Je suis un agent perturbateur de beauté. (Encouragements) Je plaide en faveur de la confiance en soi. Mais avant tout, je suis une femme qui en a marre des standards de beauté linéaires. (Encouragements) J'ai grandi ici, à Detroit, où la femme noire idéale doit avoir un teint clair et des longs cheveux. Ma peau est couleur chocolat. J'ai toujours eu plus de courbes, j'ai eu un espace entre deux dents et j'avais les fesses plates. Je les ai gardées. Mais je me rappelle très bien avoir entendu un type me décrire avec des attributs que je ne possède pas. « Elle n'a même pas le teint clair. » « Elle n'a pas de fesses. » Pourtant, cela ne me touchait pas. Je me trouvais très jolie. (Rires) Ce jour-là, j'ai appris une leçon cruciale. J'ai appris comment m'aimer dans ma complétude. Plus important, j'ai appris de ne jamais permettre à l'opinion de quiconque de déterminer à ma place mes valeurs. (Encouragements) (Applaudissements) Cela fait six ans maintenant que j'ai lancé une entreprise cosmétique avec pour but de changer la manière nous envisageons la beauté pour nous-même et la manière dont nous projetons ça sur ceux qui ne nous ressemblent pas. Quand j'ai commencé à fabriquer du rouge à lèvres dans la cuisine, ce n'était pas par passion pour le maquillage. C'était parce que j'étais contrariée par le fait qu'on ne peut être séduisante que d'une seule manière. Quand on fait une recherche sur le mot « beauté », on se retrouve avec une montagne de femmes au teint clair, jeunes et minces. Comme si la beauté n'avait pas d'autres options. Une fois que ces idées ont envahi notre esprit, on finit vite par penser qu'on est moche. On observe les belles personnes et on pense qu'elles ont tout pour elles. Elles sont riches, amoureuses, heureuses et ont réussi. Et moi aussi je pourrais avoir tout ça si j'avais... si je changeais... On finit par penser qu'on n'est pas assez, qu'il nous manque quelque chose et que ça nous entrave dans notre vie car nous avons l'impression de ne pas appartenir et de ne pas mériter. Pire encore, notre manque de confiance érode notre estime personnelle. On la projette aussi sur nos sœurs, nos amies, nos cousines. Car si je ne suis pas assez, elle non plus ne peut pas être assez. Pendant des années, on a inculqué aux femmes que notre valeur est directement liée à notre apparence, notre capacité à trouver un mari et à avoir des enfants. Aujourd'hui encore, alors que les femmes occupent de plus en plus de place dans le monde des affaires et dans le monde tout court, d'ailleurs, l'idée dépassée continue de nous hanter que la beauté et notre apparence sont primordiales. On en est le témoin dans toutes les industries. Depuis Serena qui domine le tennis à Hillary, candidate à la présidence, en passant par la Louisiane où une petite fille ne fut pas autorisée à aller à l'école à cause de ses cheveux tressés. Les tresses ont toujours fait partie de la culture de la beauté africaine et afro-américaine. Ne pas l'adopter ne signifie pas qu'on ne l'accepte pas, ou qu'on ne la respecte pas. Et je ne sais pas vous, mais la dernière fois que j'ai vérifié, ma coiffure ne m'a jamais empêchée d'apprendre. Le tutu que je porte sur un court de tennis ne m'empêche pas de gagner le Grand Chelem. Et peu importe la couleur de mon tailleur, cela ne me disqualifie pas pour diriger un pays. Et puis, être séduisante, c'est quoi exactement ? Ça devrait être subjectif, non ? En fait, oui et non. Ce qui est séduisant est devenu une compréhension vulgarisée de notre empreinte culturelle. Ce que nous, en tant qu'individu, pensons être séduisant émane directement de notre environnement. C'est pour cela que les hommes cherchent à épouser une femme comme leur mère. On peut les haïr pour ça autant qu'on veut, ils ne peuvent pas s'en empêcher. C'est leur première perception de la beauté et de l'amour. Si j'avais grandi au Ghana, par exemple, j'aurais bien mieux accepté mes grosses cuisses que maintenant, en ayant grandi aux États-Unis. Au fur et à mesure que le monde est de plus en plus connecté, on constate que les standards de beauté dans le monde sont ceux qui prévalent en Occident. À un point tel que dans des pays comme l'Afrique du Sud ou la Chine, où la majorité de la population est de couleur, les femmes blanches sont omniprésentes dans les publicités. Aucune surprise donc si 70 % des femmes de Lagos se blanchissent la peau alors même qu'on connaît les effets cancérigènes du blanchissement. Cela me dit que cette industrie de 10 milliards d'euros est florissante grâce à l'idée que la beauté est linéaire. Ces femmes essaient juste de rester dans le vent. Cette idée fait que les femmes voluptueuses se sentent infirmes, que les femmes mûres ont l'impression d'avoir abandonné leur beauté avec leur jeunesse avant leur maternité, que les femmes issues d'ethnies ne se sentent pas désirées. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Certes, les femmes sont les premières touchées mais nous ne sommes pas les seules victimes. La plupart des PDG du Fortune 500 sont plus grands que la moyenne, car la taille est un critère de séduction et de pouvoir. C'est un problème multi-générationnel et neutre quant aux genres. Nos enfants grandissent en se dévalorisant, sans être capables de projeter cet amour et cette acceptation sur leurs pairs. Ces enfants grandiront avec peu d'estime de soi et deviendront des consommateurs de régimes miracles ou de chirurgie esthétique. Avez-vous remarqué cette tendance croissante au recours à la chirurgie ? Depuis 2000, la chirurgie esthétique des fesses et des cuisses a augmenté de 4 200%. C'est hallucinant. Cela m'évoque mon enfance, quand je pensais que je n'avais pas de fesses. Sans cette confiance en moi pour persévérer, je ferais partie de ces statistiques. Comment changer alors ? Par où commencer pour s'aimer soi-même ? On doit d'abord déterminer les éléments qui déclenchent ce qui nous fait nous sentir moins bien. Est-ce le temps passé sur les réseaux sociaux ? Faudra peut-être s'en détacher. Est-ce le shopping ? Ou bien est-ce simplement une visite chez grand-maman qui vous dit que vous avez tant grossi depuis la dernière fois qu'elle vous a vue. Une fois que vous avez trouvé ces éléments, détachez-vous-en. Oui, je vous ai bien suggéré de mettre grand-maman à la poubelle si c'est elle la raison. (Rires) Vous devez être prêtes à vous battre pour votre identité dans cette société pétrie de pop culture. Je vous mets donc au défi : quand vous rentrerez à la maison, regardez-vous dans un miroir, regardez-vous dans votre complétude, portez votre regard sur votre grandeur incarnée par votre corps, acceptez-la et aimez-la. Et demain, en quittant la maison, essayez de projeter ce même amour et cette acceptation sur une personne qui ne vous ressemble pas. Merci. (Applaudissements) (Encouragements)