,
de celles qui peuvent parfois irriter.
Il n'était pas toujours
très à l'aise dans le monde
et le monde n'était pas
toujours très à l'aise avec lui.
Aaron est allé au lycée
mais il a très mal vécu l'école,
Il n'aimait ni l'école,
ni ses cours, ni ses professeurs.
Aaron savait vraiment
dégoter une information.
Il disait : "Je n'ai pas besoin
d'assister aux cours de géométrie.
Je n'ai qu'à lire le livre de géométrie.
Ni écouter ce professeur si c'est pour avoir
"leur" version de l'histoire des USA...
J'ai 3 synthèses historiques ici,
je n'ai qu'à les lire.
Et puis ça ne m'intéresse pas.
Ce qui m'intéresse c'est le web."
J'étais très frustré par l'école.
Pour moi, les enseignants
ne savaient pas de quoi ils parlaient.
Ils dominaient et contrôlaient.
Les devoirs, c'était du pipeau.
C'était juste pour occuper les étudiants
en leur faisant gratter du papier.
Et puis j'ai commencé à lire des livres
sur l'histoire de l'éducation,
sur la conception du système éducatif
et les alternatives à ce système,
sur des méthodes pédagogiques
efficaces, par opposition au "par cœur"
Ça m'a mené sur ce chemin
du questionnement perpétuel.
Après avoir remis mon école en cause,
j'ai émis des doutes sur la
société qui a institué l'école,
j'ai questionné les métiers
pour lesquels elle nous forme,
et le gouvernement qui a mis
toute cette structure en place.
Dès le départ, il s'est
passionné pour le droit d'auteur.
Le droit d'auteur a toujours été
un fardeau pour les éditeurs et les lecteurs,
mais sans être une contrainte excessive.
C'est un dispositif raisonnable, conçu
pour assurer la rétribution des auteurs.
Ce à quoi la génération
d'Aaron a été confrontée,
c'est un choc entre ce système vieillot
et ces nouveautés inouïes que nous bâtissions
Internet et le web.
Ce choc frontal a provoqué le chaos.
Il rencontre alors Lawrence Lessig,
professeur de droit à Harvard.
À l'époque, Lessig porte la loi
sur le droit d'auteur devant la Cour Suprême.
Le jeune Aaron Swartz s'envole pour écouter
les auditions de la Cour Suprême à Washington.
Je suis Aaron Swartz et je suis ici
pour assister aux débats sur Eldred.
Pourquoi avoir fait un tel trajet
depuis Chicago pour voir les débats sur Eldred ?
C'est une question plus difficile...
Je... Je ne sais pas trop.
C'est passionnant de voir la Cour Suprême,
surtout pour une affaire si prestigieuse.
Lessig progresse vers une nouvelle manière
de définir le droit d'auteur sur Internet.
Cela s'appelle les "Creative Commons" (CC).
L'idée de base des CC est
de permettre aux gens, aux créateurs,
d'associer simplement à leurs créations
les libertés d'utilisation qu'ils souhaitent.
Au lieu du "Tous droits réservés"
défini par le droit d'auteur,
notre modèle propose
"Certains droits réservés".
C'est pour déclarer de façon claire :
"Voici ce que vous pouvez faire avec mon œuvre,
même si dans certains cas,
vous devez avoir ma permission préalable."
Aaron gérait des aspects
informatiques tels que :
Comment construire ces licences
pour qu'elles soient simples,
compréhensibles et
exploitables par les machines ?
Les gens disaient : "Pourquoi confier les
spécifications des CC à ce gamin de 15 ans ?
N'est-ce pas une énorme erreur ?"
Mais Larry répondait :
"L'erreur serait de ne pas écouter ce gamin".
Il était à peine assez grand
pour que sa tête dépasse du pupitre.
Le pupitre n'était pas réglable.
C'était un peu embarrassant
car lorsqu'il a ouvert son écran,
on ne voyait plus sa tête.
Si vous venez sur notre site,
et que vous cliquez "Choisir une licence",
vous avez une liste d'options,
avec les explications associées,
et vous avez 3 questions simples :
"Voulez-vous être cité comme auteur ?
Autorisez-vous un usage
commercial de l'œuvre ?
Autorisez-vous
les modifications de l'œuvre ?"
J'ai été complètement sidérée
que ces adultes le considèrent comme des leurs.
Debout devant tout ce monde,
Aaron a commencé à parler
de cette plate-forme
qu'il avait créée pour les CC.
Et ils l'écoutaient tous...
J'étais assise au fond, me disant :
"C'est un gosse ! Pourquoi l'écoutent-ils ?"
Mais ils l'écoutaient...
En fait je ne comprenais pas vraiment.
Les critiques affirment que
la rétribution des artistes n'est pas assurée.
Et pourtant, le succès
des CC est considérable.
Rien que sur Flickr, plus de 200 millions
de personnes emploient l'une des licences CC.
Il a contribué d'un point de vue technique,
mais c'était bien plus que ça pour lui.
Sur son blog personnel
Aaron est souvent sincère :
Je réfléchis beaucoup,
et j'aimerais que les autres fassent de même.
J'agis pour des idées, j'apprends des autres.
Je n'aime pas exclure les gens.
Je suis perfectionniste,
mais pas au point d'arrêter de publier.
Hormis l'éducation et les divertissements,
je ne perds pas mon temps
en futilités sans avenir.
J'essaie d'être ami avec tout le monde
mais je veux être pris au sérieux.
Je ne suis pas rancunier, c'est contre-productif,
mais j'apprends de mes expériences.
Je veux rendre le monde meilleur.
En 2004, Swartz quitte Highland Park
et s'inscrit à l'Université Stanford.
Il avait eu une colite ulcéreuse,
c'était très gênant.
On veillait à ce qu'il prenne son traitement.
Il a été hospitalisé et prenait
un cocktail de pilules quotidien.
Une de ces pilules était un stéroïde
qui a freiné sa croissance
et l'a fait se sentir différent
des autres étudiants.
Aaron est arrivé à Stanford
prêt à suivre des études
et s'est retrouvé dans un programme
de babysitting pour surdoués,
qui ont 4 ans pour devenir
de grands entrepreneurs, l'élite des "1%",
et je pense que ça le rendait fou.
En 2005, après seulement un an d'université,
Swartz se voit proposer
un poste chez "Y Combinator",
un incubateur de startups
dirigé par Paul Graham.
Il a dit : "Hé, j'ai une idée de site web !"
Et Graham l'aimait suffisamment
pour répondre : "ouais, OK".
Il a quitté la fac et emménagé
dans cet appartement...
Voici l'appartement
d'Aaron quand il est arrivé ici.
Je me rappelle mon père évoquant
la difficulté de trouver une location.
Aaron n'avait pas d'argent,
il venait de quitter la fac.
Aaron vivait dans ce qui est devenu le salon.
Certains posters datent de cette époque.
Et la bibliothèque, avec plus de livres,
mais beaucoup viennent d'Aaron.
Chez Y Combinator, Aaron crée le site
"Infogami", un outil pour créer des sites web.
Mais Infogami ne trouve pas son public.
La société fusionne avec un autre projet
d'Y Combinator qui a besoin d'aide.
C'est un projet dirigé
par Steve Huffman et Alexis Ohanian.
Et ça s'appelle Reddit.
On était partis de rien.
Zéro utilisateurs, zéro argent, zéro code.
Le site grossissait,
chaque jour plus populaire.
Ça ne s'arrêtait pas !
On a eu 1 000 utilisateurs, 10 000,
puis 20 000, etc. C'était incroyable !
Reddit explose et devient
LE café du coin pour geeks sur Internet.
Il y a plein de blagues, d'arts,
et le site finit par regrouper plein de gens.
Ça devient le site qu'ils visitent
chaque matin pour avoir des nouvelles.
Reddit frôle le chaos par certains aspects.
D'un côté, les gens y discutent
de l'actu, de technologies, de politique,
et de l'autre, il y a tout un tas de
contenus explicites voire offensants.
Certains groupes de discussion
sont de vrais nids à "trolls".
A cet égard, Reddit a fait
l'objet de controverses,
et flirte avec les limites du chaos.
Intéressé par Reddit, le géant de la presse
Condé Nast fait une offre de rachat.
Une somme assez grosse
pour que mon père se demande :
"Où vais-je mettre tout cet argent ?"
- Beaucoup d'argent comme...?
- Comme BEAUCOUP d'argent !
Sans doute plus d'un million de dollars,
mais en fait je ne sais pas trop.
- Et quel âge a-t-il à cette époque ?
- 19 ou 20 ans...
Ça se passait dans cet appartement.
Ils s'asseyaient sur des canapés
posés là et "hackaient" sur Reddit.
Quand ils l'ont vendu,
ils ont organisé une grande fête.
Le lendemain, ils se sont envolés
pour la Californie en me laissant les clés.
C'était marrant.
Il avait vendu sa startup
alors on pensait tous qu'il était
richissime. Mais il nous a dit :
"Non, ce qu'il me faut, c'est juste une chambre
grande comme une boîte à chaussure".
C'était à peine plus grand qu'un placard.
Il paraissait très improbable
qu'il dépense son argent en futilités.
Il a expliqué : "J'aime vivre en appartement,
je ne dépenserai pas pour aller
vivre ailleurs ou acheter une maison.
Et j'aime m'habiller en jean et en T-shirt,
je ne vais pas me ruiner en vêtements.
Tout ça ne compte pas !"
Ce qui compte pour Swartz,
c'est l'évolution du trafic sur Internet,
et aussi ce qui attire notre attention.
Dans l'ancien système de diffusion,
on est essentiellement limités
par la disponibilité des fréquences.
On ne peut envoyer que
10 chaînes télé sur les ondes.
Même avec le câble, il n'y a que 500 chaînes.
Sur Internet, tout le monde peut avoir
sa chaîne, son blog, ou sa page Myspace.
Chacun a la possibilité de s'exprimer.
Désormais, il ne s'agit donc plus
de qui a accès aux fréquences,
mais de qui contrôle les
moyens de trouver les gens.
Le pouvoir se concentre
autour de sites comme Google,
qui agissent comme des contrôleurs
et vous indiquent où aller sur le web,
qui vous fournissent
vos sources d'information.
Ce n'est plus une question de
"Seuls certains ont le droit de parler".
Tout le monde a le droit de parler.
Mais reste à savoir qui sera entendu.
Quand il a démarré chez Condé Nast,
à San Francisco, à son arrivée au bureau
ils ont voulu lui donner
un ordinateur complètement préconfiguré,
en lui disant de ne pas installer
de nouveaux logiciels dessus.
Ce qui est un scandale
aux yeux d'un développeur.
Dès le premier jour, il s'est
plaint de ce genre de trucs.
"Murs gris, bureaux gris, bruits gris.
Dès le premier jour,
je n'ai pas pu le supporter.
Au déjeuner, je me suis enfermé
aux toilettes et j'ai pleuré.
Je ne pourrai pas rester sain d'esprit
si quelqu'un me parle toute la journée.
Encore moins mener un travail à son terme.
Personne ne semble concrétiser
quoi que ce soit d'ailleurs.
Il y a toujours quelqu'un qui débarque
au bureau, pour traîner, discuter
ou jouer au nouveau jeu vidéo
que Wired est en train de tester."
Il avait des aspirations différentes,
disons politiquement orientées.
Et ce n'est pas vraiment
dans la culture de la Silicon Valley
d'orienter les activités techniques
pour atteindre des objectifs politiques.
Aaron détestait travailler en entreprise.
Tous détestaient leur job à Condé Nast,
mais Aaron était le seul à ne pas l'encaisser.
Et Aaron a fini par se faire licencier
en ne se rendant plus au bureau.
On dit que la rupture fut difficile.
Alexis Ohanian et Steve Huffman
ont refusé d'être interviewés pour ce film.
Il rejetait le monde des affaires.
Il faut garder à l'esprit qu'en choisissant
de quitter la culture startup,
Aaron laissait derrière lui les choses
qui l'avaient fait connaître et apprécier.
Il risquait de décevoir ses fans.
Il est arrivé là où il devait aller.
Mais il a eu l'entêtement nécessaire
et la lucidité de réaliser
qu'il avait gravi une montagne de merde
pour en arracher la seule rose
et découvrir qu'il avait
perdu l'odorat au final.
Plutôt que de s'asseoir en se persuadant
que ce n'était pas si grave que ça,
et comme il avait trouvé
cette rose de toute façon,
il est redescendu.
Ce qui est plutôt cool.
Aaron a toujours vu la programmation
comme une sorte de magie,
qui permet de faire des choses
impossibles aux gens normaux.
Si vous aviez des pouvoirs magiques,
les utiliseriez-vous pour faire le bien,
ou pour gagner des tonnes d'argent ?
Swartz s'est inspiré d'un visionnaire
qu'il avait rencontré étant gamin.
L'homme qui a inventé le World Wide Web.
Tim Berners-Lee.
Dans les années 1990,
Berners-Lee était assis sur l'une des
inventions les plus lucratives du 20e siècle.
Mais au lieu d'en profiter, il a
gracieusement offert le Web au monde.
C'est uniquement grâce à cela
que le World Wide Web existe aujourd'hui.
Aaron est certainement,
profondément influencé par Tim.
Tim est un génie éminent d'Internet
complètement insensible au gain.
Gagner des milliards de dollars,
ça ne l'intéresse absolument pas.
Les gens disaient : "Ah,
là y'a de l'argent à se faire !"
On aurait eu plein de petits webs
au lieu d'un seul gros.
Or ça n'aurait pas marché
avec un petit web ou tout plein de webs,
parce qu'on n'aurait pas pu
sauter d'un lien à l'autre.
Il fallait avoir une masse critique,
la planète entière en fait.
Pour que ça marche, il fallait
que toute la planète rejoigne le réseau.
Je crois sincèrement
qu'on ne devrait pas se
contenter du monde tel qu'il est,
accepter sans broncher ce qu'on nous donne
ou juste faire ce que les adultes,
nos parents et la société nous ordonnent.
On devrait toujours tout questionner.
J'ai une approche très scientifique.
Ce qu'on apprend est provisoire,
sujet aux aux réfutations et aux doutes.
J'estime qu'il en va de même pour la société.
Quand j'ai pris conscience de certains
problèmes très concrets, fondamentaux,
sur lesquels je pouvais intervenir,
je n'ai vu aucun moyen d'oublier ça.
Je n'ai plus eu le choix.
On a passé beaucoup de temps
ensemble, comme des amis au départ.
Nous discutions des heures,
jusque tard dans la nuit.
J'aurais dû comprendre
qu'il flirtait avec moi.
D'une certaine manière, je me disais :
"C'est une mauvaise idée, c'est impossible".
Et je faisais comme si de rien n'était.
Mon mariage s'effondrait.
Je n'avais vraiment nulle part où aller.
Nous sommes devenus colocataires,
et j'ai amené ma fille avec moi.
Nous avons emménagé, meublé la maison.
C'était vraiment reposant.
Ma vie n'avait pas été des
plus reposantes. La sienne non plus.
Nous avons été très proches dès
le début de notre relation amoureuse.
Nous étions en contact permanent.
Mais nous avions tous deux
un caractère difficile... (rires)
Dans une conversation très "Ally McBeal",
il m'a avoué avoir une chanson préférée.
Je lui ai dit de la jouer pour moi.
C'était "Extraordinary Machine"
(Fiona Apple).
Il y a ce sentiment
d'être un peu meurtri
qu'on retrouve dans la chanson.
Et tout cet espoir aussi.
♪ À pied c'est une lente escalade.
Mais je suis douée pour
les situations inconfortables...
...donc je ne peux m'empêcher
de changer tout le temps ♪
De diverses manières, Aaron était
très optimiste à propos de la vie.
Même quand ça n'allait pas très fort,
il restait incroyablement optimiste.
♪ Extraordinary machine ♪
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Flickr a de la vidéo maintenant.
Swartz se jette sur plusieurs projets relatifs
à l'accessibilité de l'information publique.
Y compris Watchdog.net, un site de transparence.
Et un projet appelé "The Open Library".
Open Library est un projet que vous
trouverez sur le site OpenLibrary.org
Il s'agit d'un gigantesque wiki,
modifiable, avec une page par livre.
Pour tous les livres publiés,
nous voulons avoir une page web
avec toutes sortes d'informations :
Éditeurs, libraires, bibliothèques, lecteurs...
On y trouverait tous les liens pour savoir
où l'acheter, l'emprunter, le consulter.
Je suis un vrai rat de bibliothèque.
Du genre à, arrivé dans une ville,
chercher immédiatement la bibliothèque.
C'est le rêve derrière Open Library :
Construire un site où on
pourrait sauter de livre en livre,
d'un lecteur à un auteur,
d'un sujet à une idée.
Voyager à travers cet arbre
immense du savoir, confiné,
perdu dans les grandes
bibliothèques physiques,
et peu accessible en ligne.
C'est crucial, car les livres
sont notre héritage culturel.
Les livres sont l'endroit
où les gens écrivent des choses.
Et voir tout cela englouti par
une seule entreprise, c'est effrayant.
Comment peut-on garantir
l'accès public au domaine public ?
On tient pour acquis que l'accès
au domaine public est... public,
Mais ce n'est pas vrai.
Le domaine public
devrait être libre pour tous.
Or il est souvent verrouillé.
Il y a souvent une surveillance.
C'est un peu comme un parc national
qui aurait des fossés autour,
et des fusils et des tourelles,
au cas où quelqu'un tenterait
de profiter du domaine public.
Aaron souhaitait tout particulièrement
ouvrir l'accès public au domaine public.
Ça fait partie des choses
qui lui ont valu tant d'ennuis.
J'ai tenté d'accéder aux enregistrements
de la Cour Fédérale des États-Unis.
J'ai alors découvert un système
déroutant, à savoir le PACER,
un logiciel d'Accès Public
aux Enregistrements Électroniques de la Cour
J'ai cherché sur Google,
et je suis tombé sur Carl Malamud.
Aux USA, l'accès aux documents juridiques
pèse 10 milliards de dollars par an.
PACER est une abomination
incroyable des services du gouvernement.
C'est 10 cents par page. C'est le code
le plus absurde qu'on ait jamais vu.
On ne peut faire aucune
recherche, ni mettre de signet.
Il faut avoir une carte de crédit.
Or ces archives sont publiques !
Les cours de districts
sont très importantes,
c'est le point de départ
de nombreux contentieux :
Jugements sur les droits civils,
sur les brevets... toutes sortes d'affaires.
Journalistes, étudiants, citoyens, avocats...
tous ont besoin de PACER
mais il leur pourrit la vie à chaque étape.
Les plus démunis accèdent
moins facilement aux lois
que ceux qui ont une American Express Gold.
C'est un impôt sur l'accès à la justice.
La loi est la base de notre démocratie
et il faut payer pour y accéder ?!
Ce n'est pas très démocratique, ça.
Ils se font 120 millions de dollars par an
avec le système PACER.
Mais si l'on en croit leurs propres écrits,
le coût est largement moindre.
En fait, c'est illégal.
La loi "e-gouvernement" de 2002 stipule que
les tribunaux ne doivent imposer des frais
qu'à hauteur du strict nécessaire
pour rembourser les coûts de PACER.
Fondateur de Public.Resource.Org,
Malamud dénonçait les coûts de PACER.
Il a lancé le programme
"The PACER Recycling Project".
Les gens pouvaient uploader
sur une base de données gratuite
des documents PACER déjà payés
pour que d'autres puissent les utiliser.
Le Congrès et d'autres critiquaient
vertement PACER sur le peu d'accès public.
Ils ont installé un accès libre à PACER
dans 17 bibliothèques à travers le pays
Ça représente une bibliothèque
tous les 57 000 km carrés, je crois.
Ce n'était donc pas très pratique.
J'ai encouragé les volontaires
à rejoindre le "Bataillon de la Clé USB",
à récupérer des fichiers dans les
bibliothèques ayant accès à PACER,
pour les uploader sur le site
du PACER Recycling Project.
Les gens amenaient leur
clé USB dans ces bibliothèques.
Ils téléchargeaient des tas
de fichiers et me les envoyaient.
En fait, c'était juste une blague.
Quand vous cliquiez sur le site
du Bataillon de la Clé USB,
apparaissait cet extrait du Magicien d'Oz
où les Croquignons chantent :
♪ Nous représentons
la guilde des sucettes. ♪
Et j'ai reçu des coup de fils
de Steve Shultz et Aaron, disant :
"Hé, on veut rejoindre
le Bataillon de la Clé USB !"
C'est à ce moment que j'ai
rencontré Aaron lors d'une conférence.
Un grand nombre de personnes
devra collaborer pour cette opération.
Donc je l'ai abordé et j'ai dit :
"Hé, je pense qu'une intervention
s'impose sur le problème PACER".
Schultz avait développé
un premier programme automatisant
le téléchargement de fichiers
PACER depuis les bibliothèques pilotes.
Swartz a voulu jeter un œil.
Je lui ai donc montré le code,
sans me douter de ce qui allait arriver.
Dans les quelques heures
qui ont suivi la conférence,
il est resté assis là, dans
un coin, à améliorer mon code.
Il a recruté un ami qui vivait
près d'une de ces bibliothèques,
afin qu'il s'y rende et commence
à tester son code amélioré.
Là, les gens des tribunaux se sont dit :
"Il se passe quelque chose".
Et les données ont commencé
à arriver, arriver, arriver...
On a vite atteint 760 Go de fichiers
PACER, soit près de 20 millions de pages.
En utilisant les informations
des bibliothèques d'accès gratuit,
Swartz effectuait des téléchargements
parallèles massifs depuis le système PACER.
Il a récupéré près de
2,7 millions de pages de texte,
20 millions de pages
issues de la Cour Fédérale.
J'admets que 20 millions de pages,
ça dépasse sans doute largement
les attentes de ceux qui ont lancé
le programme pilote d'accès à PACER,
mais il n'y rien d'illégal
à surprendre un bureaucrate.
Aaron et Carl ont décidé d'aller dire
au New York Times ce qui venait d'arriver.
Ils attirent aussi l'attention du FBI,
qui met en place une surveillance sur
la maison des parents de Swartz en Illinois.
J'ai reçu un tweet de sa mère,
qui disait : "Appelle-moi !"
Je me suis demandé : "Qu'est-ce
qui peut bien se passer ?"
Et finalement, je joins Aaron.
Sa mère était catastrophée :
"Oh mon Dieu, le FBI, le FBI, le FBI !"
Un agent du FBI est passé
sur l'allée devant notre maison.
Il tentait de voir si Aaron
était dans sa chambre.
J'étais à la maison ce jour-là,
et je me revois me demander :
"Pourquoi cette voiture est entrée
puis ressortie de notre allée ?
C'est bizarre !"
C'est quand j'ai lu le rapport du FBI,
5 ans plus tard, que j'ai compris :
"Oh mon Dieu, c'était donc ça,
un agent du FBI était dans l'allée !"
Il était terrifié.
Totalement terrifié.
Et il l'a été plus encore quand
le FBI l'a appelé au téléphone
pour le convaincre de venir
discuter dans un café, sans avocat.
Il m'a dit qu'il était rentré chez lui
et s'était allongé en tremblant de peur.
Ces documents de tribunaux attestaient
aussi d'atteintes massives à la vie privée.
En conséquence de quoi, les tribunaux
ont été tenus de changer leurs politiques.
Et le FBI a clos ses investigations
en abandonnant toutes poursuites.
Aujourd'hui encore, je trouve
extraordinaire que tout le monde,
même dans le plus
reculé des bureaux du FBI,
juge normal d'utiliser l'argent public
pour enquêter sur des
personnes suspectées de vol
au motif qu'elles
ont rendu la loi publique.
Comment peut-on se considérer
comme un homme de loi
et penser qu'il y a quoi que ce
soit de mal à rendre la loi publique ?
Aaron était prêt à prendre des risques
pour les causes auxquelles il croyait.
Tracassé par la disparité des richesses,
Swartz sort du terrain technologique
pour s'allier à des causes plus politisées.
Je suis allé au Congrès et je l'ai invité
pour un stage de quelque temps,
afin qu'il puisse découvrir
les processus de la politique.
Il découvrait une communauté,
de nouvelles compétences...
et des bidouilles internes à la politique.
Il est aberrant que les mineurs
martèlent à la sueur de leur front
avec la peur constante de ne pas
nourrir leur famille s'ils osent arrêter,
alors que je gagne chaque jour plus
d'argent assis à regarder la télévision.
Mais il faut croire
que le monde est insensé.
Donc j'ai co-fondé le groupe
"Progressive Change Campaign Committee".
Ce que nous voulons,
c'est coordonner, via Internet,
ceux qui désirent pousser la politique
du pays dans le sens du progrès social.
Pour participer, rejoignez notre
mailing-list et notre campagne.
Aidez-nous à faire élire des candidats
progressistes dans tout le pays.
Le groupe initie une vague de soutiens
pour élire Elizabeth Warren au Sénat.
Il pensait peut-être que le système était
stupide, mais il est venu ici en disant :
"Je dois comprendre ce système,
car il peut être manipulé,
comme tout autre système social."
Sa passion pour les bibliothèques
et le savoir ne passe pas au second plan.
Aaron en vient à examiner les institutions
qui publient dans les journaux académiques.
En tant qu'étudiants d'une
grande université américaine,
j'imagine que vous avez accès
à un large panel de journaux académiques.
Aux USA, la plupart des universités
paient des droits à des organismes
comme JSTOR et Thomson ISI
pour accéder aux journaux académiques
que le reste du monde ne peut pas lire.
Les publications académiques compilent
l'intégralité du savoir humain en ligne.
Beaucoup sont payées par les contribuables
et les subventions gouvernementales.
Pour les lire, il faut reverser des frais
élevés aux éditeurs comme Reed-Elsevier.
Ces licences sont si prohibitives
que les personnes étudiant en Inde,
pas aux USA, ne peuvent pas y avoir accès.
Elles sont exclues de ces journaux,
privées de notre héritage scientifique.
Beaucoup de ces journaux
remontent à l'époque des Lumières.
Quand paraît un papier scientifique,
il est scanné, numérisé, classé...
C'est le legs, l'histoire des scientifiques
qui ont réalisé des travaux intéressants.
C'est un bien qui devrait nous
appartenir à tous, en tant que peuple.
Mais au lieu de ça, il
est verrouillé et mis en ligne
par une poignée d'entreprises lucratives
qui en retirent un maximum d'argent.
Prenons un chercheur payé
par une université ou par les citoyens.
Il publie un papier et à la fin,
quand tout le travail a été fait,
toutes les recherches originales,
la réflexion, le travail de labo, l'analyse,
à la dernière étape,
quand tout est terminé,
ce chercheur abandonne ses droits
à des sociétés multimilliardaires.
C'est révoltant.
C'est une économie entière
construite sur du bénévolat.
Les éditeurs n'arrivent qu'à la fin
pour encaisser le jackpot.
Vous parlez d'une escroquerie !
Un éditeur a fait 3 milliards de dollars
de profits l'an dernier en Angleterre.
Enfin, c'est du racket !
JSTOR n'est qu'un acteur mineur
dans toute cette histoire
mais allez savoir pourquoi,
c'est JSTOR qu'Aaron a décidé d'affronter.
Lors d'une conférence sur le libre
accès et les publications ouvertes,
je ne sais pas qui de JSTOR intervenait,
mais à un moment, Aaron lui a demandé :
"Combien ça coûterait d'ouvrir
JSTOR purement et simplement ?"
Et ils ont répondu, quelque chose
comme 200 millions de dollars, je crois.
Aaron a trouvé ça totalement absurde.
En tant que boursier d'Harvard,
il savait que les utilisateurs du réseau
informatique du MIT, situé à deux pas,
avaient des autorisations
d'accès aux richesses de JSTOR.
Swartz y vit une opportunité.
On pourrait obtenir ces articles avec une clé
du portail et la magie d'un "shell script".
Le 24 septembre 2010,
Swartz s'enregistre sur le réseau du MIT
avec son nouveau PC portable Acer,
sous le pseudonyme "Garry Host".
Le PC est enregistré sous le nom de
"GHost laptop" (NDLT : "portable fantôme").
Il n'a pas "hacké" JSTOR
au sens traditionnel du terme.
La base de données JSTOR était structurée.
Il lui était très facile de comprendre
comment télécharger tous les articles.
C'était numéroté très basiquement,
slash slash slash, n° d'article,
400, 44000 puis 24, 25, 26, etc.
Il a écrit "keepgrabbing.py", un script Python
pour "capturer" les articles l'un après l'autre.
Le jour suivant, le "portable fantôme"
commence à capturer les articles.
Mais rapidement, l'adresse
IP de l'ordinateur est bloquée.
Pour Swartz, c'est juste une anicroche.
Il donne vite une nouvelle adresse IP
à son PC et continue de télécharger.
Quand ils remarquent ce qui se passe,
JSTOR et le MIT tentent de le bloquer.
À un certain point, voyant
que ces actions ne suffisent pas,
JSTOR coupe complètement
les accès du MIT à sa base de données.
C'est un jeu du chat et de la souris
autour de l'accès à la base JSTOR.
Ici, Aaron est, bien entendu, le chat,
vu qu'il a plus de compétences techniques
que ceux qui tentent de défendre JSTOR.
Au sous-sol de l'un des bâtiments,
il y avait un local qui n'était pas fermé.
Au lieu de passer par le Wi-Fi, il y est allé
pour se connecter directement au réseau.
Il a juste laissé son PC là, à télécharger
ces articles sur un disque dur externe.
Ce que Swartz ignore,
c'est que les autorités ont
découvert son PC et son disque dur.
Ils n'arrêtent pas les téléchargements.
Au lieu de ça, ils installent
une caméra de surveillance.
Ils ont trouvé le PC dans ce local
au sous-sol d'un bâtiment du MIT.
Ils auraient pu le débrancher.
Ils auraient pu attendre
que le gars revienne et lui dire :
"Eh mec, t'es qui ?!
Qu'est-ce que tu fais ? Coupe ça !"
Ils auraient pu faire
ce genre de trucs, mais non...
Ce qu'ils voulaient, c'était filmer
des preuves pour monter un procès.
C'est l'unique raison pour laquelle
on filme ce genre de choses.
Au début, la caméra de surveillance
n'enregistre qu'une seule personne,
un employé qui stocke des bouteilles
et des bidons dans ce placard.
Après quelques jours, elle coince Swartz.
Swartz remplace le disque dur.
Il le sort de son sac à dos.
Il disparaît du cadre
pendant environ 5 minutes,
puis il s'en va.
Ils lui ont tendu une sorte de guet-apens.
Il rentrait chez lui du MIT en vélo,
des flics sont sortis de tous les côtés,
et ils ont commencé à le poursuivre.
Il m'a décrit comment il avait été
plaqué au sol et attaqué par la police.
Il m'a dit qu'il n'était pas sûr
que c'était la police qui le poursuivait.
Il pensait que quelqu'un
essayait peut-être de l'agresser.
Il m'a raconté aussi
qu'ils l'avaient battu.
Ça l'a complètement dévasté.
Les poursuites pénales, c'était étranger
et inconcevable pour notre famille.
Je ne savais pas quoi faire.
Ils ont perquisitionné sa maison,
son appartement, son bureau...
Deux jours avant l'arrestation,
l'enquête était montée plus haut que
JSTOR et la police locale de Cambridge.
Elle était entre les mains
des services secrets des États-Unis.
Les services secrets enquêtent
sur les fraudes informatiques dès 1984,
mais leur rôle s'est renforcé 6 semaines
après l'attaque du 11 septembre.
Le Président Bush a utilisé le
Patriot Act pour bâtir un réseau
de "Forces d'Interventions
contre la Cybercriminalité" (ECTF).
Ce projet de loi tient
compte des nouvelles réalités
et des dangers posés
par le terrorisme moderne.
Selon les services secrets,
le champ d'action des ECTF couvre
les activités ayant des impacts économiques,
la criminalité organisée, et les scénarios
impliquant des nouvelles technologies.
Les services secrets transfèrent le dossier
Swartz au bureau du procureur de Boston.
Au bureau du procureur, un gars avait pour
titre "Chef de la division Cybercriminalité".
Je ne sais pas ce
qu'il faisait d'autre, mais...
on n'est pas "Procureur de la Cybercriminalité"
sans cybercrimes à combattre...
Donc il a sauté sur cette occasion
et l'a gardée pour lui.
Il ne l'a déléguée à personne
de son bureau ou de son unité,
et lui... C'est Steve Heymann.
Le Procureur Heymann se fait discret
depuis l'arrestation d'Aaron Swartz,
Mais on peut le voir ici dans un
épisode du show télévisé "American Greed".
L'émission date à peu près
de l'arrestation d'Aaron.
Il évoque son dossier précédent,
le célèbre hacker Alberto Gonzales,
qui l'a placé sous les projecteurs
et lui a valu beaucoup de félicitations.
Gonzales a perpétré le vol d'une centaine
de millions de numéros de cartes bancaires.
une fraude informatique inégalée à ce jour.
Décrivant Gonzales, Heymann donne ici
sa vision de l'état d'esprit des hackers :
Ces gars sont motivés
par les mêmes choses que nous.
Ils ont un ego.
Ils aiment les défis
Sans oublier l'argent
et tout ce qu'on peut obtenir avec.
Suspecté dans l'affaire Gonzales
Jonathan James était un jeune hacker.
Pensant qu'il écoperait pour Gonzales,
James s'est suicidé pendant l'enquête.
Dans l'un des premiers communiqués exprimant
l'avis du gouvernement sur l'affaire Swartz,
Carmen Ortiz, supérieure d'Heymann au bureau
du procureur du Massachusets, déclare :
"Voler c'est voler, que ce soit
avec un ordinateur ou une barre à mine,
et que vous preniez des documents,
des données ou des dollars."
C'est faux.
C'est faux, à l'évidence.
Je ne dis pas que c'est inoffensif
ou qu'on ne devrait pas considérer
le vol d'informations comme un délit,
mais il faut être beaucoup plus subtil
pour bien évaluer les préjudices réels.
Prenons cette image de la barre à mine.
Si j'entre par effraction quelque part,
je crée des dommages, aucun doute là-dessus.
Si Aaron écrit un script qui télécharge
une centaine de fois par seconde,
il n'y a de dommage évident pour personne.
S'il le fait pour constituer une archive
et faire avancer la recherche académique,
Toujours aucun dommage pour personne.
Il n'a pas volé. Il n'a rien vendu.
Il n'a même pas donné ce qu'il avait obtenu.
C'était une question de principe,
pour autant que je puisse en juger.
L'arrestation ébranle Swartz.
Il ne voulait absolument pas en parler.
Ça le stressait beaucoup.
Imaginez que le FBI vienne
sur le pas de votre porte chaque jour,
à chaque fois que vous descendez
dans le hall, même pour faire la lessive,
et qu'ils puissent entrer chez vous
parce que la porte n'est pas verrouillée !
Je serais sacrément stressé.
Et c'était clair !
Aaron était toujours dans une sorte de,
dans une sorte d'humeur austère.
Il ne donnait aucune information sensible
sur ses déplacements à cette époque,
parce qu'il avait très peur
que le FBI vienne l'attendre.
C'est une période de grogne sociale
et d'activisme politique sans précédent.
Time Magazine nommera "Le manifestant"
comme personnalité de l'année 2011.
Il y avait un sacré regain
d'activité chez les hackers.
Wikileaks avait diffusé son trésor
de câbles diplomatiques.
Manning venait d'être arrêté,
alors qu'on ne savait même pas
s'il était à la source des fuites.
Anonymous,
qui est une sorte de collectif de protestation
et compte beaucoup de hackers dans ses rangs,
lançait différents types d'actions.
Comparez tout ça avec ce qu'il a fait !
Cette histoire aurait dû
se régler avec le MIT et JSTOR,
une sorte d'affaire privée
à caractère professionnel.
Cela n'aurait jamais dû être porté
à l'attention du système pénal.
Ça ne regardait pas la justice !
Avant de l'inculper, la Justice
propose à Swartz un arrangement
qui suppose 3 mois de prison,
un séjour en foyer de transition,
et un an de détention à domicile, le tout
avec interdiction de toucher un ordinateur.
à la condition qu'il plaide coupable.
Voilà la situation.
Aucune information que ce soit sur le
dossier ou les preuves du gouvernement.
Vous êtes face à une décision grave
que votre avocat vous pousse à prendre.
Le gouvernement vous propose
une offre non-négociable.
On vous dit que vous êtes en position
de faiblesse, vraisemblablement,
et que vous feriez mieux
d'accepter l'offre, coupable ou non.
Boston a sa propre division Cybercriminalité,
avec beaucoup d'avocats,
plus que nécessaire sans doute.
On peut envisager toutes sortes
d'affaires vraiment difficiles à instruire,
des criminels russes et des cols-blancs
des gens qui peuvent s'offrir
des avocats à 500-700 dollars de l'heure,
et puis vous avez ce gamin.
Il est facile de prouver
qu'il a fait quelque chose.
Le FBI l'a déjà identifié comme
un fauteur de troubles.
Autant être le plus sévère possible
avec ce gars, n'est-ce pas ?
C'est bon pour vous le procureur.
C'est bon pour la République
car vous combattez tous les terroristes.
J'avais tellement peur.
J'avais peur que mon ordinateur soit saisi.
Et j'avais peur d'aller en prison
si mon ordinateur était saisi.
J'avais des documents confidentiels
issus de mon travail précédent
sur mon portable.
Or protéger mes sources,
ça a toujours été ma principale priorité.
J'avais tellement peur
de ce qui pourrait arriver à Ada.
Aaron m'a parlé de l'arrangement
qu'on lui avait proposé.
Il m'a juste dit qu'il l'accepterait
si je le lui demandais.
J'ai vraiment été sur
le point de dire : "Accepte".
Durant cette période, il avait développé
de vraies aspirations politiques.
Après avoir mis fin à
sa carrière en startups,
il avait entamé une nouvelle vie
qui l'avait mené à l'activisme politique.
Il ne pensait pas pouvoir continuer cette
vie en étant considéré comme un criminel.
Un jour, alors que nous marchions
près de la Maison Blanche, il m'a dit :
"Les criminels ne peuvent pas travailler ici."
C'était vraiment cette vie-là qu'il voulait.
Il n'avait tué personne.
Il n'avait blessé personne.
Il n'avait pas volé d'argent
ou commis d'acte comparable à un crime.
Il n'avait rien fait qui mérite
d'être étiqueté comme un criminel,
et déchu de son droit de vote dans
de nombreux états pour ce qu'il a fait.
C'est juste scandaleux. Payer une amende,
être banni du MIT, pourquoi pas...
Mais être un criminel ?
Faire de la prison ?!
Swartz a rejeté l'accord.
Heymann a redoublé d'efforts.
Il nous a maintenus sous
pression à tous les niveaux.
Même avec les preuves matérielles saisies
sur le disque dur de son PC et sa clé USB,
les juges doivent étayer leur dossier
concernant les motivations d'Aaron.
Pourquoi Aaron Swartz a-t-il
téléchargé des articles de JSTOR ?
Et que comptait-il faire avec ?
Le gouvernement prétend
qu'il avait l'intention de les publier.
Nous ne savons vraiment pas
si c'était sa réelle intention
vu qu'Aaron avait aussi l'habitude
de monter des projets
où il analysait de gigantesques jeux d'articles
pour en tirer des éléments intéressants.
La preuve en est qu'il avait
déjà téléchargé l'intégralité
de la base juridique Westlaw
quand il était à Stanford.
Pour un projet d'études en droit à Stanford,
Swartz a téléchargé la base
de données juridique Westlaw.
Il a établi des connexions troublantes
entre des financeurs de recherches en droit
et des études qui leur étaient favorables.
Il a fait des analyses incroyables,
montrant que des sociétés à but lucratif
donnaient de l'argent à des professeurs de droit
pour rédiger des revues d'articles
juridiques qui leur étaient favorables,
par exemple, Exxon
pendant une marée noire.
C'était donc un système très corrompu
et qui finançait des recherches bidons.
Swartz n'a jamais publié
les documents Westlaw.
En théorie, il aurait pu faire la même
chose avec les données JSTOR.
Cela n'aurait pas posé de problème.
Mais s'il avait eu l'intention
de créer un service concurrent à JSTOR,
du genre "On ouvre notre propre serveur
d'accès à la Harvard Law Review
et on le fait payer",
dans ce cas, d'accord,
on peut envisager l'intention délictuelle
et la tentative d'exploitation de ces informations.
Mais c'est de la folie d'imaginer
que c'est ce qu'il faisait.
Il y a une hypothèse intermédiaire.
Et s'il voulait juste libérer ces articles
pour les pays en développement ?
L'approche de la loi devrait être différente
en fonction de ce qu'il envisageait.
Le gouvernement le poursuivait comme
pour une violation du droit commercial,
comme un piratage de cartes
bancaires, ce genre de délit.
Je ne sais pas ce qu'il comptait faire
avec cette base de données.
À en croire l'un de ses amis,
Aaron cherchait à prouver
que certains financements privés
biaisent des études sur le réchauffement.
Je crois totalement à cette idée.
On m'a juste avertie que
Steve voulait me parler...
Je me suis dit que c'était peut-être
un moyen de me sortir de là...
De sortir de cette situation.
Je ne voulais pas vivre dans la peur
de voir mon ordinateur être saisi.
Je ne voulais pas vivre dans la peur
d'avoir à aller en prison
accusée d'outrage au tribunal si je
refusais de déchiffrer mon ordinateur.
Quand ils sont venus et
m'ont dit : "Steve veut te parler",
ça semblait raisonnable.
Ils proposent à Norton un marché
qu'on nomme la "Lettre Reine d'un Jour"
Cela autorise le procureur à poser
des questions à propos de l'affaire Aaron.
Pour toute information révélée,
Norton se verrait garantir l'immunité.
Ça ne me plaisait pas !
J'ai répété à mes avocats que...
Ça me semblait louche.
Que je n'aimais pas ça.
Je ne voulais pas d'immunité,
Je n'en avais pas besoin,
je n'avais rien fait !
Mais ils étaient vraiment très stricts :
pas de rencontre avec
le procureur sans immunité.
[Interviewer] Juste pour être clair,
c'est une lettre "Reine d'un Jour", un marché.
Exact, un marché.
[Interviewer] En vertu duquel
vous leur donnez des informations
en échange d'une protection
contre toutes poursuites.
Il ne s'agissait pas
d'apporter des informations.
En tous cas, je ne voyais
pas les choses comme ça.
C'était juste avoir une discussion,
une rencontre avec eux.
[Interviewer] Donc, ils vous interrogent...
Ils me posent des questions...
[Interviewer] Ils peuvent
demander ce qu'ils veulent.
Exact.
[Interviewer] Et quoi qu'ils apprennent...
J'ai vraiment...
[Interviewer] ... inaudible...
Exact. Et j'ai essayé à plusieurs
reprises d'y aller sans immunité.
J'ai essayé de faire refuser
l'arrangement avec insistance.
J'étais malade, j'étais
sous la pression de mes avocats.
J'étais en pleine confusion,
je n'allais pas bien à ce moment.
J'étais déprimée et effrayée.
Je ne comprenais pas la
situation dans laquelle j'étais.
Je ne comprenais pas pourquoi
j'étais dans cette situation.
Je n'avais rien fait de remarquable,
encore moins de blâmable.
Nous devenions cinglés.
Aaron était désemparé à cause de ça.
Nous étions désemparés à cause de ça.
Les avocats d'Aaron étaient
désemparés à cause de ça.
On a tenté de convaincre
Quinn de changer d'avocats.
Je n'étais pas habituée
à me trouver dans une pièce
avec des hommes costauds et armés,
qui me répétaient que je mentais,
que je devais bien être
coupable de quelque chose.
Je leur ai dit que ce qui avait engendré
ces poursuites n'était pas un crime.
Je leur ai dit qu'ils étaient
du mauvais côté de l'Histoire.
J'ai utilisé cette phrase. J'ai dit :
"Vous êtes du mauvais côté de l'Histoire."
Et ils s'ennuyaient.
Ils n'avaient pas l'air d'être
en colère, juste de s'ennuyer.
Puis j'ai réalisé que nous n'avions
pas la même conversation.
Je leur ai dit plein de choses,
comme pourquoi les gens
téléchargent des articles scientifiques.
Au final, je ne me souviens plus pourquoi,
j'ai parlé de son billet de blog...
"Le Manifeste de la Guérilla
pour le Libre Accès".
Voici le "Manifeste de la Guérilla
pour le Libre Accès",
censé avoir été écrit
en juillet 2008 en Italie.
"L'information c'est le pouvoir.
Mais comme pour tout pouvoir,
il y a ceux qui veulent le garder pour eux.
Le patrimoine culturel
et scientifique mondial,
publié depuis plusieurs siècles
dans les livres et les revues,
est de plus en plus souvent
numérisé puis verrouillé
par une poignée d’entreprises privées.
Pendant ce temps, ceux
qui ont été écartés de ce festin
n’attendent pas sans rien faire.
Vous vous êtes faufilés dans les brèches
et avez escaladé les barrières,
libérant l’information
verrouillée par les éditeurs
pour la partager avec vos amis.
Mais toutes ces actions se déroulent
dans l’ombre, de façon souterraine.
On les qualifie de "vol"
ou bien de "piratage".
Comme si partager une
abondance de connaissances
revenait à attaquer un
navire et tuer son équipage.
Mais le partage n’est pas immoral,
c’est un impératif moral.
Seuls ceux qu’aveugle la cupidité
refusent une copie à leurs amis.
La justice ne consiste pas
à se soumettre à des lois injustes
Il est temps de sortir de l’ombre et,
dans la grande tradition
de la désobéissance civile,
d’affirmer notre opposition à la confiscation
criminelle de la culture publique."
Le Manifeste lui-même aurait été
écrit par 4 personnes différentes,
et également modifié par Norton.
Mais c'est la signature
de Swartz qui y est apposée.
Quand ça s'est terminé,
je suis allée immédiatement chez Aaron.
Je lui ai dit tout ce dont je pouvais
me souvenir. Il s'est mis très en colère.
Les choses que j'ai faites n'auraient
pas dû se cumuler de cette manière.
Je n'avais rien fait de mal,
et tout s'était mal passé.
Mais je n'ai jamais été...
Je suis toujours en colère.
Je suis toujours en colère...
Car on a beau faire de
son mieux avec ces gens,
ils trouvent le moyen
de tout retourner contre vous.
Ils vous blesseront
avec tout ce qu'ils peuvent.
En cet instant, je regrette
d'avoir dit ce que j'ai dit.
Mais mon plus grand regret,
c'est qu'on a baissé les bras.
C'est qu'on est d'accord avec ça.
On accepte ce système judiciaire,
qui joue avec les gens
en les coinçant dans des pièges
mesquins pour mieux ruiner leurs vies.
Donc oui, j'aurais
voulu ne pas dire ça.
Mais je suis beaucoup,
beaucoup plus en colère
de voir que c'est là où j'en suis.
De réaliser que nous, le peuple,
considérons tout ça comme normal.
Ils ont utilisé toutes les méthodes
auxquelles ils pouvaient penser
pour obtenir d'elle des informations
qui pourraient desservir Aaron,
être utiles aux poursuites contre lui.
Mais, je ne pense pas qu'elle avait
des informations utiles au gouvernement.
Les mois passent.
Les amis et la famille de Swartz
attendent une condamnation imminente.
Entretemps, Swartz devient un expert
référence pour toute question sur le Net.
[Interviewer] Une question pour vous alors :
Selon vous, l'accès à Internet devrait être
considéré comme un droit de l'homme ?
Une chose que le gouvernement
ne peut pas nous enlever ?
Oui, définitivement,
je veux dire....
Avancer la sécurité nationale
comme excuse pour couper Internet,
c'est ce que nous avons vu en Égypte,
en Syrie et tous ces autres pays.
Et donc, oui, c'est vrai !
WikiLeaks révèle des choses fâcheuses
à propos du gouvernement US.
Les gens vont s'organiser, manifester
et tenter de changer leur gouvernement.
Et c'est une bonne chose !
C'est la base du 1er Amendement
sur la liberté d'expression et d'association !
Suggérer que nous devrions couper Internet
va à l'encontre des principes américains.
Nos Pères Fondateurs auraient
compris ce principe, je pense.
Si Internet avait existé à l'époque,
ils auraient écrit "FAI" au lieu
de "Bureaux de poste" dans la Constitution.
[Interviewer] Bien,
il est très intéressant de voir...
Swartz rencontre l'activiste
Taren Stinebrickner-Kauffman.
Ils commencent à se fréquenter.
Nous avons besoin d'un tollé mondial massif.
Mais il n'y a pas de tollé mondial massif.
Cela ne créera aucun changement.
4 personnes de cette ville suffiraient
pour causer un tollé mondial massif.
Tu sais, nous avons besoin
d'un signataire de la pétition.
Sans donner de précisions, il la prévient
qu'il est impliqué dans ce qu'il appelle :
la "Sale Affaire".
Et j'avais toutes sortes de théories folles...
qu'il avait une histoire avec
Elizabeth Warren ou quelque chose...
Je soupçonnais à la fois Hillary Clinton
et Elisabeth Warren, en fait, mais hum...
Donc, un jour, vers fin juillet,
Aaron m'appelle, je
décroche et il me dit :
"Tu sais, la Sale Affaire pourrait
être dans les journaux demain.
Tu préfères que je te le dise,
ou tu veux l'apprendre par les journaux ?"
Et j'ai répondu : "Eh bien,
je veux que tu me le dises."
Aaron continue :
"Ben, j'ai été...
J'ai été arrêté pour avoir téléchargé
trop d'articles de journaux académiques.
Ils veulent faire de moi un exemple."
Et j'ai dit : "Vraiment, c'est tout ?
C'est ça ta grande affaire !?"
Ça ne semblait pas si grave.
Le 14 juillet 2011,
les procureurs fédéraux inculpent
Swartz sous 4 chefs d'accusation.
Il a été inculpé.
Le même jour en Angleterre,
2 membres de LulzSec
ont été arrêtés, ainsi que
quelques autres vrais hackers.
Aaron ressemble un peu à un hacker,
assez en tout cas pour qu'ils puissent,
mettre sa tête au bout d'un pieu
et la brandir au-dessus des grilles.
Aaron est allé se rendre,
et ils l'ont arrêté.
Puis ils l'ont fouillé au corps.
Ils lui ont enlevé ses lacets.
Ils lui ont pris sa ceinture
et l'ont mis à l'isolement.
Le bureau du procureur
du Massachussetts déclare :
"Swartz encourt 35 années de prison,
suivies de 3 ans de liberté surveillée,
des dédommagements et une amende
à hauteur d'un million de dollars."
Il est libéré avec une
caution de 100 000 dollars.
Le même jour, la victime
principale de cette affaire, JSTOR,
abandonne officiellement toute charge
contre Swartz, et met fin à ses poursuites.
JSTOR, ce n'était pas nos amis.
Ils ne nous aidaient pas
et n'étaient pas amicaux.
Ils ont juste dit qu'ils ne
prendraient pas part à ça.
JSTOR, et sa maison mère, ITHAKA,
ont aussi décliné nos demandes d'interviews.
Mais à l'époque, ils déclarent :
"C'est le gouvernement qui a décidé
de lancer des poursuites, pas JSTOR."
Et on a pensé qu'avec ça,
l'affaire serait terminée,
Qu'on serait en mesure d'obtenir
de Steve Heymann l'abandon du dossier,
ou un règlement raisonnable.
Et le gouvernement a refusé.
[Interviewer] Pourquoi ?
Eh bien, j'imagine qu'ils voulaient
faire d'Aaron un exemple.
Ils ont dit qu'ils voulaient s'appuyer
sur cette affaire pour la dissuasion,
que pour cette raison, ils maintiendraient
l'inculpation et l'emprisonnement.
Ils nous ont dit ça.
[Interviewer] Ils vous ont dit ça ?
Oui
[Interviewer] Ça allait être un exemple.
Oui
[Interviewer] Il allait servir d'exemple.
Oui.
Steve Heymann a dit ça.
Dissuader qui ?
Il y a d'autres gens dehors
en train de se connecter à JSTOR
pour télécharger les articles
et faire une déclaration politique ?
Mais enfin, qui pensent-ils dissuader ?
La posture de l'Administration Obama sur la
dissuasion serait plus compréhensible
si c'était une administration
qui avait, par exemple,
choisi de poursuivre ce qui est sans doute
le plus grand crime économique
que ce pays ait connu au cours
des 100 dernières années.
Les crimes qui ont conduit
à la crise financière de Wall Street.
Quand vous utilisez de manière sélective
la notion - non polémique - de dissuasion,
votre analyse des infractions
à la loi n'est plus impartiale.
Et vous déployez des moyens coercitifs
sur des idéologies politiques spécifiques.
Ce n'est pas seulement anti-démocratique,
c'est censé être anti-américain !
Le procureur Heymann aurait par la suite
déclaré à l'avocat consultant du MIT
que la goutte d'eau de trop
avait été une déclaration de presse
faite par Demand Progress,
une organisation fondée par Swartz.
Selon l'avocat du MIT,
Heymann aurait réagi à
cette déclaration de soutien
en la qualifiant de "campagne
sauvage sur Internet"
qui aurait "stupidement déplacé l'affaire
d'un niveau individuel à institutionnel".
C'était une situation empoisonnée.
Un procureur qui ne
voulait pas perdre la face,
qui voulait une carrière politique,
peut-être, sans traîner de "casserole".
Vous dépensez combien d'argent public
pour traîner devant les tribunaux quelqu'un
parce qu'il a pris trop
de livres à la bibliothèque ?
Soyons sérieux !
Alors j'ai tenté d'exercer autant
de pressions que possible sur le MIT,
afin qu'ils aillent voir le gouvernement
et demandent l'abandon des poursuites.
[Interviewer]
Quelle a été la réaction du MIT ?
Il ne semble pas y avoir eu
de réaction du MIT à ce moment-là.
Le MIT n'a pas pris la défense d'Aaron.
Ce qui a semblé scandaleux aux yeux
des membres de la communauté du MIT.
Étant donné que le MIT encourage
le hacking au sens noble du terme.
Au MIT, courir sur les toits et dans
les tunnels où vous n'êtes pas autorisés,
ce n'est pas seulement un rite
de passage, c'est une visite obligée.
Le crochetage de serrure,
c'est la classe de neige du MIT.
Ils avaient l'autorité morale suffisante
pour mettre un terme à tout ça.
Le MIT ne s'est jamais levé pour
prendre position et dire aux fédéraux :
"Ne faites pas ça. Nous ne voulons pas ça.
Votre réaction est excessive."
Que je sache en tout cas.
Ils ont réagi comme n'importe
quelle société l'aurait fait.
En quelque sorte, ils
ont aidé le gouvernement,
ils ne nous ont pas aidés, sauf quand
ils sentaient que c'était de leur devoir.
Et surtout, ils n'ont jamais
essayé de stopper tout ça.
Le MIT a décliné toutes
les demandes d'explications,
mais l'institut a publié un rapport
disant qu'il avait tenté de rester neutre,
estimant qu'Heymann et
les cours fédérales américaines
se préoccupaient peu de ce que
le MIT penserait ou dirait sur le sujet.
Ce comportement semblait vraiment
en contradiction avec l'éthique du MIT.
On peut dire que le MIT a fermé les yeux,
et que ça ne leur posait aucun problème.
Rester neutre, en soi, c'était déjà
se ranger du côté du procureur.
Prenons l'exemple de
Steve Jobs et Steve Wozniak.
Ils ont démarré avec la "Blue Box",
en grugeant les opérateurs téléphoniques.
Et si l'on se penche sur
Bill Gates et Paul Allen,
qui ont lancé leur business en
prenant du temps de calcul à Harvard,
ce qui était clairement contre les règles.
La différence entre Aaron et ces gens,
c'est qu'il voulait un monde meilleur.
Il ne voulait pas gagner de l'argent.
Swartz continue à être consulté
sur divers problèmes liés à Internet.
Internet fonctionne parce que
c'est un marché concurrentiel d'idées.
Nous devons obtenir plus d'informations
à propos de notre gouvernement,
plus d'accessibilité, plus de
discussions, plus de débats,
mais il semblerait que le Congrès
soit plutôt enclin à interdire certaines choses.
Aaron pensait changer le monde en
expliquant le monde clairement aux gens.
"Flame" peut prendre le contrôle
votre ordinateur pour vous espionner.
Bienvenue Aaron. Ravie de vous
avoir à nouveau dans ce show.
C'est ce que les espions
faisaient par le passé,
poser des microphones,
surveiller ce que les gens disent,
c'est juste qu'ils ont des
ordinateurs pour le faire désormais.
Swartz poursuit ses activités politiques.
Son attention se porte sur
un projet de loi examiné au Congrès
visant à lutter contre le piratage en ligne.
Son nom : "SOPA".
Des militants comme Peter Eckersley
le considèrent comme une menace
pour l'intégrité technique même d'Internet.
L'une des premières choses que j'ai faites,
c'est appeler Aaron pour lui demander :
"Peut-on mener une grosse
campagne en ligne contre ça ?"
"Ce n'est pas un projet
de loi sur le droit d'auteur."
"Ah bon ?"
"Non", m'a-t-il dit, "c'est une loi
contre la liberté de se connecter."
Et là, je l'ai écouté.
Il y a réfléchi un moment,
puis il a dit : "Oui".
C'est là qu'il a lancé "Demand Progress".
Demand Progress est une
organisation activiste en ligne.
Nous comptons désormais
près d'un million et demi de membres,
mais nous avons commencé à l'automne 2010.
Aaron était un acteur important
dans la communautés de ceux
qui ont agi pour porter les problèmes
de justice sociale au niveau fédéral.
SOPA visait à réduire le piratage
en ligne de la musique et des films.
Mais ça revenait à s'armer d'un marteau
pour des problèmes exigeant un scalpel.
Adoptée, la loi autoriserait toute entreprise
à couper les finances de sites entiers
sans procédure régulière,
et pourrait même forcer Google
à exclure certains de ses liens.
Tout ce qu'il fallait, c'était une simple
plainte pour violation du droit d'auteur.
Les grands médias
traditionnels affrontaient
la culture du remix, nouvelle
mais plus sophistiquée.
N'importe quel propriétaire
de site web devient un policier.
S'il ne s'assure pas que personne n'utilise
son site pour quelque chose d'illégal,
le site entier peut être fermé
sans autre forme de procès.
C'en était trop, je veux dire,
c'était une catastrophe !
Cette loi menace la liberté d'expression et
les libertés civiles de tous les internautes.
Nous n'étions qu'une poignée à dire :
"Hé, on ne défend pas le piratage,
mais c'est insensé de vouloir
détruire l'architecture du Net,
le système de noms de domaine, et tout
ce qui en fait un terrain libre et ouvert,
au nom de la lutte contre le piratage !"
Et Aaron l'avait tout de suite compris.
Les libertés garanties par la Constitution,
sur lesquelles notre pays s'est construit,
seraient soudainement effacées.
Au lieu de nous apporter plus de liberté,
les nouvelles technologies étoufferaient
les droits que nous tenons pour acquis.
En parlant à Peter ce jour-là, j'ai réalisé
que je ne pouvais pas laisser ça arriver.
Quand le projet de loi SOPA est apparu
en octobre 2011, on le croyait inévitable.
Dès sa parution, notre stratégie visait
à le ralentir, peut-être même l'affaiblir.
Mais nous ne pensions pas
être en mesure de stopper ce projet.
En travaillant à Washington,
on comprend généralement
qu'une bataille législative est un combat
entre des lobbys capitalistes divergents.
Ils se battent pour faire passer des lois,
et les combats les plus rudes ont lieu
quand s'affrontent directement deux lobbys
de force égale en termes de campagnes,
de contributions financières et d'influence.
Ça donne des batailles sanglantes.
Généralement, lorsqu'il
n'y a pas de combat,
c'est parce que tout l'argent
et toutes les entreprises sont d'un côté,
et en face, il n'y a que
des millions de personnes.
Je n'ai rien vu comme PIPA et SOPA
de toute ma carrière dans le service public.
Il y avait plus de 40 sénateurs des États-Unis
comme co-sponsors sur ce projet de loi.
On approchait donc le cap des 60 votes
permettant une procédure raccourcie.
Même moi, je commençais à douter.
C'était une période difficile.
Swartz et Demand Progress mobilisent un fort
soutien par des méthodes traditionnelles,
combinées à de la Voix sur IP pour faciliter
les appels de citoyens vers leurs élus.
Je n'avais jamais rencontré quelqu'un
qui soit capable d'agir à un tel niveau,
que ce soit sur les aspects technologiques
ou stratégiques d'une campagne.
Des millions de personnes contactent le
Congrès et signent les pétitions anti-SOPA.
Le Congrès est pris au dépourvu.
C'était quelque chose de voir le Congrès
débattre, désemparé, du projet de loi,
Ils répétaient qu'ils réguleraient Internet,
qu'une bande de nerds ne les arrêterait pas.
Je ne suis pas un nerd.
Je n'ai tout simplement
pas le niveau d'un nerd...
Peut-être que nous devrions demander
à des nerds de quoi il s'agit exactement ?
Ayons une audience, amenez les nerds...
Vraiment ?
"Nerds ?"
À mon avis, le mot que
vous cherchez est "Experts",
pour vous éclairer et pour que vos
lois ne vous explosent pas à la figure
en cassant Internet.
On emploie le terme "geek", mais on
en a le droit, parce qu'on est des geeks.
Le fait qu'ils soient allés aussi loin,
sans consulter aucun expert technique,
montre bien qu'il y a
un problème dans cette ville.
J'aimerais qu'un témoin vienne en audience
et dise : "C'est pour cela qu'ils ont tort".
Auparavant, un bureau fournissait des
conseils scientifiques et technologiques.
Les élus pouvaient s'y rendre et demander :
"Aidez-moi à comprendre ceci ou cela."
Et Gingrich l'a supprimé, jugeant
que c'était une perte d'argent.
Depuis, le Congrès a plongé
dans l'âge des ténèbres.
Personne ne croyait vraiment que SOPA
pourrait être battu, même pas Aaron.
Ça valait la peine d'essayer,
mais ça semblait irréalisable.
Mais quelques mois plus tard,
il s'est tourné vers moi en disant :
"Je pense qu'on peut gagner !"
Et j'ai répondu : "Ce serait incroyable !"
Les appels au Congrès continuent.
Quand l'hébergeur de domaines Go Daddy
annonce son soutien au projet de loi,
les utilisateurs protestent en transférant
leurs domaines par dizaines de milliers.
Humilié, Go Daddy change sa position
sur SOPA en l'espace d'une semaine.
Les élus soutenaient les majors,
mais quand ils ont vu tous ces remous
ils ont en quelque sorte
réduit la voilure du projet.
La situation se renversait peu à peu.
Nos arguments commençaient à porter.
C'était comme si Aaron avait enflammé
une allumette et qu'elle avait été soufflée,
allumé une autre, et qu'elle ait été soufflée,
et qu'il enfin soit parvenu
à réunir assez de carburant
pour que la flamme prenne
et devienne ce brasier rugissant.
Le 16 janvier 2012,
la Maison Blanche déclare officiellement
qu'elle ne supporte plus le projet de loi.
Et puis il s'est passé ceci :
Je pense sincèrement que nous devrions
nous pencher sur le problème de piratage,
et que nous devrions le
faire très sérieusement.
Mais ce projet de loi est inapproprié.
Quand Jimmy Wales affiche son soutien
en mettant Wikipedia en berne,
le 5e site le plus populaire au monde,
ça représente 7% de
tous les clics sur Internet,
Wikipedia est passé au noir.
Reddit est passé au noir.
Craigslist est passé au noir.
Les plombs du standard
téléphonique du Capitole ont sauté.
Les élus se battaient pour se rétracter
du projet qu'ils avait tant soutenu.
En 24h, l'opposition du Congrès au SOPA
est passée de ça
à ça.
Voir les membres du Congrès et du Sénat
basculer pendant la journée du blackout
C'était tout bonnement incroyable.
Il y a eu près de 100 basculements.
Aussi incroyable que ça reste
pour moi de le croire après tout ça,
nous avions gagné.
La chose que tout le monde
considérait comme impossible,
que les plus grandes entreprises mondiales
considéraient comme un rêve irréalisable,
s'était produite.
Nous l'avons fait.
Nous avons gagné.
C'est une semaine historique dans l'histoire
d'Internet, voire de la politique américaine.
Les gens de Washington, D.C.,
les équipes de Capitol Hill, nous ont dit
qu'ils avaient reçu plus d'emails
et d'appels le jour du Blackout SOPA
qu'ils n'en avaient jamais reçu
à quelque sujet que ce soit.
Ça a été un moment sacrément excitant.
C'est un moment où
Internet a mûri, politiquement.
C'était exaltant et nous avions du mal
à croire que c'était vraiment arrivé.
C'est difficile de croire qu'une loi
portée par tant de puissance financière
n'est pas parvenue à passer
tranquillement le cap du Congrès.
Et non seulement elle n'est pas passée,
mais elle a tout bonnement été enterrée.
On se sent parfois sans aucun pouvoir,
quand on descend dans la rue
qu'on marche et qu'on crie,
mais que personne n'écoute.
Aujourd'hui, je suis là pour vous
assurer que vous êtes très puissants.
Vous pensez peut-être que vous n'êtes pas
écoutés, mais je vous assure que vous l'êtes.
Vous êtes entendus.
Vous faites bouger les choses.
Vous pouvez arrêter ce projet
si vous n'arrêtez pas de vous battre.
Arrêtez PIPA !
Arrêtez SOPA !
Pour parler franchement,
certains leaders d'Internet
apprécieraient de pouvoir censurer
leurs plus petits concurrents.
Nous ne pouvons pas laisser ça arriver.
Pour lui, il était plus important d'être
sûr d'avoir causé un petit changement,
que d'avoir joué un petit rôle
dans un grand changement.
SOPA, c'était jouer un rôle majeur
dans un changement majeur.
Pour lui, c'était comme une
"validation de concept" personnelle.
"Ce que je veux faire de ma vie,
c'est changer le monde.
J'y pense de manière très scientifique,
en mesurant les effets produits,
et ceci montre que c'est possible.
Oui, ce que je veux
faire de ma vie est possible.
J'ai prouvé que je peux le faire, que moi,
Aaron Swartz, je peux changer le monde."
Pour un gars comme Aaron, qui n'a jamais
vraiment réalisé qu'il avait fait beaucoup,
ça a été un de ces rares moments
où on pouvait vraiment voir
qu'il sentait qu'il avait fait
quelque chose de bien,
un peu comme si c'était son unique
chance de faire un tour d'honneur.
Tout le monde disait qu'il n'y avait
pas moyen de stopper SOPA.
Nous l'avons stoppé.
Il s'agit là de 3 prodigieuses victoires,
et l'année n'est pas encore terminée.
S'il y a lieu d'être optimiste,
c'est bien maintenant.
Vous savez, il a vaincu SOPA
un an après son arrestation.
Ces instants de bonheur étaient ambigus.
Il se passait plein de choses.
Sa participation au processus politique
était tellement en phase avec ses aspirations.
Impossible de l'arrêter.
La liste des organisations que Swartz
fonde ou co-fonde est énorme.
Bien avant qu'Edward Snowden ne
révèle la surveillance massive d'Internet,
Swartz est déjà inquiet.
Il est choquant de constater à quel point
les impératifs de transparence sont laxistes.
Ils ne donnent pas la moindre statistique
sur la taille du programme de surveillance.
Si la réponse est : "On espionne tant de gens
qu'on ne peut même pas les compter",
alors ça fait un sacré paquet de gens.
Ce serait une chose
s'ils disaient : "Écoutez,
nous connaissons le nombre
de téléphones que nous espionnons,
mais nous ne savons pas à
combien d'individus ça correspond".
Ils ne font que répondre : "Nous ne pouvons
pas donner de nombres, quels qu'ils soient".
C'est quand même effrayant,
voilà ce que c'est.
Ils lui ont mis une pression incroyable.
Ils lui ont pris tout
l'argent qu'il avait gagné.
Ils ont menacé de supprimer
sa liberté de mouvement.
Pourquoi faire ça ?
Pourquoi poursuivre les lanceurs d'alerte ?
Pourquoi s'en prendre à des gens
pour avoir dit toutes sortes de vérités
à propos des banques, de la guerre,
de la transparence du gouvernement ?
Les secrets servent
ceux qui ont déjà le pouvoir,
et nous vivons dans une ère du secret
qui coïncide avec une ère où le
gouvernement fait un grand nombre de choses
probablement illégales
et anticonstitutionnelles.
Ce n'est pas une coïncidence.
Cette technologie est utilisée ici, par le
gouvernement, pas par des pays lointains.
Le problème des programmes d'espionnage,
c'est leur avancée inexorable depuis Nixon.
Bush les a renforcés après le 11 septembre.
Obama a continué à les étendre.
Le problème n'a fait qu'empirer.
À aucun moment, on a pu se dire :
"OK, c'est là qu'on doit galvaniser l'opposition,
c'est aujourd'hui que ça compte..."
À mon avis, les poursuites
contre Aaron Swartz
visaient à envoyer un message très précis
à un groupe de personnes en qui
l'administration Obama voyait une menace,
à savoir la communauté militant pour
la démocratie et le droit à l'information.
Le message que l'administration Obama
leur envoyait plus spécifiquement était :
"On sait que vous pouvez créer
des troubles pour le pouvoir en place,
alors on va faire
un exemple d'Aaron Swartz,
pour vous effrayer suffisamment,
et que vous vous teniez tranquilles."
Et le gouvernement a dit :
"Les cadres juridiques qui légitiment nos
programmes d'espionnage sont aussi classés,
on ne peut pas vous dévoiler quelles
lois permettent de vous espionner."
À chaque fois qu'ils peuvent dire :
"Voici un autre exemple de cyberguerre.
Les cybercriminels attaquent à nouveau.
Nous sommes tous en danger, tous menacés."
C'est une excuse pour faire passer
des lois de plus en plus dangereuses.
[Interviewer] Et juste pour bien suivre,
où en est le combat selon vous?
À vous de voir.
[Interviewer] Je sais, c'est que,
nous voudrions, vous savez...
Bon, on observe deux
points de vue très opposés :
"Tout est parfait,
Internet a créé toute cette liberté
et tout va être fantastique"
ou bien "Tout est terrible,
Internet a créé tous ces outils
pour réprimer, espionner,
et contrôler ce que nous disons".
Et le truc, c'est que les deux sont vrais.
Internet a produit les deux,
et les deux sont incroyables et étonnants.
Mais c'est à nous de décider
lequel gagnera à la fin.
C'est absurde de dire :
"L'un fonctionne mieux que l'autre".
Les deux sont vrais.
C'est à nous de choisir la version
dont nous souhaitons bénéficier,
car elles vont et iront toujours de pair.
Le 12 septembre 2012,
les procureurs fédéraux déposent
un nouvel acte d'accusation contre Swartz,
ajoutant les infractions
de fraude électronique,
d'accès non autorisé à un ordinateur
et de fraude informatique.
Ce n'est plus 4 mais 13 chefs d'accusation
auxquels Swartz est désormais confronté.
Le niveau des poursuites
a considérablement augmenté,
de même que les peines
et les amendes qu'il encourt.
Ils ont déposé une mise en accusation
distincte pour ajouter de nouvelles charges.
Selon eux, ce comportement constituait
un certain nombre de crimes fédéraux,
et devrait entraîner des peines
très lourdes en vertu des lois.
Cet argument, et la plupart
des poursuites contre Swartz,
s'appuyait sur une loi
originellement créée en 1986.
Le "Computer Fraud and Abuse Act" (CFAA)
Le CFAA a été inspiré
par le film "War games",
avec Matthew Broderick,
c'est un bon film.
[Broderick] Là je vous tiens.
Dans ce film, un gamin se sert
de la magie des réseaux informatiques,
pour lancer une attaque nucléaire.
En réalité c'est impossible,
d'autant plus dans les années 80.
Mais il faut croire que ce film
a suffisamment effrayé le Congrès
pour permettre le passage du premier
Computer Fraud and Abuse Act.
C'est une loi obsolète.
Elle pénalise par exemple les
accords de type "contrats de services".
Imaginons des sites de rencontre
comme eHarmony or Match.com,
où n'importe qui peut
mentir sur ses qualités.
D'un coup, en fonction
de la juridiction et des procureurs,
n'importe qui peut se retrouver
dans les ennuis jusqu'au cou.
Nous connaissons tous les "Conditions
Générales d'Utilisation" (CGU).
La plupart des gens ne les lisent pas,
mais ne pas respecter leurs
termes est potentiellement un délit.
Les conditions d'utilisation
d'un site disent souvent :
Soyez agréable avec les autres
et ne faites rien d'inapproprié.
Le droit pénal ne devrait rien avoir
à faire avec ce genre de violations,
d'ailleurs, la plupart
des gens trouvent ça dingue.
On trouve des exemples encore plus fous.
Avant leur modification en mars 2013,
les conditions d'utilisation
du site du magazine "Seventeen"
disaient que vous deviez avoir
plus de 18 ans pour pouvoir le lire !
Vu l'interprétation du CFAA qui a été
faite par le département de la Justice,
je dirais que nous violons
probablement tous la loi.
Vague et sujet à des abus, le CFAA
est devenu un marteau multitâche
pour régler un large éventail
de litiges liés à l'informatique.
Ce n'est pas l'unique facteur du dossier
mais 11 des 13 chefs d'accusation
invoquaient le CFAA contre Swartz.
La question "Pourquoi ?" ponctue
toute l'histoire d'Aaron Swartz.
Qu'est-ce qui motive le gouvernement ?
Quel aurait été leur réquisitoire ?
Le département de la Justice a
décliné nos demandes de réponses,
mais le Pr. Orin Kerr est un ancien
procureur qui a étudié le dossier.
J'ai examiné ce dossier avec un regard
différent pour plusieurs raisons.
J'ai été procureur fédéral au ministère
de la justice durant 3 ans avant d'enseigner.
Le gouvernement a déposé
un acte d'accusation
fondé sur des crimes
qu'il pensait commis.
D'un point de vue purement théorique,
en analysant la jurisprudence, en
examinant la loi, en regardant l'histoire,
en étudiant les dossiers qui
s'étaient présentés auparavant,
je pense que l'accusation était équitable.
On peut se demander s'il
aurait dû ou non être inculpé,
mais il y a beaucoup de désaccords.
Certains veulent défendre
le libre accès, d'autres non.
Selon moi, le gouvernement a pris
le Manifeste de Swartz très au sérieux.
Je pense qu'ils le voyaient
comme quelqu'un d'engagé,
guidé par l'impératif moral de violer
ou de contourner une loi jugée injuste.
En démocratie, il y a des moyens
de changer une loi si vous la trouvez injuste.
Vous pouvez aller au Congrès,
Swartz l'a bien démontré contre SOPA.
Ou bien vous pouvez violer la loi
pour tenter de la faire annuler.
Et je pense que les poursuites visaient
avant tout l'acharnement de Swartz
non seulement à violer la loi, mais à
faire en sorte que la loi soit annulée.
Fournir à tous un accès à la base de
données, sans retour en arrière possible.
Une fois ce fait accompli,
le camp de Swartz aurait gagné.
La justesse de cette loi est source
de profonds désaccords dans la société.
In fine, c'est au Congrès que la décision
doit être prise par le peuple américain.
Il y a un second problème que
nous tentons encore de comprendre.
Comment jauger la gravité des infractions ?
On est entrés dans une ère nouvelle,
celle de l'informatique et de ses abus,
mais on n'a pas encore une vision claire
de l'endroit où se situent les limites,
on étudie encore la question.
C'est un abus du pouvoir
discrétionnaire de poursuite.
Le marteau de la Justice
est censé effrayer les gens
mais il devient de plus en plus gros.
Et la plupart des gens ne jouent
pas leur vie aux dés comme ça.
Faut-il mettre quelqu'un
sur écoute ? Faut-il le filmer ?
Doit-on retourner quelqu'un pour
l'inciter à balancer d'autres personnes ?
C'est ainsi que les procureurs
et les agents fédéraux pensent.
Ils construisent des dossiers.
Ils fabriquent des dossiers.
Swartz est pris dans l'engrenage
d'un système pénal brutal
qui ne peut pas revenir en arrière.
Une machine qui donne aux USA le taux
d'incarcération le plus élevé au monde.
On s'est laissés enfermer dans une
politique dictée par la colère et la peur.
Or tout ce dont on a peur,
comme le futur d'Internet et des accès,
et tout ce qui nous met en colère,
déclenche une réaction
instinctive de la justice pénale.
On a utilisé la prison et les punitions
pour résoudre toutes sortes de problèmes
qui, historiquement, n'avaient
jamais relevé de la justice pénale.
Cette tendance à menacer, inculper,
poursuivre... est en partie à l'origine
des débats et controverses sur l'accès
à Internet et le droit à l'information.
C'est cohérent avec ce qu'on
observe dans d'autres domaines.
À la différence que les gens
les plus souvent victimes et ciblés
par ce type de réponses carcérales
sont typiquement les minorités pauvres.
Swartz s'éloigne de plus en plus
de ses amis et à sa famille.
Il avait cessé de travailler
sur quoi que ce soit d'autre.
En fait, l'affaire était en
train d'envahir toute sa vie.
L'un de ses avocats a dit aux procureurs
qu'il était émotionnellement vulnérable,
pour qu'ils gardent bien ça à l'esprit
et qu'ils en prennent bonne note.
Ça lui pesait énormément.
Il ne supportait pas les entraves,
dans ses actions ou ses mouvements.
Il était terrifié par la menace de détention
qu'on a fait lourdement planer sur sa tête.
Ça a complètement épuisé
ses ressources financières,
Et... ça nous a coûté très cher aussi.
Puis il a levé des fonds substantiels,
Et donc, en gros, ça
atteignait les millions de dollars.
[Interviewer]
Pour sa défense ?
Oui.
[Interviewer]
Des millions ?
Oui
Il ne voulait pas être un fardeau pour
les autres. Ça a dû jouer à mon avis.
Il était du genre "J'ai ma vie normale
d'un côté, j'ai cette merde à gérer de l'autre,
et j'essaie de garder les deux
aussi séparées que possible".
Mais elles commençaient à se mélanger
et tout le reste devenait merdique.
Swartz fait face à un choix
de plus en plus difficile.
Plaider coupable et aller de l'avant ?
Ou combattre un système déficient ?
Avec un tel dossier, la réponse est simple.
Il rejette l'accord préalable.
Une date et fixée pour le procès.
Aaron était déterminé à ne pas se soumettre,
à ne pas accepter une
chose qu'il trouvait injuste,
et je pense qu'il était aussi effrayé.
Je ne pense pas qu'ils
auraient condamné Aaron.
On l'aurait tiré de ce palais de justice
je lui aurais donné une grosse accolade,
on aurait traversé la petite rivière de
Boston et on aurait bu quelques bières.
Je pensais vraiment qu'on avait raison.
Pour moi, on allait gagner cette affaire.
On pouvait gagner cette affaire.
Il ne se confiait pas beaucoup,
mais on pouvait voir qu'il
endurait une douleur immense.
Durant son enfance, Aaron n'a
jamais eu de sautes d'humeur
d'épisodes dépressifs, ou quoi que ce soit
s'approchant d'une "dépression sévère".
Peut-être qu'il était déprimé.
Ça arrive d'être déprimé.
Très tôt dans notre relation,
au bout de 3 ou 4 semaines,
je me souviens qu'il m'a dit...
que j'étais beaucoup
plus forte qu'il ne l'était.
Il... Il était fragile sous bien des aspects.
Il avait dû endurer plus
que la plupart des gens.
Ça faisait aussi partie de son éclat.
Je crois qu'il avait traversé une sorte de
dépression clinique peu après ses 20 ans.
Mais pas quand on était ensemble.
Ce n'était pas une personne "joyeuse"
mais ça n'équivaut pas à être déprimé.
Il a été sous une telle pression
ces 2 longues années durant.
Il en avait juste marre.
Il était juste...
C'était trop pour lui.
J'ai reçu un appel de
téléphone tard dans la nuit.
J'ai su que ça n'allait pas,
j'ai appelé et j'ai réalisé
ce qui s'était passé.
L'un des co-fondateurs
du site Reddit a été retrouvé mort.
La police annonce qu'Aaron
Swartz s'est suicidé hier,
dans son appartement de
Brooklyn. Il avait 26 ans.
J'ai juste pensé :
"Nous avons perdu... l'un des esprits
les plus créatifs de notre génération".
Pour moi, le monde entier
s'est effondré à cet instant.
Ça a été l'une des nuits
les plus difficiles de ma vie.
J'ai hurlé : "Je ne vous entends pas !
Qu'avez-vous dit ? Je ne vous entends pas !"
Je ne peux pas. On arrête là.
Ça n'avait aucun sens...
et ça n'en a toujours pas.
J'étais tellement frustré, en colère.
J'ai essayé d'expliquer ça à mes enfants.
Celui de 3 ans m'a dit que
les médecins le guériraient.
J'ai connu beaucoup de gens qui sont morts,
mais je n'ai jamais
perdu quelqu'un comme ça.
Tout le monde se dit,
et moi le premier,
qu'il y a tant de choses
qu'on aurait pu faire en plus.
Je ne savais pas qu'il en était là.
Je ne savais pas qu'il souffrait et...
Il faisait partie de moi.
Je voulais juste que
ce ne soit pas vrai et là,
là j'ai juste regardé sa page Wikipédia
et j'ai vu la date de décès,
"2013".
Aaron est mort.
Égarés dans ce monde de fous,
nous perdons un mentor, un vieux sage.
Hackers combattant pour le bien,
l'un des nôtres est tombé.
Nous avons perdu l'un des nôtres.
Éducateurs, soignants, auditeurs,
contributeurs, tous parents,
Nous avons perdu un enfant.
Nous le pleurerons tous.
Ma première pensée a été :
"Et si personne ne le remarquait ?"
Parce qu'il n'était pas évident
à mes yeux qu'il était si visible.
Je n'avais jamais vu autant d'émotion.
Internet s'est juste... embrasé.
On m'en avait déjà parlé avant mais
je n'avais jamais eu l'occasion de voir
des gens pleurer sur Twitter.
C'était manifestement un deuil en ligne.
Il était l'enfant d'Internet,
et le vieux monde l'a tué.
Nous vivons une époque où les
grandes injustices restent impunies.
Les responsables de la crise financière
dînent régulièrement avec le président.
Penser qu'à cette époque, c'est CE type
d'actes que le gouvernement devait punir,
semble tellement absurde,
si ce n'était pas si tragique.
La question est :
"Peut-on faire quelque chose,
étant donné ce qui est arrivé,
pour rendre le monde meilleur,
et comment perpétuer cet héritage ?"
C'est la seule question à se poser.
Partout dans le monde essaiment
des hackathons, des rassemblements,
Aaron Swartz a, dans un certain sens,
fait ressortir le meilleur de
nous, en essayant de dire :
"Comment on répare ça ?"
Il était, à mon humble avis,
l'un des vrais révolutionnaires
admirables que ce pays a produit.
Je ne sais pas si Aaron
en est sorti vaincu ou victorieux,
mais nous sommes assurément façonnés
par les poings avec lesquels il a lutté.
Quand on envoie des agents de la loi armés
aux trousses de citoyens essayant
d'élargir l'accès à la connaissance,
on brise la règle du droit,
on profane le temple de la justice.
Aaron Swartz n'était pas un criminel.
Le changement ne tombe pas du ciel.
Il se produit grâce à une lutte constante.
Aaron pouvait vraiment faire de la magie,
et je ferai tout pour que sa magie
ne s'arrête pas avec sa mort.
Il pensait qu'il pouvait changer le monde,
et il avait raison.
Cette semaine, aujourd'hui, des
phénix renaissent déjà de ses cendres.
Après la mort de Swartz, la représentante
Zoé Lofgren et le sénateur Ron Wyden
ont présenté une loi qui réforme
le Computer Fraud and Abuse Act,
cette loi dépassée qui sous-tendait
la majorité des charges contre Swartz.
Elle s'appelle "la Loi d'Aaron".
Aaron estimait qu'on
devrait toujours s'interroger :
"Quelle est, au monde, la chose la plus cruciale
à laquelle je devrais m'atteler maintenant ?"
Et si vous n'êtes pas déjà à travailler
dessus, qu'est-ce que vous attendez ?
[Manifestants]
Voici le visage de la démocratie !
La liberté sur Internet
est attaquée, que fait-on ?
Levez-vous et défendez-vous !
La liberté sur Internet
est attaquée, que fait-on ?
Hey, hey ! Ho, ho !
Carmen Ortiz démission !
Je voudrais que l'on puisse changer
le passé, mais c'est impossible.
Mais on peut changer
le futur, et on le doit.
On le doit à Aaron,
et on se le doit à nous-mêmes.
On se doit de le faire pour
un monde meilleur, plus humain,
où la justice fonctionne, et où l'accès
au savoir est un droit de l'homme.
En février dernier, un gamin
de Baltimore, âgé de 14 ans,
qui avait accès à JSTOR,
et qui a fait une recherche approfondie
après avoir lu quelque chose,
a trouvé comment faire des tests précoces
pour détecter le cancer du pancréas.
Le cancer du pancréas est souvent fatal
car on le détecte beaucoup trop tard.
Quand on le détecte, il est déjà trop
tard pour faire quoi que ce soit.
Il a envoyé un email à toute la division
Oncologie de l'Université Johns Hopkins,
ça fait des centaines de gars, et...
[Interviewer]
À 14 ans ?
14 ans, oui, et la plupart l'ont ignoré.
Mais l'un d'eux lui a répondu, en disant :
"Ce n'est pas une idée si stupide,
si tu venais en discuter ?"
Le gamin a travaillé soirs
et week-ends avec ce chercheur,
et en février, je l'ai entendu aux infos,
quelques semaines après la mort d'Aaron,
c'était encore très présent dans les médias...
Désolé...
Le gamin a dit que la raison pour
laquelle il était dans les médias,
c'est parce qu'ils y étaient arrivés.
Ils expédiaient un test de détection précoce
du cancer du pancréas, qui sauvera des vies.
Et il a dit : "C'est pour ça que ce
qu'Aaron a fait est si important."
Parce qu'on ne sait jamais, non ?
La vérité universelle,
ce n'est pas seulement
ce que les décideurs utilisent
pour décider les limitations de vitesse.
C'est ce qui pourrait éviter à votre enfant
de mourir d'un cancer du pancréas.
Mais sans accès à l'information,
celui qui voudrait vous sauver
pourrait bien ne jamais trouver la réponse.
Il dormait si bien, il n'est pas tombé,
même pas quand il a rêvé qu'il
était de retour dans le vaisseau spatial.
Très bien, Aaron.
Très bien. Oui, Aaron.
Maintenant c'est l'heure de la chanson.
♪ ♪ ♪
Sous-titres : @dbourrion, @symac, @btreguier, @loopiloop
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