Chanter par-dessus les barreaux | Carmen Perez | TEDxIronwoodStatePrison

Ex-membre de gang, Carmen est devenue avocate. Elle nous relate sa transformation avec le soutien de mentors, dont Harry Belafonte.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus: http: //ted. com/tedx

Je suis sur cette scène
grâce à la volonté d’une femme,

qui a dit à son médecin

qu’elle ne souhaitait pas interrompre
la grossesse de son bébé.

Cette femme, c’est ma mère.

C’est grâce à son courage
et à sa persévérance,

que je suis présente devant vous
et que je fais le travail que je fais.

Voici une photo de mon enfance.

Je suis la dernière enfant d’une fratrie
de cinq, à Oxnard, en Californie,

à 45 minutes au nord de Los Angeles.

Mon enfance a ressemblé
à celles des autres détenus ici.

Mon enfance fut marquée
par la violence domestique,

l’alcoolisme,

mais aussi beaucoup d’amour.

Je partageais l’espace
avec ma sœur, Patricia,

nous avons les chapeaux
bleus sur la photo.

Nous partagions la même chambre,

nos secrets,

nos amours.

Nous nous disputions souvent aussi.

En grandissant dans notre communauté,

nous avions créé notre propre famille
en dehors de la maison.

J’étais plutôt bonne au basket

mais à 16 ans, j’ai commencé à m’enfoncer.

Je sortais avec
de mauvaises fréquentations

et je faisais des choses que
ma mère n’approuvait pas.

Ma mère allait toujours à l’église
et elle priait pour les autres.

Les lundis, elle priait
pour les hommes en prison,

et j’avais l’impression d’halluciner.

J’étais en colère car elle ne m’accordait
pas son attention.

Elle accordait son attention aux autres.

Mais elle était mue par le vœu
de guérir notre communauté

et elle était convaincue
qu’à travers ses prières,

elle parviendrait vraiment
à soigner et sauver sa famille.

Mais cela m’éloignait.

Je m’éloignais

et j’avais envie de faire
les mêmes choses que ma sœur.

Elle est la personne
qui m’a le plus influencée

avec mes autres frères et sœurs.

Donc,

à 16 ans, comme vous le constatez,

je suis la fille avec la chevelure
volumineuse et crêpée.

Je ne faisais plus de sport – de basket –

et je voulais passer
mon temps dans un gang.

À mes 17 ans,

la chose la plus tragique est survenue :

j’ai dû enterrer ma sœur.

Elle a perdu la vie

dans un accident de voiture

et la police nous a apporté
la mauvaise nouvelle à 4 heures du matin.

C’est à cet instant

que j’ai trouvé le sens de ma vie.

J’ai compris alors que
la vie est trop courte

et que j’allais dédier la mienne
à quelque chose qui me dépasse.

Avec l’amour et le soutien de ma famille,

faisant le grand écart
entre victimes et agresseurs.

Mon frère de 14 ans mon aîné
faisait des allers-retours en prison

car la communauté n’avait pas
les ressources

dont il avait besoin pour être aidé.

Et la perte de ma sœur,

quand elle est devenue une victime,

j’ai décidé de vouer ma vie
à aider les jeunes

et à travailler dans les prisons,

avec des hommes,

en leur faisant confiance
et en les aidant à transformer leur vie.

Je voulais changer de vie,

À la mort de ma sœur,
je voulais en finir avec ma vie.

Et c’est ce que j’ai fait :
je suis allée à l’université.

J’ai eu une chance
refusée à de nombreux jeunes.

J’ai eu cette chance
car j’étais suivie par un mentor,

parce que quelqu'un croyait en moi

et m’a dit :

« Tu sais quoi ? Tu as le pouvoir
de faire ce que tu veux

et tu dois t’y mettre. »

Donc, je m’y suis mise
et je suis allée à l’université.

J’ai aidé des jeunes qui
me paraissaient me ressembler.

Je n’ai pas toujours ressemblé à ça.

Je ne visitais pas les prisons ainsi.

Mais je me souviens observer des jeunes

qui se sentaient perdus,
sans personne pour les aimer,

qui ne trouvait aucun sens à leur vie,

et me souvenir que j’avais été comme eux.

J’avais traversé leur désert

et je pensais qu’il était de mon devoir -

tout comme quelqu’un avait cru en moi -

de leur offrir une chance et de l’espoir.

Alors, j’ai organisé des cérémonies
culturelles et spirituelles

dans la prison de Tracy

avec une organisation
nommée « Barrios Unidos ».

J’ai trouvé des alternatives
à la détention.

J’ai organisé des formations,

j’ai fait du mentoring pour les jeunes

et créé des groupes
de leadership de jeunes

où les jeunes peuvent s’exprimer,

trouver des solutions qui répondent
à leurs besoins dans la vie,

et sortir de leur état de crapaud qui
se prend pour un bœuf, ignorant de tout

ou comment résoudre
les problèmes de la communauté.

Et je dois vous avouer,

une grande partie
de ce travail, c’est parce que...

quand j’étais ado,

mes frères et sœurs avaient des bébés.

Et ces enfants m’admiraient.

Qu’allais-je leur montrer ? Une victime ?

Allais-je laisser ma peine
prendre le contrôle de ma vie ?

Non, je voulais être quelqu’un
sur qui ils pouvaient compter.

Je voulais leur montrer
qu’ils pouvaient y arriver.

Un d'eux va recevoir son diplôme
de U.C. San Diego dans une semaine.

Je suis fière de lui !

(Applaudissements)

Que ce soit les prisons de Tracy,

d'El Salvador,

d'Ironwood ou ailleurs dans le monde,

j’ai appris de mon mentor,

qui prenait conseil
auprès de Nelson Mandela,

qu’Harry Belafonte a chanté :

« Vous pouvez enfermer le chanteur,
mais pas la chanson. »

J’espère de tout cœur que
chaque personne incarcérée

continuera de chanter au-delà des barreaux.

Merci.

(Applaudissements)