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Des pollutions numériques à l’écologie intérieure | Florence Rodhain | TEDxNarbonne

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    14h10.
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    J'interviens dans un institut
    d'enseignement supérieur,
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    à la fac.
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    Dans une ville que je connais peu
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    et je suis en retard.
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    Je ne connais pas ces étudiants.
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    J'arrive dans le couloir,
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    personne...
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    C'est le silence absolu,
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    ils doivent tous être rentrés chez eux.
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    J'ouvre la porte de la classe : Oh !
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    Ils sont tous là.
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    Ils sont tous là, sagement assis,
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    tranquilles, derrière leur écran.
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    C'est à peine s'ils me voient.
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    Je me glisse derrière un étudiant
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    ou plutôt : derrière un étudiant
    et son écran.
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    Tu... joues au MMORPG,
    tu es chef de guilde ?
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    Je fais la maligne,
    mais je ne joue pas aux jeux vidéo.
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    Par contre, j'ai un doctorant
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    qui a fait sa thèse
    sur les jeux en ligne multi-joueurs.
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    (Elle renifle.)
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    « Vous êtes enfermés dans cette salle
    depuis 8h ce matin, non ?
  • 1:08 - 1:09
    - Euh oui, comment vous le savez ?
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    - Ben, l'odeur... »
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    (Rires)
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    Je ne suis pas mentaliste
    mais j'ai un odorat,
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    et une vue suffisante pour constater
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    l'absence de fenêtre.
  • 1:20 - 1:22
    « C'est pas dur d'être
    dans une salle sans fenêtre ?
  • 1:22 - 1:25
    - Ben, on voit mieux nos écrans
  • 1:25 - 1:28
    et puis c'est mieux
    pour le tableau numérique. »
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    Ah, le tableau numérique !
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    La salle de classe est super moderne.
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    Les tables sont hyper larges
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    permettant de disposer de deux écrans
    simultanément.
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    Quand on appuie sur un rond sur la table,
  • 1:43 - 1:45
    un tube encastré sort,
  • 1:45 - 1:48
    permettant de brancher
    trois prises simultanément.
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    Devant moi, l'étudiant a branché
    l'ordinateur donné par l'institution,
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    un iPad, un iPhone.
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    Entre la lumière artificielle,
    l'absence d'air respirable,
  • 2:00 - 2:03
    tous les appareils connectés,
    l'absence d'espace pour circuler,
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    d'ici à la fin du cours,
    c'est la migraine assurée.
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    « Alors, chers amis,
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    si vous vouliez bien enfin
    vous débarrasser de vos prothèses,
  • 2:12 - 2:14
    on pourrait commencer le cours. »
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    Les étudiants : « Oh mais,
    c'est quoi, nos prothèses ? »
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    Je suis docteure
    en systèmes d'information.
  • 2:22 - 2:24
    J'ai vécu et travaillé
    sur tous les continents
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    où j'ai pu investiguer la question
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    de l'incidence du numérique
    sur les écosystèmes.
  • 2:29 - 2:31
    Je suis maître de conférences
  • 2:31 - 2:34
    à l'école polytechnique universitaire
    de Montpellier.
  • 2:34 - 2:38
    Depuis 10 ans, je dirige une équipe
    de recherche en systèmes d'information
  • 2:38 - 2:39
    dans un laboratoire.
  • 2:39 - 2:43
    Mon travail, c'est de mener
    et diriger des recherches,
  • 2:43 - 2:46
    puis de les publier, de les transmettre
  • 2:46 - 2:51
    dans des conférences, des livres
    ou des articles scientifiques.
  • 2:51 - 2:53
    Mon travail, c'est aussi d'enseigner.
  • 2:53 - 2:56
    Et depuis 15 ans, j'enseigne
    la communication inter-personnelle
  • 2:56 - 2:58
    et le leadership.
  • 2:58 - 3:01
    La situation que je viens
    de vous décrire tout à l'heure,
  • 3:01 - 3:04
    je l'ai vraiment vécue,
  • 3:04 - 3:07
    et c'est ce que vivent la plupart
    des profs aujourd'hui.
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    Aujourd'hui, quand un prof rentre
    dans une salle de classe,
  • 3:10 - 3:13
    il y a un nouveau tiers
    entre lui et l'élève,
  • 3:13 - 3:16
    et ce nouveau tiers, c'est l'écran.
  • 3:16 - 3:19
    D'ailleurs, dans certains amphis,
  • 3:19 - 3:21
    suivant l'inclinaison de la pente,
  • 3:21 - 3:26
    c'est à peine si le prof voit la tête
    de ses élèves derrière l'écran.
  • 3:26 - 3:30
    Vous avez déjà parlé à un écran ?
  • 3:30 - 3:33
    C'est super motivant !
  • 3:33 - 3:35
    C'est très très motivant.
  • 3:35 - 3:38
    Quand j'étais doctorante, j'étais attirée
  • 3:38 - 3:43
    par la recherche, pas par l'enseignement.
  • 3:43 - 3:46
    Et puis un jour je me suis retrouvée
    devant une classe sans y être préparée.
  • 3:46 - 3:49
    C'est comme ça, la fac,
    quand vous êtes chercheur,
  • 3:49 - 3:51
    vous devez être enseignant.
  • 3:51 - 3:54
    Alors, je me suis formée, seule, à côté.
  • 3:54 - 3:57
    Des formations où le corps avait sa place.
  • 3:57 - 3:59
    J'ai consulté une phoniatre,
  • 3:59 - 4:00
    une orthophoniste.
  • 4:00 - 4:03
    Je travaillais ma respiration.
  • 4:03 - 4:05
    J'ai suivi différentes formations :
  • 4:05 - 4:07
    une formation en somatothérapie,
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    une formation en technesthésie
    pour placer la voix au bon endroit.
  • 4:12 - 4:14
    Une formation en leadership,
  • 4:14 - 4:18
    une formation en communication
    inter-personnelle, en méditation, etc...
  • 4:18 - 4:23
    Je suis allée vivre dans une université
    en Inde pour apprendre à étudier
  • 4:23 - 4:27
    comment eux font pour mettre le corps
    au centre de l'apprentissage,
  • 4:27 - 4:29
    en particulier avec le yoga.
  • 4:30 - 4:34
    J'ai vécu dans un ashram,
    et je me suis retirée avec des méditants,
  • 4:34 - 4:36
    pour apprendre à calmer,
  • 4:36 - 4:39
    et apprendre à apprendre
    à calmer le mental,
  • 4:39 - 4:43
    pour le rendre accessible
    à un véritable apprentissage.
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    En fait, sans le savoir,
    je me suis formée pour affronter,
  • 4:50 - 4:55
    je me suis armée pour affronter ce qui
    allait arriver bien des années plus tard :
  • 4:55 - 4:56
    ces fameux écrans.
  • 4:56 - 4:58
    Parce ce qu'aujourd'hui,
  • 4:58 - 5:00
    un jeune prof qui déboule
    dans une salle de classe
  • 5:00 - 5:03
    est confronté à une sacrée concurrence.
  • 5:03 - 5:06
    Peut-il faire concurrence aux likes,
  • 5:07 - 5:09
    aux séries,
  • 5:10 - 5:11
    aux jeux vidéo ?
  • 5:12 - 5:15
    N'y a-t-il pas concurrence déloyale ?
  • 5:17 - 5:20
    Cette question, je me la pose depuis 2011.
  • 5:20 - 5:23
    2011, en France, que se passe-t-il ?
  • 5:23 - 5:27
    L'année où on commence à distribuer
  • 5:27 - 5:31
    des ordinateurs, des iPads,
    à tout va à tous les élèves,
  • 5:31 - 5:34
    les étudiants qui rentrent
    en première année.
  • 5:34 - 5:38
    A ce moment-là, une étudiante
    vient me trouver au laboratoire.
  • 5:38 - 5:42
    Elle souhaite réaliser sa thèse
    de doctorat sous ma direction.
  • 5:42 - 5:44
    Elle parle cinq langues couramment.
  • 5:44 - 5:47
    Elle possède plusieurs passeports.
  • 5:47 - 5:50
    Elle a vécu dans différents pays
    aux cultures très différentes.
  • 5:50 - 5:55
    Bref, elle a le profil parfait
    de la parfaite agent secrète.
  • 5:56 - 6:01
    Alors, je lui propose de s'infiltrer
    dans les cours.
  • 6:01 - 6:05
    Elle se fait passer pour
    une étudiante Erasmus.
  • 6:05 - 6:07
    Pendant des années,
    elle va partager le quotidien
  • 6:07 - 6:12
    de la vie des étudiants de Bac+3 à Bac+5.
  • 6:12 - 6:16
    Tous les jours, elle va
    dans les cours avec eux
  • 6:16 - 6:17
    et elle se place systématiquement
  • 6:17 - 6:21
    au fond de la salle de classe
    ou au fond de l'amphi.
  • 6:21 - 6:24
    Et, avec une patience infinie,
  • 6:24 - 6:27
    elle note, à la seconde près,
  • 6:27 - 6:28
    ce que font, réellement,
  • 6:28 - 6:34
    les étudiants avec l'iPad
    qui leur a été distribué par l'école.
  • 6:35 - 6:37
    Elle enquête ainsi sur le terrain
  • 6:37 - 6:39
    pendant 1 600 heures.
  • 6:40 - 6:45
    Quels sont les résultats de sa thèse
    de doctorat qui a duré 5 ans ?
  • 6:46 - 6:47
    Les voici.
  • 6:50 - 6:54
    Pendant une heure et demie de cours,
  • 6:54 - 6:57
    les étudiants passent en moyenne
  • 6:57 - 7:01
    18 minutes sur Facebook ;
  • 7:01 - 7:06
    17 minutes à jouer à divers jeux vidéo ;
  • 7:06 - 7:09
    10 minutes à regarder des vidéos
    sans rapport avec le cours,
  • 7:09 - 7:11
    des vidéos distractives, etc..
  • 7:11 - 7:12
    Je vous passe les détails.
  • 7:12 - 7:15
    Ce qu'il faut retenir, c'est que sur
    une heure et demie de cours :
  • 7:15 - 7:18
    pendant une heure,
    ils ont des usages distractifs,
  • 7:18 - 7:20
    sans aucun lien avec le savoir,
  • 7:20 - 7:24
    un quart d'heure, en gros où ils
    l'utilisent en lien avec l'enseignement,
  • 7:24 - 7:27
    et un quart d'heure
    où ils ne l'utilisent pas.
  • 7:27 - 7:30
    Donc, quand ils l'utilisent :
  • 7:30 - 7:33
    c'est à 80% pour un usage distractif
  • 7:33 - 7:38
    et seulement à 20% pour un usage
    en lien avec le savoir.
  • 7:40 - 7:43
    Je ne comptais pas en rester là.
  • 7:44 - 7:48
    J'ai écrit un livre grand public
    sur les pollutions numériques.
  • 7:48 - 7:52
    Je ne vais pas vous parler ici
    des pollutions matérielles,
  • 7:52 - 7:53
    pollution des sols,
  • 7:53 - 7:58
    pollution de l'air, de l'eau,
    du champ électromagnétique,
  • 7:58 - 8:01
    du corps humain, des animaux,
    des végétaux,
  • 8:01 - 8:02
    pollution en CO2.
  • 8:02 - 8:04
    Aujourd'hui, on sait que
    le numérique pollue
  • 8:04 - 8:06
    un tiers de fois plus que l'aviation.
  • 8:06 - 8:11
    En 2025, il polluera trois fois
    plus que l'aviation.
  • 8:11 - 8:14
    En revanche, je vais vous parler
    des pollutions
  • 8:14 - 8:17
    que j'ai nommées immatérielles.
  • 8:17 - 8:21
    Ces pollutions immatérielles,
    ce sont les pollutions
  • 8:21 - 8:24
    dans la relation à l'environnement,
  • 8:24 - 8:26
    la pollution dans la relation à l'autre,
  • 8:26 - 8:32
    et peut-être la pire qui soit,
    la pollution dans la relation à soi.
  • 8:32 - 8:34
    Mais, il faut compter aussi désormais
  • 8:34 - 8:38
    sur la pollution dans la relation
    au savoir et au langage,
  • 8:38 - 8:44
    et corollairement, la pollution
    à l'égalité des chances.
  • 8:44 - 8:46
    D'après mes recherches,
  • 8:46 - 8:49
    sur une journée de cours,
  • 8:49 - 8:51
    un étudiant passe en moyenne
  • 8:51 - 8:53
    une heure,
  • 8:55 - 8:55
    une heure
  • 8:55 - 8:59
    à regarder des vidéos distractives
  • 8:59 - 9:01
    sur son iPad,
  • 9:01 - 9:02
    distribué par l'école,
  • 9:02 - 9:03
    pendant les cours.
  • 9:03 - 9:06
    Or, 82% de tout le trafic internet
  • 9:06 - 9:10
    est dévolu aux vidéos,
    c'est ce qui pollue le plus.
  • 9:10 - 9:11
    Donc quand un étudiant
  • 9:11 - 9:12
    passe une heure de son temps
  • 9:12 - 9:15
    pendant les cours à regarder
    des vidéos distractives,
  • 9:15 - 9:17
    non seulement il pollue
    sa relation au savoir,
  • 9:17 - 9:19
    mais il pollue la planète.
  • 9:24 - 9:28
    Le temps passé par les enfants
    devant les écrans
  • 9:28 - 9:30
    ne cesse de croître.
  • 9:30 - 9:35
    Tandis que décroissent les temps
    consacrés au sommeil,
  • 9:35 - 9:37
    à l'activité physique,
  • 9:39 - 9:41
    à la lecture, aux échanges.
  • 9:41 - 9:47
    Cela favorise l'agressivité,
    l'impulsivité, l'hyperactivité,
  • 9:47 - 9:48
    la dépression,
  • 9:50 - 9:51
    l'anxiété,
  • 9:52 - 9:55
    les troubles du comportement,
  • 9:55 - 9:57
    les troubles de l'attention,
  • 9:57 - 9:59
    la mémorisation,
  • 10:01 - 10:04
    le développement cognitif normal,
  • 10:04 - 10:07
    la maturation cérébrale,
  • 10:07 - 10:08
    et les corps,
  • 10:08 - 10:12
    les corps de ces enfants
    sont soumis à rude épreuve aussi :
  • 10:12 - 10:15
    risque cardio-métabolique,
  • 10:17 - 10:19
    obésité,
  • 10:19 - 10:20
    diabète,
  • 10:20 - 10:24
    réponse immunitaire défaillante,
  • 10:24 - 10:26
    et j'en passe, et j'en passe.
  • 10:30 - 10:34
    Les corps, oui, mais peut-être
    pas tous les corps.
  • 10:35 - 10:36
    A votre avis,
  • 10:38 - 10:42
    quels sont les enfants
    à l'abri des écrans ?
  • 10:46 - 10:49
    J'ai posé cette question en cours.
  • 10:50 - 10:53
    Une étudiante m'a répondu : les aveugles.
  • 10:53 - 10:55
    (Rires)
  • 11:01 - 11:03
    Les enfants épargnés par les écrans
  • 11:03 - 11:07
    sont les enfants issus
    des milieux favorisés.
  • 11:08 - 11:11
    Aux États-Unis, les enfants
    entre 0 et 8 ans
  • 11:11 - 11:15
    dont les parents gagnent
    moins de 2 500 $ par mois
  • 11:15 - 11:18
    passent deux fois plus de temps
    devant les écrans
  • 11:18 - 11:23
    que les enfants dont les parents
    gagnent plus de 6 500 $ par mois.
  • 11:24 - 11:28
    Un enfant issu d'un milieu non favorisé
  • 11:28 - 11:31
    a beaucoup plus de chances
    d'avoir une télévision dans sa chambre.
  • 11:31 - 11:35
    Il passe deux fois plus de temps
    devant les écrans.
  • 11:37 - 11:39
    Il a plus de chances d'être
    en échec scolaire
  • 11:39 - 11:42
    et son espérance de vie est réduite.
  • 11:43 - 11:46
    De plus, les institutions
    n'aident pas les parents.
  • 11:46 - 11:48
    Aux États-Unis,
  • 11:48 - 11:50
    dans 45 États sur 50,
  • 11:50 - 11:56
    on a supprimé l'apprentissage obligatoire
    de l'écriture manuscrite à l'école.
  • 11:56 - 12:00
    Les enfants apprennent directement
    à apprendre sur un clavier,
  • 12:01 - 12:05
    perdant de fait des aptitudes
    très importantes.
  • 12:07 - 12:13
    Alors, on continue à la sacrifier,
    notre jeunesse ?
  • 12:14 - 12:18
    Et surtout la jeunesse issue
    des milieux défavorisés ?
  • 12:23 - 12:25
    J'essaie de ne pas baisser les bras.
  • 12:25 - 12:28
    Bien avant le développement des écrans,
  • 12:28 - 12:31
    je donnais des cours de communication
    inter-personnelle.
  • 12:32 - 12:34
    Dans mes cours,
  • 12:34 - 12:36
    j'invite les étudiants
  • 12:37 - 12:39
    à se connecter avec eux-mêmes,
  • 12:40 - 12:42
    à prendre conscience d'eux,
  • 12:42 - 12:44
    qui est une condition pour vivre libre,
  • 12:44 - 12:47
    pour vivre de façon éthique,
    de façon responsable.
  • 12:47 - 12:49
    Mais aujourd'hui,
  • 12:49 - 12:52
    ces cours sont d'autant
    plus indispensables
  • 12:52 - 12:54
    que le numérique est arrivé.
  • 12:54 - 12:57
    Car, ces doudous numériques
  • 12:57 - 12:58
    exercent une tendance
  • 12:58 - 13:03
    à nous sortir à l'extérieur de nous-mêmes,
    ils nous extirpent de nous.
  • 13:03 - 13:05
    Ils renforcent en cela
  • 13:05 - 13:10
    une tendance peut être actuelle
    de l'être humain sédentarisé
  • 13:10 - 13:12
    vivant dans les sociétés modernes,
  • 13:12 - 13:16
    à moins voir, à moins entendre,
    à abandonner son corps.
  • 13:16 - 13:22
    Le corps, le corps, le corps,
    ce grand absent de l'enseignement.
  • 13:22 - 13:24
    Le corps de l'enseignant,
  • 13:24 - 13:26
    le corps de l'étudiant.
  • 13:27 - 13:29
    L'être est coupé en deux.
  • 13:29 - 13:31
    On s'adresse uniquement à l'intellect,
  • 13:31 - 13:34
    on s'adresse aux fonctions cognitives.
  • 13:35 - 13:39
    Le corps... l'être est coupé,
    il se vit séparé.
  • 13:39 - 13:40
    Séparé de lui,
  • 13:40 - 13:42
    séparé des autres :
  • 13:42 - 13:44
    des autres espèces, des animaux,
  • 13:44 - 13:46
    des végétaux, de la nature, de la planète.
  • 13:46 - 13:48
    Or ces coupures sont nocives
  • 13:49 - 13:51
    car ce sont dans les liens
  • 13:51 - 13:53
    que se situe la complexité,
  • 13:53 - 13:56
    dans les liens que se situe l'empathie,
  • 13:56 - 13:58
    dans les liens que se situe
  • 13:58 - 14:01
    la réponse aux problèmes sociétaux
    et écologiques majeurs.
  • 14:01 - 14:03
    Sans reliance,
  • 14:04 - 14:06
    nous allons dans le mur.
  • 14:09 - 14:11
    J'invite également mes étudiants
  • 14:11 - 14:15
    à prendre conscience, de leur croyance,
    de leurs idées préconçues.
  • 14:15 - 14:16
    Souvent,
  • 14:16 - 14:17
    nous croyons être libres,
  • 14:17 - 14:22
    alors qu'en réalité, nous ne sommes
    que l'instrument de nos conditionnements,
  • 14:22 - 14:24
    de nos processus psychologiques,
  • 14:24 - 14:27
    de notre éducation.
  • 14:28 - 14:31
    Pour vivre libre,
  • 14:31 - 14:37
    il s'agit de sortir
    de ces conditionnements,
  • 14:37 - 14:40
    d'essayer d'enlever les chaînes
    de ces conditionnements.
  • 14:40 - 14:43
    Aujourd'hui beaucoup plus qu'auparavant.
  • 14:43 - 14:44
    C'était déjà le cas auparavant,
  • 14:44 - 14:46
    mais d'autant plus aujourd'hui,
  • 14:46 - 14:49
    il est absolument indispensable
    d'enseigner la pensée complexe.
  • 14:49 - 14:52
    Comme le dit admirablement Edgar Morin :
  • 14:52 - 14:58
    « il s'agit d'armer les esprits
    dans le combat pour la lucidité. »
  • 14:59 - 15:01
    La lucidité, la liberté,
  • 15:02 - 15:04
    le chemin, c'est d'aider
  • 15:04 - 15:10
    ces étudiants à visualiser
    ces emprisonnements, ces conditionnements
  • 15:10 - 15:13
    pour réussir à pouvoir s'en extirper.
  • 15:16 - 15:19
    C'est d'autant plus important aujourd'hui
  • 15:19 - 15:21
    que les outils numériques ont tendance
  • 15:21 - 15:23
    à nous tirer à l'extérieur de nous-mêmes,
  • 15:23 - 15:27
    alors que la voie est de rentrer
    à l'intérieur de soi.
  • 15:38 - 15:39
    Alors,
  • 15:41 - 15:43
    ce jour-là,
  • 15:46 - 15:48
    vous vous rappelez,
  • 15:48 - 15:50
    j'étais dans ma salle de classe,
  • 15:51 - 15:53
    mes étudiants ont rangé leurs prothèses
  • 15:54 - 15:56
    et alors je leur dis :
  • 15:56 - 16:00
    « Levez-vous, mettez les tables en U,
    s'il vous plaît.
  • 16:02 - 16:05
    - Mais madame, les tables sont figées ! »
  • 16:06 - 16:09
    Ah, en effet, les tables sont figées
  • 16:09 - 16:13
    et avec les câbles électriques,
    impossible de bouger quoi que ce soit.
  • 16:13 - 16:16
    « Euh ben, on fait comment alors ?
  • 16:16 - 16:21
    - Ben, il n'y a qu'à sortir.
    Ma foi, sortons ! »
  • 16:22 - 16:27
    Nous sortons, les corps se décrispent,
    les zygomatiques se détendent.
  • 16:27 - 16:31
    La complicité naît dans un nouveau jeu :
  • 16:31 - 16:32
    trouver l'endroit adapté.
  • 16:32 - 16:35
    Rapidement, nous trouvons un endroit,
  • 16:36 - 16:40
    un endroit abrité, en forme de cercle,
    en forme de cocon,
  • 16:40 - 16:44
    abrité par les arbres ;
    nous nous asseyons.
  • 16:44 - 16:46
    Les étudiants sont différents,
  • 16:47 - 16:49
    déjà détendus,
  • 16:49 - 16:51
    connectés,
  • 16:51 - 16:54
    le regard habité,
  • 16:54 - 16:57
    et connectés à leur joie intérieure,
  • 16:57 - 17:01
    qui est toujours tapie là,
    en attente d'être sollicitée.
  • 17:03 - 17:07
    Comme 90% de mes étudiants
    ne savent pas respirer,
  • 17:08 - 17:10
    je les invite
  • 17:10 - 17:13
    à s'asseoir, en cercle,
  • 17:13 - 17:15
    à se tenir le dos droit,
  • 17:15 - 17:17
    à fermer les yeux
  • 17:19 - 17:21
    et puis, à respirer.
  • 17:21 - 17:25
    Et dans un premier temps, juste à respirer
  • 17:25 - 17:28
    sans tenter d'influencer,
  • 17:28 - 17:30
    juste observer.
  • 17:38 - 17:41
    La semaine suivante, quand je les revois
    pour poursuivre le cours,
  • 17:41 - 17:45
    impossible de sortir, il pleut.
  • 17:45 - 17:46
    A la pause,
  • 17:46 - 17:48
    à mon grand étonnement,
  • 17:50 - 17:51
    beaucoup d'étudiants ne sortent pas ;
  • 17:51 - 17:54
    par contre, ils sortent leurs prothèses.
  • 17:54 - 17:55
    Et ils commencent à jouer.
  • 17:55 - 17:58
    J'interpelle l'étudiante devant moi :
  • 17:58 - 18:01
    « Bah, pourquoi tu sors pas ? »
  • 18:01 - 18:04
    Elle me répond :
    « Mais je ne fume pas, m'dame ! »
  • 18:04 - 18:06
    Ah !
  • 18:06 - 18:08
    (Rires)
  • 18:08 - 18:11
    C'est vrai,
  • 18:11 - 18:14
    il est interdit de fumer en classe.
  • 18:14 - 18:17
    D'ailleurs, l'école ne distribue pas
    de cigarettes aux élèves.
  • 18:19 - 18:21
    Par contre,
  • 18:21 - 18:24
    elle leur distribue
    des doudous numériques.
  • 18:30 - 18:31
    Merci.
  • 18:31 - 18:33
    (Applaudissements)
Title:
Des pollutions numériques à l’écologie intérieure | Florence Rodhain | TEDxNarbonne
Description:

Florence est docteure en systèmes d'information, maître de conférences à l'école polytechnique universitaire de Montpellier, co-directrice d'une unité de recherche sur les systèmes d'information. Forte de son expérience d'enseignante et de ses recherches depuis 10 ans, elle nous livre ses réflexions sur l'incidence des « pollutions numériques » sur la jeunesse et les enseignants en apportant des solutions audacieuses.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : http://ted.com/tedx

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
18:38

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