Il est difficile d'imaginer la vie
sans Amazon.com.
[Rires]
Même à un âge aussi avancé que le mien.
Après tout,
quel autre site Web peut vous transporter
du nouveau roman de Toni Morrison
à une édition du 18e siècle des œuvres
de John Locke,
en passant par le rayon des outils électriques et celui des chaussures pour dames?
Et pourtant, le fondateur et P.-d.g.
du plus grand détaillant en ligne,
dont les ventes nettes ont dépassé 24,5 milliards de dollars en 2009,
n'est âgé que de 46 ans,
tandis qu'Amazon.com n'existe
que depuis 1995, ce qui fait qu'elle est encore plus jeune
que la cohorte de 2010.
La morale de cette histoire,
c'est que si une bonne idée
se trouve entre de bonnes mains, au bon moment,
elle a le potentiel de transformer nos vies.
La bonne idée, dans le cas présent,
était d'utiliser le pouvoir du réseau Internet naissant
afin d'y installer une librairie virtuelle aux proportions incommensurables.
Les bonnes mains étaient ceux de notre conférencier d'aujourd'hui, Jeff Bezos,
qui se décrit lui même comme un nerd,
qui possède une majeure en sciences de l'informatique et en génie électrique,
et a reçu son diplôme de Princeton avec les plus grands honneurs,
en 1986.
Et le bon moment, c'était l'année 1994,
quand lui et son épouse, Mackenzie Tuttle Bezos,
de notre cohorte de 1992,
ont troqué la sécurité de leur emploi à Wall Street,
au sein de la firme D.E. Shaw & Co.,
contre les promesses chancelantes d'une nouvelle entreprise en ligne.
Bien entendu, comme le souligne Jeff,
«l'échec est une composante cruciale»
«à toute innovation et à toute invention.»
«Si l'on sait d'avance que ça fonctionnera,»
«ce n'est plus une expérience.»
Et Amazon.com n'était rien d'autre qu'une magnifique expérience.
Travaillant sur quelques tables de fortune dans son garage à Seattle
et investissant les économies de ses parents en mise de fonds de démarrage,
Jeff est allé à contre-courant des forces qui font généralement échouer les jeunes entreprises.
C'était en partie, il l'avoue, un coup de chance.
Mais sa solide détermination y était aussi pour quelque chose,
de même que son désir de lancer l'entreprise la mieux centrée sur sa clientèle.
Dans le dernier rapport annuel de son entreprise, il souligne
que des 452 objectifs que s'était fixé Amazon.com cette année,
360 devaient avoir un impact direct sur l'expérience de la clientèle,
alors que le mot «revenu» n'y apparaît que 8 fois.
Je ne vous encouragerais pas
à vous fixer 452 objectif pour commencer l'année,
soit dit en passant.
Mais ce n'est qu'une seule des clés de la réussite de Jeff.
Une autre réside dans son talent exceptionnel
à marier commerce et technologie de manière créative,
par pure inventivité et par sa volonté
d'assumer les risques qui sous-tendent ce processus.
En effet, l'histoire d'Amazon.com
comporte de grands sauts dans le vide.
Un de ces sauts consistait à rendre possible
le feuilletage des livres en vente sur sa plateforme,
non pas à travers un simple projet pilote,
mais en réunissant les facteurs nécessaires à cette réalisation.
Ce qui nous a permis de feuilleter plus de 120000 ouvrages
dès la mise en place de cette fonction, en 2003.
Parmi ses innovations, on compte également
l'achat en un seul clic, la publication en ligne de commentaires d'usagers,
et évidemment, la liseuse électronique Kindle,
que nous avons mise à l'essai dans 3 de nos cours cet automne.
La croissance rapide d'Amazon se reflète aussi
à travers la quantité de titres disponibles à la boutique Kindle,
dont le nombre a atteint 460000 en 2009,
2 ans seulement après son ouverture.
De là, impossible de revenir en arrière.
«Notre espoir, c'est que chaque titre,»
«chaque livre imprimé, dans toutes les langues,»
«soit rendu disponible en moins de 60 secondes»,
a récemment affirmé Jeff. Une idée pleine d'audace,
certes, maisAlbert Einstein a déjà fait remarquer que
«Si une idée n'apparaît pas absurde au premier abord,»
«c'est qu'elle est vouée à l'échec.»
Peut-être l'American Academy of Achievements
a-t-elle le mieux résumé le legs de M. Bezos
par la phrase suivante: «Après avoir déjà»
«révolutionné la façon dont le monde achète des livres,»
«Jeff Bezos s'applique maintenant à transformer la façon»
«dont nous les liront désormais.»
J'aime penser que Princeton a contribué
à jeter les fondations de cette révolution.
Rêveur et faiseur;
entrepreneur et ingénieur;
agréablement modeste
même en regard de son inimaginable réussite,
Jeff a de quoi rendre fière son alma mater.
C'est avec grand honneur et grand plaisir
que je l'accueille de nouveau à Old Nassau en ce jour.
[Applaudissements]
[...]
Quand j'étais enfant,
je passais mes étés chez mes grands-parents,
sur leur ranch au Texas.
J'aidais à réparer les moulins à vent,
à vacciner le bétail,
et à toutes sortes d'autres tâches.
Nous regardions aussi des feuilltons télévisés chaque après-midi,
surtout Des Jours et Des Vies.
Mes grands-parents étaient membres d'un club caravane,
un groupe de propriétaires de roulottes Airstream
qui ensemble parcouraient les États-Unis et le Canada.
Et certains étés,
nous nous joignions à la caravane.
Nous fixions la roulotte
à la voiture de mon grand-père
et partions sur la route.
En procession avec quelque 300 autres
aventuriers en roulotte.
J'adorais, je vénérais mes grands-parents.
J'avais vraiment hâte à ces voyages.
Au cours de l'un d'eux -
je devais avoir 10 ans -,
je me faisais trimballer
sur la grande banquette
à l'arrière de la voiture,
mon grand-père était au volant
et ma grand-mère occupait le siège passager.
Elle fumait des cigarettes durant tout le voyage.
Et je détestait cette odeur.
[...]
À cet âge-là, je me trouvais la moindre excuse
pour calculer des approximations et un peu d'arithmétique.
Je calculais notre consommation d'essence,
j'établissais des statistiques inutiles à propos de choses comme nos dépenses d'épicerie.
J'avais suivi une campagne publicitaire sur le tabagisme.
Je ne me souviens pas des détails, mais en gros, ces pubs disaient:
«Chaque bouffée de fumée de cigarette»
«raccourcit votre vie d'un certain nombre de minutes.»
Il me semble que c'étaient 2 minutes par bouffée.
quoi qu'il en soit, j'avais décidé
de tirer ça au clair pour ma grand-mère.
J'avais fait l'estimé du nombre de cigarettes par jour
et du nombre de bouffées de fumée par cigarette, et ainsi de suite.
Une fois arrivé à un chiffre
que je jugeais satisfaisant,
j'ai avancé ma tête à l'avant de la voiture,
donné une petite tape sur l'épaule de ma grand-mère,
et proclamé, tout fier:
«À 2 minutes par bouffée de fumée,»
«tu viens de raccourcir ta vie de 9 ans!»
[...]
Je garde un souvenir très clair de ce qui s'est passé ensuite.
Et ce ne fut pas ce à quoi je m'étais attendu.
[...]
Je m'attendais à ce qu'on applaudisse mon ingéniosité
et mes prouesses d'arithmétique.
[...]
«Jeff, quelle intelligence!»
«Tu as dû faire des calculs très complexes,»
«compter combien de minutes dure une année,»
«puis faire des divisions...»
Ce n'est pas ce qui s'est passé.
À la place,
ma grand-mère a fondu en larmes.
[...]
Assis au fond de la banquette arrière,
je ne savais pas quoi faire tandis que ma grand-mère pleurait.
Mon grand-père, qui jusque-là conduisait en silence,
a rangé la voiture aur l'accotement.
Il est sorti de la voiture,
en a fait le tour pour venir ouvrir ma porte,
et a attendu que je le suive. Étais-je dans le pétrin?
Mon grand-père était un homme d'une grande intelligence,
un homme calme.
Il ne m'avait jamais parlé avec sévérité,
et peut-être qu'il s'apprêtait à le faire pour la première fois.
Ou peut-être qu'il me demanderait de rentrer dans la voiture
pour faire mes excuses à ma grand-mère.
Je n'avais aucune exérience dans ce domaine
en ce qui concernait mes grands-parents,
et il n'y avait pas moyen de savoir quelles seraient les conséquences.
Nous nous sommes arrêtés près de la roulotte.
Mon grand-père m'a regardé,
et après un court silence,
il m'a it, gentiment et calmement:
«Jeff, un jour,»
«tu comprendras»
«qu'il est plus difficile d'être gentil»
«que d'être futé.»
[...]
Aujourd'hui, je suis venu vous parler
de la différence
entre avoir un don et faire un choix.
L'intelligence est un don.
La bonté est un choix.
Les dons nous viennent facilement - ils nous sont donnés, après tout.
Les choix viennent moins facilement.
On peut se laisser séduire par ses propres dons
si l'on ne prend garde.
Et quand ça se produit, c'est probablement
au détriment de ses choix.
Cette assemblée possède sans doute bien des dons.
Je me doute bien que parmi ceux-ci
on compte le don de l'intelligence et d'un cerveau doué.
J'en ai la quasi-certitude, parce que
le système d'admission à cette université est rigoureux, et si vous ne montriez pas
quelques signes d'intelligence,
le registraire ne vous aurait pas permis de vous inscrire.
[...]
Votre intelligence vous servira sûrement
dans ce monde de tous les possibles.
Nous, les humains, par notre tenance au dur labeur,
nous étonnerons nous-mêmes,
nous saurons inventer des moyens de générer une énergie propre -
et en grande quantité -, atome après atome,
nous construirons des dispositifs capables de pénétrer une cellule
et de la réparer...
Ce mois-ci, nous avons appris une nouvelle extraordinaire mais inévitable:
nous pouvons désormais recréer la vie de manière synthétique.
Dans les années à venir, nous pourrons même faire mieux,
nous la recréerons suivant des critères spécifiques.
Je suis certain que nous arriverons même à comprendre le cerveau humain.
Jules Verne, Mark Twain,
Galilée, Newton,
tous les curieux de l'histoire
auraient souhaité vivre encore
et plus que jamais à notre époque.
Chaque civilisation est dotée d'un certain nombre de dons.
Tout comme vous, en tant qu'individus,
avez reçu un nombre limité de dons.
Quel usage ferez-vous de ces dons?
En retirerez-vous de la fierté
ou serez-vous plutôt fiers de vos choix?
L'idée de créer Amazon m'est venue il y a 16 ans.
Je venais d'apprendre que l'utilisation d'Internet
augmentait de 2300 pour cent chaque année.
Je n'avais jamais vu ni entendu parler
de quoi que ce soit dont la croissance était aussi rapide.
L'idée d'ouvrir une librairie en ligne
pour y offrir des millions de titres,
chose qui n'existerait tout simplement jamais de façon matérielle,
m'excitait énormément.
Je venais d'avoir 30 ans
et j'étais marié depuis 1 an.
J'ai confié à ma femme, Mackenzie, que je voulais quitter mon poste
et me lancer dans cette folle aventure
qui était sans doute vouée à l'échec,
comme la plupart des entreprises naissantes,
et que je ne savais pas trop ce qui allait s'ensuivre.
Mackenzie, elle aussi diplômée de Princeton,
assise ici dans la deuxième rangée,
était d'avis que je devais foncer.
Petit garçon, j'avais adoré
faire des inventions dans notre garage.
J'avais inventé un système de fermeture automatique des portes de la clôture
avec des pneus remplis de ciment,
une cuiseuse solaire qui ne fonctionnait pas très bien,
à partir de pellicule d'aluminium et d'un parapluie,
des pièges avec des poêles à frire, pour contrôler l'accès de mes frères et sœurs.
J'avais toujours voulu être un inventeur
et ma femme m'a encouragé à écouter cette passion.
[...]
Je travaillais alors pour une firme de la finance à New York
avec des gens très intelligents,
et j'avais un patron très brillant que j'amirais beaucoup.
Je suis allé parler à mon patron
pour lui expliquer que j'allais partir ma propre entreprise
de vente de livres en ligne.
Nous avons fait une longue promenade dans Central Park,
durant laquelle il m'a écouté attentivement,
puis m'a dit enfin:
«Ça me semble une excellente idée.»
«Mais elle aurait valu encore mieux»
«si tu n'avais pas déjà un bon emploi.»
[Rires]
Son raisonnement me semblait logique
et il m'a convaincu d'y réfléchir pendant 48 heures
avant de trancher.
[...]
Vu sous cet angle, c'était vraiment une dure décision à prendre.
Mais finalement, je me suis décidé
à mettre mon plan à l'essai.
Je ne pensais pas regretter un jour
d'avoir essayé avant d'échouer.
Et je me doutais que je serais hanté
par la décision de ne rien essayer du tout.
[...]
Après bien des réflexions,
j'ai quitté le chemin des certitudes
pour me diriger vers ma passion.
Et je suis fier de ce choix.
[...]
Demain,
littéralement, votre vie,
cette vie inédite dont vous seul êtes l'auteur,
va débuter.
Quel usage ferez-vous de vos dons?
Quels choix ferez-vous?
Vous laisserez-vous guider par l'inertie
ou suivrez-vous vos passions?
Obéirez-vous à des dogmes
ou serez-vous un original?
Opterez-vous pour une vie de facilité
ou pour une vie de service et d'aventure?
Vous flétrirez-vous sous les critiques
ou affirmerez-vous vos convictions?
Dans le tort, feindrez-vous l'innocence
ou offrirez-vous vos excuses?
Barderez-vous votre cœur
pour le protéger du rejet
ou serez-vous guidé par vos coups de foudre?
Serez-vous prudent
ou bien bravache?
Devant l'obstacle, baisserez-vous les bras
ou resterez-vous implacable?
[...]
Vous montrerez-vous cynique
ou serez-vous un bâtisseur?
[...]
Vous montrerez-vous futé
aux dépens d'autrui
ou vous montrerez-vous bon?
[...]
Je vais risquer une prédiction.
Quand vous aurez 80 ans
et, dans un moment de tranquillité
et de réflexion,
vous vous raconterez à part vous-même
la version la plus personnelle
de l'histoire de votre vie,
votre récit à la fois le plus concis
et le plus signifiant
sera celui de la suite des choix que vous aurez faits.
Au bout du compte,
nous incarnons nos choix.
Bâtissez-vous une belle histoire.
Merci et bonne chance.
[Applaudissements]