Comment les essais thérapeutiques humains sur la COVID-19 fonctionnent - et pourquoi je me suis portée volontaire

En avril 2020, Sophie Rose, épidemiologiste en formation, s'est portée volontaire pour être infectée du virus responsable de la COVID-19. Puisqu'elle est jeune et en bonne santé, elle s'est proposée de participer à des essais thérapeutiques sur humains, études durant lesquelles les participants sont volontairement exposé à SARS-CoV-2, pour essayer les vaccins et récolter des données essentielles. Puisque les essais thérapeutiques peuvent accélérer le développement efficace d'un vaccin, Rose explique pourquoi se porter volontaire était la bonne décision à ses yeux.

[Conférence enregistrée
le 26 Octobre 2020.

Les avancées du vaccin COVID-19
et les questions éthiques

sur ses essais thérapeutiques
évoluent sans cesse.]

En avril 2020,

j'ai pris une décision
que beaucoup considèrent risquée.

Je me suis portée volontaire
pour être infectée par la COVID-19.

Cette infection fait partie
d'un essai thérapeutique sur humains :

des vaccins sont administrés
à de jeunes personnes en bonne santé,

avant de les exposer volontairement
au virus responsable de la COVID-19.

Ces essais aident les chercheurs
à voir plus rapidement

si le vaccin fonctionne.

Cette recherche est cruciale,

car aujourd'hui,
je vous parle pendant six minutes ;

durant ces six minutes,

environ 1 250 personnes
seront infectées par la COVID-19.

21 personnes en mourront.

Et ce schéma va se répéter,
heure après heure, jour après jour,

jusqu'à ce que l'on puisse vacciner
les 8 milliards de personnes

affectées par cette crise mondiale.

Des scientifiques travaillent jour et nuit

pour faire de ce vaccin une réalité.

Mais que fait-on quand
le coût humain augmente chaque jour,

pendant qu'on attend ces vaccins ?

C'est là que les essais thérapeutiques
entrent en jeu.

Ils sont différents des essais
traditionnels de phase 3

ayant lieu en ce moment,

où des vaccins ou placebos
sont administrés,

et on dit aux patients
de continuer à vivre normalement.

Là, les chercheurs
doivent attendre de voir

combien de personnes de chaque groupe
seront infectées.

En attendant qu'elles tombent malade,

on n'a pas assez de données
pour savoir si le vaccin fonctionne.

Avec cette méthode,
trouver un vaccin efficace

peut prendre des mois,
ou parfois des années,

et nécessite des milliers de volontaires.

Un essai thérapeutique est plus rapide

car les chercheurs
contrôlent l'exposition,

au lieu d'attendre que
les gens tombent malades.

Donc au lieu d'un an,

nous pourrions savoir en un mois

si un vaccin semble efficace.

Au lieu de milliers de volontaires,

un essai thérapeutique en requiert
seulement 50 à 100.

Puisque l'on sait exactement

quand les gens sont exposés
et développent la maladie,

ces essais nous permettent
de récolter des données

sur le début de l'infection
et notre réponse immunitaire.

Ces données ne peuvent pas
être récoltées d'une autre façon,

surtout chez les personnes
qui sont infectées mais asymptomatiques.

Ces connaissances permettront
de créer des règles

pour limiter la transmission
de la COVID-19.

Le temps gagné constitue
de précieux mois d'avance

pour la fabrication,

nous permettant d'avoir plus
de vaccins efficaces, plus rapidement.

Ces essais sont utiles -

même si les résultats des essais
de phase 3 sont encourageants.

La sortie du premier vaccin
sera une avancée monumentale.

Mais ce ne sera pas le « tout est bien
qui finit bien » qu'on attend tous.

Nous allons avoir besoin
de plusieurs vaccins,

car nous n'avons pas
les infrastructures nécessaires

pour immuniser 8 milliards de personnes
avec un seul type de vaccin.

Chaque vaccin nécessite
son propre processus et équipement

pour être fabriqué, stocké et administré.

S'il existait plusieurs vaccins efficaces,

on pourrait utiliser tout notre équipement
en même temps.

Certains prototypes prometteurs
doivent être gardés

à des températures très froides
avant d'être administrés.

Cela peut être difficile,

surtout dans des pays
où l'électricité n'est pas fiable

ou les endroits de stockage pas sécurisés.

Les scientifiques ont recours
aux essais thérapeutiques

depuis des centaines d'années.

Ils ont accéléré le développement des
vaccins contre la typhoïde et le choléra,

et ont aidé à mieux comprendre
la réponse immunitaire

à des maladies comme la grippe,
le paludisme ou la dengue.

On y a même eu recours par le passé
pour d'autres types de coronavirus.

Il y a eu beaucoup de débats

sur le caractère risqué de ces essais.

Je pense que prendre ces risques
en vaut la peine.

Un essai thérapeutique ne recrute que
des participants jeunes, en bonne santé,

entre 20 et 29 ans.

Moins d'1% des personnes
dans cette tranche d'âge

ont besoin d'être hospitalisées
si elles attrapent la COVID-19.

Dans le cas d'un essai,
ce chiffre serait sûrement plus bas

puisque les chercheurs s'assurent que
les participants ne soient pas à risque.

Le risque qu'une jeune personne
en bonne santé meure du COVID-19

est d'environ 0,005%.

Cela veut dire que sur 100 000 personnes
de 20 ans infectées par la COVID-19,

environ 5 mourront.

J'ai plus de chance de mourir
en accouchant aux États-Unis.

Ou voyons cela autrement.

Si ma petite sœur avait besoin d'un rein,

je n'hésiterais pas une seconde
pour lui proposer le mien.

Et si je peux prendre ce risque
pour quelqu'un qui m'est cher,

il est logique d'autoriser les gens
à prendre un risque similaire

pour accélérer
le développement d'un vaccin

qui bénéficiera non seulement
à ceux qu'ils aiment,

mais aussi à tout le monde autour d'eux.

Il y a encore beaucoup d'inconnues,

surtout sur les effets à long terme
de la COVID-19.

Je me suis portée volontaire
malgré ces incertitudes

car comme vous, je suis frustrée

de savoir que des centaines
de milliers de personnes meurent.

Et c'est sans parler des millions
de personnes qui luttent

pour empêcher les mesures restrictives
d'avoir un impact destructeur

sur leur santé physique,
mentale et émotionnelle.

Il s'avère que je ne suis pas
la seule à penser ainsi.

Depuis mai, plus de 39 000 personnes
partout dans le monde

se sont portées volontaires
pour participer à de potentiels essais,

via une association que j'ai aidé à créer,
appelée 1Jour Plus Tôt.

On soutient les participants
aux essais thérapeutiques

et on encourage les parties prenantes
à se préparer pour les essais.

Déjà en mai,

quand les essais thérapeutiques
étaient considérés

pour lutter contre la COVID-19,

l'Organisation Mondiale de la Santé
a cité 1Jour Plus Tôt

comme un exemple
d'engagement public nécessaire

pour réaliser un tel essai.

A la mi-octobre,

le gouvernement britannique
a annoncé officiellement sa volonté

de conduire un essai thérapeutique
au début de l'année 2021.

Il est clair que la pandémie de COVID-19
est une crise mondiale.

Elle a inspiré des innovations
jamais vues auparavant,

et a mis en lumière les actes héroïques
des travailleurs de première ligne,

mais elle enregistre aussi
un bilan catastrophique.

L'arrivée de chaque nouveau vaccin
nous rapproche de notre reconstruction.

Mais la vraie solution universelle

repose sur l'accès à ces vaccins
pour l'ensemble de la population mondiale.

Les essais thérapeutiques peuvent
participer à cette solution.

Merci.