J'ai pris l'avion pour venir à TED
et, en attendant à l'aéroport,
j’ai vu un ami de la famille
que je n'avais pas vu depuis longtemps.
Nous l'appelons oncle Anwar
et il est le portrait craché de Babar
d'une comédie canadienne :
La Petite Mosquée dans la prairie.
(Rires)
Il aime porter son pyjama
traditionnel de Kurta,
il arbore une barbe, et il a l'accent
pakistanais le plus adorable.
Donc, il a accouru vers moi,
m'a donné un gros câlin
et a dit : « Comment vas-tu ?
Que fais-tu ces temps-ci ? »
Je lui ai dit je suis devenu
professeur d'études islamiques,
et j'étais assez occupé, prenant
l’avion partout et donnant des conférences
pour aider les gens à comprendre
un peu plus l'Islam,
surtout après le 11 septembre.
Il m'a regardé droit
dans les yeux et a dit :
« Ne me parle pas du 11 septembre !
Partout, tout le monde me regarde comme si
j'étais responsable du 11 septembre !
Moi, responsable du 11 septembre ?
7-Eleven peut être,
mais pas 11 septembre ! »
(Rires et applaudissements)
Comme j'ai dit à oncle Anwar,
je me déplace beaucoup,
donnant des conférences,
l'une d'entre elles
était au National Press Club.
A cette époque, la substance MDH
a fait l'objet de nombreuses discussions.
En fait, en Idaho, 86%
de ceux qui ont été interrogés
voulaient une interdiction
de cette substance.
Je voudrais vous dire un nombre de faits
importants au sujet de cette substance
et ensuite demander votre opinion.
Tous les faits dont je vais vous parler
ont été publiés dans une littérature
examinée par des pairs
et ont été vérifiés par
les meilleurs scientifiques
d’Harvard, du MIT, des universités
de Toronto et d'Oxford.
MDH est incolore, inodore et insipide.
L’exposition prolongée au MDH solide
endommage les tissus du corps humain.
Les symptômes de MDH comprennent
transpiration excessive, mictions,
ballonnements, nausée, vomissements
et déséquilibre des électrolytes du corps.
Le MDH a été trouvé dans les tumeurs
excisées des cancéreux en phase terminale.
L'inhalation accidentelle de MDH
est la troisième principale cause
de décès non intentionnel dans le monde
avec presque 400 000 morts chaque année,
selon l'Organisation Mondiale de la Santé.
Pour ceux qui deviendront dépendants,
le sevrage de MDH signifie
une mort certaine.
Combien d'entre vous permettraient
la libre disponibilité du MDH ?
Presque personne.
Vous êtes entièrement d'accord
avec les gens du National Press Club
avec qui j'ai parlé.
Permettez-moi de vous en dire
un peu plus à ce sujet.
Le MDH est le monoxyde de dihydrogène.
Il est également connu comme
étant l'hydroxyde d'hydrogène.
Mais la plupart le connaissent
probablement par son nom courant,
qui est l'eau.
Chaque fait que je viens de vous citer
était vérifiable par les meilleurs
scientifiques du monde entier.
Et pourtant, presque tout le monde
dans cet auditoire
était prêt à limiter notre accès à l'eau.
Lorsque nous avons seulement
un certain sous-ensemble de l'information,
nous sommes susceptibles
de faire des erreurs de jugement
et de prendre de mauvaises décisions.
L'histoire du MDH en révèle beaucoup
sur le sujet dont je veux vous parler,
un autre type de MDH qui est beaucoup
plus injuste que celui-ci.
Le premier MDH est
le monoxyde de dihydrogène,
mais le deuxième est les
Musulmans DésHumanisés.
Media Tenor,
une organisation mondiale pour
les renseignements des médias stratégiques
a examiné près d'un million
d'articles sur les musulmans
dans les organes de presse
américains et européens.
98% des histoires étaient à propos
des militants musulmans.
Seulement 2% d'entre eux étaient à propos
des 1,5 milliard de musulmans ordinaires,
un quart de la population de notre monde,
avec qui nous partageons cette planète.
Nous pouvons tracer un parallèle entre
cela et ce que je vous ai dit sur le MDH.
Quand toutes les informations
en notre possession
représentent un sous-ensemble
extrêmement inhabituel,
non seulement nous ne parvenons pas
à répondre à ce sous-ensemble,
mais nous comprenons
complètement mal le problème.
Nous avons confondu les actions
d'une portion infinitésimale
des musulmans dans le monde,
ces 1,5 milliard de personnes
à travers le monde.
C'est comme si nous devions
prendre les actions du Ku Klux Klan,
les croix brûlées, et dire :
« Ceci est représentatif de l'ensemble
du christianisme. »
Malheureusement, ce type de confusion
est devenu de plus en plus commun,
nous pouvons le voir dans le message
sur le dos de cette camionnette, qui dit :
« Tout que j’avais besoin
de savoir sur l'islam,
je l'ai appris le 11 septembre. »
Je me souviens très bien du 11 septembre.
Je venais d'être nommé
à la faculté de l'Université Harvard
et je me préparais
pour mon premier cours.
Je me souviens de ce cours.
Les étudiants et moi
avions du mal à comprendre
le terrible mal dont
nous venions être témoins.
Ce que j’ai trouvé très encourageant
était que chacun d'entre eux était très
ouvert d'esprit et prêt à apprendre.
Ils ont réalisé que, tout au long
de leurs années d'études,
ils n'avaient eu presque aucune
exposition au monde musulman
et donc, ils voulaient comprendre.
Ils voulaient voir ce monde
dans sa réalité.
Le contraste entre le message
à l'arrière de ce camion et ces étudiants
me rappelle un passage d'un livre
que je suis en train de traduire
par un auteur célèbre
qui s’appelle Nasiruddin Tusi,
un des scientifiques
et des philosophes musulmans
les plus célèbres du Moyen-Âge.
Ce passage-là dit :
« Celui qui ne sait pas et ne sait
pas qu’il ne sait pas est un imbécile.
Évitez-le.
Celui qui ne sait pas et sait
qu’il ne sait pas est un chercheur.
Enseignez-lui.
Celui qui sait et ne sait pas
qu’il sait est endormi.
Réveillez-le.
Et celui qui sait et sait
qu’il sait est sage.
Suivez-le. »
Le 11 septembre est gravé dans ma mémoire
pour une autre raison.
Il y est peut-être beaucoup plus présent
que pour d'autres personnes
et cette image peut l'expliquer.
Ceci est mon oncle, Salman Dhahani.
Il était un bénévole actif
dans sa communauté à New York ;
un vrai humanitaire qui soutenait toujours
des activités aidant des pays émergents.
Il était vice-président d'une entreprise
appelée Aon Insurance
qui avait ses bureaux au 99ème étage
de la tour sud du World Trade Center.
En ce jour fatidique,
quand ces avions ont percuté
ces bâtiments,
il était responsable de l'évacuation
de tous ses collègues.
Il a sauvé la vie de 80 de ses confrères
et ils se sont échappés.
Mais après qu’ils sont sortis,
c’était trop tard pour lui.
Il était piégé.
Et aujourd'hui il est enterré
sous les décombres
de ce qui était autrefois
le World Trade Center.
Il avait 63 ans.
Cette photo a été prise juste
quelques jours avant qu’il ne meure,
quand des membres de ma famille,
mon oncle Nizar, ma tante Mumtaz,
ma cousine Fatima, sont allés le voir.
Ils ont pris cette photo
devant les Nations-Unies.
Ce sont les musulmans ordinaires
dont nous n'entendons jamais parler.
Le vide de la connaissance qu’on a
à propos d'un quart de l’humanité
est très bien révélé par un sondage
qui est sorti le mois dernier,
par une société de sondage
très estimée aux États-Unis :
Public Policy Polling.
Ils ont sondé mille Américains,
des démocrates et des républicains,
et les résultats, je vous promets
que je n'aurais pas pu les inventer.
Un quart d’Américains soutiennent
le bombardement d’Agrabah !
(Rires)
Pour ceux d'entre vous qui l'ignorent,
Agrabah est le royaume mythique
du classique de Disney : Aladin.
(Rires et applaudissements)
Cela laisse perplexe
qu'un quart des personnes
voulaient bombarder un royaume imaginaire
probablement parce que c’est
peut-être quelque part au Moyen-Orient.
Mais je pense que c’est quelque chose
un petit peu révélateur, n’est-ce pas ?
Car l’image qu'on a des gens ordinaires
qui vivent dans cette partie du monde
est plutôt imaginaire, n’est-ce pas ?
Et c’est quelque chose qui, je pense,
s’est développé au fil des générations.
En réalité, c’est peut-être prescient
que ce sondage soit fait
sur le royaume imaginaire d’Aladin,
car, enfant, c'était l'un
de mes films préférés.
Et je me souviens très bien
de la première chanson du narrateur.
Il chantait : « Oh, je viens d’un pays,
D’un endroit très éloigné,
Où les chameaux aux caravanes errent,
Où ils coupent ton oreille
S'ils n'aiment pas ton visage
C’est barbare, mais hé, c’est chez moi ! »
Dès le plus jeune âge,
les enfants apprennent
que les gens de ce monde musulman
sont des gens barbares et violents.
Personne n'a fait plus de recherches
sur cela que le professeur Jack Shaheen.
Il a examiné près de mille films
produits à Hollywood
sur plus de cent années
et il en a trouvé seulement douze
qui dépeignaient des musulmans
ou des arabes sous un jour positif.
En réalité, il a conclu
que s’il y avait un homme musulman
ou un personnage arabe dans un film,
il aurait 95% de chances d'être dépeint
comme violent, cupide ou malhonnête --
95% !
Les gens comme Samuel Huntington
ont décrit notre situation actuelle
comme un
« Affrontement des civilisations. »
Des penseurs plus nuancés,
qui appréhendent et comprennent mieux
les autres parties du monde,
réalisent que ce à quoi nous faisons face
est un « Affrontement de l'ignorance ».
Comment confronter l’ignorance ?
Voici une idée qui,
à mon avis, mérite d'être propagée.
Je fais partie du conseil d’administration
du programme Madrasa
de la Petite Enfance en Afrique de l’Est,
qui entre en contact avec les régions
les plus appauvries de cet endroit,
avec des enfants qui n’ont pas
d’accès à l’éducation.
Il y a trente ans,
des chefs des communautés côtières
musulmanes de cette région
ont approché Son Altesse l'Aga Khan,
dont le grand-père a établi
les premières écoles multiraciales
dans toute la région,
pour lui demander s'il pouvait les aider
en éduquant les plus jeunes enfants
dans ces communautés désavantagées.
Depuis, ils ont développé
un programme innovant
qui a été évoqué par CNN et la BBC,
qui enseigne tous les sujets
qu'on attendrait normalement,
mais, en plus,
une partie fondamentale du programme
que mes enfants,
que vous voyez sur cette photo,
apprennent dès le plus jeune âge :
ils doivent être exposés
au pluralisme du monde.
Ils doivent entendre parler
des groupes linguistiques,
des groupes ethniques,
de la variété des tribus et des religions
qui partagent leurs villages,
leurs villes, leurs pays et notre monde.
Autrement dit, ces jeunes enfants
grandissent avec une éthique cosmopolite.
Maintenant, comme beaucoup d'entre vous
se souviennent, au début de 2008,
le Kenya était confronté
à une violence terrible.
Une violence post-électorale
a éclaté dans tout le pays,
cela a été un carnage terrible
alors que les partisans
du président Mwai Kibaki
luttaient contre les partisans
de son adversaire.
La tribu Kikuyu, la tribu Luo,
la tribu Kalenjin s'entretuaient.
Des milliers de personnes ont été tuées,
des centaines de milliers
ont été déplacées.
Au Kenya, nos 75 écoles ont été fermées.
Nous étions dans tous nos états.
Nos écoles étaient situées
dans les zones les plus pauvres du pays,
les zones les plus susceptibles
d'être impactées par cette violence.
Lorsque de la réunion
du conseil d'administration qui a suivi,
j’ai demandé immédiatement qu’un rapport
soit préparé pour nous dire :
« Qu'est-il arrivé à nos enfants ? »
« Qu'est-il arrivé aux enseignants ? »
« Comment vont les parents
bénévoles dans nos écoles ? »
« Comment vont nos communautés ? »
« Combien de personnes sont mortes ? »
Lorsque le rapport est revenu,
ce que nous avons lu nous a stupéfiés.
Pas une seule école dans nos communautés
n'avait été affectée par la violence.
Aucune.
Et je suis convaincu que c'est parce que,
durant les 30 dernières années,
ces enfants ont grandi
en entendant parler de leurs voisins,
en entendant parler des tribus,
des langues, des chansons
et des danses de tout le monde
dans leurs environs
et dans le monde autour d'eux.
Ils ont été vaccinés contre le virus
de la haine et de la déshumanisation
que les démagogues essaient
souvent de propager.
Pouvez-vous imaginer si on enseignait
aux enfants à travers le monde
comme on enseigne à ces enfants ?
Verrions-nous la violence sectaire en Irak
et en Syrie que nous voyons maintenant ?
Les problèmes raciaux aux États-Unis
seraient-ils ce qu'ils sont ?
L'islamophobie existerait-elle en occident
comme elle existe aujourd'hui ?
Vous savez, notre définition
d'une personne instruite en occident
signifie qu'elle pourrait
nous parler de Sir Isaac Newton
de Mozart, de Napoléon.
Mais nous serions bien en peine
de trouver beaucoup d'occidentaux,
même parmi les plus éduqués,
qui connaissent l'équivalent
dans le monde musulman.
Ceci est en dépit du fait
que les termes mêmes « algèbre »
et « algorithme » viennent de l'arabe,
que certaines des pièces
les plus emblématiques
de l'architecture dans le monde,
tels que le Taj Mahal,
viennent des cultures musulmanes,
et que « le Canon de la médecine »,
d'Ibn Sina,
a été pendant des siècles le manuel
de référence de la médecine en Europe.
Nous avons besoin de mettre en œuvre
dans nos programmes scolaires
une vision mondiale,
dès le plus jeune âge,
pour que les enfants grandissent
en comprenant le monde autours d'eux,
les gens qui font partie
de notre communauté.
À l'entrée de l’Organisation des Nations
Unies, il est inscrit un poème perse
par Saa’di-yi Shirazi, un poète musulman
du XIIIe siècle qui a écrit :
(Perse) Bani Adam a’za-yi
yak digarand (بنی آدم اعضای یک دیگرند)
« Les enfants d’Adam sont comme
les membres les uns des autres
Car ils ont tous été créés d’un seul âme
Quand les vents du temps
affectent un membre avec la douleur,
Comment les autres membres
peuvent-ils rester en paix ?
Toi qui ne ressens pas
la douleur des autres
Comment oses-tu
t'appeler enfant d’Adam ?
Comment oses-tu
t'appeler être humain ? »
Ce sentiment que nous sommes
une famille humaine
a récemment mené à certaines des histoires
les plus inspirantes
et pleines de courage.
Ces derniers mois,
à la suite des attaques terroristes,
quelques individus occidentaux extrémistes
se sont retournés contre
les musulmans parmi eux,
qui n'ont rien à voir
avec ces attentats terroristes.
Nous avons vu des femmes poussées
devant des bus en mouvement,
des mosquées détruites par le feu,
et la tête d’un cochon jeté
dans une école pour enfants.
Mais quand ces incidents
ont commencé à se produire
et que les musulmans avaient
peur de sortir dans leurs communautés,
en l'espace de quatre heures
150 000 tweets venant Australie,
avec le hashtag
« I'll ride with you » sont sortis.
« J'irai avec vous. »
Nous sommes avec vous.
Vous faites partie de notre communauté.
Vous n'avez pas à être inquiets.
Il y a quelques semaines,
des militants d'al-Shabab ont attaqué
un bus sur le chemin de Mandera
à la frontière de la Somalie et du Kenya.
Ils ont essayé de faire sortir
les chrétiens du bus
pour les exécuter de sang froid,
mais les musulmans de ce bus
ont refusé de laisser leurs frères
et leurs sœurs chrétiens être massacrés.
Ils ont dit aux terroristes :
« Vous ne prendrez pas ces chrétiens. »
« Si vous voulez les tuer,
vous nous tuerez tous. »
Ces terroristes avaient si peur
qu’ils se sont enfuis.
Si nous sommes armés
de la connaissance de notre voisin,
les gens qui composent notre monde,
nous aurons les instruments
pour tenir tête à quiconque
qui espère déshumaniser les autres,
qui espère nous diviser.
Selon les mots de Sa’di de Shiraz,
nous sommes tous les enfants d’Adam,
nous sommes tous une famille humaine.
Merci.
(Applaudissements)