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Etienne Chouard. — Partie III. — Conférence de Lyon, mars 2012.

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    J'ai peur d'oublier de vous le dire, alors je vais vous le dire maintenant ; même si c'est pas tout à fait
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    le moment, ça fait rien. Je pense que... Bon, moi ça fait pas longtemps que je suis en politique,
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    ça fait cinq-six ans, donc je suis un bizuth là, je suis un bleu... Et je vois tous les copains que je me fais en politique, là,
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    tous les gens que je rencontre, à gauche, au centre, à droite, enfin soi-disant à droite, peu importe.
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    Tous ces gens-là, ils se bagarrent pour le bien commun. C'est des gens bien tous ces gens-là,
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    qui cherchent le... l'intérêt général, à satisfaire mieux l'intérêt général. Ils se battent tous
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    contre les injustices sociales. Tous ces gens que je connais, de tous les bords là... Simplement, y en a
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    qui se battent sur le zéro nucléaire. Pour eux le plus important, c'est urgent, on va mourir !, il faut se battre contre...
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    Donc c'est ça le plus important pour eux. Et pour eux, le gars qui se bat sur la corruption,
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    enfin contre la corruption des élus, mais qui apprend des pro-nucléaires, c'est le diable...
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    C'est idiot parce que même si on arrive à... En même temps y en a d'autres qui se battent
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    sur la destruction des écoles dans... C'est affreux, on nous détruit les écoles, on détruit les postes,
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    on nous détruit les hôpitaux partout dans le pays, les campagnes se désertifient,
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    on traite mal nos agriculteurs... Les campagnes se désertifient littéralement,
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    et ils se battent là-dessus. OK, super ! Y en a d'autres qui se battent sur le...
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    ... sur la monnaie, sur la création monétaire et qui considèrent, ils ont raison, que c'est super important
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    la création monétaire. C'est-à-dire que on a abandonné la création monétaire, on s'appauvrit,
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    tout devient difficile parce que, parce que nous sommes pauvres... On a mis en place une rareté
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    qui nous étrangle. Ils se battent là-dessus. Ils considèrent que c'est essentiel. Ce que je voudrais
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    vous dire, c'est que quand j'observe tout ça et que je... je participe à ces débats, je les partage ;
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    c'est pas du tout contradictoire ce que je vais dire, c'est complémentaire. Il me semble que toutes ces luttes sociales
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    que j'observe, elles consistent à se battre sur les branches, sur les conséquences...
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    La catastrophe écologique, ce n'est pas une cause - vous savez, « cherchez la cause des causes » - ;
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    la catastrophe écologique, elle est rendue possible par notre impuissance politique. Je suis sûr
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    que si vous interrogez les gens autour de vous, même les gens qui ne sont pas politisés, ils vont vous dire :
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    « Il faudrait régler ce problème. Nous devrions résister, nous sommes tous prêts à résister,
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    mais nous n'avons aucun moyen de résister, nous sommes impuissants politiquement. » Et vous allez voir
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    que cette impuissance politique, donc c'est une cause, déjà ça me paraît plus malin de se battre
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    sur cette impuissance que sur la catastrophe écologique, la corruption des élus, l'injustice dans le droit du travail,
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    dans l'entreprise, cet extravagant droit seigneurial du propriétaire sur les gens qui travaillent,
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    c'est une façon de se battre, ça ; enfin, c'est une raison de se battre, mais c'est une conséquence,
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    c'est pas la cause... Le travail sur l'eau, l'appropriation de l'eau par des multinationales,
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    c'est extravagant, il faut se battre là-dessus... Mais ça c'est des conséquences encore. Et tout ça, il me semble que la cause... Et après ça
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    faudra remonter parce que la cause elle-même a encore une cause et qu'il y a encore une cause.
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    Il faut remonter à la cause des causes... Si nous arrivions à remonter, si nous arrivions à retrouver
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    une cause déjà commune, et ensuite à remonter de cette cause à la cause qui la rend possible,
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    et la cause qui... et si on arrive à trouver quelque chose qui est centrale dans toutes les injustices sociales,
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    et qui est déterminant, qui détermine. C'est-à-dire que si ça existe, les injustices sociales sont possibles,
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    et si ça n'existe plus, elles ne seront plus possibles ou elles seront très limitées, et on a trouvé
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    quelque chose de très important parce que, à la fois, on trouve le moyen de vraiment régler le problème ;
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    parce que quand vous n'êtes pas sur l'écologie, vous êtes sur notre impuissance politique,
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    mais vous avez fait le lien. Si... Si vous vous battez moins sur l'écologie directement mais plus sur notre impuissance politique...
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    Vous continuez à vous battre sur l'écologie, d'ailleurs, c'est pas incompatible ; on peut se battre
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    sur les deux. Mais si maintenant vous vous battez sur l'impuissance politique, parce que vous avez fait le lien,
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    vous vous êtes aperçus que si les multinationales arrivent à se goinfrer tant que ça
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    alors qu'on les voit... On proteste, mais on ne peut que protester, on n'a pas de pouvoir politique.
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    Si vous faites le lien avec ça et que vous dites : « OK. Je cherche la cause des causes, et je m'en prends
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    à cette cause. » Vous allez vous apercevoir que l'autre qui a fait le même travail intellectuel... Lui, il travaillait comme...
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    ... les Pinçon-Charlot, il travaillait sur la... la corruption que... sur le mode de vie des riches
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    et sur la façon dont les riches arrivent à circonvenir les pouvoirs politiques pour...
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    ... finalement faire voter des lois qui leur sont favorables. Donc tout ce travail de corruption d'une partie
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    des résistants... si eux, en plus de ce travail-là, mais c'est très important pour comprendre quelles sont
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    les conséquences, mais si en plus ils se mettent à se battre eux aussi sur l'impuissance politique.
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    Et puis vous avez encore les réseaux nucléaires, etc. Vous avez tous les résistants, là,
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    qui se disent : « Mais finalement, si nous avions une puissance politique, nous pourrions enfin résister. »
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    Alors que toute leur vie... Moi je vois ces vieux, ces vieux résistants... Ils sont bien plus valeureux que moi.
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    Ils ont passé toute leur vie à résister pendant que moi je m'occupais de mes affaires.
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    Et ils allaient sur les marchés, ils balançaient des tracts ; des tracts, ils avaient autre chose à faire
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    le mercredi que d'aller sur le marché, mais tous les mercredis ils y vont, distribuer des tracts,
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    ils organisent des réunions. Ils se bagarrent et ils sentent bien qu'on n'y arrive pas comme ça.
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    Ils sentent bien que même les scores de nos élus, qu'on voudrait voir gagner, ils diminuent.
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    Alors quand ils m'entendent, quand je leur dis : « Mais attends, y a un truc qu'on peut faire mieux là ! » Si au lieu de se battre
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    et de se diviser, parce qu'il y a tellement de branches d'injustices sociales qui viennent de
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    notre impuissance politique, il y a tellement de conséquences différentes. Chacun d'entre nous
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    qui mettons de l'énergie... On n'est pas nombreux, hein ; les gens qui font de la politique, c'est quoi ?,
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    c'est 1 % dans la population ; 2-3 %, c'est pas beaucoup. Mais si en plus on est divisés,
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    parce que chacun on a pris des conséquences qui nous paraissent graves. Et ce qu'il trouve grave lui,
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    bah c'est pas la même chose que ce que lui trouve grave.
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    Non seulement on s'en prend aux conséquences, c'est-à-dire que si on arrive à régler
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    le problème, on n'aura pas réglé les autres problèmes, on aura... Et en plus ça va repousser
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    parce que la racine est toujours là. Vous coupez la branche mais ça va continuer à pousser. Donc, si vous prenez
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    le problème à la racine, si nous étions radicaux, en prenant le truc à la racine, au lieu de couper
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    les branches, on s'occupe de la racine, et... On fait d'une pierre deux coups : on a trouvé
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    la cause des causes et on va être débarrassés de tous les problèmes ! Et on fait même trois coups
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    parce qu'en fait, comme on a tous fait ce travail intellectuel en se disant mais...
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    Prenons les choses logiquement, on va s'en prendre à la racine
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    comme ça on va régler tous les problèmes d'un coup, et on va s'occuper de notre impuissance politique.
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    Où est programmée notre impuissance politique ? J'y reviendrai tout à l'heure,
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    mais vous me voyez venir parce qu'on en a parlé un petit peu... Si, en plus, troisième chose, nous
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    nous serions unis ! Non mais il y a un enjeu énorme là-dessus ! C'est une super bonne idée, ça je crois,
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    de prendre le problème par... Alors je sais bien... on pourrait me dire... Chouard t'es gentil,
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    mais c'est ta lubie à toi ! Voilà ! Lui sa lubie c'est le nucléaire, lui sa lubie c'est la corruption d'entreprise,
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    et toi ta lubie, c'est la Constitution. Ouais, ben ok, peut-être, c'est vrai. C'est vrai peut être que c'est...
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    Mais il me semble que dans la logique... Moi je partage complètement la lubie, c'est-à-dire la priorité de chacun ;
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    je trouve qu'elles sont belles ces priorités, hein. Le gars qui se bagarre sur la monnaie là,
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    il fait un boulot, il défriche, il nous permet de comprendre qu'est-ce qu'on va mettre à la place
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    quand on va reprendre le contrôle de la création monétaire, c'est vachement utile ce qu'il fait, hein ?
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    Et d'ailleurs André-Jacques, on en parle tout le temps, il est d'accord avec moi. Donc il a intégré
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    ma pièce de puzzle comme moi j'ai intégré la sienne, et on est plus forts. D'ailleurs, il s'est pas appauvri
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    en me donnant son idée, et je me suis pas appauvri... Ce qui est génial avec les idées,
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    c'est que quand on se les donne, on s'appauvrit pas, on s'enrichit mutuellement. Mais ce que je veux dire,
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    c'est que... En nous concentrant sur la cause des causes, en appliquant le conseil d'Hippocrate, et en cherchant
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    la cause des causes, tous, chacun avec nos priorités actuelles, en intégrant le fait que, mais finalement
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    c'est vrai quand même que ce qui fait que nous n'arrivons pas à nous débarrasser
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    des injustices sociales, c'est que nous tous... tous, à part les élus, et ceux qui achètent les élus,
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    tous nous sommes impuissants politiquement. C'est quand même décisif
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    pour rendre possibles les injustices sociales... et les laisser perdurer, perdurer, perdurer.
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    Mais c'est pas parce que ça a été comme ça pendant 200 ans et même 2500 ans,
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    c'est pas parce que ça a été comme ça pendant des milliers d'années que ça le sera toujours !
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    C'est une question de conscience. Moi j'ai l'impression qu'on est dans la préhistoire de la politique,
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    qu'on est comme des enfants. Bon, des enfants, on est insouciants, on n'a pas encore bien réfléchi,
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    mais c'est pas pour ça qu'on va pas trouver ! À mon avis, avec l'expérience accumulée,
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    avec un Guillemin qui t'explique... Tu remets les choses à l'endroit,
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    et si ça se trouve, grâce à des outils qui étaient pas disponibles autrefois,
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    parce qu'ils n'avaient pas la télé, ils n'avaient pas Internet, ils avaient pas...
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    Internet c'est super important ! Internet... Bon c'est un... une technique, c'est un tas de ferraille,
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    mais c'est un tas de ferraille qui nous donne quelque chose qu'on n'avait jamais eue dans toute l'histoire des hommes.
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    Vous vous souvenez... dans toute l'évolution des humains... l'invention de la presse,
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    l'invention de l'imprimerie, ça a permis aux peuples, au pluriel, de lire, donc de découvrir un savoir...
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    donc de progresser, de faire des pas de géant dans l'apprentissage. On apprend plus vite
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    grâce à l'imprimerie, parce que nous avons le pouvoir de lire, mais nous ne pouvions lire
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    que ce que d'autres avaient écrit. Et d'autres c'était... une élite... une élite au sens,
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    avec ou sans guillemets, ça pouvait être une vraie élite, des gens bien.
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    Mais nous n'avions que le droit de lire. Parce que pour écrire il fallait un ticket d'entrée
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    qui était pas pour nous ; pour nous la multitude. Avec Internet... C'est probablement aussi important
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    que l'imprimerie. En tout cas l'idée me... je trouve que c'est plausible. On sait pas encore parce qu'ils vont
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    peut-être le couper, hein, mais avec l'Internet, on a le peuple, les gens normaux, les 99 % avec Internet
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    accèdent au droit d'écrire. Et donc de court-circuiter des élites éventuellement...
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    ... éventuellement oligarchiques. C'est-à-dire ayant capturé le pouvoir et l'exerçant pour leur compte,
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    et pour leur intérêt et contre l'intérêt général. Et donc l'Internet, dans cette optique-là, c'est un outil
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    extraordinaire pour nous former, d'auto-formation, de formation populaire ! En court-circuitant
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    nos élites. En générant nous-mêmes l'expert de ceci, l'expert de cela et en s'apprenant...
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    C'est incroyable le nombre de trucs que m'a appris André- Jacques, le travail d'André-Jacques Holbecq...
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    Je vais vous montrer son bouquin ; il a écrit plusieurs bouquins... Ce très bon petit bouquin,
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    une très bonne préface, vous verrez... Il m'a demandé de faire la préface, c'est super,
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    j'étais très fier. C'est un super bon bouquin, un bouquin qui fait... C'est un petit bouquin
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    - donc c'est facile à lire - sur la dette. Et donc André-Jacques,
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    le travail qu'il a fait sur la monnaie m'a fait énormément progresser, et sans... sans l'Internet,
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    je ne l'aurais pas connu. Alors, dans mes parenthèses, j'en suis où ? J'en étais à... Alors j'étais parti
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    sur Hippocrate... Je vais reprendre, je me suis fait un petit fil quand même, hein. Bon c'est pas un gros fil, hein...
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    Il faudrait qu'on parle... Alors, on va commencer à remettre un petit peu à l'endroit le mot « démocratie ».
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    On va peut-être le mettre très correctement à l'endroit. Je vais d'abord dézinguer... l'élection,
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    avant de décrire la démocratie athénienne. Je vais essayer de faire vite sur la démocratie athénienne,
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    parce que, en fait, je peux tenir une heure, ou deux sur la démocratie athénienne, mais faudrait pas.
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    Ce qu'il faudrait, comme je disais, c'est que vous puissiez me dire ce qui vous fait peur là-dedans.
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    Donc... et que je puisse vous rassurer. Mais sur l'élection... Pourquoi, comment se fait-il... Ah oui,
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    je sais, j'ai retrouvé le fil... Comment se fait-il que dans toutes les Constitutions du monde on organise
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    l'impuissance des gens ? C'est que, c'est pas, c'est pas un complot. On organise l'impuissance des gens
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    dans ces Constitutions, parce que ceux qui ont écrit ces Constitutions - partout dans le monde,
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    à toutes les époques -, ceux qui ont écrit ces Constitutions, c'étaient toujours des professionnels
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    de la politique : des parlementaires, des ministres, des juges, des hommes de partis, c'est-à-dire
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    des hommes qui se projettent dans l'avenir et qui savent qu'ils vont bientôt être dans les pouvoirs
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    qu'ils sont en train d'instituer. Alors ça c'est super important ça ; et là je trouve pas... Je lis beaucoup, hein,
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    de Aristote à Castoriadis, toute la palette, tout ce qui... Je ne lis pas tout le monde, je lis ceux
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    qui parlent des pouvoirs, des abus de pouvoir, de la résistance aux abus de pouvoir...
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    Et dans la littérature que j'ai découverte pour l'instant, je ne trouve pas cette idée centrale.
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    Ça c'est chouardesque. Enfin, en tout cas, en faire quelque chose de centrale,
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    en faire une épine dorsale, quelque chose qui va nous libérer,
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    je trouve que c'est chouardesque... Je cherche de quoi m'étayer, de quoi m'appuyer sur quelqu'un...
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    Y a un grand bonhomme qui l'a dit, ça m'aiderait. Je trouve pas pour ça. Mais pourtant,
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    vous allez voir, j'ai la logique avec moi. Je prétends que toutes les Constitutions du monde programment
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    notre impuissance politique : donc ne programment pas le référendum d'initiative populaire,
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    ne programment pas la séparation des pouvoirs, ne programment pas la reddition des comptes, les mandats courts,
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    non renouvelables, ne programment pas le respect du vote blanc, ne programment pas etc.
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    Donc ça tient sur deux mains, même pas... voyez une main... Y en n'a pas dix des grands principes
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    dont nous avons besoin, donc c'est pas... c'est facile à comprendre ça. On va y revenir quand on parlera
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    de démocratie, mais on ne trouve pas ces grandes protections du pouvoir du peuple, on ne trouve pas
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    l'institution du pouvoir du peuple dans toutes ces Constitutions, parce que ceux qui l'écrivent
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    ont un intérêt personnel à ce que ça ne soit pas écrit. C'est mon explication.
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    Avec un mot, un mot important que je vais ajouter, ces personnes-là
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    sont pas corrompues, c'est pas des affreux, c'est pas des... C'est-peut être des affreux
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    et des corrompus en plus, mais c'est pas... Même des gens bien, même un parlementaire honnête,
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    au moment d'écrire une Constitution, il est dans une situation que nous devons absolument connaître,
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    on doit connaître cette expression, ils sont en situation de conflit d'intérêt. Ça veut pas dire
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    qu'ils sont pourris, pas du tout, je dis pas ça, hein. Conflit d'intérêt, ça veut dire qu'ils ont, dans cette occurence-là,
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    dans cette situation précise là, pas ailleurs, là, dans cette situation, au moment d'écrire
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    une Constitution, ils ont un intérêt personnel qui vient polluer la possibilité de justice, leur recul
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    et leur détachement par rapport à l'intérêt général. Un peu comme... et cette image est importante pour...
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    Quand vous allez devoir, si vous devenez comme je vais vous le demander,
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    si vous devenez des virus pour que cette idée nous la portions. Il faut qu'on la porte, hein, sinon on n'arrivera à rien.
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    Si y a que moi qui dis ça, c'est comme si... on perd son temps... Enfin, c'est intéressant, ça vous amuse,
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    mais c'est... on changera rien. Alors que si on se met à la porter tous, on va changer quelque chose, là.
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    Ça va faire une boule de neige, un truc qui peut vraiment tout changer.
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    Mais il faut que vous deveniez des virus. Enfin des virus, des globules blancs,
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    enfin il y a plusieurs expressions... maudite parenthèse... Qu'est-ce que je disais avant ?
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    - Le conflit d'intérêt. - Le conflit d'intérêt, oui, merci. Le juge... vous allez comprendre...
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    Quand vous allez devoir expliquer ça, vous allez pouvoir vous servir de cette image
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    qui est très parlante : prenez un bon juge, un juge vertueux ; je vous parle pas d'un affreux ou d'un fumiste,
  • 17:27 - 17:33
    je vous parle d'un bon juge. Quelqu'un... vous vous êtes préoccupé de l'avoir rendu indépendant
  • 17:33 - 17:40
    pour être sûr qu'il était pas... qu'il n'avait pas besoin d'argent, qu'il n'allait pas subir des pressions...
  • 17:40 - 17:44
    Vous l'avez rendu indépendant pour qu'il ait toutes les... toutes les conditions possibles pour qu'il soit juste.
  • 17:44 - 17:49
    Et il est effectivement juste. En plus il a, il a de la vergogne, il a un sens du bien commun,
  • 17:49 - 17:57
    il se donne du mal : voilà un bon juge. Ce gars-là, dans le rôle de... dans le planning de son tribunal
  • 17:57 - 18:05
    arrive son propre enfant... qui est dans une affaire. Il est... L'enfant est victime ou l'enfant est accusé.
  • 18:05 - 18:13
    Peu importe. Voilà son enfant qui arrive. Tout le monde sur terre comprend le conflit d'intérêt
  • 18:13 - 18:18
    qu'il y a à ce moment-là. C'est-à-dire que ce juge-là, il est très bon, mais on va, pour cette affaire
  • 18:18 - 18:25
    on va le récuser ; c'est le mot. Récuser. Récuser, ça veut pas dire déshonorer, ça veut pas dire que tu es pourri,
  • 18:25 - 18:31
    que tu es mauvais juge. Ça veut pas dire ça du tout. Ça dit, dans cette affaire-là,
  • 18:31 - 18:38
    tu ne peux pas rendre la justice, tu es juge et partie. Tu es en conflit d'intérêt. Donc, pour cette affaire-là,
  • 18:38 - 18:45
    on va, toi juge, toi bon juge, on va te mettre à l'écart, on va en mettre un autre. On va mettre quelqu'un d'autre,
  • 18:45 - 18:48
    et puis ensuite tu reprendras ton boulot de juge. Vous comprenez ce que je veux dire ?
  • 18:48 - 18:53
    Conflit d'intérêt, ça veut pas dire corruption. Ça veut dire qu'il y a une situation que nous devons, nous, connaître.
  • 18:53 - 18:59
    Nous devons faire très attention. Les anglo-saxons connaissent mieux le concept de conflit d'intérêt
  • 18:59 - 19:02
    que les Français. Nous, on est complètement incultes, on connaît pas ce truc-là ;
  • 19:02 - 19:09
    en tout cas pas bien. Et dans le sujet qui nous occupe ce soir, c'est très très important.
  • 19:09 - 19:14
    Je reprends : au moment d'écrire... Vous avez compris, vous vous souvenez,
  • 19:14 - 19:18
    le peuple, les pouvoirs qui écrivent le droit qui apaise le peuple
  • 19:18 - 19:24
    et auquel le peuple se soumet, pouvoirs qui sont bénéfiques et dangereux... c'est double tranchant...
  • 19:24 - 19:31
    C'est les mêmes gens, hein, ils sont à la fois bénéfiques et dangereux ; et donc on met au-dessus d'eux
  • 19:31 - 19:38
    un texte supérieur qu'ils doivent craindre ; ils doivent avoir peur, peur de la Constitution !
  • 19:38 - 19:44
    Je risque la punition, je risque d'être déchu, je risque d'être puni par ce qui est prévu dans ce texte.
  • 19:44 - 19:51
    Il faut qu'ils aient peur de la Constitution ! Il faut que ça les affaiblisse, hein, ce texte-là.
  • 19:51 - 19:57
    Est-ce que vous comprenez que ces gens-là, même s'ils sont vertueux, même s'ils sont délicieux, gentils,
  • 19:57 - 20:06
    c'est des braves gens, au moment d'écrire ce texte-là, si c'est eux qu'on met pour écrire le texte
  • 20:06 - 20:13
    qu'ils doivent craindre... Vous comprenez la situation de conflit d'intérêt ? Et ça je suis le seul à le défendre.
  • 20:13 - 20:17
    C'est quand même étonnant ça, non ? Il me semble qu'on devrait être plus nombreux.
  • 20:17 - 20:25
    J'aimerais bien que rapidement je ne sois plus tout seul et qu'on soit nombreux à dire : y a un truc. La prochaine fois
  • 20:25 - 20:30
    qu'on fait ce qu'ils ont fait en Tunisie, quoi... Ils l'ont pas fait en Tunisie, ils n'ont pas réfléchi avant et ils ont élu leur Assemblée constituante.
  • 20:30 - 20:36
    Ils l'ont élue parmi des candidats imposés par les partis. Imposés par qui ? Par les partis.
  • 20:36 - 20:39
    C'est les mêmes ! C'est-à-dire que vous allez avoir... Imaginez : vous avez une Assemblée constituante aujourd'hui.
  • 20:39 - 20:43
    Qui vous allez avoir parmi les candidats ? Qui vous allez avoir ?
  • 20:43 - 20:46
    Vous allez avoir le PS qui présente des candidats, l'UMP qui présente des candidats
  • 20:46 - 20:50
    avec tout le battage de la presse, de Dassault, de Lagardère ; vous allez avoir...
  • 20:50 - 20:54
    ... de Bouygues ou de Bolloré, vous allez avoir les télés, vous allez avoir les copains de ces gens-là
  • 20:54 - 20:59
    qui font un battage du diable : ils vont être élus ! Donc vous allez avoir des professionnels
  • 20:59 - 21:06
    de la politique qui vont écrire la Constitution qu'ils devraient craindre. C'est comme ça partout
  • 21:06 - 21:11
    dans le monde. - Et en Islande ? - Alors en Islande aussi. Un peu moins. En Islande,
  • 21:11 - 21:16
    il y a eu le tirage au sort de deux chambres avant, mais des chambres... Alors ce sont des politiciens
  • 21:16 - 21:21
    qui ont mis en place le régime, enfin, la procédure qui a eu lieu en Islande. Ça a commencé par deux chambres
  • 21:21 - 21:25
    tirées au sort. Une première tirée au sort pour dire : qu'est-ce qu'on veut ? Et ils ont dit : on va faire
  • 21:25 - 21:29
    une autre chambre tirée au sort qui dira exactement ce qu'il y a dans la Constitution, puis après ça
  • 21:29 - 21:34
    il y aura une autre chambre qui sera élue et qui écrira la Constitution. Et c'est ça qui s'est passé.
  • 21:34 - 21:38
    Donc il y a eu une deuxième chambre tirée au sort qui a dit : « On aimerait bien qu'il y ait ceci et cela
  • 21:38 - 21:41
    dans la Constitution. » C'est déjà pas mal ça, hein ? C'est déjà pas mal, mais c'est pas la panacée,
  • 21:41 - 21:45
    c'est pas ce dont je vais vous parler tout à l'heure ; on pourrait rêver mieux quand même.
  • 21:45 - 21:50
    Si nous imposions un processus constituant correct, ce serait mieux encore
  • 21:50 - 21:54
    qu'en Islande, je pense. Parce que, en fait, après ça ils ont élu l'Assemblée constituante.
  • 21:54 - 21:58
    Alors c'est une élection libre, c'est mieux encore que les élections auxquelles
  • 21:58 - 22:03
    on a l'habitude, parce que nous on est habitués à des élections dans lesquelles on nous impose...
  • 22:03 - 22:09
    ... on nous impose le... les candidats, et donc on nous fourgue, passez-moi l'expression,
  • 22:09 - 22:15
    excusez-moi, on nous impose des gens qui ont un intérêt contraire... enfin, qui sont juges et parties,
  • 22:15 - 22:23
    quoi, hein, qui sont... Quand il s'agit d'élire des députés constituants, si ce sont les partis
  • 22:23 - 22:27
    qui nous imposent des candidats, on va nous imposer... 100 % de l'Assemblée constiutante ça va être des gens
  • 22:27 - 22:31
    qui sont en conflit d'intérêt. Alors, en Islande, c'est pas exactement ce qui s'est passé,
  • 22:31 - 22:34
    parce que c'était une élection libre. Donc il y avait un routier qui s'est présenté, donc tout le monde
  • 22:34 - 22:38
    pouvait se présenter. Mais comme c'était une élection, ce sont plutôt des notables qui ont été élus, et les notables,
  • 22:38 - 22:44
    c'est pas, c'est pas les... c'est pas des révolutionnaires, quoi, ils vont pas tout changer.
  • 22:44 - 22:49
    Donc ils vont probablement... Enfin on verra, ils vont peut-être me donner tort... Bon c'est intéressant
  • 22:49 - 22:52
    ce qui se passe, hein ; la Constituante en Islande, elle est en train
  • 22:52 - 22:55
    d'interagir avec le peuple via les réseaux locaux, donc les gens...
  • 22:55 - 22:57
    Ils sont pas très nombreux, ils sont 370 000 en Islande, hein,
  • 22:57 - 23:01
    donc ils peuvent le faire, et les gens écrivent aux constituants en leur disant :
  • 23:01 - 23:05
    « Pensez à ci, pensez à ça » ; donc c'est très interactif, c'est très intéressant ce qui se passe.
Title:
Etienne Chouard. — Partie III. — Conférence de Lyon, mars 2012.
Description:

Partie III : Impuissances et constitutions.
Les résistances impuissantes. — Les branches et les racines. — Considérations sur Internet. — Qui écrit les constitutions ? — Notion de conflit d'intérêt. — Constituer une assemblée constituante. — La Tunisie et l' Islande.

Etienne Chouard, chercheur autonome.
Conférence de Lyon, le 9 mars 2012. MJC St Just.
"La démocratie est-elle un leurre ?"

Cadre & montage : Matthieu Wadoux — matwad@gmail.com

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Video Language:
French
Duration:
23:22

French subtitles

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