La Suisse et l'Union Européenne, la question de l'identité nationale

Christine Ockrent, Affaires étrangères, France Culture, 15 janvier 2014. Voir http://www.franceculture.fr/emission-affaires-etrangeres-la-suisse-et-l-union-europeenne-la-question-de-l-identite-nationale-201 pour plus d'informations.

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[Christine Ockrent] Bonjour! Merci.

[Annonceur] Affaires étrangères - Christine Ockrent, France Culture, en partenariat avec le magazine Courrier International.

[Ockrent] Bonjour à tous.

Le résultat a été acquis de justesse,

mais il a envoyé une onde de choc dans l'ensemble de l'Union Européenne.

Dimanche dernier, par une votation propre à leur système de démocratie directe,

les Suisses ont adopté à une courte majorité une proposition, une initiative, comme on dit là-bas,

visant à limiter l'immigration de masse.

Non pas tant l'immigration des pays pauvres qui entourent l'Europe,

mais bel et bien l'immigration européenne, celle de ses citoyens qui,

comme les biens, les services et les capitaux,

peuvent circuler librement au sein de l'Espace économique européen,

y compris la Suisse,

en fonction des accords bilatéraux qui la lient depuis 12 ans à l'Union

et qui ont -- il faut le reconnaître -- formidablement dopé son économie (1:10)

A trois mois des élections européennes,

à un moment où plusieurs pays sont traversés d'interrogations identitaires et de pulsions populistes,

s'agit-il donc d'une crispation propre à la confédération ou bien d'un syndrome plus général

qui prend de court les élites, les acteurs politiques et économiques traditionnels?

C'est ce que nous allons explorer aujourd'hui, grâce à vous, Dominique Reynié,

bonjour --
[Dominique Reynié] Bonjour.

[Ockrent] Vous êtes professeur à Sciences Po à Paris,

directeur général de la Fondation pour l'innovation politique.

en ligne avec nous depuis la Suisse,Pascal Sciarini, politologue, professeur à l'Université de Genève;

Etienne Piguet, Professeur à l'Université de Neuchâtel

[Etienne Piguet] Bonjour
[Ockrent] Spécialiste des questions migratoires

et Yves Bertoncini, Directeur de Notre Europe, l'Institut Jacques Delors.

Monsieur Sciarini, je commence avec vous pour que vous pour que vous nous expliquiez

ce système de votation au niveau fédéral.

Donc, il s'agissait bien, dimanche dernier, de trois initiatives proposées par ce parti

qui se situe à la droite dure de votre échiquier politique

et qui s'appelle l'Union démocratique du centre?

[Sciarini] Exactement: en réalité, il n'y avait qu'une seule initiative de l'UDC;

il y en avait une autre de la gauche, mais disons,

pour celle qui nous intéresse aujourd'hui, effectivement,

c'est une initiative qui a été lancée par l'UDC et qui visait, comme son nom l'indique,

à combattre l'immigration massive.

Concrètement, elle vise à réintroduire des contingents,

donc à limiter la main d'oeuvre étrangère en Suisse au moyen de quotas sur les travailleurs étrangers.

On est, en Suisse, dans un système, depuis quelques années, de libre circulation des personnes,

en vertu de l'accord signé entre la Suisse et l'Union européenne,

justement, sur la libre circulation des personnes, dans le cadre des accords bilatéraux

que la Suisse a pu conclure avec l'Union européenne.

Il faut peut-être ajouter que c'était en fait le troisième vote, le week-end dernier,

sur une thématique d'immigration,

puisque, en 2005 et puis en 2009,

les Suisses avaient déjà dû se prononcer sur l'extension de l'accord de libre circulation:

en 2005, d'abord aux 10 nouveaux pays d'Europe centrale et orientale

qui avaient rejoint l'Union européenne,

et puis en 2009, c'est sur les deux pays, Bulgarie et Roumanie,

qui venaient également d'adhérer à l'Union.

Donc ce n'était pas une nouveauté du point de vue de la Suisse --

[Ockrent] Non, ce qui est nouveau, c'est le résultat.

[Sciarini] Oui, absolument: jusque là, le Conseil fédéral, le gouvernement suisse, avait réussi

à convaincre une majorité de la population,

et là, pour la première fois, c'est le camp de l'isolation, de l'isolement,

qui a gagné --
[Ockrent] L'UDC est bien le premier parti,

aujourd'hui en Suisse?

A peu près, dans les sondages, 25% des intentions de vote,

mais il me semble qu'aux dernières élections nationales,

le résultat était en régression? (4:03)