WEBVTT

00:00:00.870 --> 00:00:04.883
Salut, je suis Tony, et voici "Every Frame a Painting",
où nous analysons la mise en scène de films.

00:00:06.023 --> 00:00:10.255
Le film d'aujourd'hui est The Imposter, de 2012, réalisé par Bart Layton.

00:00:10.255 --> 00:00:12.078
Si vous ne l'avez pas vu, arrêtez ici.

00:00:12.078 --> 00:00:14.204
Ne regardez même pas à quel genre il appartient.

00:00:14.204 --> 00:00:18.306
Fermez cette vidéo, allez sur Netflix, et regardez-le. Parce que je vais tout spoiler.

00:00:18.306 --> 00:00:21.316
"Vous avez 5 secondes pour arrêter cet enregistrement."

00:00:21.316 --> 00:00:22.087
Prêts ?

00:00:22.087 --> 00:00:27.104
"5, 4, 3, 2, 1"

00:00:28.711 --> 00:00:30.020
C'est partit.

00:00:30.020 --> 00:00:35.865
Je pense que Bart Layton a fait un des choix les plus intelligents 
et simples que j'ai vu pour un documentaire, celui-ci :

00:00:35.865 --> 00:00:39.436
Tous les personnages de cette histoire sont filmés de la façon classique d'une interview :

00:00:39.436 --> 00:00:41.456
ils regardent - hors-champs - quelqu'un d'autre.

00:00:41.456 --> 00:00:43.621
A l’exception du méchant...

00:00:43.621 --> 00:00:47.833
"Du plus loin que je m'en souvienne, 
j'ai toujours voulu être quelqu'un d'autre."

00:00:47.833 --> 00:00:49.704
... qui nous regarde directement.

00:00:49.704 --> 00:00:51.527
C'est tout. Super simple.

00:00:51.527 --> 00:00:54.213
Vous voyez, les films ont toujours eu une fascination pour les méchants,

NOTE Paragraph

00:00:54.213 --> 00:00:56.377
et nous avons toujours eu cette façon de les regarder dans les yeux.

00:00:56.377 --> 00:01:00.539
Qu'ils soient des gangsters, des cannibales, des sociopathes, 
des psychopathes, des filles japonaise,

00:01:00.539 --> 00:01:02.199
ou Leonardo DiCaprio.

00:01:02.609 --> 00:01:06.381
Et j'adore quand un film de détective ou un thriller 
joue avec cette présence de l'objectif.

00:01:06.381 --> 00:01:10.421
Jonathan Demme le fait de nombreuses fois dans "Le silence des
agneaux", dont le but est de vous amener au...

00:01:10.421 --> 00:01:11.777
"plus près"

00:01:11.777 --> 00:01:13.714
... de son point de vue à elle.

00:01:13.714 --> 00:01:18.448
Juste les petites choses, comme être plus petite, 
et une femme, dans une pièce comme ça.

00:01:18.448 --> 00:01:19.668
"Continuez !"

00:01:19.668 --> 00:01:21.313
Ou voici une scène de Zodiac.

00:01:21.313 --> 00:01:23.764
C'est le premier entretient avec notre suspect principal.

00:01:23.764 --> 00:01:27.633
Les trois détectives essaient de savoir : 
est-ce que c'est le tueur ?

00:01:27.633 --> 00:01:31.005
Et quand il dit quelque chose de suspect, 
regardez les plans que Fincher enchaîne :

00:01:31.005 --> 00:01:33.234
"Bien, nous vérifierons ça...

00:01:33.234 --> 00:01:35.278
Avez-vous déjà été en Californie du sud ?"

00:01:35.278 --> 00:01:36.924
Et le climax de la scène est :

00:01:36.924 --> 00:01:39.430
"Je ne suis pas le Zodiac.

00:01:39.430 --> 00:01:43.372
Et si je l’étais, je ne vous le dirai certainement pas."

00:01:43.372 --> 00:01:45.185
Donc le film vous demande de juger :

00:01:45.185 --> 00:01:47.031
Qu'est-ce que vous pensez de cet homme ?

00:01:47.031 --> 00:01:52.379
Mais dans les fictions, il est très dur de tenir un film entier 
avec quelqu'un regardant l’objectif tout le temps.

00:01:52.379 --> 00:01:53.688
C'est juste trop.

00:01:53.688 --> 00:01:54.615
"Ouai."

00:01:54.615 --> 00:01:56.465
Mais si vous regardez des documentaires...

00:01:56.465 --> 00:01:58.968
"On peut commencer, je sais exactement 
ce que je veux dire !

00:01:58.969 --> 00:02:00.388
- Allez-y !
- Ok. "

00:02:00.388 --> 00:02:03.339
... vous tomberez sur Errol Morris, 
qui le fait tout le temps.

00:02:03.339 --> 00:02:05.628
Pour lui, le but est d'arriver à la "première personne",

00:02:05.629 --> 00:02:08.738
la sensation que vous êtes vraiment dans la pièce
entrain de parler à ces gens.

00:02:08.738 --> 00:02:11.451
Et quand ils s'expliquent, ils vous regardent 
tout le temps dans les yeux,

00:02:11.452 --> 00:02:14.875
et c'est plus facile pour vous d'avoir 
de l'empathie pour eux.

00:02:14.875 --> 00:02:17.350
C'est donc comme ça qu'est filmé The Imposter.

00:02:17.350 --> 00:02:20.970
Cet angle nous met dans la même pièce que 
le méchant, pour le juger.

00:02:20.970 --> 00:02:25.755
Mais ce même angle nous rend également extrêmement sensible 
de à quel point il est persuasif.

00:02:25.755 --> 00:02:30.376
En d'autres mots, nous savons qu'il est le méchant, 
mais ça ne nous protège pas.

00:02:30.376 --> 00:02:34.426
SI vous y prêtez attention, vous remarquerez 
d'autres décisions qui découlent de celle-ci.

00:02:34.426 --> 00:02:39.983
La plupart des reconstitutions sont filmées depuis le point de vue de l'imposteur. Il fait meme du lip-sync....

00:02:39.983 --> 00:02:45.397
"Je ne leur ai pas dit que j'avais été abusé sexuellement. Je leur ai fait me le demander."

00:02:45.397 --> 00:02:47.370
... entre passé et présent.

00:02:47.370 --> 00:02:51.487
Nous voyons les autres personnes depuis dessus ou dessous,
mais nous somme au niveau des yeux ici.

00:02:51.487 --> 00:02:55.652
De plus, ces sujets sont filmés dans la profondeur, 
donc vous pouvez voir leur environnement, et d'où ils viennent.

00:02:55.652 --> 00:03:00.988
Mais le background de l'imposteur n'est qu'un flou.
Il n'a même pas de carton-titre pour nous dire qui il est.

00:03:00.988 --> 00:03:04.251
Ok, ce sont clairement des choix conscient de réalisation.
Mais pourquoi ?

00:03:04.251 --> 00:03:08.844
Pourquoi faire en sorte que le méchant contrôle l'histoire 
et la façon dont elle est filmée ?

00:03:08.844 --> 00:03:11.627
Parce que le film veut vous tromper.

00:03:11.627 --> 00:03:13.279
Pas dans un style de : "Je t'ai eu !"

00:03:13.279 --> 00:03:16.971
Le réalisateur veut juste vous faire éprouver la persuasion de cet homme.

00:03:16.971 --> 00:03:22.122
Vous voyez, il passe la moitié de l'histoire a raconter comment il a menti aux autres et les a trompés.

00:03:22.122 --> 00:03:24.585
Donc nous savons que nous ne devons pas croire ce qu'il dit.

00:03:24.585 --> 00:03:27.625
Mais au deux tiers du film, il joue sur ça :

00:03:27.625 --> 00:03:32.195
Pourquoi la famille l'a-t-il si facilement accepté ?
Est-ce qu'ils n'étaient pas un peu trop confiant envers lui ?

00:03:32.195 --> 00:03:35.457
"Pas besoin d’être Columbo pour assembler les pièces du puzzle."

00:03:35.457 --> 00:03:38.197
Pourquoi est-ce qu'ils l'aurait accepté, hein ?

00:03:38.197 --> 00:03:39.527
"Ils l'avaient tué"

00:03:39.527 --> 00:03:40.952
Oh merde !

00:03:40.953 --> 00:03:47.320
"Certains l'avaient fait, d'autres le savait, 
et d'autres avaient choisi de l'ignorer."

00:03:47.320 --> 00:03:49.382
Attends, quoi ?

00:03:49.382 --> 00:03:51.106
"Qu'il aille se faire foutre !"

00:03:51.106 --> 00:03:55.609
La réaction naturelle de la plupart des gens pour ce cas 
est de regarder la famille Barclay de haut.

00:03:55.609 --> 00:03:58.123
De les voir stupides, ou facilement manipulables.

00:03:58.123 --> 00:03:59.959
Je veux dire, le film donne même quelques arguments.

00:03:59.960 --> 00:04:03.875
"L'Espagne ? C'est pas genre de l'autre côté du pays ?"

00:04:03.875 --> 00:04:06.780
En plus, qui ne reconnait pas son propre fils ?

00:04:06.780 --> 00:04:08.667
Donc le film vous laisse croire ça.

00:04:08.667 --> 00:04:13.214
Il ne vous force pas la main, il vous laisse juste croire 
ce que vous êtes déjà prédisposés à croire.

00:04:13.215 --> 00:04:15.151
Puis vous tombez dans le même piège !

00:04:15.152 --> 00:04:20.004
Parce que votre esprit le pensait déjà, tout ce que ce gars avait à faire 
était de vous regarder et de le confirmer.

00:04:20.004 --> 00:04:22.660
Est-ce que ce film marche pour vous ou pas, 
je ne peux pas le dire.

00:04:22.660 --> 00:04:25.357
Mais je peux dire que je suis totalement tombé dans le panneau.

00:04:25.357 --> 00:04:28.595
Et je pense que le film a en fait énormément 
d'empathie pour cette famille.

00:04:28.595 --> 00:04:31.807
Pendant 90 minutes, il vous laisse vivre l'histoire 
telle qu'ils l'ont vécu,

00:04:31.807 --> 00:04:35.653
un retournement de situation après l'autre,
jusqu’à ce que vous ne sachiez plus quoi penser ou ressentir.

00:04:35.653 --> 00:04:38.897
Et peut-être qu'à la fin, vous comprenez un peu mieux 
comment ils ont pu être trompés

00:04:38.897 --> 00:04:41.702
par quelque chose qui a l'air si évident pour vous ou moi.

00:04:49.314 --> 00:04:52.334
Ou peut-être pas, et vous êtes un putain de psychopathe.