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Henri Guillemin explique Robespierre et la révolution française (1/2)

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    Conférence de Henri Guillemin (1903-1992), historien, datant de 1970.
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    Notre association du personnel est très heureuse d'accueillir à nouveau monsieur Henri Guillemin.
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    Il y a trois ans, il nous avait passionnés de l'affaire Dreyfus,
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    une affaire qui a ébranlé la France au siècle dernier.
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    Et c'est aussi un des sujets qui a aussi ébranlé la France et je dirais même l'Europe.
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    Je crois que c'est une insulte de le présenter, vous le connaissez tous puisqu'il est déjà venu ici.
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    Et pour ceux qui suivent ses conférences sur le petit écran, je vais tout de suite lui donner la parole.
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    - Alors, Merci !
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    - Je me mets là devant, alors ?
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    - Non non, vous pouvez vous balader
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    - Et puis ça alors ?
    - C’est un émetteur
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    - Qu'est-ce que j'en fais de ça ? Je le laisse comme ça ?
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    - Oui vous le laissez.
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    Bon.
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    Et bien l'image traditionnelle de Robespierre vous la connaissez.
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    Enfin telle que je l'avais apprise moi-même dans les livres de Louis Madelin qui faisait autorité quand j'étais étudiant.
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    L'image d'un incorruptible, c'est entendu, mais en même temps une espèce de pion âcre.
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    Enfin, un fanatique glacé, une espèce de cuistre guillotineur si vous voulez.
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    Alors immédiatement on opposait le visage de Danton en vous disant
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    "Oui bien entendu il est beaucoup moins incorruptible,
    mais Danton c'est tout de même l'homme de l'audace, encore de l'audace.
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    C'est un homme duquel sortait une chaleur humaine.
    Tandis que ce petit monsieur propret mais aux mains sanglantes, quelle horreur !"
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    Mains sanglantes ça me fait penser à l'image que j'ai vue en entrant,
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    où le nom de Robespierre est accompagné de sang qui coule.
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    Alors est-ce exactement comme ça qu'il faut le voir, je n'en suis pas sûr.
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    Et je peux vous dire que depuis un certain nombre d'années cette ancienne image s'est déjà pas mal modifiée.
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    C'est Mathiez, le premier, qui était le grand rival de Aulard, vous savez à la Sorbonne.
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    Mathiez, après lui monsieur Soboul, qui a le même prénom : Albert Soboul.
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    Jean Massin qui a fait un très bon Robespierre.
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    Et puis tout récemment, enfin il y a deux ans je crois, Max Gallo qui a aussi rapporté un Robespierre
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    dont la physionomie est modifiée par rapport à l'image traditionnelle.
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    Eh bien je vais tenter de vous présenter Robespierre tel que je le vois.
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    Alors pour ça il faut d'abord regarder ce que c'est que le mouvement de 1789, pour voir l'insertion de Robespierre.
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    Eh bien la chose importante à vous dire, citation de Michelet, Michelet est un grand écrivain,
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    mais mon estime pour l'historien n'a cessé de décroître ; Michelet vous affirme ceci
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    "Ce qu'il importe de savoir, c'est à quel point les idées d'intérêt furent étrangères au mouvement de 89."
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    Et il ajoute "Même oui, la révolution fut désintéressée, c'est là son côté sublime"
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    Je n'en crois plus rien.
    Voyons, qu'est ce qui c'était passé réellement au 18ème siècle ?
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    La formation d'une nouvelle classe, hein. Nous l'appellerons si vous le voulez la richesse mobilière.
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    Il y a eu cette grande expansion économique au 18ème siècle, que vous connaissez.
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    Donc il c'était constitué une classe de financiers, d'industriels, de banquiers.
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    Ces gens représentaient réellement une très grande part de la fortune française.
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    Or ils voyaient que, comme on dirait aujourd'hui, les leviers de commande étaient uniquement entre les mains de l'aristocratie.
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    Alors ces gens avaient envie de s'affirmer.
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    Et ils avaient un théoricien, qui s'appelait Barnave, qui était un avocat du Dauphiné, un client des Perrier.
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    Les Perrier c'était de grands industriels de la région.
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    Et Barnave a prononcé en 90 une phrase extrêmement importante, que je crois savoir par cœur,
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    "Une nouvelle distribution de la richesse, appelle - c'est-à-dire exige - une nouvelle distribution du pouvoir."
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    Autrement dit : nous qui sommes très importants dans la France,
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    nous tenons à avoir notre part dans la gestion des affaires publiques.
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    L'occasion qui va se présenter pour cette nouvelle classe,
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    c'est la situation financière française en 1789.
    La banqueroute imminente.
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    Et deux raisons de la banqueroute, qui sont les suivantes.
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    Il y a une très célèbre, l'autre qui l'est moins.
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    Raison célèbre, il y avait des parasites qui ne payaient pas d'impôts, et c'était précisément ce qu'on appelait les privilégiés :
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    à savoir l'aristocratie et le clergé.
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    Mais deuxièmement il faut aussi penser à la politique financière des rois de France,
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    surtout Louis XV et Louis XVI.
    Une politique d'emprunts permanents.
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    Lorsque la France de Louis XVI décide de soutenir les insurgés d'Amérique,
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    qui vont donner les Etats-Unis, il faut de l'argent liquide pour faire la guerre.
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    Necker, Suisse, vous savez, qui est au service de la France.
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    Necker dit "tout l'argent que vous voudrez !" Naturellement on fait des emprunts énormes.
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    Et je vous dirais entre parenthèses que Necker s'y retrouve personnellement
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    parce que il fait semblant d'être désintéressé à ce moment-là, de n'être plus banquier.
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    Et il prête jusqu'à 14% à l'Etat français. C'est intéressant quoi, un ministre des finances qui fait du 14% personnellement.
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    Ce qui lui permettra d’acheter ensuite le château de Coppet.
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    Bon alors en 1789, vous avez la situation que voici.
    La moitié, c'est vrai ce que je vais dire,
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    la moitié du budget des dépenses françaises passe aux arrérages de la dette.
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    Situation éminemment malsaine.
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    Alors vous pensez bien que ces industriels, ces grands personnages, ces notables, ne vont pas eux-mêmes faire la révolution et descendre dans la rue.
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    Il leur faut un bélier. Le bélier est tout trouvé, c'est la petite plèbe, c'est le petit peuple.
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    Si vous lisez un livre divertissant et qui ne voudrait pas l'être, mais qui l'est tout à fait,
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    un livre de monsieur Gaxotte de l'académie française sur la révolution française, vous y lirez cette phrase surprenante :
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    "En somme en 1789, l'ensemble était cossu".Je vous assure que c'est merveilleux de penser, l'ensemble était cossu !
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    Alors vous voyez quand on passe à des choses sérieuses,
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    quelqu'un qui Dieu sait n'est pas un communiste, j'ai nommé monsieur Edgar Faure,
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    qui a fait un très bon livre sur la chute de Turgot, et qui a cette phrase très importante, qui est un homme qui sait de quoi il parle.
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    "C'est vrai la richesse française, la richesse nationale française s'était beaucoup accrue au 18ème siècle
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    , et cela - écrivait Edgar Faure - avait aboutit à faire les pauvres plus pauvres."
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    Monsieur Godechot, encore aujourd'hui je crois, doyen de la faculté des lettres de Toulouse,
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    et qui a fait dans une collection importante qui s'appelle "Les trente journées qui ont fait la France", qui a fait le 14 juillet,
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    nous apporte lui des chiffres.
    Alors je vais vous donner quelques uns de ces chiffres.
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    Le travailleur, à ce moment-là c'est quoi ?
    C'est le travailleur des champs, surtout journalier
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    Mais il y a aussi plus de travailleurs des villes qu'on ne l'imagine. Il y a déjà des concentrations industrielles.
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    Enfin, le travailleur des champs ou le travailleur des villes, gagne à peu près 20 sols par jour au 18ème siècle.
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    20 sols, pouvoir d'achat actuel, 4 à 5 francs suisse à peu près.
    Ces gens ne gagnent leurs 20 sol que quand ils travaillent, bien entendu.
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    Il y a le dimanche, et il y a énormément des fêtes chômées.
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    Alors ces gens gagnent leurs 20 sol quand ils travaillent, environ 320 ou 330 jours par an.
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    De quoi se nourrissent-ils ? Ils se nourrissent avant tout de ce qu'on appelait la miche.
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    La miche de pain, on ne parlait pas de kilo à ce moment-là, ça ferait une miche de 1 kilo.
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    Cette miche de pain coutait 40 centimes. 40 sols enfin disons 40 centimes, en 1750.
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    Elle ne cessera pas, le prix ne cessera pas de monter. Elle va passer de 10 sous à 12 sous, à 13 sous...
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    Et ce n'est pas par hasard que le 14 juillet, c'est-à-dire le jour où il y a la prise de la Bastille, dont je vais vous parler,
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    est aussi le jour où la miche de pain est la plus élevée, elle coute 14 sous.
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    Alors comme il faut manger tous les jours même si on ne travaille pas tous les jours,
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    Regardez la situation de gens qui dépensent déjà 14 sous pour manger, qui gagnent 20 sous quand ils travaillent.
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    Alors qu'est-ce qu'il leur reste pour leur habitation ou pour leur logement, ou pour leur vêtement ?
    Des gens donc très malheureux.
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    Ce n'est pas étonnant que dans l'année de 1788 il y avait pas mal de tumulte, des émeutes, des petites insurrections, de la misère.
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    Et en avril 1789 les états généraux ne sont pas réunis, ils vont se réunir le 5 mai.
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    En avril 89 à Paris, une très violente insurrection qu'on appelle "l'émeute réveillon", quartier Saint-Antoine,
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    quartier ouvrier, où il y aura, on fera donner la troupe, où il y aura environ 150 morts.
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    C'est vous dire qu'il y avait là un bélier tout à fait disponible, c'est-à-dire de pauvres gens qui crevaient.
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    Les notables qui sont réunis à Versailles d'abord puis à Paris après, vous savez, c'est l'assemblée dite "constituante" maintenant.
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    Les états généraux qui se sont transformés en assemblée constituante, estiment que tout va bien.
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    Le roi a en effet reculé, on va arriver à faire une constitution.
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    Et par conséquent ces notables, c'est-à-dire la richesse mobilière, ont l'impression qu'ils ont gagné.
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    Quand brusquement, le 12 juillet 1789, le roi fait marche arrière, renvoie Necker qui était au pouvoir, est étant financier lui-même, favorisait les financiers.
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    Le roi renvoie Necker et met à la place un gouvernement que nous appellerons d'extrême droite, avec Breteuil.
    Situation dramatique.
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    Cette fois la bourgeoisie parisienne, la grosse bourgeoisie, la bourgeoisie d'affaire parisienne, décide de se lancer
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    - pas elle-même, bien entendu - mais de lancer le peuple contre la Bastille qui était le symbole même de l'autocratie.
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    On va armer le peuple. C'est très redoutable hein, et c'est dans la journée du 13 juillet 1789 qu'on va ouvrir les Invalides,
    où il y avait 30 000 fusils, des canons, de la poudre, et on va distribuer des armes aux pauvres gens.
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    On notera par exemple que deux suisses, très importants, le banquier Pergaud et un autre banquier Genevois qui s'appelle Delessert.
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    Pergaud c'est un Neuchâtelois, sont là parmi les gens les plus incandescents, qui ont ramassé des fusils et qui les distribuent aux gens qui passent devant chez eux.
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    Vous avez Boscari qui est un agent de change et un futur membre de l'assemblée législative, agent de change, qui lui aussi ne va pas se battre, c'est pas convenable, mais distribue des fusils.
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    Alors ça y est le 14 juillet, le roi a reculé, on a rappelé Necker, on a gagné !
    Attention. On a gagné avec un grand risque : on a armé la plèbe.
    Qu'est-ce qu'elle va faire de ces fusils ?
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    Alors il faut lui reprendre ces fusils. Et on a trouvé un truc admirable, en effet qui va réussir tout de suite.
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    On avait distribué gratuitement ces fusils à la petite plèbe. On va les lui racheter pour 40 sous.
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    Alors la plupart des fusils reviennent. Vous comprenez, les gens qui avaient touché un fusil pour rien, on leur dit si vous rendez le fusil, vous avez 40 sous, ils rendent leur fusil.
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    Au...armés, comme on a peur que ça leur ait donné des mauvaises idées, on va constituer tout de suite, dès le 15 juillet, ce qu'on appelle d'abord une milice bourgeoise.
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    Puis le mot parait tout de même trop nu, on appellera ça une garde nationale. La garde nationale sera une armée supplétive pour faire tenir tranquille les pauvres.
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    Et cette garde nationale se crée à Paris, et se crée aussi en province.
    Maintenant comme l'a fait Regallier, on va faire une constitution.
    On a annoncé que tous les français devenaient des citoyens.
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    Mais l'abbé Sieyès fait admettre une constitution qui divisera les français en deux classes.
    Il y a ceux qui payent des impôts et ceux qui n'en payent pas.
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    On appellera tout le monde citoyen, pour rire, mais il y aura les citoyens actifs et les citoyens passifs.
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    C'est un chef d'œuvre d'humour noir d'appeler citoyen passif, puisque le passif c'est celui qui n'a pas le droit de vote !
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    Alors en somme il n'y a que les possédants ou les demi-possédants, ceux qui ont un petit peu d'argent, qui auront le droit de vote.
    C'est ça la constitution.
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    En plus, loi Le Chapelier de 1793 (en réalité 1791) : à savoir interdiction est faite, sous peine de prison,
    aux ouvriers - aux salariés comme on disait déjà - de se coaliser, pour je cite, pour enchérir leur travail.
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    Défense de se coaliser pour enchérir leur travail, c'est-à-dire : interdiction est faite aux salariés, aux prolétaires, de défendre leurs intérêts.
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    Et comme le 17 juillet 1791, les citoyens passifs se sont mêlés de ce qui les regardait pas, lorsque ce jour-là après la fuite du roi à Varennes, ils ont demandé la déchéance du roi,
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    il y avait 100 000 personnes à peu près qui étaient réunies aux Champs de Mars pour signer sur un registre, où les cordeliers, qui étaient des gens d'extrême gauche,
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    avaient déposé une pétition pour que le roi soit déchu ; La Fayette, chef de la garde nationale, de la garde bourgeoise, et Bailly maire de Paris, feront tirer et sans sommation, sur ce peuple qui est là.
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    Vous savez c'est une date, ce 17 juillet 1791, qu'il faudrait inscrire en rouge dans les livres, au moins aussi gros que le 14 juillet.
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    Le 17 juillet 1791, sans sommation on fera tirer sur le peuple parce qu'il se mêle de ce qu'il le regarde pas, en demandant la déchéance du roi.
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    On ne saura jamais exactement le chiffre des tués.
    Vraisemblablement près d'un millier.
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    Ça c'est une leçon donnée aux petites gens qui veulent s'occuper de la gestion des affaires nationales, qui n'appartient qu'aux possédants.
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    En somme, les constituants sont des Voltairiens. Comprenez-moi bien, je ne parle pas du tout de Voltaire au sens religieux.
    On en parle tout le temps mais on oublie que Voltaire avait une certaine doctrine politique.
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    Et Voltaire avait affirmé la doctrine que voici : Un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne.
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    Ca c'est une morale entretenue. Eh bien c'est la morale de la constituante.
    Il y avait un monsieur qui n'était pas d'accord. Un seul, un seul !
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    Un petit avocaillon d'Arras, qui s'appelait Maximilien de Robespierre.
    Il était tout seul à la constituante à faire des protestations.
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    D'où sort-il ? C'est un garçon qui n'a pas eu de chance, il a perdu sa mère tout petit.
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    Quand il avait 9 ans son père a disparu, on dit qu'il est allé mourir à Munich, on en sait rien.
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    On croit qu'il était parti avec une femme. Toujours est-il que ce petit Robespierre de 9 ans, est chef de famille
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    puisqu'il y a derrière lui deux sœurs et un petit garçon qu'on appelle en famille "bonbon" et qui s'appelle en réalité Augustin.
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    La chance de notre Maximilien de Robespierre c'est un oncle paternel qui va obtenir pour lui une bourse de l'évêque d'Arras.
    C'est avec de l'argent ecclésiastique qu'il va faire ses études.
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    Etudes au collège Louis le Grand, bonnes études, bon travailleur, il veut faire du droit.
    Et à 23 ans il va prendre la succession, après un intervalle, la succession de son père qui avait été avocat à Arras.
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    On a quelques dessins de ce très jeune Robespierre.
    Il a une figure poupine, à 23 ans il a l'air d'un gamin.
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    Il a des yeux un peu candides, il a un nez retroussé comme Talleyrand.
    Et il n'est pas particulièrement ni méchant ni gentil, enfin il est quelconque.
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    C'est un garçon qui n'est pas insociable, qui va dans les bars, qui tourne le madrigal comme tout le monde.
    Mais on se moque un peu de lui parce qu'il a une passion : il parle tout le temps de Jean-Jacques Rousseau.
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    Pas de Rousseau des confessions ni de la Nouvelle Héloïse, mais le Jean-Jacques du contrat social.
    Il est fou de Jean-Jacques, il vit de Jean-Jacques, il l'a vu et il le dit à tout le monde.
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    Il était né en 1758, Rousseau est mort en 1778.
    En 78 Robespierre était encore étudiant à Paris.
    Rousseau était pas loin, à Ermenonville, chez le marquis de jardin vous savez.
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    Et le petit Robespierre lui avait demandé une audience.
    Eh bien Jean-Jacques Rousseau avait accepté de voir ce garçon !
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    Je pense pas qu'il avait tenu des propos sublimes, mais enfin il lui avait parlé.
    Alors Robespierre disait "j'ai vu Jean-Jacques Rousseau !".
    Bon, les gens souriaient un peu.
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    Mais les gens souriront moins lorsqu'ils verront un certain trac, comme disent les gens aujourd'hui,
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    que Robespierre avait répandu à la fin de l'année 1788 lorsqu'il était candidat aux états généraux, candidat du Tiers état.
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    Je vais vous lire, ce texte est tout court, la phrase essentielle je vais vous la lire lentement.
    C'est du Robespierre de 1788.
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    "La plus grande partie de nos concitoyens - la plus grande partie - est réduite par l'indigence à ce suprême degré d'abaissement,
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    où l'Homme, uniquement occupé de survivre, est incapable de réfléchir aux causes de sa misère et aux droits que la nature lui a donné."
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    C'est terrible de demander ça, et de dire aux gens : vous allez réfléchir aux causes de votre misère !
    Vous êtes des exploités, vous êtes des malheureux, prenez-en conscience !
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    Vous comprenez que c'était terrifiant. Alors un homme qui dit des choses comme ça se fait repérer tout de suite.
    Et même il va encore plus loin, il va prononcer un mot terrible à la tribune.
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    Il va parler d'hypocrisie, vous m'entendez, d'hypocrisie à propos de la déclaration des droits de l'Homme.
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    Pourquoi donc ? La déclaration des droits de l'Homme votée à l'unanimité avait pour article principal, vous le savez ça, c'est assez souvent cité :
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    "Tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit".
    C'était la grande phrase de la déclaration des droits de l'Homme.
    "Tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit".
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    Alors Robespierre dit : Nous avons tous voté ça, mais quelle application en faites-vous ?
    L'égalité ? Je ne la vois pas, l'égalité !
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    Ces hommes qui sont tous égaux, alors pourquoi avez-vous distingué les français en deux groupes : les citoyens actifs et les citoyens passifs, d'après leur argent.
  • 15:10 - 15:17
    Ils sont tous libres ? Il y a aussi des citoyens noirs parce que la France avait encore à ce moment-là quelques colonies, surtout dans les Antilles.
  • 15:17 - 15:23
    Il avait demandé l'abolition de l'esclavage.
    Le lobby colonial qui était extrêmement puissant à la coloniale avec La Fayette, entre autres,
  • 15:23 - 15:29
    qui s'était absolument opposé, la constituante avait maintenu l'esclavage.
    Et Robespierre disait : Hypocrisie de dire que tous les hommes...
  • 15:29 - 15:34
    puisque les hommes noirs vous voulez les laisser en esclavage.
    Et puis il y a d'autres esclaves, qui sont pas noirs, qui sont blancs,
  • 15:34 - 15:43
    ce sont ces ouvriers auxquels vous interdisez de se coaliser pour défendre leur salaire.
    Je dis donc le mot hypocrisie parce que ni l'égalité, ni la liberté, ne sont respectés par vous.
  • 15:43 - 15:46
    Il avait compris aussi ce que c'était que la fédération.
  • 15:46 - 15:54
    Si vous lisez notre ami Michelet, vous voyez, et qui a été beaucoup répété depuis : la fédération c'est la grande fête nationale française.
  • 15:54 - 16:02
    Ça se passe le 14 juillet 1790. Les gardes nationales sont venues se rassembler à Paris.
    La France prend conscience de son unité. Il semble parait-il que le patriotisme est né ce jour-là.
  • 16:02 - 16:15
    Il ne s'agit pas de patriotisme. Il s'agit de quoi ? Du premier congrès armé de la bourgeoisie.
    Ce sont les gardes nationales qui font tenir tranquille les paysans ou qui font tenir tranquille les ouvriers qui se sont rassemblés à Paris, pour dire :
  • 16:15 - 16:19
    nous sommes les maîtres, parce que nous avons les armes.
    Et Robespierre va dire ceci :
  • 16:19 - 16:30
    "vous voulez diviser la nation en deux classes, dont l'une ne sera armée que pour contenir l'autre. C'est aux classes fortunées que vous voulez transférer la puissance !".
  • 16:30 - 16:33
    Voici des mots de Robespierre. Alors vous pensez qu'il était détesté.
  • 16:33 - 16:40
    Un type comme Mirabeau par exemple, qui passait pour un ami du peuple, et qui était vendu - le mot que j'emploie n'est pas un mot de polémique -.
  • 16:40 - 16:48
    Il était vendu Mirabeau puisque nous connaissons sa vente, son achat.
    Ça s'est passé en octobre 1789, il avait une sorte de dette comme vous savez.
  • 16:48 - 16:55
    Et le roi lui avait remis ce jour-là en octobre 1789, 200 000 francs cash, ce qui ferait un million de franc suisse aujourd'hui.
  • 16:55 - 16:59
    Et 6000 franc par mois, c'est-à-dire 24 000 franc à peu près. C'est pas mal quand même, 24 000 franc par mois,
  • 16:59 - 17:04
    pour continuer à pousser ses coups de gueule et faire croire qu'il était à gauche, mais toujours voter pour la conservation des intérêts.
  • 17:04 - 17:11
    Bon alors Mirabeau détestait Robespierre, il l'avait repéré comme extrêmement dangereux.
    Et comme Mirabeau était très intelligent et qu'il avait le sens du pittoresque.
  • 17:11 - 17:15
    Il avait trouvé une phrase comique, mais pas mauvaise, sur Robespierre, qu'il répétait beaucoup :
  • 17:15 - 17:20
    "Quand monsieur Robespierre monte à la tribune, il me fait penser à un chat qui a bu du vinaigre !" disait-il.
  • 17:20 - 17:24
    Quelqu'un qui n'était pas bête non plus, Dieu sait : La fille Necker, vous savez la banquière, enfin Madame de Staël.
  • 17:24 - 17:33
    Madame de Staël en 1816 dira : "Je n'ai vu qu'une fois dans ma vie Robespierre, ces traits étaient ignobles, - oh non pas du tout -
  • 17:33 - 17:41
    ces veines étaient d'une couleur verdâtre dit-elle - et alors la suite - Il professait sur l'inégalité des rangs et des fortunes, les idées les plus absurdes.".
  • 17:41 - 17:49
    J'ai compris : fortune, verdâtre, etc. Bon...
    Alors je vais vous citer maintenant un texte du journal de Paris.
    Il y avait quatre grands journaux à Paris à ce moment-là.
  • 17:49 - 18:00
    Le journal de Paris du 28 octobre 1789.
    C'est tout petit, c'est un compte-rendu de la séance de la veille.
    La séance donc du 27 octobre à l'assemblée nationale.
  • 18:00 - 18:07
    Cette phrase est inouïe ! Elle est donc du journal de Paris.
    "Hier, monsieur Robespierre, est encore monté à la tribune.
  • 18:07 - 18:16
    On s'est rapidement aperçu qu'il voulait encore parler en faveur des pauvres. Et on lui a coupé la parole."
    Voilà comment ça s'est passé.
  • 18:16 - 18:25
    Alors le malheureux Robespierre quand il voit que cette révolution a pratiquement avorté,
    il s'aperçoit que ce qu'on a appelé la révolution française c'est une rixe de possédants.
  • 18:25 - 18:31
    C'est une bagarre de nantis. Entre richesse mobilière et richesse immobilière, mais sur le dos de ce que Victor Hugo appellera la Cariatide,
  • 18:31 - 18:38
    c'est-à-dire les pauvres, les prolétaires, les travailleurs.
    Lui il dit : Robespierre, cette révolution est ratée. Espérons qu'elle va reprendre sous une autre forme,
  • 18:38 - 18:48
    et il propose une mesure suicidaire à ses collègues les députés.
    Il leur dit : Nous devrions décider qu'on ne va pas se présenter à la législative.
  • 18:48 - 18:53
    Vous savez la constitution prévoyait qu'il y avait une chambre, qui s'appelait l'assemblée législative.
    On allait l'élire à la fin de l'année 91.
  • 18:53 - 19:03
    Robespierre espérant que le changement d'un personnel politique amènerait peut-être au pouvoir des gens plus soucieux d'équité, dit :
    Nous tous qui sommes là, on ne se représentera pas aux élections.
  • 19:03 - 19:06
    On laissera des jeunes gens venir.
    Comme il fait cette proposition et qu'il dit :
  • 19:06 - 19:12
    moi je ne me présenterais pas. Les autres n'osent pas dire non, alors il est entendu qu'aucun membre de l'assemblée constituante ne pourra faire partie de la législative.
  • 19:12 - 19:22
    Oui mais enfin avec ces élections qui sont censitaires, seuls les possédants votent. Qu'est-ce que ça va donner ?
    Ça va donner une chambre de notables. Une chambre de grands possédants.
  • 19:22 - 19:30
    La législative est immédiatement dirigée par un groupe de tête.
    On s'aperçoit que ce sont les meneurs. Les types particulièrement remarquables qu'on va appeler les Girondins.
  • 19:30 - 19:38
    Pourquoi Girondins ? Parce que au départ c'était un noyau de députés de la Gironde.
    Vous savez il y avait Vergniaud, qui était une espèce de playboy gascon qui avait beaucoup de succès féminin à Paris.
  • 19:38 - 19:46
    Très beau, du reste, un admirable garçon.
    Il y avait un autre bordelais qui s'appelait Guadet, qui était pas mal mais seulement il parlait du nez !
    Alors on l'appelait le canard !
  • 19:46 - 19:53
    Alors il y avait Guadet et puis il y avait Gensonné.
    Il y avait donc trois bordelais d'abord, puis à côté il y avait des gens qu'on va appeler Girondins bien qu'ils ne fussent pas de la gironde,
  • 19:53 - 20:00
    parce qu'ils pensaient comme eux.
    Il y avait le parfumeur Isnard qui était du Var, il y avait Barbaroux, qui n'avait pas de barbe, qui était marseillais.
  • 20:00 - 20:08
    Il y avait celui qu'on appelait, Dieu sait pourquoi, le vieux Roland, il avait 57 ans, moi je le trouve tout jeune.
    Et puis il y avait le marquis de Condorcet, il tenait beaucoup à se faire appeler marquis,
  • 20:08 - 20:16
    il disait toujours qu'il était un ami personnel, c'était vrai, de D'Alembert.
    Disons si vous voulez que c'était l'encyclopédiste de service à la législative.
    Alors ça c'est les Girondins.
  • 20:16 - 20:23
    Qu'est-ce qu'ils vont faire les Girondins ?
    Ils conduisent la politique française, c'est vrai. Et la législative est élue pour deux ans.
  • 20:23 - 20:31
    Elle ne fera pas les deux ans. Elle est élue à l'automne 1791 et elle va tomber le 10 août 92 dans les circonstances que vous savez mais que je vais vous rappeler.
  • 20:31 - 20:38
    Alors qu'est-ce qu'ils vont faire ces Girondins qui conduisent tout ?
    Ils vont faire une seule chose ! Ils vont déclarer la guerre à l'Autriche et à la Prusse.
  • 20:38 - 20:46
    Voyons là-dessus encore, on nous dit, c'est Michelet par exemple, Michelet nous dit : Pourquoi la guerre ? Parce que les Girondins étaient des hommes qui adoraient la liberté.
  • 20:46 - 20:54
    Le volcan révolutionnaire jettait ses étincelles sur le monde entier. Ou encore changeant d'image : c'est l'océan révolutionnaire qui déborde.
  • 20:54 - 21:02
    Enfin soyons sérieux. Bon, alors on nous dit autre part : guerre préventive.
    Ça se fait des guerres préventives. On savait absolument que les autres allaient attaquer.
  • 21:02 - 21:05
    Les autrichiens et les prussiens ne pouvaient pas tolérer cette France en désordre.
  • 21:05 - 21:10
    Que la reine était autrichienne et que par conséquent son frère l'empereur d'Autriche n'avait qu'une idée c'était d'écraser les français.
  • 21:10 - 21:16
    Ce n'est pas vrai ! Plus aucun historien aujourd'hui ne soutiendrait que la France était menacée militairement à ce moment-là.
  • 21:16 - 21:21
    Il y avait les émigrés bien sûr. Ils étaient environ 15 000. Qui était à Coblence, vous savez sur les bords du Rhin.
  • 21:21 - 21:26
    Ils étaient 15 000 sur les 25 millions de français. C'était pas extrêmement dangereux, ils faisaient beaucoup de moulinet.
  • 21:26 - 21:32
    Mais ils n'étaient redoutables que si ils avaient derrière eux la possibilité d'avoir l'appui militaire des forces autrichiennes et des forces prussiennes.
  • 21:32 - 21:39
    Ça c'eût été redoutable.
    Mais précisément le malheur de ces émigrés, c'est qu'ils ont beau supplier les autrichiens ou les prussiens d'intervenir,
  • 21:39 - 21:45
    les autrichiens et les prussiens ne veulent pas intervenir !
    Et même la reine Marie-Antoinette qui a écrit à son frère l'empereur en lui disant :
  • 21:45 - 21:53
    "le plus grand service que vous pourriez nous rendre serait de nous tomber immédiatement sur le corps".
    L'empereur d'Autriche ne veut rien entendre. Pourquoi ?
  • 21:53 - 22:02
    Parce que l'Autriche et la Prusse ont leur yeux fixés sur l'Est et non pas sur l'Ouest.
    Sur l'Est, c'est-à-dire la Pologne. Vous vous rappelez le fameux destin de la Pologne au 18ème siècle.
  • 22:02 - 22:12
    Gâteau que tout le monde mangeait : non, ils étaient trois à le manger.
    Il y avait déjà eu deux "mangements" si je puis dire. Et l'Autriche et la Prusse regardaient avec inquiétude du côté de Catherine 2 dont les dents étaient très longues, en se disant :
  • 22:12 - 22:20
    si on intervient pas elle va tout manger, alors il faut qu'on garde nos soldats pour une intervention militaire en Pologne !
    Après, on verra du côté de la France...
  • 22:20 - 22:28
    Donc rien à faire, ils ne veulent pas s'engager. Tout ce que les émigrés ont obtenu de la Prusse et de l'Autriche c'est la déclaration de Pillnitz, vous trouvez ça dans tous les livres.
  • 22:28 - 22:37
    Déclaration purement platonique en disant : Oui le moment venu, si notre unité se constitue, si l'Angleterre - qui avait bien envie de rester neutre - accepte aussi,
  • 22:37 - 22:40
    alors on pourrait envisager plus tard une intervention militaire sur la France.
  • 22:40 - 22:48
    Il n'y a pas de danger militaire. Alors pourquoi est-ce que les Girondins vont faire la guerre ?
    Eh bien c'est très intéressant, beaucoup d'histoires ne le disent pas encore.
  • 22:48 - 22:56
    Ils vont faire la guerre pour avoir de l'argent. Pourquoi ? La banqueroute dont je vous ai parlé tout à l'heure, comment est-ce qu'on l'avait conjuré ?
  • 22:56 - 23:01
    Vous vous rappelez, à l'automne 1789, la France décide de mettre la main sur les biens du clergé.
  • 23:01 - 23:10
    Et je n'y vois aucun inconvénient étant donné que l'église avait 3 milliards et demi de biens, ce qui était un peu excessif.
    Alors comme la situation française était pénible, on prenait l'argent du clergé.
  • 23:10 - 23:18
    On pouvait pas jeter comme ça immédiatement sur le marché, ces trois milliards et demi de biens, ils en avaient fait pour la première fois vous le savez bien, des papiers monnaie.
  • 23:18 - 23:28
    Qu'on appelait des assignats, les assignats étaient gagés par cette fortune ecclésiastique devenue fortune nationale.
    Ça c'était passé à l'automne 89 et nous en sommes maintenant à l'automne 91.
  • 23:28 - 23:37
    La planche aux assignats a déjà tellement bien tourné qu'il a un milliard et 900 millions, un milliard et 900 millions d'assignats en circulation.
  • 23:37 - 23:44
    L'assignat commence à perdre sa valeur. C'est-à-dire qu'en 91, si vous arrivez dans une banque avec un assignat de 100 franc et que vous demandez 100 franc or, on vous donnera 80 francs.
  • 23:44 - 23:53
    L'assignat a déjà perdu 20%. Si on continue, il n'y a pas de raison pour que ça s'arrête, si on continue à faire tourner la planche aux assignats comme ça, dans 6 mois il n'y a plus de gage.
  • 23:53 - 23:56
    Par conséquent c'est la monnaie qui tombe. Il faut faire de l'argent !
  • 23:56 - 24:02
    On peut bien en trouver du côté du Gurin à tout prix, mais heureusement il y a les Rhénans à côté de la France, il y a les belges qui ont pas mal d'argent.
  • 24:02 - 24:12
    Eh bien on va aller prendre les biens d'autrui. C'est exactement ça, la guerre des Girondins c'est une guerre de rapine.
    Et il ne faut pas que je me mette à affirmer des choses si affreuses sans apporter immédiatement des preuves.
  • 24:12 - 24:18
    Alors je vais vous les donner les preuves.
    14 décembre 1791, nouveau ministre de la guerre, il s'appelle Narbonne,
  • 24:18 - 24:24
    il est très bien avec les Girondins, Narbonne c'est l'amant numéro X de madame de Staël.
    Elle trouvait plus drôle de faire l'amour avec un ministre, alors elle l'avait fait ministre de la guerre.
  • 24:24 - 24:34
    Alors le 14 décembre 1791, il est à la tribune ce Narbonne, et il dit la phrase suivante. Qui est un officiel, vous pouvez vérifier.
  • 24:34 - 24:43
    "Il faut faire la guerre. Le sort des créanciers de l'Etat en dépend."
    Enfin, on ne peut pas être plus net, n'est-ce pas ?
  • 24:43 - 24:52
    Si on ne fait pas la guerre, le sort des créanciers de l'Etat il est fichu.
    Le 29 décembre 91, Brissot, qui est apparenté comme négrillon, apparenté aux Girondins.
  • 24:52 - 25:02
    Lui aussi fait cette déclaration, écoutez bien. "La guerre est indispensable à nos finances et à la tranquillité intérieure."
    Je vous demande de garder tranquillité intérieure dans un coin de votre mémoire.
  • 25:02 - 25:09
    Indispensable à nos finances et la tranquillité intérieure.
    Il y a toujours ce gêneur qui est toujours là pour empêcher de danser en rond.
  • 25:09 - 25:16
    C'est Robespierre qui va encore faire une protestation pendant un mois et demi.
    Il n'est plus député puisque c'est la législative, mais il a sa tribune des Jacobins.
  • 25:16 - 25:23
    Décembre 91 et janvier 92, Robespierre fait une charge permanente et à fond contre l'idée de la guerre.
    Et qu'est-ce qu'il dit ?
  • 25:23 - 25:29
    Son premier argument c'est : si vous voulez faire cette guerre d'agression, vous vous reniez !
    Pourquoi reniement ?
  • 25:29 - 25:37
    Parce que la constituante, à un moment où elle n'avait pas besoin d'argent, avait accepté à l'unanimité de voter une proposition de Robespierre.
  • 25:37 - 25:43
    Ça c'était passé en mai 90, le 23 mai 90 je crois. Robespierre avait fait voté par la constituante ceci :
  • 25:43 - 25:50
    La nation française déclare solennellement qu'elle ne fera plus jamais de guerre d'agression.
  • 25:50 - 25:58
    Ce monsieur Gaxotte dont je vous ai parlé tout à l'heure, dans ce gentil livre sur la révolution française, dit : c'était une sottise humanitaire que proposait Robespierre.
  • 25:58 - 26:04
    Alors je vous demande de réfléchir un instant à ce qu'il se serait passé si la France réellement fait ce que Robespierre lui demandait.
  • 26:04 - 26:09
    Qu'est-ce que c'était que la politique internationale à ce moment-là ? Comme aujourd'hui c'était la jungle, les gros mangeant les petits.
  • 26:09 - 26:15
    La France - je ne suis pas particulièrement chauvin - enfin la France à ce moment-là représentait la première nation d'Europe.
  • 26:15 - 26:18
    La plus peuplée, 26 millions d'habitants.
    Celle qui était soi-disant la plus lettrée.
  • 26:18 - 26:29
    Si la France avait réellement, à partir de 1790, décidé que plus jamais elle ne ferait de guerre de conquête et de guerre d'agression,
    il me semble qu'un pas eût été accompli dans le sens de la civilisation.
  • 26:29 - 26:37
    Bon alors, on avait voté parce qu'à ce moment-là il n'y avait pas de problème de guerre.
    Mais maintenant que la guerre s'imposait pour les raisons financières que vous avez vues, reniement ! Disait Robespierre.
  • 26:37 - 26:40
    Vous avez promis que la France n'attaquerait pas, et elle va attaquer.
  • 26:40 - 26:46
    Les Girondins disent, ce que répètera monsieur Michelet, c'est une guerre de générosité que nous faisons, c'est pour répandre nos idées.
  • 26:46 - 26:54
    Et Robespierre disait : Parfait, mais envoyez donc des émissaires partout, mais n'envoyez pas des soldats. Parce que personne n'aime les missionnaires armés, dit-il.
  • 26:54 - 27:00
    Et les soldats qui vont arriver avec l'idée de la liberté soi-disant au bout de leur baïonnette, on sait très bien ce qu'ils feront les soldats !
  • 27:00 - 27:05
    Ils vont tuer d'abord, c'est leur métier. Ils vont piller, ils vont violer.
    C'est la meilleure façon de faire détester nos idées.
  • 27:05 - 27:12
    Troisièmement disait Robespierre : voyons avec quoi voulez-vous faire la guerre ? On ne fait pas la guerre avec une armée sans cadres, et il n'y a plus de cadres !
  • 27:12 - 27:21
    Quand tout à l'heure je vous parlais émigrés qui était 15 000, c'était quoi les émigrés ?
    C'était presque tous des officiers. Alors je vais vous donner un chiffre encore. C'était sur Bonaparte que j'ai découvert ça.
  • 27:21 - 27:28
    Bonaparte était à ce moment-là lieutenant au quatrième régiment d'artillerie, et j'ai vu dans la correspondance de Bonaparte - je vais lentement hein -
  • 27:28 - 27:38
    j'ai vu dans la correspondance de Bonaparte, que en janvier 91 il y avait au quatrième régiment d'artillerie 80 officiers. Janvier, 80 officiers.
  • 27:38 - 27:46
    En novembre 91, il y a 14 officiers. Il en reste 14 sur les 80. Ce qu'il se passait au quatrième régiment d'artillerie devait se passer dans des tas de régiments.
  • 27:46 - 27:54
    La plupart des officiers avait émigré, et donc pas de cadres. Donc Robespierre dit : vous faites la guerre dans des conditions telles que le désastre est infaillible.
  • 27:54 - 28:02
    Et il ajoute, se rappelant de ce qu'il avait vu le 17 juillet 91 quand La Fayette avait fait tirer sur le peuple, il dit :
  • 28:02 - 28:08
    faites attention, vous avez réparti les forces françaises en trois groupes.
    Il y a l'armée Rochambeau, l'armée La Fayette, l'armée Luckner.
  • 28:08 - 28:18
    Si jamais l'armée La Fayette remporte un succès, craignez que La Fayette ne transforme ses soldats en des prétoriens et ne revienne sur Paris à la tête de ses troupes pour nous imposer le gouvernement de son choix.
  • 28:18 - 28:25
    Qui serait la dictature militaire, et dit Robespierre, il n'y a pas de pire despotisme que le despotisme militaire.
    Ce qui n'était pas mal vu.
  • 28:25 - 28:31
    Alors maintenant quatrième remarque : Il dit, ce que vous proposez c'est une guerre de diversion, une guerre de diversion !
  • 28:31 - 28:37
    Le prix du pain avait bien baissé à la fin de l'année 89 et encore en 90, donc il n'y avait plus de problème social.
  • 28:37 - 28:47
    Les gens mangeaient à peu près. Mais voilà qu'en 91, le problème s'était de nouveau posé. Soit que la récolte ait été déficitaire, soit que des gens aient accaparé les blés comme l'avait fait Necker.
  • 28:47 - 28:54
    C'était une des origines de sa fortune. Necker accaparait le blé et disait : il y a disette quand le prix était monté, et il remettait sur le marché à un prix supérieur.
  • 28:54 - 29:05
    Toujours est-il que les gens ne mangeaient plus en 91 ! De nouveau, agitation sociale.
    Boscari, dont je vous ai parlé tout à l'heure, l'agent de change. En février 92, arrive les yeux hors de la tête à la tribune.
  • 29:05 - 29:12
    Il est maintenant député de la législative, puisqu'il ne l'était pas député de la constituante.
    Il était en même temps commerçant et agent de change. Il avait un magasin d'épicier.
  • 29:12 - 29:20
    Et il dit : il s'est passé une chose épouvantable, ce matin des ménagères sont entrées dans mon épicerie et ont volé des piles de savon !
  • 29:20 - 29:27
    C'était vrai, c'était des choses extrêmement indignes. Il avait annoncé une augmentation massive du prix du savon, et les femmes avaient pris ça très mal, elles étaient venues voler le savon.
  • 29:27 - 29:33
    Ce qui était déjà très coupable. Mais alors ce qu'il se passe le 3 mars 92 tout à côté de Paris, c'est infiniment plus grave.
  • 29:33 - 29:44
    C'est à Etampes que ça se passe. Les ouvriers agricoles d'Etampes qui ne mangent pas à leur faim, sont venus trouver le maire.
    Le maire s'appelle Simonneau, c'était un petit industriel, c'était un tanneur.
  • 29:44 - 29:50
    Et c'est la première fois qu'on va entendre parler d'un mot qui va être si célèbre pendant la révolution, ces gens demandent le MAXIMUM.
  • 29:50 - 29:55
    Vous savez, aujourd'hui on dit maximum mais ils disaient "maximom" alors je prononcerais comme eux.
    Ça voulait dire quoi le maximum ?
  • 29:55 - 30:03
    Ces gens demandent une intervention des pouvoirs publics, soit municipaux, soit départementaux, soit nationaux, pour fixer le prix de vente des produits de première nécessité.
  • 30:03 - 30:11
    Et avant tout le prix de vente du pain. Ça c'est inqualifiable, les Girondins disent que c'est intolérable.
    Ce sont des amis de la liberté comme vous le savez.
  • 30:11 - 30:16
    La première liberté pour eux c'est la liberté économique, on ne doit pas intervenir sur les marges bénéficiaires.
  • 30:16 - 30:21
    C'est à ce moment-là même que monsieur Roland, le vieux Roland dont je vous parlais, prononce cette phrase :
  • 30:21 - 30:28
    "Tout ce que l'assemblée - la législative - Tout ce que l'assemblée peut faire en matière économique, c'est de déclarer qu'elle n'interviendra jamais."
  • 30:28 - 30:40
    Alors comme le maire leur dit : Non non, n'y comptez pas, jamais je ne taxerais le pain.
    Les types qui crèvent, le tue ! C'est le premier mort, un des premiers morts de la révolution.
  • 30:40 - 30:44
    Mort pour la propriété si vous voulez.
    Les Girondins sont complètement affolés. En se disant : Il faut faire la guerre.
  • 30:44 - 30:51
    Vous vous rappelez Brissot. La guerre est indispensable à la tranquillité intérieure.
    Puisqu'il y a une insurrection sociale, il faut vite vite vite déguiser les soldats en conscrits,
  • 30:51 - 31:01
    les jeunes gens en conscrits, les envoyer à la caserne, les envoyer sur le front.
    Parce que nous pouvons espérer quelques résultats militaires, et surtout cela fera une ponction sur la classe ouvrière.
  • 31:01 - 31:06
    Et tous ces petits prolétaires ne nous embêterons plus puisqu'ils seront des soldats.
    Robespierre l'avait vu, et le dit.
  • 31:06 - 31:11
    Cinquièmement, dit Robespierre : Vous Girondins, qui attaquez tout le temps le parti autrichien qui est aux Tuileries.
  • 31:11 - 31:18
    C'est vrai, il y a un parti autrichien qui était le parti de la reine. Vous ne voyez donc pas qu'en demandant la guerre, vous faites le jeu de la cours ?
  • 31:18 - 31:25
    Michelet en 1869, dans une post face à son histoire, répondant à une attaque de Louis Blanc, Michelet dira :
  • 31:25 - 31:32
    monsieur Louis Blanc a repris les calomnies, les calomnies de Robespierre contre les Girondins, qui soi-disant faisaient le jeu de la cours.
  • 31:32 - 31:41
    Michelet n'hésite pas à écrire : La guerre, la cours en avait peur, une peur effroyable.
    Alors je vais vous montrer la peur effroyable que la cours avait de la guerre.
  • 31:41 - 31:45
    Vous vous rappelez déjà ce que Marie-Antoinette avait dit en demandant à son frère d'intervenir militairement le plus vite possible.
  • 31:45 - 31:51
    Et voici une phrase de Louis XVI. Elle est du 14 décembre, c'est-à-dire le même jour où il y avait le discours de Narbonne que je vous ai cité tout à l'heure.
  • 31:51 - 31:59
    Le 14 décembre 91, le roi de France, Louis XVI, écrivant à son ami le baron de Breteuil qui a été ministre pendant deux jours,
  • 31:59 - 32:04
    vous vous rappelez le 12, 13 et 14 juillet, et qui est maintenant réfugié à Bruxelles.
  • 32:04 - 32:16
    Le 14 décembre, le roi Louis XVI écrivant à Breteuil, il lui dit : "L'état physique et moral de l'armée française est tel qu'elle ne peut même pas faire six mois de campagne."
  • 32:16 - 32:23
    Conclusion : il faut faire la guerre le plus vite possible !
    Parce qu'il y aura un désastre, et qu'on pourrait rétablir la situation telle qu'elle devait l'être en 1788.
  • 32:23 - 32:28
    Alors le roi va faire que les responsables de l'affaire prennent leurs responsabilités.
  • 32:28 - 32:39
    Il va appeler un ministère Girondin. Et c'est un ministère Girondin qui, le 20 décembre 1792, va déclarer la guerre à l'Autriche.
    Le résultat ne s'est pas fait attendre : dès le 25, désastre.
  • 32:39 - 32:49
    L'armée de Luckner, je dois vous dire entre parenthèses que Marie-Antoinette par l'intermédiaire de son ex amant Fersen avait averti les autrichiens du mouvement.
  • 32:49 - 32:56
    On a le petit billet où elle dit à Fersen : "L'armée de Luckner va faire mouvement, avertissez qui de droit."
    L'armée de Luckner s'avance du côté de Tournai.
  • 32:56 - 33:02
    Deux régiments de Dragons commandés par des officiers qui étaient restés sur place, imaginant qu'ils pourraient rendre de meilleurs services en restant.
  • 33:02 - 33:11
    Deux régiments de Dragons désertent, les officiers passent du côté des autrichiens.
    Les français, sans doute pour faire aimer la révolution, brûlent les faubourgs de Tournai avant de se retirer.
  • 33:11 - 33:18
    C'est si vous voulez le front, comme on l'appellera depuis, qui est ouvert.
    Les autrichiens peuvent foncer sur Paris, puisqu'il n'y a plus d'armée française.
  • 33:18 - 33:25
    Elle s'est volatilisée du côté de Luckner. Ils n'avancent pas !
    La reine et le roi se rongent les poings en disant : Mais la route est libre, ils ne viennent pas !
  • 33:25 - 33:32
    Ils ne viennent pas parce que l'affaire de la Pologne n'est pas encore réglée.
    Alors, faute d'intervention militaire on peut au moins faire une intervention orale,
  • 33:32 - 33:38
    et tout ce que le roi et la reine obtiennent, c'est le fameux manifeste de Brunswick.
    Tous les livres d'histoire vous en parlent.
  • 33:38 - 33:45
    Manifeste de Brunswick : déclaration signée et rédigée, mais surtout signée, par le chef du corps expéditionnaire prussien, qui s'appelle le duc de Brunswick.
  • 33:45 - 33:52
    Avaient collaborés à l'élaboration de ce document : un Genevois qui s'appelait Mallet Du Pan, je me demande ce qu'il faisait là-dedans, mais enfin il avait du style, alors il écrivait.
  • 33:52 - 33:57
    Et qu'est-ce que c'était que cette déclaration ?
    C'était une mise en garde adressée aux parisiens.
  • 33:57 - 34:07
    Si jamais, avant notre arrivée, disait les austro-prussiens, vous faites le moindre outrage au roi et à sa famille, Paris sera livré à une totale subversion.
  • 34:07 - 34:17
    C'est extrêmement dangereux d'écrire ça, puisque les envahisseurs annonçaient qu'ils avaient parti lié avec la cours.
    Ils comptaient sur des français terrorisés, se mettant à plat ventre devant eux.
  • 34:17 - 34:25
    Le résultat a été une indignation furieuse des parisiens, en se disant : Enfin, ça ne passera pas comme ça.
    Et le 10 août 1792, la plèbe se jette sur les Tuileries.
  • 34:25 - 34:34
    Le roi est déchu. Robespierre qui est membre de la commune insurrectionnelle fait voter immédiatement le suffrage universel.
    Alors oui, ça c'est la révolution.
  • 34:34 - 34:42
    Vous savez quand on dit la révolution française, il ne faut pas confondre.
    De 89 à 92 c'est une fausse révolution, c'est la réformette dont je vous ai parlé, la bagarre des nantis.
  • 34:42 - 34:45
    Mais à partir de 1792, c'est LA révolution.
  • 34:45 - 34:51
    Madame de Staël s'y trompera si peu, que dans ses considérations sur la révolution française de 1816, elle écrira :
  • 34:51 - 35:02
    "Dès lors, la révolution changea d'objet. Les gens de la classe ouvrière s'imaginèrent que le joug de la disparité des fortunes allait cesser de peser sur eux."
  • 35:02 - 35:09
    Et en d'autres termes, plus imaginés, Chateaubriand, dira dans une phrase trop peu citée et que je trouve admirable, dans les mémoires d'outre-tombe :
  • 35:09 - 35:14
    "à partir du 10 août 92, les sabots frappaient à la porte des gens à soulier".
  • 35:14 - 35:24
    Bon, suffrage universel. Qu'est-ce que peut bien être le suffrage universel dans cette France qui est presque totalement analphabète ?
    Il y a 85% des français qui ne savent ni lire ni écrire.
  • 35:24 - 35:30
    Par conséquent quand on annonce : Suffrage universel, et tout le monde peut voter.
    Très très peu de gens votent.
  • 35:30 - 35:39
    Il y avait environ 5 à 6 millions d'électeurs qui pouvaient être inscrits, qui étaient des français qui avaient âge de voter.
    Il y en aura 1,3 million, pas plus, qui voteront.
  • 35:39 - 35:47
    La plupart ne votent pas, ils ne comprennent pas de quoi il s'agit, ces pauvres paysans.
    Et ceux qui vont voter sont ceux qui sont encore dociles à leur notable, les nouveaux notables.
  • 35:47 - 35:53
    Les aristocrates sont partis, c'est les bourgeois qui ont acheté les châteaux.
    Alors les bourgeois disent : voilà comment il faut voter.
  • 35:53 - 36:00
    Résultat, sur les 750 membres de la nouvelle assemblée, cette nouvelle assemblée qu'on aurait dû appeler La Constituante numéro deux.
  • 36:00 - 36:04
    Puisqu'une constituante c'est fait pour faire une constitution, et qu'il y a une constitution républicaine à faire maintenant.
  • 36:04 - 36:10
    Mais on n'avait pas encore l'idée de répéter : constituante, ça c'est réservé pour des conciles. De mettre un numéro un : Vatican 1, Vatican 2.
  • 36:10 - 36:17
    Alors on avait trouvé à cause de l'Américanisme en vogue, on avait trouvé un mot anglais, Convention, mais les français ne savaient pas alors ils disaient tous convention.
  • 36:17 - 36:25
    Alors c'est entendu on va faire une convention ! Pour les élections à la convention, pour les 750 membres, alors que toute la France rurale et artisanale vote :
  • 36:25 - 36:32
    sur 750 membres, il y a deux représentants de la classe ouvrière.
    Il y a un cardeur de laine de Reims qui s'appelle Armonville,
  • 36:32 - 36:37
    et ouvrier armurier de Saint-Etienne qui s'appelle Noël Pointe. C'est tout.
    Tout le reste c'est des bourgeois, c'est des notables !
  • 36:37 - 36:43
    Avec les Girondins qui sont là plus virulents que jamais, et avec les anciens de la constituante qui cette fois ont le droit de se présenter.
  • 36:43 - 36:49
    Alors on voit reparaître le président classe, le Sieyès, enfin tout le vieux personnel est là.
    Robespierre qui se rend compte que c'est extrêmement dangereux et qui n'obtiendra pas grand-chose,
  • 36:49 - 36:59
    annonce que, puisqu'on fait une constitution républicaine, il faut mettre un certain article dans cette constitution républicaine sur la propriété.
  • 36:59 - 37:05
    Robespierre et la propriété. J'ai lu dans un certain nombre de livres que Robespierre était un pré-communiste.
  • 37:05 - 37:11
    Moi je croyais que le communiste c'était un collectivisme, c'est-à-dire que c'est la nation qui s'empare des éléments de production.
  • 37:11 - 37:19
    Jamais Robespierre n'a songé à ça ! Robespierre est Rousseauiste, si vous avez lu le contrat social, qui de ce côté-là est assez enfantin, l'idée sociale de Rousseau c'est :
  • 37:19 - 37:25
    répartition assez équitable des propriétés, que chacun ait son petit lopin de terre.
    Eh bien c'est ça la pensée de Robespierre.
  • 37:25 - 37:35
    Seulement si Robespierre n'est en rien collectiviste, il dit que la propriété doit connaitre des limites.
    Alors dans un certains discours il déclare ceci :
  • 37:35 - 37:44
    "Il y a dans votre déclaration des droits de l'Homme, un adjectif inédit.
    Et il a raison. La déclaration des droits de l'Homme a propos de la propriété, avait dit :
  • 37:44 - 37:52
    la propriété est inviolable, soit. Et sacrée.
    C'était la première fois qu'on employait un mot religieux pour la propriété.
  • 37:52 - 37:58
    Mais je vous l'ai dit déjà les constituants étaient des gens positifs, des voltairiens, qui savaient distinguer ce qui est réel et ce qui est irréel.
  • 37:58 - 38:05
    Alors les choses sacrées, de religieux ça n'avait pas de consistance. La propriété, ça c'est une chose respectable donc on va mettre sacré.
  • 38:05 - 38:13
    Robespierre dit : vous avez déclaré que la propriété était sacrée, demandez donc à un négrier puisque vous n'avez pas voulu abolir l'esclavage.
  • 38:13 - 38:22
    Demandez à un négrier sa propriété, il va vous montrer, vous désigner du doigt un bateau.
    Non je me trompe, dit Robespierre. Un vaisseau flottant, un cercueil flottant.
  • 38:22 - 38:26
    Un cercueil flottant plein de femmes et d'enfants, d'hommes et d'enfants à la peau noire.
  • 38:26 - 38:32
    Et il vous dira en toute conscience et appuyé par vous-même : ceci est ma propriété. Ma propriété sacrée.
  • 38:32 - 38:39
    Robespierre dit : Vous savez que ce n'est pas possible, on ne peut pas être propriétaire d'êtres humains. Donc vous voyez qu'il y a une limite à la propriété.
  • 38:39 - 38:45
    Et de même que la limite de la liberté c'est la liberté d'autrui. De même la limite de la propriété c'est la vie ou la dignité d'autrui.
  • 38:45 - 38:52
    Je demande donc que la constitution républicaine marque telle limite au droit de propriété.
    Hurlement, vocifération !
  • 38:52 - 39:02
    Immédiatement Barère propose : peine de mort pour, les Girondins aimaient beaucoup jongler avec ce mot.
    Peine de mort pour quiconque proposera une loi attentatrice à la propriété individuelle ou commerciale.
  • 39:02 - 39:10
    ça il ne l'oubliait pas : ou commerciale.
    Et comme on arrive à l'anniversaire de la mort de Simonneau, vous savez le pauvre tanneur qui s'était fait liquider l'année précédente,
  • 39:10 - 39:16
    les Girondins organisent une grande fête, qu'on va appeler la fête des lois.
    Fête des lois ou fête des morts, enfin en l'honneur du martyr de la propriété.
  • 39:16 - 39:22
    Et pour ce jour-là, les Girondins ont fait modifier l'écusson républicain, qui depuis septembre 92 était : liberté, égalité, fraternité.
  • 39:22 - 39:36
    Fraternité c'est un mot de trop, les Girondins mettront sur les écussons ce jour-là : liberté, égalité, propriété.
    Et à partir du mois de mai 1793, c'est une offensive,
  • 39:36 - 39:47
    suivez-moi bien, une offensive des Girondins pour appeler la province à se lever contre Paris.
    Pourquoi ? Parce que Robespierre est député de Paris. Parce que dans les élections pour la convention,
  • 39:47 - 39:55
    si des élections ont été parfaites de notables très assoupis à travers toute la France, la députation parisienne est entièrement, comme nous dirions aujourd'hui, d'extrême gauche.
  • 39:55 - 40:00
    Il y a là Robespierre, il y a là Marat, il y a Danton dont je parlerais tout à l'heure.
    Enfin, des gens redoutables.
  • 40:00 - 40:12
    C'est pourquoi les Girondins disent : il faut appeler la province au secours de ce Paris qui est menacé.
    Et le 8 mai 1793, Vergniaud montant à la tribune, jette son premier appel de guerre civile.
  • 40:12 - 40:21
    Vergniaud dit : "Habitants de la Gironde, levez-vous !"
    Il n'y a plus une minute à perdre, sous peine de voir les bases de la société se dissoudre.
  • 40:21 - 40:30
    Cambon, qui est à la fois député et industriel du midi, Cambon fait à la tribune une déclaration parallèle : "Généreuse population du midi, levez-vous !"
  • 40:30 - 40:42
    Ça va aboutir à la déclaration d'Isnard, le parfumeur Girondin, du 25 mai 1793, où Isnard à la tribune va faire son petit Brunswick.
  • 40:42 - 40:48
    Vous vous rappelez, Brunswick le prussien, qui avait dit : si les parisiens ne sont pas sages, Paris sera livré à une totale subversion.
  • 40:48 - 41:00
    Et lui, Isnard, qui est cependant je le croyais un français, va dire : si la population de paris se mêle du moindre attentat à l'égard de la propriété, Paris sera détruit par les forces provinciales.
  • 41:00 - 41:06
    Puis comme il a le sens du pittoresque : Et bientôt, dit-il, le voyageur des bords de la Seine se demandera si jamais une ville s'est élevée là.
  • 41:06 - 41:17
    Alors Robespierre qui a compris, le soir-même aux Jacobins, dit : c'est clair, la situation est désormais entre les sans-culottes et les culottes dorées. J'appelle le peuple à l'insurrection.
  • 41:17 - 41:30
    Et le 31 mai, la foule entoure la convention, exigeant la disparition de 32 députés Girondins.
    Michelet déchire ses vêtements en racontant ça, en disant c'est un attentat.
  • 41:30 - 41:36
    C'est vrai, c'est parfaitement vrai. C'est extrêmement illégal.
    Ce sont les représentants de la nation. La nation n'a pas voté, elle aurait dû voter.
  • 41:36 - 41:45
    Et c'est une toute petite partie de la plèbe parisienne qui se mêle de dire : nous portons atteinte au suffrage universel, et nous voulons l'exclusion de 32 députés.
  • 41:45 - 41:53
    Lamartine, qui ne passe pas pour un esprit violent, Lamartine dans son histoire des Girondins dira : oui c'est vrai, c'était parfaitement illégal.
  • 41:53 - 42:00
    Mais il y a des morts, il y a des cas, il y a des heures, où il n'est plus question de légalité ou d'illégalité, il y a des heures de vie ou de mort, a dit Lamartine.
  • 42:00 - 42:09
    Or le 31 mai 1793, la situation de la France était telle que si on avait pas agi contre les fauteurs de guerre civile, puisque les Girondins appelaient à la guerre civile,
  • 42:09 - 42:12
    c'était non seulement la fin de la république mais aussi la fin de la France. Signé Lamartine.
  • 42:12 - 42:19
    D'ailleurs il y a des excités comme Hébert, vous savez Hébert qui dirigeait le "Père Duchesne" un journal qui est assez déshonorant,
  • 42:19 - 42:25
    dont Jaurès dans son histoire socialiste de la révolution française dira : si la révolution avait pu être déshonorée, elle l'eut été par Hébert.
  • 42:25 - 42:32
    Hébert demandait du sang. Il demandait qu'on tuât ces députés.
    Et c'est Robespierre, écoutons du reste, qui s'y était absolument opposé en disant :
  • 42:32 - 42:39
    Ah non surtout pas, pas une goutte de sang ! Je ne demande même pas qu'on les mette en prison.
    Robespierre disait : nous les excluons. Ce qui est déjà très raide.
  • 42:39 - 42:44
    32 députés qui sont exclus. On leur demandera simplement de donner leur parole d'honneur qu'ils ne quitteront pas leur maison.
  • 42:44 - 42:52
    Pour les aider à tenir leur parole d'honneur, on mettra un gendarme dans la maison, mais enfin ils seront là, chez eux, tranquillement chez eux.
  • 42:52 - 42:59
    C'est vrai que Lamartine a raison. Il faut que je vous rappelle la situation de la France à ce moment-là.
    C'était une des pires que mon pays n'ait jamais connu.
  • 42:59 - 43:06
    Robespierre s'était méfié des généraux, et il avait quelque raison parce que La Fayette, qui commandait un des trois corps d'armée,
  • 43:06 - 43:11
    quand il avait vu arriver le 12 août, c'est-à-dire la république, avait trouvé cette république inacceptable.
  • 43:11 - 43:26
    Et le 19 août 92, donc 9 jours après l'insurrection parisienne, ce chef de corps d'armée française avait déserté.
    La Fayette était passé de l'autre côté, il n'avait pas offert ses services à l'ennemi mais il dit :
  • 43:26 - 43:34
    je ne me bats plus, je ne veux plus défendre un pays qui ne m'intéresse pas.
    Mais Dumouriez, l'année suivante, avait fait bien pire.
  • 43:34 - 43:49
    le 4 avril 1793, Dumouriez qui lui n'était pas seulement responsable comme La Fayette d'une partie du front, mais de tout le front français.
    Après l'échec qu'il avait subît le 18 mars à Neerwinden, était passé du côté des autrichiens.
  • 43:49 - 43:58
    Entrainant avec lui tout son état-major dans lequel il y avait un certain petit duc de Chartres qui deviendra Louis-Philippe.
    L'entrée du roi Louis Philippe dans la politique française c'est sa trahison avec Dumouriez.
  • 43:58 - 44:07
    Toujours est-il que Dumouriez est passé de l'autre côté et a offert ses services à l'envahisseur.
    Qui du reste ne l'utilisera pas. On ne le verra reparaitre que beaucoup plus tard.
  • 44:07 - 44:14
    Le front était crevé et à ce moment-là l'affaire de Pologne était réglée.
    Cette fois les austro-prussiens vont avancer.
    Bon alors, Péril péril le sur...
  • 44:14 - 44:24
    Deuxièmement, le 10 mars 93 - et je vous explique la situation fin mai, début juin - le 10 mars 93, tous les départements de l'ouest avaient pris feu.
  • 44:24 - 44:33
    C'est ce qu'on appelle d'un mot simplifiant la Vendée, l'insurrection de Vendée.
    Or vous savez où ça se trouve la vendée, à un certain point français. En réalité c'est la Bretagne aussi.
  • 44:33 - 44:38
    Il faudrait dire Bretagne et Vendée qui avaient pris feu.
    Là je tiens à vous dire très rapidement une rectification.
  • 44:38 - 44:45
    J'ai longtemps vécu sur l'idée que c'était une insurrection religieuse.
    Que ces vendéens et ces bretons étaient des gens extrêmement catholiques,
  • 44:45 - 44:54
    qu'ils ne pouvaient pas tolérer la politique antireligieuse de la convention et qu'ils avaient pris feu.
    Effectivement ils vont constituer une armée qu'on appellera la grande armée catholique et royale.
  • 44:54 - 45:02
    Ce n'est pas vrai. Ça ne s'est pas passé comme ça.
    Il n'y avait plus de persécution religieuse en 93, à cause de Robespierre.
  • 45:02 - 45:08
    Robespierre était franc-maçon, il était non-catholique. Mais il ne voulait absolument pas qu'on persécutât quiconque pour ses opinions religieuses.
  • 45:08 - 45:15
    En revanche, en 90, 91, 92, il y avait eu de la persécution religieuse, quand on avait décidé la constitution civile du clergé.
  • 45:15 - 45:19
    Et autant je vous ai dit tout à l'heure que je trouvais normal que la nation prenne les 3 milliards et demi de biens du clergé,
  • 45:19 - 45:25
    autant je trouve parfaitement anormal que des laïcs sans mandat décident une réforme de l'Eglise.
  • 45:25 - 45:31
    Ca ne les regarde pas. Il fallait au moins consulter le pape ou au moins les fidèles.
    Pas du tout, les constituants avaient dit : ça se passera comme ça et comme ça.
  • 45:31 - 45:35
    Alors il y avait la moitié du clergé français qui avait pas marché, on appelle ça les prêtres réfractaires,
  • 45:35 - 45:42
    et je vous assure que les Girondins qui étaient furieusement antireligieux avaient poussé avec violence à la persécution antireligieuse.
  • 45:42 - 45:48
    Est-ce que les vendéens avaient bougé ? Absolument pas.
    Et c'est maintenant qu'on ne persécute plus les prêtres que les vendéens bougent. Pourquoi ?
  • 45:48 - 45:55
    Parce que je vous l'ai dit, c'est le 1er mars 93 que les autrichiens ont enfoncé le front français.
    Parce que le territoire français est menacé,
  • 45:55 - 46:02
    parce que la convention vient de demander une levée générale, on n'ose pas encore parler de conscription mais on dit il faut que tout le monde défense le sol national.
  • 46:02 - 46:07
    Et quand on demande aux paysans de Bretagne ou de Vendée de prendre les armes pour aller défendre cette frontière de l'Est, ils ne savent même pas où c'est.
  • 46:07 - 46:14
    Pas question ! La Vendée et la Bretagne, ce peuple d'objecteur de conscience, des gens qui ne veulent pas marcher, qui ne veulent pas aller se battre.
  • 46:14 - 46:20
    Toujours est-il que ces départements, c'est à feu et à sang.
    Et les Girondins ? Il y a Vergniaud et quelques uns qui étaient d'honnêtes gens.
  • 46:20 - 46:25
    Qui ayant donnés leur parole d'honneur, ont maintenu leur parole d'honneur, ont pas bougé.
    D'ailleurs ça leur coutera la tête.
  • 46:25 - 46:36
    Mais la plupart des autres, malgré leur parole d’honneur, sont partis. Et qu'est-ce qu'ils ont fait ?
    Les Girondins ont eu à ce moment-là parti lié avec les royalistes et ont mis en insurrection tous les départements où ils étaient importants.
  • 46:36 - 46:45
    Si bien qu'au 1er juin 1793, 60 départements sur les 90 départements français sont en état d'insurrection.
    Vous voyez la gravité de la situation.
  • 46:45 - 46:50
    Il y a quelqu'un à ce moment-là qui est très important et dont je vous ai pas encore parlé, c'est Danton.
  • 46:50 - 46:55
    J'en ai pas parlé parce que je le réservais pour maintenant et c'est en effet à partir de 93 qu'il va avoir un grand rôle.
  • 46:55 - 47:04
    Autant Robespierre était un fanatique, qui avait une certaine idée, une doctrine quoi, une doctrine sociale.
    autant il est impossible de savoir quelles sont les idées politiques de Danton.
  • 47:04 - 47:09
    Danton n'en a pas. Danton c'est un opportuniste.
    Danton c'est quelqu'un qui a fait un riche mariage,
  • 47:09 - 47:15
    il a épousé une cabartière de Paris qui avait une propriété à Sèvres, enfin un monsieur déjà opulent.
    Il ne sort pas de rien lui.
  • 47:15 - 47:20
    Le petit Robespierre avait pas le sous, tandis que Danton, son père qui était procureur à Arcis-sur-Aube avait déjà une certaine fortune,
  • 47:20 - 47:25
    et on voit Danton considérer surtout la révolution comme une occasion d'avancement personnel.
  • 47:25 - 47:33
    Je dirais si vous voulez : eau trouble, bonne pêche.
    Et effectivement, Danton qui est disciple de Mirabeau, va être lui aussi acheté.
  • 47:33 - 47:42
    Ne croyez pas que je fais de la polémique.
    Preuve : Le 10 mars 91, Mirabeau est encore vivant et il n'en a plus pour longtemps.
  • 47:42 - 47:48
    Vous savez il va mourir le 2 avril, il va mourir entre deux putains.
    Enfin, on meurt comme on peut, mais il était encore vivant le 10 avril (le 10 mars)
  • 47:48 - 47:59
    Le 10 avril 91 (le 10 mars), Mirabeau écrivait à Lamarque.
    Lamarque c'était un monsieur, un belge du reste, qui était chargé par le roi de gérer sa liste civile.
  • 47:59 - 48:06
    Le roi avait une belle liste civile, 25 millions de l'époque ça fait plus de 100 millions d'aujourd'hui, ça fait pas mal.
    Alors avec cette liste civile il pouvait se payer des collaborateurs.
  • 48:06 - 48:12
    Mais évidemment plus les consciences étaient élevées, plus le prix était cher.
    Vous avez vu ce qu'avait couté la conscience de Mirabeau, à peu près 1 million.
  • 48:12 - 48:23
    Alors le 10 mars 91, Mirabeau écrivait à Lamarque : "Selon vos instructions, hier - 9 mars 91 - j'ai remis 30 000 livres à monsieur Danton"
  • 48:23 - 48:30
    Donc Danton est acheté par la cours en secret.
    et c'est là où vous savez, on me dit "vous êtes l'homme des petits papiers, il ne faut pas regarder ça"
  • 48:30 - 48:37
    Les petits papiers ça apprend des tas de choses. Et monsieur Mathiez avait été voir les petits papiers d'Arcis-sur-Aube, là où Danton avait ses origines familiales,
  • 48:37 - 48:43
    et il a trouvé qu'à la fin de l'année 91 et au début de l'année 92, Danton s'était très joliment arrondi.
  • 48:43 - 48:52
    Il avait acheté l'ancien prieuré ecclésiastique de Nuisement, il avait acheté Saint-Jean du Désert, il avait acheté une magnifique gentilhommière au centre d'Arcis-sur-Aube avec de vastes communs,
  • 48:52 - 48:55
    de grandes dépendances et un beau parc, juste à côté du pont d'Arcis-sur-Aube.
  • 48:55 - 49:02
    Enfin, la révolution rapportait. On sait par Alexandre Lameth dans les mémoires parues sur la restauration que Danton disait politiquement comme ceci :
  • 49:02 - 49:10
    "Je déteste leur sale démocratie - à propos de Robespierre, sale démocratie - je ne veux pas de leur république de wisigoths"
  • 49:10 - 49:15
    Voilà la politique Danton. Danton était très intéressé par les affaires de fournitures militaires,
  • 49:15 - 49:20
    aujourd'hui c'est fini on ne s'enrichit plus dans les fournitures militaires, mais à ce moment-là vous n'imaginez pas ce qu'on faisait.
  • 49:20 - 49:30
    Il y avait un certain abbé, l'abbé d'Espagnac, dont monsieur Mathiez a suivi les comportements.
    L'abbé d'Espagnac était un fournisseur militaire,
  • 49:30 - 49:43
    se faisait - suivez-moi je vais vous dire les chiffres fournis par monsieur Mathiez - se faisait de 5 à 6 millions de l'époque, il se faisait jamais payé en asignats, toujours en numéraire, 5 à 6 millions par mois de bénéfices dans les fournitures militaires.
  • 49:43 - 49:50
    C'était le meilleur ami de Danton, et Danton ne le quittait pas.
    Et dès que Dumouriez était entré en Belgique, Danton et Dumouriez étaient en chevilles,
  • 49:50 - 49:57
    Danton faisait des voyages permanents entre la Belgique et la France, il avait eu un incident à Béthune un jour où il rentrait dans sa petite calèche personnelle suivie de deux fourgons,
  • 49:57 - 50:03
    des douaniers inconvenants lui avait demandé d'ouvrir les fourgons, on avait trouvé un fourgon plein de dentelles, un autre fourgon qui était plein d'argenterie.
  • 50:03 - 50:06
    "Qu'est-ce que c'est ?" Danton avait dit : ça, c'est des biens nationaux !
    Ah bon...
  • 50:06 - 50:18
    "Bien nationaux…" .Alors il était rentré, et cet homme, ce Danton dont je vous parle, avait décidé que la situation devenant très dramatique, et allant devenir très dramatique, il était important peut-être qu'il en profitât.
  • 50:18 - 50:27
    Alors il s'était fait nommé au comité de salut public, que l'on avait créé le 6 avril 1893, et il était devenu pratiquement le personnage le plus important.
  • 50:27 - 50:34
    En avril hein, avril 93.
    Mais cette situation dramatique qu'il avait espéré maîtriser devenait de plus en plus dramatique, si bien qu'au renouvellement,
  • 50:34 - 50:41
    le renouvellement était mensuel, chose que j'ai longtemps ignoré, le comité de salut public est renouvellé mois par mois.
  • 50:41 - 50:49
    Quand on nous dit qu'il a une dictature : minute! Il a une dictarure morale mais il est perpétuellement contrôlé par la convention puisque tous les mois il est ou reconduit ou changé.
  • 50:49 - 50:57
    Le 10 juillet 93, il y a renouvellement du comité de salut public.
    La situation est devenue tellement tragique, que Danton se dit :
  • 50:57 - 51:04
    il vaut peut-être mieux pour l'instant que je m'esquive, que je me place dans la coulisse.
    Il peut pas le dire ouvertement, il a son idée derrière la tête, et il explique à ses camarades,
  • 51:04 - 51:11
    c'était un homme vous savez très jovial qui tapait sur le ventre de tout le monde, qui les tutoyait, qui racontait beaucoup d'histoires graveleuses, il avait une grande popularité.
  • 51:11 - 51:21
    Et il venait de se remarier. Il avait perdu sa première femme, la cabartière, en février 93. Il avait d'elle deux enfants qu'il adorait, il aimait beaucoup ses gosses, il aimait beaucoup sa femme.
  • 51:21 - 51:29
    Il la trompait tout le temps mais il l'aimait bien. Enfin elle était morte en février 93 et Danton est pas quelqu'un qui peut supporter un long veuvage si bien que veuf en février il se remarit en juin.
  • 51:29 - 51:36
    Il la prend plus jeune, elle a 15 ans et demi, et il explique à ses camarades, il explique à ses amis de la convention, jouissant de la popularité que vous lui connaissez, il dit :
  • 51:36 - 51:42
    écoutez tout de même, enfin je viens de me marier, elle a 15 ans et demie, j'ai des tas de choses à lui apprendre, vous allez me donner un petit congé !
  • 51:42 - 51:54
    Alors tout le monde dit : mais oui Danton, bien sûr. Ca y est il part, le 10 juillet 93 il n'est plus au pouvoir.
    Et Danton a dit : le seul qui soit digne de me remplacer, c'est Robespierre.
  • 51:54 - 52:02
    C'est un beau cadeau fait à Robespierre que lui confier le pouvoir dans une situation pareille.
    Robespierre se dérobe. Il se dérobe. Il refuse d'entrer au comité de salut public.
  • 52:02 - 52:09
    Il y a peut-être une raison de peur oui, parce que la situation était trop dramatique, mais il y avait une autre raison que je n'ai appris que dans le livre de Massin qui est extrêmement éclairant :
  • 52:09 - 52:15
    c'est la santé de Robespierre.
    Je crois, il me semble bien, que Robespierre devait être un tuberculeux.
  • 52:15 - 52:24
    Le 12 juin, aux Jacobins, il avait dit : je crois que je vais démissionner.
    Il y a 5 ans que cet homme était sur la brèche, il était tout le temps fiévreux.
  • 52:24 - 52:32
    "Je n'ai plus la force de continuer mon travail" avait-il dit.
    Le 12 juin. Puis il avait fini par ne pas donner sa démission, il refuse d'entrer au pouvoir le 10 juillet. Il a honte.
  • 52:32 - 52:43
    Et le 27 juillet, une vacance vient de se produire, on a obligé Gasparin de se retirer du comité de salut public.
    Tout le monde à l'Assemblée crie "allez Robespierre, à vous !" il y entre.
  • 52:43 - 52:48
    Il va rejoindre les trois qu'il avait délégué avant lui, c'était Couthon, c'était Saint-Just et c'était le bon Saint-André.
  • 52:48 - 52:52
    Le pasteur Bon Saint André qui est un homme très remarquable et sur lequel il n'y a pas encore d'études suffisantes.
  • 52:52 - 53:03
    Il va rejoindre ses camarades au comité de salut public le 27 juillet 93, et peut-être savez-vous déjà que quand on va le tuer, le 9 thermidor, c'est le 27 juillet 94.
  • 53:03 - 53:13
    Donc quand Robespierre entre au pouvoir, il a très exactement 1 an à vivre, et pas un jour de plus.
    Alors c'est peut-être le moment de regarder d'un peu plus près ce gringalet aux yeux pâles.
  • 53:13 - 53:23
    Eh bien il habite chez un menuisier, Duplay, vous savez c'est à partir d'octobre 91 qu'il est là.
    Les Duplay, papa Duplay, maman Duplay, deux filles Duplay et un garçon qui s'était engagé et qui avait déjà une jambe de bois,
  • 53:23 - 53:32
    disaient à Robespierre pour lequel ils avaient une estime passionnée : Monsieur Robespierre, venez chez nous.
    Robespierre a dit : Oui oui, si vous voulez, mais alors je paye.
    Oh, pas question ! avait dit Duplay, quel honneur.
  • 53:32 - 53:38
    Et en effet les Duplay n'étaient pas pauvres. On dit menuisier c'est vrai, mais c'était pas un artisant menuisier, c'était un patron menuisier qui avait 8 ouvriers.
  • 53:38 - 53:46
    Alors Robespierre accepte d'aller vivre chez eux à condition de payer son entretien.
    Ils sont très embêtés les deux, mais Robespierre payera, il y tient.
  • 53:46 - 53:54
    Il s'est logé tout au sommet de la maison, sa petite chambre c'est une espèce de cellule.
    Vous savez c'est une chambre mansardée, donne sur la cours intérieure, ça sent le sapin.
  • 53:54 - 54:03
    Il y a tout le temps du bois qui sèche là dedans. Et ameublement misérable, volontairement du reste, il y a deux tréteaux sur lesquels il y a une planche de sapin où il travaille.
  • 54:03 - 54:08
    Il a fait mettre des rayons pour ses bouquins et il y a un lit de fer dans un coin.
    C'est ça la chambre de Robespierre.
  • 54:08 - 54:14
    Il est vrai qu'il y a des tas de dessins de lui, ce qui permet de dire à ses adversaires de dire : il était narcissiste, il se contemplait tout le temps.
  • 54:14 - 54:24
    Mais non, c'est maman Duplay, en tout bien tout honneur, qui était passionné de lui, et qui tapissait sa chambre d'images de lui qu'on vendait dans les rues !
    Oh peut-être qu'il y trouvait plaisir, mais c'est vrai c'est maman Duplay.
  • 54:24 - 54:32
    C'est un garçon qui n'a pas de femme dans sa vie, et ça amuse beaucoup Danton.
    Déjà Danton savait que Robespierre tenait à payer sa pension.
  • 54:32 - 54:39
    Et Danton avait utilisé cette charmante formule : "Il aimait de dire que l'argent lui faisait peur".
    A Danton ça lui faisait pas peur du tout.
  • 54:39 - 54:46
    Alors quand Danton avait su qu'on avait beau surveiller Robespierre, il n'avait pas de maitresse.
    Pourtant il y avait les deux filles : les deux filles Duplay.
  • 54:46 - 54:55
    Il y en a une qui va épouser un ami de Robespierre, député du Nord comme lui, qui s'appelait Lebas.
    ça c'est Elisabeth, et puis il y avait Eleonore qui je crois était assez amoureuse de Robespierre.
  • 54:55 - 55:08
    Maman Duplay aurait été folle de joie d'avoir Robespierre pour gendre.
    Et d'après les mémoires d'Elisabeth, il aurait dit un moment que peut-être, peut-être, il se marierait après, disait-il.
  • 55:08 - 55:16
    Et je suis convaincu que quand il disait "après" il mentait. Il sentait qu'il n'y aurait pas d'après.
    Ou bien qu'il allait y perdre la vie, ou bien qu'il allait mourir de sa tuberculose.
  • 55:16 - 55:25
    Ah, au moment où j'en suis venu de la vie vous savez, je crois comprendre maintenant ce que c'est que les obsédés sexuels.
    C'est les gens qui n'ont pas connu une tentation plus grande.
  • 55:25 - 55:31
    Je vois par exemple un homme comme Lamartine, que j'ai bien étudié, un homme comme Jaurès que j'ai bien étudié, il n'y a pas de femmes dans leur vie.
  • 55:31 - 55:35
    Parce que quand un type est passionné par une idée au point où l'était Robespierre, c'est ça qui compte le plus.
  • 55:35 - 55:43
    Robespierre c'était quelqu'un qui croyait à ce qu'il disait, et même c'est une phrase bien amusante de Mirabeau contre lui que j'avais réservé pour tout à l'heure pour vous la citer maintenant.
  • 55:43 - 55:52
    Mirabeau avait osé dire avec un incroyable cynisme : "Monsieur De Robespierre est disqualifié pour la politique car il croit tout ce qu'il dit" disait Mirabeau.
  • 55:52 - 56:02
    Eh bien c'est vrai. C'était un homme qui avait une grande idée, l'idée que personne ne s'occupe des écrasés, des humiliés, des deshérités, eh bien moi Robespierre je voudrais le faire.
  • 56:02 - 56:10
    Qu'est-ce qu'il va faire ? Il va en mettre un coup je vous assure.
    Il va commencer, il avait déjà demandé à Couthon et à ses camarades, par l'abolition des droits féodaux.
  • 56:10 - 56:20
    Alors vous devez dire que je déraille. Etant donné que chacun sait que les droits féodaux c'est la nuit du 4 août où ils ont été abolis.
    Il faut lire, je vous le recommande, la page de monsieur Michelet à ce propos.
  • 56:20 - 56:23
    C'est magnifique, jamais il n'a été plus beau, il est saisi de transport lyrique, il finit par crier :
  • 56:23 - 56:29
    "il n'y avait plus à ce moment-là, plus de classes en France, rien que des français à part entière, vive la France !"
    C'est dans le texte de Michelet.
  • 56:29 - 56:38
    Vous savez ce qui c'était passé en vérité, il y avait un certain nombre de châteaux qui s'étaient mis à bruler, parce que les paysans avaient envoyer des délégués, états généraux il n'y comprenaient pas grand chose.
  • 56:38 - 56:43
    Mais il y avait deux choses qui les intéressaient, c'était de ne plus payer les dimes ecclésiastiques et de ne plus payer les droits féodaux.
  • 56:43 - 56:50
    Les gens étaient réunis, les députés étaient réunis depuis le 5 mai. Après le 14 juillet où ils ont su qu'il s'était passé de drôles de choses à Paris,
  • 56:50 - 56:58
    les paysans de certaines régions s'impatientent et disent : et nos dimes ? et nos droits féodaux ?
    Comme ils voient que rien ne se passe, ils mettent le feu à un certain nombre de châteaux, et même de châtelains.
  • 56:58 - 57:06
    Epouvante à la constituante. Alors dans la nuit du 4 août, comme on sait que ça flambe un peu partout, et qu'il faut jeter sur ce feu non certes de l'huile mais de l'eau,
  • 57:06 - 57:15
    il y a le duc d'Aiguillon qui va monter à la tribune et faire une grande déclaration en disant : "L'aristocratie est prête à renoncer à ses droits féodaux".
  • 57:15 - 57:22
    Ce qui fait que les journaux le lendemain, avec des manchettes, il n'y en avait pas à l'époque mais enfin en gros caractères, vont dire : l'aristocratie est prête à renoncer à ses droits féodaux.
  • 57:22 - 57:30
    Et tout le monde croit que ce jour-là l'aristocratie y avait renoncé.
    Mais il faut regarder le texte. Qu'est-ce qu'il avait dit le duc d'Aiguillon, et aussi le duc de Noailles qui avait parlé ce jour-là.
  • 57:30 - 57:41
    Il avait dit : "Nous sommes prêts à envisager de renoncer à nos droits féodaux si on nous les rachète au denier trente".
    Ce qui pour moi était du chinois. Le denier trente ça voulait dire :
  • 57:41 - 57:50
    Si un paysan vient demain chez nous, avec trente annuités de droits féodaux, c'est fini il ne payera plus jamais.
    Vous voyez un paysan en France qui s'amenait avec trente annuités de droits féodaux ?
  • 57:50 - 58:01
    C'était une énorme plaisanterie ! Mais ça avait fait croire aux paysans que les droits féodaux étaient supprimés.
    Si bien que les châteaux ne brulaient plus, enfin une certaine tranquillité était venue.
  • 58:01 - 58:10
    Mais les aristocrates continuaient, ou les successeurs des aristocrates, continuaient à demander leurs droits féodaux.
    Robespierre, maintenant au pouvoir, dit : Abolition des droits féodaux, plus de rachat, abolition. Un.
  • 58:10 - 58:18
    Deux, il voudrait bien faire établir le maximum.
    Mais comment voulez-vous qu'on fasse établir le maximum par une chambre qui est remplie de grands possédants et de grands notables ?
  • 58:18 - 58:27
    Les Girondins y sont les plus importants. Et même maintenant ce ne sont plus des Girondins mais des gens qui passent comme eux.
    Robespierre va uniquement obtenir quelque chose qui est déjà un petit point :
  • 58:27 - 58:37
    à savoir peine de mort contre les accapareurs de denrées de premières nécessité.
    Quiconque accaparera du blé risque sa peine.
  • 58:37 - 58:45
    Troisièmement. Robespierre qui est averti par la conduite de Dumouriez et par celle de La Fayette, va faire avec Saint-Just une certaine circulaire que je vais vous dire.
  • 58:45 - 58:59
    "L'insubordination des généraux est la pire dans un État libre,dans une république. L'insubordination des généraux est la pire dans une république. Dans un Etat libre, c'est le pouvoir militaire qui doit être le plus astraint."
  • 58:59 - 59:08
    Alors décision de mettre des commissaires civils à côté de tous les généraux en campagne, non pas pour surveiller leur comportement stratégique, ça les regarde pas,
  • 59:08 - 59:11
    mais pour voir qu'ils ne fassent pas le même coup que Dumouriez ou que La Fayette.
  • 59:11 - 59:18
    Et d'autre part on a reconstitué des cadres qui seront pris dans la petite troupe, c'est là où on va ressortir les fameux, les Rush, les Marceau, les Kléber,
  • 59:18 - 59:25
    qui étaient des simples soldats, des sergents, des sous-lieutenants, et qu'on va bombarder généraux.
    Alors cette fois on va obtenir en effet un certain nombre de succès.
  • 59:25 - 59:31
    Les français qui se faisaient battre partout jusqu'alors vont obtenir grâce à Robespierre et à Saint-Just, et non pas grâce à Carnot comme on le raconte !
  • 59:31 - 59:35
    Carnot et ses 14 armées, Carnot est un instrument de Saint-Just et un instrument de Robespierre.
  • 59:35 - 59:47
    On va obtenir la victoire de Hondschoote qui va délivrer Dunkerque, la victoire de Wattignies qui va délivrer Maubeuge, et Hoche est en train de constituer à Strasbourg une armée assez puissante pour reconquérir l'Alsace sur laquelle les autrichiens sont entrés.
  • 59:47 - 59:57
    Enfin, Robespierre va supprimer pour le plus grand deuil de Danton, les fournisseurs militaires.
    C'est-à-dire que l'Etat passera direct ses contrats. Il ne passera plus par l'abbé d'Espagnac et autres.
  • 59:57 - 60:08
    Et il va faire établir 3 usines nationales, les premières, 3 usines nationales d'armement : Deux usines à Paris et une usine à Brest pour l'armement maritime, ce qui fait pousser des hurlements aux industriels en disant :
  • 60:09 - 60:15
    l'industrie privée est menacée par l'industrie d'Etat, c'est intolérable !
    Mais Robespierre jouie d'un tel prestige qu'il n'y a pas moyen de dire le contraire.
  • 60:15 - 60:24
    Alors Danton, qui c'était persuadé qu'une fois Robespierre au pouvoir s'y tuerait, enfin glisserait sur toutes les peaux de banane, Danton va essayer à trois reprises de le faire tomber.
  • 60:24 - 60:36
    Je dirais ça très rapidement. Danton va commencer le 1er septembre une opération étrange que voici : le 1er septembre une nouvelle arrive à Paris et je reconnais qu'elle était énorme.
  • 60:36 - 60:41
    Robespierre s'était méfié des généraux à juste titre et avait oublié ce qui était un grand tort, il avait oublié les amiraux.
  • 60:41 - 60:46
    Il y avait la flotte française de Mediterranée qui protégeait les côtes de Provence contre la flotte anglaise qui était là.
  • 60:46 - 60:59
    Et le 28 août 1793, les deux amiraux de la flotte française, l'amiral Chaussegros et l'amiral Trogoff avaient rendu les navires français aux anglais et avaient aidé les anglais à occuper l'arsenal de Toulon.
  • 60:59 - 61:05
    C'était pas mal de la part de ces amis. Alors quand cette nouvelle catastrophique arrive à Paris, Danton y voit l'occasion d'un soulèvement.
  • 61:05 - 61:15
    Et c'est Danton qui réunit le peuple devant l'hôtel de ville en accusant de la manière la plus directe le comité de salut public, puisqu'il n'en fait pas parti et que Robespierre est le numéro un, le comité de salut public de molesse.
  • 61:15 - 61:21
    Et c'est Danton qui déjà était l'initiateur du tribunal révolutionnaire, créé à sa demande le 9 mars,
  • 61:21 - 61:31
    alors que j'avais toujours cru moi que c'était Robespierre le tribunal révolutionnaire, non c'est Danton qui l'avait créé le 9 mars.
    Ce 1er septembre, Danton prononce la parole suivante : "L'heure est venue d'une troisième révolution !".
  • 61:31 - 61:40
    Je me demande ce que ça peut signifier. La première en 89 n'était pas une révolution, la seconde 10 août 92 était la révolution, la seule révolution possible.
  • 61:40 - 61:45
    C'est-à-dire qu'on donnait le suffrage universel aux gens et on se disait : d'années en années, tout de même, il y aura de moins en moins d'analphabètes,
  • 61:45 - 61:52
    et avec le suffrage universel, les gens ouvrant leurs yeux sur leur condition et comprenant les causes de leur misère, arriveront peut-être à faire une république d'équité.
  • 61:52 - 62:04
    Mais parler d'une troisième révolution n'était parler de rien d'autre chose que d'une anarchie.
    Il était soutenu Danton par un individu dont j'ai déjà prononcé le nom devant vous : Hebert, qui était un enragé, un furieux.
  • 62:04 - 62:13
    Qui gagnait du reste, 30 000 livres par mois, 30 000 francs par mois avec son horrible journal le Père Duchesne.
    Mais Hebert va être contré par son adjoint qui s'appelle Chaumette.
  • 62:13 - 62:22
    Hebert était le numéro 1 de la commune, Chaumette était le numéro 2, qui était un homme extrêmement estimable, qui vivait volontairement dans la pauvreté et qui va défendre Robespierre et qui va dire aux gens :
  • 62:22 - 62:29
    ne faites pas ça, ne vous jetez pas comme le demande Danton sur la convention pour recommencer un 31 août.
    Le même Danton, ce 1er septembre, dit :
  • 62:29 - 62:36
    "Le tribunal révolutionnaire ne travaille pas assez, il n'y a pas assez de têtes qui tombent, je demande une tête par jour." dit Danton.
  • 62:36 - 62:42
    "Il faut mettre la terreur à l'ordre du jour" ce n'est pas une phrase de Danton, c'est une phrase qu'il va répéter.
  • 62:42 - 62:51
    C'est le curé constitutionnel de Chalon sur Saone dont le nom m'échappe maintenant qui a dit "il faut mettre la terreur à l'ordre du jour" et dont Danton s'est emparé.
  • 62:51 - 62:55
    Grâce à Chaumette il n'y aura pas d'insurrection, on ne va pas se jeter contre la convention.
  • 62:55 - 63:01
    Mais les conventionnels auront tellement peur que Robespierre va obtenir d'eux le 9 septembre ce qu'il n'avait pas encore pu leur arracher.
  • 63:01 - 63:11
    Le vote du maximum. Le 9 septembre 1793, grâce à la peur qu'ils ont eu, ils consentent à intervenir dans une affaire commerciale et à dire : le pain ne se vendra pas au delà de tant.
  • 63:11 - 63:16
    Et comme une disposition légale n'est appliquée que si on la surveille, l'application,
  • 63:16 - 63:22
    Robespierre fait créer une petite armée, 4000 hommes, qu'on appellera armée révolutionnaire, mais qui aura du canon avec elle.
  • 63:22 - 63:32
    Et ces 4000 hommes passeront leur temps à roder dans Paris et autour de Paris pour voir si le maximum est appliqué.
    Deuxième tentative de Danton, curieuse celle-là, vraiment. Très peu connue.
  • 63:32 - 63:39
    Et c'est monsieur Soboul qui nous l'a révélé. Vous savez, Albert Soboul dont je vous ai parlé tout à l'heure, qui est marxiste et qui est athée.
  • 63:39 - 63:51
    Je ne suis ni l'un ni l'autre. Et monsieur Soboul nous a apporté une vraie révélation dans son énorme bouquin de 1400 pages qui s'appelle "Les sans-culottes parisiens de l'an 2" à propos de la déchristianisation.
  • 63:51 - 64:02
    En octobre/novembre 93, il y a tout à coup ce que je croyais moi être une lame de fond dans le prolétariat parisien contre le christianisme.
  • 64:02 - 64:07
    Pas contre le clericalisme. C'est fini, il n'y a plus de clericalisme.
    Mais maintenant c'est vrai on va voir les choses comme ceci,
  • 64:07 - 64:15
    Notre Dame de Paris fermée, transformée en temple de la raison, une persécution religieuse extrêmement violente.
    J'avais donc cru que ça sortait des profondeurs du peuple.
  • 64:15 - 64:25
    Une espèce de haine viscérale contre un christianisme menteur.
    Ce monsieur Soboul, marxiste et athée, qui a fait une énorme recherche parmi les procès verbaux des assemblées populaires de Paris,
  • 64:25 - 64:29
    des cordeliers, des Jacobins, de tous les petits groupes locaux des arrondissements, déclare :
  • 64:29 - 64:43
    "J'ai tout étudié - c'est un travail de bénédictin vous savez - dans aucun procès verbal de réunion populaire, jamais je n'ai vu qu'il fut question de déchristianisation. La déchristianisation est venue d'en haut, d'un groupe de bourgeois Dantonistes."
  • 64:43 - 64:52
    Le premier qui a lancé l'idée c'est Fabre d'Eglantine. Fabre d'Eglantine qui est un escroc qu'on va bientôt arrêter, c'est lui qui a inventé vous le savez, le calendrier révolutionnaire, c'est très beau.
  • 64:52 - 64:58
    Suite dans la prochaine partie, merci pour votre écoute!
Title:
Henri Guillemin explique Robespierre et la révolution française (1/2)
Description:

Henri Guillemin donne sa vision du personnage très controversé qu'est Robespierre. Il explique que la révolution de 1789 est une manœuvre des nouveaux riches pour prendre le pouvoir en agitant le peuple, et que c'est 1792 qui constitue une vraie révolution démocratique.

---- N'oubliez pas que vous pouvez activer les sous-titres si vous le souhaitez, à droite dans la barre de lecture ----

Voir la deuxième partie : http://youtu.be/jVNut817OTQ

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Video Language:
French
Duration:
01:05:01

French subtitles

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