1 00:00:00,162 --> 00:00:07,805 (Les énigmes partagées - psychanalyse & neuroscience) 2 00:00:07,928 --> 00:00:23,115 Pierre Magistretti: Nous reprenons le fil rouge de cette série d'entretiens, de cette première série, autour de la question qui nous concerne, c'est-à-dire la plasticité, la trace. 3 00:00:23,238 --> 00:00:35,937 Evidemment, nous l'avons abordée, dans la plupart des entretiens que nous avons eus jusqu'à maintenant, du côté du cerveau, de la synapse, et de l'autre côté, de la psychanalyse. 4 00:00:35,937 --> 00:00:43,977 Nous avons aussi parlé de déterminisme - Qu'est-ce qui est figé, qu'est-ce qui est déterminé? - et contrasté ça avec qu'est-ce qui peut évoluer. 5 00:00:44,100 --> 00:01:04,146 Alors une question que nous avons eue depuis le début, d'ailleurs, de nos discussions avec François Ansermet, maintenant depuis plus de 10 ans et, si je me souviens bien, aussi avec vous, c'est la question de la plasticité du langage, si on peut dire comme ça. 6 00:01:04,146 --> 00:01:06,092 (Linguistique, psychanalyse & neuroscience) 7 00:01:06,092 --> 00:01:08,066 (Les temps du devenir) 8 00:01:08,097 --> 00:01:15,165 Magistretti: Alors, évidemment, il faut faire attention aux mots qui se ressemblent, et "plasticité du cerveau, ce n'est peut-être pas la même chose que la plasticité du langage. 9 00:01:15,242 --> 00:01:22,220 Mais en même temps, il y a des processus qui peut-être sont communs, qui en tout cas nous ont fait réfléchir d'une manière commune, et je m'explique: 10 00:01:22,805 --> 00:01:43,814 Pour la neurobiologie, la plasticité permet d'une part l'inscription de la trace, c'est-à-dire comment l'expérience au cours du temps, de manière diachronique - on reviendra sur ce terme diachronique, d'ailleurs, saussurien si j'ai bien compris - cette inscription des traces construit le sujet. 11 00:01:43,829 --> 00:01:49,451 Donc il y a une inscription diachronique des traces au travers des mécanismes de la plasticité. 12 00:01:49,451 --> 00:02:01,245 Et en même temps, évidemment, tout ceci fait aussi que le sujet change. Donc il y a cette espèce de paradoxe d'un changement permanent. 13 00:02:01,414 --> 00:02:15,922 Et je me souviens que nous avions parlé de la langue en disant que finalement une langue aussi évolue, reçoit les traces, ou en tout cas reçoit l'influence de l'environnement, de l'histoire. 14 00:02:15,922 --> 00:02:25,506 Et finalement on passe, pour prendre juste un exemple rapide, par exemple, du latin à l'italien primitif en assez peu de temps. 15 00:02:25,583 --> 00:02:40,011 En fait, la question est comment décomposer ce changement permanent qui fait évoluer, et en même temps inscrit les signes de l'histoire, alors - du côté de la langue, du côté de de Saussure. 16 00:02:40,718 --> 00:02:54,017 François Ansermet: Oui, peut-être que je vais compléter par un souvenir, parce que je me souviens que Pierre Magistretti a donné une conférenceil y a longtemps sur la plasticité à laquelle vous étiez, Claudia. - Quijano: Oui. 17 00:02:54,017 --> 00:03:07,457 Ansermet: Et après cette conférence - c'était, bon, je pense, il y a vraiment plusieurs années - mais enfin, c'était une conférence assez inaugurale de nos échanges et de notre collaboration sur ces thèmes-là. 18 00:03:07,472 --> 00:03:16,762 Et vous m'aviez écrit un petit texte formidable que je n'ai jamais retrouvé, d'une demie page, où vous disiez: 19 00:03:16,762 --> 00:03:31,482 "Mais ce qui est en train de se découvrir dans les neurosciences est tellement proche de ce que Ferdinand de Saussure avait mis comme dialectique entre la langue et l'acte de parole, 20 00:03:31,574 --> 00:03:41,946 et le changement permanent, très lent, mais en même temps, qui se marque dans la langue, à partir de l'acte de chaque locuteur." 21 00:03:42,023 --> 00:03:46,826 Et je crois que ce serait bien de reprendre cette question qui est pour nous centrale. 22 00:03:47,457 --> 00:03:58,857 Claudia Mejìa Quijano: Oui, je me rappelle très bien de cette conférence à l'hôpital de Cery, parce qu'elle m'avait profondément marquée, à cause de l'analogie. 23 00:03:58,872 --> 00:04:24,469 Et dans ce texte, je me demandais: est-ce que l'analogie, elle est due à l'objet, c'est-à-dire, est-ce que, parce que c'est le cerveau qu'on essaie de décrire, et puis la langue, quand même, c'est bien dans notre tête qu'on la fait - 24 00:04:24,469 --> 00:04:37,260 donc ça a à voir une analogie au niveau de l'objet qu'on étudie - ou bien c'est à cause du regard qu'on porte là-dessus, parce que - et ce n'est qu'une question de méthode. 25 00:04:37,583 --> 00:04:54,909 Et mon questionnement était vraiment, dès ce moment, c'était, disons d'émerveillement de voir comment, après le 20ème siècle où les idées de Saussure et de la linguistique ont quand même été très travaillées, comprises, 26 00:04:54,909 --> 00:05:08,125 et surtout la notion de système et de structure qui, pour les jeunes générations qui sont nées avec internet, c'est une notion qui va de soi, mais que... 27 00:05:08,125 --> 00:05:19,238 Magistretti: Vous pouvez aussi dire pourquoi? En quoi internet - je m'excuse d'interrompre, mais je prends au bond ça - comment internet introduit cette question de système et de structure? 28 00:05:19,238 --> 00:05:25,832 Quijano: Et bien, simplement avec - bon, peut-être pas internet seulement - mais simplement le travail avec l'informatique. 29 00:05:26,309 --> 00:05:42,115 Essayez de changer quelque chose dans votre ordinateur: vous verrez qu'il y a une autre chose qui cloche, par ici, il y a - donc un petit changement sur un tout petit élément, et il y a tout qui change. Ça, c'est la notion de système. 30 00:05:42,208 --> 00:05:48,786 Un élément ne vaut que par le rapport qu'il entretient avec les autres éléments du système. 31 00:05:48,786 --> 00:06:06,131 Or cette notion du système qui, pour nous, est vraiment dans la pratique même, c'est notre savoir pratique en ce moment, a été la grande découverte de Saussure à la fin du 19e siècle. Et tout le 20e siècle a travaillé cette notion de système. 32 00:06:06,131 --> 00:06:20,949 Donc, je me disais, dans votre exposé sur la plasticité, je voyais bien toute cette notion de système qui était utilisée pour tenter de saisir ce qui se passe dans le cerveau. 33 00:06:21,026 --> 00:06:37,940 Alors, je me disais, est-ce que c'est parce que le cerveau fonctionne comme ça, ou est-ce justement tout ce cadre épistémologique qu'on a mis en place au 20e siècle qui nous permet d'aborder ce qui se passe dans le cerveau de cette façon-là. 34 00:06:38,171 --> 00:06:46,179 Magistretti: Donc la contribution, si je vais un peu vite, de la linguistique à la neurobiologie, quelque part. Pourquoi pas, on est... 35 00:06:46,179 --> 00:07:06,962 Quijano: Peut-être, mais - donc ça, c'est un aspect de l'analogie que je voyais - et un autre aspect, plus intéressant à mon avis, c'est tout un travail méconnu de Saussure, qui porte sur l'évolution des langues. Alors parce qu'au 20e siècle... 36 00:07:06,962 --> 00:07:14,177 Ansermet: parce qu'au fond, c'est lui qui a créé le terme de synchronie et diachronie, c'est un néologisme saussurien? 37 00:07:14,177 --> 00:07:33,577 Quijano: Oui, diachronie surtout: synchronie, on l'utilisait peut-être dans des sens apparentés, mais celui de diachronie, c'est lui qui l'a cherché pendant très longtemps: un terme qui puisse expliquer les intuitions qu'il avait. Alors... 38 00:07:33,577 --> 00:07:40,626 Magistretti: Alors, par rapport à l'évolution des langues, parce que si - je m'excuse, je reviens un petit peu au point de départ de la question que je vous avais posée: 39 00:07:40,626 --> 00:07:49,518 c'est-à-dire comment - alors bon, l'évolution des langues, on voit qu'il y a quelque chose qui se déroule dans le temps et qui implique une histoire et c'est de nouveau, 40 00:07:49,518 --> 00:07:57,657 en faisant très attention toujours aux analogies, c'est quand même ce qui se passe dans un sujet, son histoire et son évolution personnelle, bien sûr. 41 00:07:57,657 --> 00:08:11,328 On ne parle pas de l'évolution des espèces, mais de l'évolution personnelle: le devenir - nous on aime bien utiliser le terme "devenir" par rapport à développement ou évolution - mais le devenir du sujet qui est marqué par l'expérience, par les mécanismes de plasticité. 42 00:08:11,328 --> 00:08:19,362 Donc existe-t-il, au niveau du langage et de son évolution, quelque chose qui ressemblerait à la plasticité? 43 00:08:19,946 --> 00:08:38,171 Quijano (elle rit): Alors, on pourrait le dire, si l'on - comment dire - si vous voulez, au 19e, quand Saussure commence à travailler, on découvre l'évolution des langues. 44 00:08:38,171 --> 00:08:47,900 On compare le sanscrit, le grec et le latin et on se rend compte qu'il y a des choses communes, des sons communs, mais qui sont un peu différents dans les langues. 45 00:08:47,977 --> 00:08:57,211 Et on commence à se dire: et bien peut-être, c'était, dans une étape antérieure, un même son, mais qui a évolué différemment. 46 00:08:57,611 --> 00:09:09,660 Et donc, à partir des comparaisons entre les langues et avec une méthode complètement statistique, les linguistes recréent des lois phonétiques. 47 00:09:09,798 --> 00:09:29,820 Donc, disons que le k latin au début du mot devient ch en français, au début de la syllabe: "cantare" - "chanter". Donc ce k latin évolue jusqu'au ch. 48 00:09:29,820 --> 00:09:37,789 Et Saussure, il travaille là-dessus et commence à se demander: qu'est-ce que ça veut dire, "évolue". 49 00:09:38,851 --> 00:09:49,515 Et à mesure qu'il avance dans sa réflexion, il se rend compte que les notions d'évolution, de développement de la langue qu'on a aussi utilisées... 50 00:09:49,515 --> 00:09:51,415 Magistretti: De devenir, vous seriez d'accord avec devenir? 51 00:09:51,415 --> 00:10:07,405 Quijano: Devenir oui, mais dans un autre sens. Mais évolution et développement - il y a évidemment le déterminisme qui va avec et qui - il se rend compte que ça ne marche pas pour la langue. 52 00:10:07,405 --> 00:10:15,100 Et alors cette réflexion le mène à s'interroger sur ce qu'est un mot et ce qu'est un signe. 53 00:10:15,192 --> 00:10:28,774 Et dans toutes les découvertes qu'il va faire sur la synchronie, au niveau de la définition du signe comme signifiant-signifié et la notion de système, il les fait pour essayer de comprendre l'évolution. 54 00:10:28,897 --> 00:10:59,318 Et après - donc dans toute cette réflexion sur le langage - il va finir par dire: mais au fond, il n'y a que des gens qui parlent, en ce moment, nous on est là, donc il y a des fonctions biologiques, il y a une situation, il y a de l'air qui sort par la bouche - c'est quoi, la langue? 55 00:10:59,318 --> 00:11:18,094 C'est quoi, la langue, comme réalité? Et donc il se rend compte qu'au fond, la réalité, c'est dans ce partage des gens sur le moment, et il imagine donc cette synchronie, justement la synchronie, c'est ce qui va simultanément, qui va en même temps. 56 00:11:18,217 --> 00:11:24,611 Et la synchronie au sens strict est ce que nous sommes en train de faire en ce moment. 57 00:11:24,611 --> 00:11:38,180 Et le sens que vous et les gens qui sont ici donnent aux mots que je prononce, ou à l'air, au fond, que j'expire, c'est ça, la langue en synchronie. 58 00:11:38,288 --> 00:11:47,552 Or ces actes de parole de tous les jours laissent des traces. Voilà, on arrive aux traces... 59 00:11:47,552 --> 00:11:49,683 Magistretti: Et est-ce que la synchronie crée la trace? 60 00:11:49,683 --> 00:11:53,749 Quijano: Non - ah, c'est la synchronie: si. 61 00:11:53,842 --> 00:11:55,788 Ansermet: Ou alors, on pourrait dire... 62 00:11:55,788 --> 00:12:02,365 Quijano: Si, mais la trace est aussi ce qui est indispensable à ce qu'il y ait la synchronie. 63 00:12:02,503 --> 00:12:11,568 Ansermet: Oui, c'est-à dire, est-ce que la synchronie - est-ce que toute trace est à la fois synchronique et diachronique, ou est-ce qu'elle n'est que synchronique? 64 00:12:11,645 --> 00:12:33,457 Quijano: Alors, je parle - selon Saussure, il va se rendre compte aussi que l'objet psychique est tellement difficile, puisqu'il n'est pas matériel, on ne peut pas l'aborder, si ce n'est à partir d'un point de vue. 65 00:12:33,457 --> 00:12:45,762 Et c'est le point de vue qu'on va adopter qui fait que dans un phénomène, on voit soit un élément synchronique, soit un élément diachronique. 66 00:12:45,762 --> 00:12:53,983 Ansermet: Voilà - Magistretti: Oui - Ansermet: c'est le point de vue. Ça veut dire qu'on a toujours cette dimension synchronique et diachronique. 67 00:12:53,983 --> 00:12:55,683 Quijano: et diachronique en même temps. Ansermet: En même temps, voilà. 68 00:12:55,683 --> 00:12:57,568 Quijano: Disons, en même temps, oui... 69 00:12:57,568 --> 00:13:01,451 Magistretti: Selon le point de vue - Quijano: Selon le point de vue - Magistretti: ils sont consubstantiels. - Quijano: Exactement: voilà. 70 00:13:01,497 --> 00:13:15,205 Ansermet: Ça c'est un point, certainement, fondamental - si on fait juste une petite parenthèse - dans nos travaux, parce qu'on s'interroge beaucoup sur le devenir et sur le carrefour synchronique et diachronique que représente chaque trace. 71 00:13:15,235 --> 00:13:38,967 En d'autres termes, on dit parfois qu'on a un non-déterminisme diachronique dans le devenir, dû aux caractéristiques de l'événement synchronique qu'est la trace, ou le signifiant, ou l'instant, qui est un carrefour, enfin, un moment décisif. 72 00:13:39,075 --> 00:13:51,771 Magistretti: Oui, c'est comme vous dites, ce qui se passe dans un instant: c'est-à-dire, c'est vraiment l'instant, en quelque sorte, qui va laisser cette trace qui s'inscrit. 73 00:13:51,771 --> 00:14:02,122 Mais en même temps, dans l'évolution, on mobilise des traces qui se sont inscrites, et peut-être qu'on crée, dans la synchronie, quelque chose de nouveau. Et peut-être que l'évolution, elle vient aussi de là. 74 00:14:02,122 --> 00:14:03,083 Quijano: A chaque fois 75 00:14:03,083 --> 00:14:03,737 Magistretti: A chaque fois, c'est juste. 76 00:14:03,737 --> 00:14:06,522 Quijano: Au fond, pour Saussure, la synchronie est éphémère. 77 00:14:06,583 --> 00:14:07,991 Magistretti: Voilà - Ansermet: Voilà. 78 00:14:07,991 --> 00:14:10,014 Quijano: Parce que c'est l'instant, donc elle disparaît. 79 00:14:10,014 --> 00:14:14,866 Magistretti: Mais en même temps, elle va modifier la structure, ce qui existe. 80 00:14:14,866 --> 00:14:17,120 Quijano: Oui. 81 00:14:17,135 --> 00:14:27,531 Ansermet: Mais comment il pensait cette modification permanente, enfin, parce que lui, il l'a étudiée dans l'évolution des langues, donc dans un temps très long? 82 00:14:27,638 --> 00:14:29,906 Quijano: Oui. oui, mais... 83 00:14:29,906 --> 00:14:37,094 Ansermet: Comment se produit ce changement permanent, si je peux dire, puisque dans l'instant, c'est éphémère? 84 00:14:37,094 --> 00:14:40,208 C'est très difficile à penser, cette question, pour nous, c'est très compliqué. 85 00:14:40,208 --> 00:14:47,977 Quijano: Oui, mais ce qu'il y a, c'est que le changement n'est envisageable qu'en rétrospection. Le changement, on ne le voit pas. 86 00:14:48,084 --> 00:14:55,097 Le changement, on le reconstruit à partir de plusieurs étapes. 87 00:14:55,097 --> 00:15:08,537 Magistretti: Mais ça me rappelle l'exemple que tu prends souvent, de ce photographe russe Boguslawsky, qui prenait une photo tous les quinze jours de lui-même, un portrait, sur 25 ans. 88 00:15:08,537 --> 00:15:19,363 Et finalement, quand il regarde la première photo et la dernière, elle est très différente, mais quand il en regarde une à un moment donné, et puis il regarde la précédente et la suivante, il n'y a pas de changement. 89 00:15:19,363 --> 00:15:25,595 Mais en même temps, dans la diachronie, il y a eu un grand changement, en fait. A quel moment change la langue? C'est ça. 90 00:15:25,595 --> 00:15:26,895 Quijano: Oui, ça c'est un exemple de... 91 00:15:26,895 --> 00:15:29,583 Ansermet: Oui, ça, c'est un exemple qui vient de Claudia Mejía qui m'a donné... 92 00:15:29,583 --> 00:15:30,914 Quijano: Non, non, c'est Saussure, la première.... 93 00:15:30,914 --> 00:15:41,734 Ansermet: Oui, c'est Saussure, mais c'est vous qui m'avez donné cette leçon originale de la fin du 19e, de Ferdinand de Saussure - un cours à Genève, n'est-ce pas? 94 00:15:41,734 --> 00:15:44,180 Quijano: Oui, c'est le premier cours à Genève qu'il donne... 95 00:15:44,180 --> 00:15:45,495 Ansermet: Oui - Magistretti: Ah ou? Il donne cet exemple? 96 00:15:45,495 --> 00:16:01,291 Quijano: Oui, il donne cet exemple mais ce qui est très intéressant dans la formulation de Saussure, c'est qu'il dit, on a la même chose pour la langue, mais il propose de voir l'évolution de la langue comme l'exposition des photos. 97 00:16:01,291 --> 00:16:14,755 Et il parle de celui qui voit l'exposition. Donc c'est le point de vue de celui qui voit les photos, qui au fond, crée le changement de Boguslawsky à partir des photos. 98 00:16:14,832 --> 00:16:31,555 Chaque photo lui fait faire une reconstruction et voir - disons, par exemple, là il explique bien que c'était dans la même pose, et avec les mêmes vêtements - donc, sur ce cadre qui se répète dans plusieurs photos, 99 00:16:31,555 --> 00:16:47,506 le changement et les différences organiques de l'homme font que la personne qui voit l'exposition - parce qu'au fond, les photos, c'est des photos, je veux dire, c'est du papier, ce n'est pas... 100 00:16:47,506 --> 00:17:01,675 le changement n'est pas là, la personne Boguslawsky, c'était un homme, donc c'est un devenir organique - mais les changements dans l'exposition, c'est le spectateur qui les voit. 101 00:17:01,675 --> 00:17:09,066 Le devenir de Boguslawsky, c'est le spectateur qui le crée à partir de sa reconstruction. 102 00:17:09,066 --> 00:17:20,491 Donc, à ce moment, Saussure, il va donner cette place importante à ce qu'on pourrait dire, le sujet reconstructeur. 103 00:17:20,491 --> 00:17:27,171 Et c'est là où je me demandais si, dans la plasticité que maintenant on voit, parce que... 104 00:17:27,171 --> 00:17:42,100 Bon, je ne connais absolument rien en neurosciences, mais je me demande, quand on parle de plasticité, qu'est-ce que - le phénomène physique, il est lequel? 105 00:17:42,100 --> 00:17:50,995 Magistretti: Alors, le phénomène physique, il existe, et quand on dit qu'une expérience laisse une trace dans le réseau neuronal, ce n'est même pas un abus de langage, en fait. 106 00:17:50,995 --> 00:18:10,008 Parce que, il y a, donc, comme vous le savez, notre cerveau a à peu près 100 milliards de neurones, que chaque neurone reçoit à peu près 10'000 contacts d'autres neurones, 10'000 synapses, mais que ce branchement, ces connexions ne sont pas fixées une fois pour toutes. 107 00:18:10,008 --> 00:18:16,793 Elles sont là, mais elles sont en permanence modulées par l'expérience, modifiées par l'expérience. 108 00:18:16,793 --> 00:18:32,522 Et en fait, si on prend maintenant des synapses, dans un circuit qui a été mobilisé pour un apprentissage, par exemple, et bien on verra que ces contacts synaptiques ont changé de structure, de morphologie. 109 00:18:32,537 --> 00:18:37,958 Il y aura, par exemple, une terminaison, cette fois-ci, mais qui va toucher deux zones réceptrices au lieu d'une. 110 00:18:37,958 --> 00:18:40,940 Donc il y a vraiment un changement morphologique, il y a une vraie trace. 111 00:18:41,002 --> 00:18:48,158 Alors, ce que l'on peut dire aujourd'hui, c'est qu'une expérience qui va laisser une trace, en fait, qu'est-ce qu'elle fait? 112 00:18:48,158 --> 00:19:11,422 Elle va modifier des milliers de ces synapses, et que c'est en fait la modification, le "pattern", le patron de modification de ces milliers de synapses qui va faire que la trace est inscrite et quand le cerveau réactive le même patron de synapse facilitée, on reproduira l'image. 113 00:19:11,422 --> 00:19:21,429 Mais bon, ça c'est une autre question. Pour ce qui est des mécanismes de la plasticité, on peut dire qu'il y a un changement micro-structurel dans les neurones. 114 00:19:21,429 --> 00:19:38,922 Donc il y a vraiment, on pourrait - on ne peut pas encore, aujourd'hui, techniquement, mais je pense que ça viendra un jour - on pourrait, entre guillemets, "lire", ou voir ou visualiser la trace, mais qui correspond à un souvenir. 115 00:19:38,922 --> 00:19:55,078 Je pense que ce n'est pas une folie d'imaginer ça: on connaît maintenant des changements qu'on peut visualiser sur 1, 2, 3, c'est quelques synapses, parce que c'est une limite technologique - mais on déduit de ces observations qu'en fait, il a un certain patron. 116 00:19:55,078 --> 00:20:04,891 Moi, je prends toujours cet exemple, prenez un gratte-ciel la nuit, comme ça, un parallélépipède, qui a plein de fenêtres qui s'allument. 117 00:20:04,968 --> 00:20:16,155 Et ces fenêtres peuvent s'allumer selon un certain pattern et par exemple - moi j'ai vu ça et je prends cet exemple parce que je l'ai vu - dessiner un arbre de Noël: selon comment les fenêtres s'allument, vous avez un arbre de Noël. 118 00:20:16,155 --> 00:20:33,085 Et bien, il faut vous imaginer que dans le cerveau, une expérience qui est significative, qui va laisser une trace, un souvenir quelque part, en fait, va modifier dans les circuits neuronaux, les synapses, les rendre plus facilitées, donc, comme les fenêtres allumées, selon un certain pattern. 119 00:20:33,223 --> 00:20:46,331 Donc il y a - ça nous amène vraiment assez naturellement à la question de la trace et nous avons pris - dans le premier livre, "A chacun son cerveau", nous avons pris une analogie, alors tout ce qu'il y a de plus saussurien - 120 00:20:46,454 --> 00:21:07,078 nous avons dit qu'en fait l'expérience, c'est un signifié, un arbre, qui est inscrit par un certain pattern de ces synapses, et constitue un signifiant, et qu'il y a donc la trace et le signifiant. 121 00:21:07,078 --> 00:21:10,426 Je sais que vous avez des questions autour de la notion de signifiant... 122 00:21:10,426 --> 00:21:27,029 Ansermet: Oui, parce que c'est un débat qu'on peut avoir maintenant brièvement. C'est-à-dire que la question sur laquelle on doit réussir à avancer, c'est le statut langagier de la trace: 123 00:21:27,029 --> 00:21:34,288 c'est-à dire, est-ce qu'on en donne aucun, et on dit: c'est sans commune mesure, point. 124 00:21:34,288 --> 00:21:54,155 Ou est-ce qu'on dit que la trace, comme l'a dit Lacan, par exemple, le signe de la perception, Wahrnehmungszeichen, le premier signe, la première inscription, le premier contact entre le vivant et le langage, il a dit: je lui donne son nom de signifiant. 125 00:21:54,155 --> 00:22:04,260 Est-ce que c'est un signifiant, est-ce que c'est une lettre? Parce qu'à un certain moment, il disait, iil y a une part matérielle du langage, disait Lacan, c'est la lettre. 126 00:22:04,398 --> 00:22:14,565 Le signifiant est équivoque, crée des malentendus, des carrefours, un désordre extraordinaire dans les fonctions mentales, la lettre est univoque. 127 00:22:14,672 --> 00:22:22,555 Ou est-ce que c'est alors un indice, au sens de Peirce? Ou encore toute autre chose? 128 00:22:22,555 --> 00:22:39,811 Et ça, c'est une question que j'ai souvent eu envie de débattre avec les linguistes, c'est-à-dire, qu'est-ce que Freud appelait "signe" en1896: le 6 décembre 1896, il dit, "le signe de la perception", "Wahrnehmungszeichen". 129 00:22:39,811 --> 00:22:47,143 Qu'est-ce que c'était, un signe, dans la pensée de Freud, en 1896? 130 00:22:47,143 --> 00:22:49,771 Magistretti: Et nous appelons ça "trace". - Ansermet: Et nous, on appelle ça "trace". 131 00:22:49,832 --> 00:22:54,255 Magistretti: Trace synaptique. 132 00:22:54,594 --> 00:23:00,198 Ansermet: Et vous, vous n'êtes pas du tout convaincue par ça, et je vous écoute. 133 00:23:00,198 --> 00:23:11,672 Quijano: Disons que pendant plus de 30 ans, Saussure s'est demandé cette question: "qu'est-ce que c'est qu'un signe?" 134 00:23:11,672 --> 00:23:13,926 Magistretti: Bon, on a du temps, alors. (rires) 135 00:23:13,926 --> 00:23:23,485 Ansermet: Je pense qu'on va faire une petite réunion, comme l'imaginait Barthes dans un de ses cours, ou je ne sais plus où, oui, c'est Barthes - on va faire une petite - il imaginait des réunions impossibles - 136 00:23:23,577 --> 00:23:33,238 je veux dire, on fera une soirée, un jour, avec Freud - Quijano et Ansermet: Saussure, Lacan - Ansermet: et nous. 137 00:23:33,238 --> 00:23:34,846 Magistretti: Et puis ils nous inviterons. 138 00:23:34,846 --> 00:23:46,482 Quijano: Mais donc, pendant ces 30 années, il a conçu plusieurs sortes d'unité qu'il a appelées "signes" chaque fois. 139 00:23:46,482 --> 00:24:07,602 Et ces différentes unités, il les a placées dans différentes sphères du fonctionnement langagier: par exemple, il a imaginé cette notion que, je sais, vous aimez bien, d'aposème, comme une moyenne acoustico-articulatoire 140 00:24:07,602 --> 00:24:14,822 Ansermet: Bon, alors c'est quoi, l'aposème? Parce que là, vous me direz que c'est par rapport à la plasticité 141 00:24:14,822 --> 00:24:19,158 et au contact synaptique, c'est tout aussi difficile de définir, mais qu'est-ce que c'est, cet aposème? 142 00:24:19,158 --> 00:24:22,331 Quijano (en même temps qu'A): C'est très difficile de savoir vraiment... 143 00:24:22,331 --> 00:24:24,337 Magistretti: Ça, c'est Saussure qui a inventé ce terme d'aposème? 144 00:24:24,337 --> 00:24:27,977 Quijano: Oui, bon il a essayé plusieurs termes, et il utilise aussi... 145 00:24:27,977 --> 00:24:32,611 Ansermet (sur Q.): Il faut que je dise à Pierre que Claudia m'explique depuis à peu près 10 ans ce que c'est qu'un aposème... 146 00:24:32,611 --> 00:24:36,069 Magistretti: D'accord - Ansermet: Et si maintenant... - Magistretti: donc je ne vais pas comprendre ce soir. 147 00:24:36,069 --> 00:24:42,349 Ansermet: Non (A et Q rient), pour moi, c'est ce soir, ici, tous ensemble... - Magistretti: C'est la dernière chance! - Ansermet: ... qu'on comprend, qu'on arrive à entendre ce que c'est qu'un aposème. 148 00:24:42,472 --> 00:24:55,573 Quijano: Alors, je pars de deux éléments que Saussure donne; il dit: "moyenne acoustico-articulatoire", alors - et il définit aussi l'aposème come le cadavre du sème. 149 00:24:55,650 --> 00:25:01,580 Le sème est celui qui signifie, donc signifiant-signifié qui a un sens. 150 00:25:01,580 --> 00:25:11,980 Mais, lorsqu'on regarde l'évolution des langues, on ne travaille pas avec les mots signifiants, parce que les mots qui signifient ne sont qu'en synchronie. 151 00:25:11,980 --> 00:25:17,755 Quand on regarde l'évolution, au fond, on regarde les voyelles, les consonnes et les lettres. 152 00:25:17,817 --> 00:25:31,429 Alors on travaille avec des sortes de mots dont on ne sait pas vraiment quel est le sens, parce que justement on les compare avec les "mêmes mots" deux siècles plus tard. 153 00:25:31,522 --> 00:25:41,555 Donc ce n'est pas les mêmes mots synchroniques, puisque le synchronique, c'était dans une époque donnée. Et alors, il s'est demandé, mais pourquoi je dis les mêmes mots, et ces mêmes mots, c'est quoi? 154 00:25:41,555 --> 00:25:58,832 Alors il parle des cadavres des mots, cadavres de sèmes. C'est-à-dire ce qui reste d'un signifiant quand il a été utilisé, et ce qui reste dans, évidemment, l'esprit des sujets parlants. 155 00:25:58,848 --> 00:26:12,940 Et par ailleurs, il dit, moyenne acoustico-articulatoire. Alors là, il fait une différence entre deux unités linguistiques très importantes: l'une qui n'a pas de sens, qui est donc... 156 00:26:12,940 --> 00:26:13,440 Magistretti: c'est le cadavre, l'aposème - Quijano: c'est le cadavre 157 00:26:13,440 --> 00:26:20,325 Magistretti: il n'a pas de sens intrinsèque, c'est un matériel, c'est du matériel? 158 00:26:20,355 --> 00:26:27,531 Quijano: imaginez qu'en ce moment, on utilise, je ne sais pas: "tr tr", pour dire quelque chose que tout le monde va comprendre. 159 00:26:27,531 --> 00:26:42,629 Alors à ce moment-là, on a ce "tr tr" - je n'arrive même pas à le répéter, tellement il n'est pas fixe comme moyenne acoustico-articulatoire, même si on peut lui donner un sens. 160 00:26:42,645 --> 00:26:58,925 Donc, sur le moment, cette suite de sons peut prendre un sens et est signifiante, donc c'est un signifiant et ça crée une impression acoustique chez tous ceux qui l'ont écouté. 161 00:26:58,971 --> 00:27:15,411 Alors si vous essayez de le répéter, pour répéter cette suite de sons, vous allez devoir faire un travail articulatoire de produire des sons qui correspondent à l'impression acoustique que vous avez entendue. 162 00:27:15,472 --> 00:27:26,195 A ce moment là - c'est ce que le bébé fait, au fond, chaque fois, cette tentative de créer - à ce moment-là, dans le cerveau, il y a une moyenne qui se crée. 163 00:27:26,195 --> 00:27:41,700 Et on le voit très bien quand on apprend une autre langue, ou quand on enseigne une autre langue à des étrangers, on voit bien que les gens n'écoutent pas les sons différents de leur langue maternelle, que du moment où ils arrivent à les prononcer. 164 00:27:41,700 --> 00:27:45,138 A ce moment-là, on les entend. 165 00:27:45,138 --> 00:27:58,337 Magistretti: Je peux juste fairee une parenthèse? Parce qu'il y a quelque chose qui me frappe: ça me rappelle quand on a eu une discussion avec Stéphane Lissner, qui viendra ici un de ces jours pour un entretien, donc le directeur de la Scala, 166 00:27:58,337 --> 00:28:14,032 il m'a dit une chose qui m'a totalement sidéré, parce qu'on venait d'écouter un des opéras de Janáček, il m'a dit: "La plupart des chanteurs chantent en tchèque, mais ils ne comprennent pas un mot de ce qu'ils chantent." 167 00:28:14,032 --> 00:28:20,155 Pour moi, c'est inimaginable. Donc, est-ce que ça voudrait dire qu'eux, ne travaillent qu'avec des aposèmes? 168 00:28:20,155 --> 00:28:20,978 Quijano: Absolument. 169 00:28:21,009 --> 00:28:27,128 Magistretti: D'accord, c'est ça? OK, alors j'ai compris ce qu'est un aposème. (rires) 170 00:28:27,128 --> 00:28:41,749 Ansermet: Oui, et qui finalement, jouent un rôle dans le travail psychanalytique, parce qu'il peut y avoir, au fond des parts réelles du langage, enfin quelque chose qui n'est pas pris dans le jeu (?) signifiant. 171 00:28:41,749 --> 00:28:47,577 Enfin on ne peut pas tout couvrir avec du sens, tout couvrir avec du langage, tout couvrir avec des signifiants. 172 00:28:47,577 --> 00:28:53,392 Il y a cette part réelle qui ne peut pas être touchée par la langue, finalement. 173 00:28:53,392 --> 00:28:59,423 Quijano: Mais ce qui est intéressant, c'est que ces aposèmes n'existent pas, au fond, dans le langage. 174 00:28:59,423 --> 00:29:08,872 Parce qu'on ne parle que pour signifier. Et donc, les sons n'existent qu'en tant qu'ils sont signifiants. Autrement, c'est du bruit. 175 00:29:08,872 --> 00:29:10,911 Ansermet: Alors l'aposème, c'est une sorte de reste... 176 00:29:11,018 --> 00:29:25,503 Quijano: c'est ce qui reste dans le cerveau - donc j'imagine, à un niveau acoustico-articulatoire. Et c'est là où je lisais dans votre dernier livre ce qui m'a beaucoup intéressé, c'était la recombinaison des traces. 177 00:29:25,503 --> 00:29:26,818 Magistretti: Ah oui. Oui, oui, 178 00:29:26,818 --> 00:29:36,758 Quijano: Parce que Saussure, il a - je me disais, mais toutes les unités, parce qu'il a essayé de voir plusieurs sortes d'unités, de faire de l'ordre dans le langage. 179 00:29:36,758 --> 00:29:54,725 Alors son ordre était linguistique, synchronique diachronique, langue, parole, les sons, l'aposème, les signifiants - une quantité d'unités et de fonctions différentes du langage 180 00:29:54,725 --> 00:30:08,291 qui, il me semble, peuvent correspondre - on a toujours l'intention, l'envie de l'analogie - mais correspondre à différents moments de cette recombinaison des traces. 181 00:30:08,291 --> 00:30:18,745 Parce que l'aposème, qui serait de l'ordre vraiment acoustico-articulatoire pré - je ne sais pas comment dire - pré-sensoriel... 182 00:30:18,745 --> 00:30:21,454 Magistretti: Oui, oui, mais vide de signification. 183 00:30:21,454 --> 00:30:29,955 Quijano: Absolument. Mais sensoriel, et il est la possibilité même du signifiant, tout en n'existant pas vraiment en tant que tel. 184 00:30:29,955 --> 00:30:30,778 Magistretti: Oui, oui. 185 00:30:30,778 --> 00:30:47,645 Quijano: Parce que chaque fois qu'on l'utilise ou qu'on le crée, il est à côté de son signifiant. Il ne peut pas exister sans son signifiant, à moins d'être sur le divan ou bien dans les jeux de mots, dans toutes les blagues où on joue... 186 00:30:47,645 --> 00:30:49,468 Ansermet: Et puis dans les lapsus aussi .... - Quijano: ... les lapsus 187 00:30:49,468 --> 00:30:56,328 Ansermet: ... les lapsus qui peuvent exister dans une langue ou dans le passage d'une langue à une autre, parce qu'on peut avoir des lapsus de traduction, par exemple. 188 00:30:56,328 --> 00:31:09,715 Quijano: Oui, ou bien dans la traduction. En traduction, tous les calques qu'on fait, et les interférences dans la traduction, obéissent justement au fait qu'on a sur l'écrit, 189 00:31:09,715 --> 00:31:26,115 nous donne une sorte d'aposème où l'on sait que pour leur donner un sens, il faut vraiment se situer dans un moment très déterminé. Autrement, ça peut avoir n'importe quel sens. 190 00:31:26,115 --> 00:31:39,863 Magistretti: Peut-être, pour revenir à notre question, parce qu'en fait, juste pour rappel, peut-être, pour ceux qui n'ont pas suivi tous ces entretiens, notre schéma de fonctionnement ici, c'est en fait François posant des questions, 191 00:31:39,986 --> 00:31:54,118 et puis on essaie de dialoguer, on dialogue avec des personnes qui apportent un autre savoir, et on fait une expérience pour essayer d'avancer dans la réflexion, donc. 192 00:31:54,118 --> 00:32:09,057 Alors là, on revient à la question qu'on a toujours, c'est la question de la trace. Et en fait, l'idée, dans le modèle que nous proposons, c'est de dire, finalement, l'expérience - 193 00:32:09,057 --> 00:32:22,115 alors d'abord, est-ce que vous seriez d'accord de dire que l'expérience - donc ça peut être un objet, ça peut être quelque chose, prenons un objet, c'est peut-être plus simple - est un signifié? 194 00:32:22,115 --> 00:32:28,186 Nous, c'est comme ça qu'on - je vous déploie ce que nous avons proposé, puis on le reprend du côté linguistique. 195 00:32:28,186 --> 00:32:38,952 Donc pour nous, il y a un signifié, expérience-objet, qui par les mécanismes de la plasticité laisse une trace dans le réseau neuronal. 196 00:32:38,952 --> 00:32:50,546 Alors cette trace, elle correspond à ce signifié, alors c'est pour ça qu'on l'a appelé signifiant, c'est-à-dire que quand on la réactive, on a de nouveau l'image d'un arbre. 197 00:32:50,608 --> 00:33:07,823 Mais - et puis qu'ensuite, comme on a des milliers d'expériences, qui laissent des millions de traces, on se dit, peut-être qu'il y a des éléments de ce signifiant, de ces traces, qui correspondent directement à un arbre, 198 00:33:07,838 --> 00:33:26,780 et une autre expérience qui correspond à une montagne - je simplifie beaucoup - et puis que certains éléments - je reviens à l'image du gratte-ciel, d'un pattern - certains éléments des deux signifiants se recombinent, se réassocient et créent un autre. 199 00:33:27,103 --> 00:33:31,035 Alors la question qu'on s'est beaucoup posée, est-ce qu'il crée un autre signifié ou un autre signifiant? 200 00:33:31,035 --> 00:33:46,346 Mais peu importe, il crée quelque chose d'autre qui n'est plus en lien direct avec l'expérience initiale mais qui va modifier quand même notre cerveau et influencer notre devenir. Donc... 201 00:33:46,346 --> 00:33:59,177 Ansermet: Oui, ça c'est une question centrale dans notre - oui, vraiment, c'est juste de rappeler la règle du jeu, c'est-à-dire on est là pour se faire enseigner par quelqu'un depuis un autre champ. 202 00:33:59,177 --> 00:34:13,571 Donc la question, c'est la plasticité, c'est l'idée d'une continuité. L'expérience laisse une trace. Ensuite, les traces se réassocient les unes avec les autres pour former de nouvelles traces: discontinuité. 203 00:34:13,752 --> 00:34:23,780 Et nous, on a un vrai problème pour penser comment un phénomène peut être à la fois un élément de continuité et de discontinuité. 204 00:34:23,780 --> 00:34:35,400 La mémoire pourrait être, en elle même, vue à la fois comme élément de continuité et discontinuité, puisqu'elle met les traces mnésiques à disposition pour créer de nouvelles traces. 205 00:34:35,647 --> 00:34:51,389 Magistretti: Continuité, dans cette question, c'est de dire: un signifiant, lorsqu'on réactive ces traces, ce pattern, c'est un signifiant, il va évoquer une représentation, c'est-à dire un signifié. 206 00:34:51,497 --> 00:35:16,023 Maintenant, lorsque - on pourrait reprendre des éléments, ou même peut-être tout ce signifié - ce signifiant, pardon - et il perd son lien avec l'expérience pour s'associer avec autre chose, ça devient un aposème, il a perdu son signifié, non? Enfin, c'est un peu plus compliqué. 207 00:35:16,023 --> 00:35:19,758 Quijano: Oui, alors, je ne sais pas les traces exactement... 208 00:35:19,758 --> 00:35:24,069 Magistretti: Non, c'est pour dire que signifiant et aposème peuvent être la même chose. Une fois ellles - ça... 209 00:35:24,069 --> 00:35:24,677 Quijano: Absolument 210 00:35:24,692 --> 00:35:42,426 Magistretti: Une fois, ça correspond à quelque chose, et puis une autre fois, ça n'a p... c'est mort, ça s'associe pour faire autre chose.- Quijano: Oui, sauf que la diff... - Ansermet: Alors, ce serait le même de dire que dans la reconsolidation... - Magistretti: Oui, on passe du signifiant à l'aposème. - Quijano: voilà. Ansermet: ... le phénomène de réassociation de traces, parce que nous, on a dû... 211 00:35:42,472 --> 00:35:50,755 Quijano: Disons que c'est toujours - je veux dire - on a toujours des signifiants et, parallèles, des aposèmes qui restent. - Ansermet: Oui. 212 00:35:50,755 --> 00:36:05,848 Quijano: Mais, par rapport au signifié et l'arbre, en tout cas dans la langue, on parle, on entend un mot nouveau dans un contexte qui lui donne un sens. Cela crée un signifiant chez nous. 213 00:36:05,863 --> 00:36:17,838 Ensuite, on entend à nouveau ce mot dans un autre contexte, où le sens est un peu différent. Et encore, et encore, et encore. 214 00:36:17,838 --> 00:36:24,866 Le signifié, pour Saussure, c'est ce qui a été signifié. C'est pour ça que c'est un participe passé. 215 00:36:25,005 --> 00:36:44,020 Donc, c'est vraiment - le signifié ramasse tous ces sens qui ont été vécus dans les actes de parole avec les gens, et si vous regardez les dictionnaires, dans le Petit Robert, vous n'avez pas de représentation, vous avez des traits sémantiques. 216 00:36:44,158 --> 00:37:08,395 Le signifié, ce n'est pas l'arbre qui est associé au signifiant. C'est des traits: vert, par exemple. Et après montagne, vert. Tout, dans la langue, est question de petits éléments et de traits qui, se combinant entre eux, créent du sens. 217 00:37:08,395 --> 00:37:21,552 Alors par exemple, si on combine deux mots déjà dans un syntagme, l'oxymore, qui est la combinaision de deux mots contraires, vont créer une autre chose. 218 00:37:21,552 --> 00:37:33,395 Comment peut-on faire ça? Parce que le signifié, c'est un ensemble de traits. Donc je ne sais pas si "trait", maintenant, avec "traces"... (elle rit) ça va faire encore quelque chose d'autre... 219 00:37:33,395 --> 00:37:34,926 Magistretti: Oui - Ansermet: c'est encore autre chose 220 00:37:34,926 --> 00:37:51,155 Quijano: Mais ce n'est pas la représentation entière. Donc ce n'est pas qu'on perd quand on passe d'un signifiant à un autre, je veux dire quand on va utiliser à nouveau le même aposème dans un signifiant différent, 221 00:37:51,155 --> 00:38:02,965 il y a tous les traits sémantiques qui étaient utilisés, auxquels vous ajoutez, accommodez d'autres traits, selon la... 222 00:38:02,965 --> 00:38:09,038 Magistretti: Oui, ça fait réfléchir, c'est peut-être dans l'association de traces qu'on retrouve des aposèmes qui deviennent de nouveaux signifiants. 223 00:38:09,038 --> 00:38:21,125 Ansermet: Oui, c'est ça, c'est peut-être que l'aposème est un élément théorique qui pourrait être très central à la façon de ne pas tomber dans le leurre de ce qu'implique l'idée de signifiant, 224 00:38:21,248 --> 00:38:40,882 puisque c'est au fond cette part réelle, matérielle du langage, en dehors du processus de signification, donc l'aposème aurait cette vertu d'être vraiment un élément au carrefour entre diachronie et synchronie. 225 00:38:40,882 --> 00:38:44,398 Quijano: Euh... oui, quoiqu'on le voit mieux en diachronie, parce que c'est en diachronie... 226 00:38:44,398 --> 00:38:50,657 Ansermet: Oui, c'est-à-dire qu'on voit en diachronie une dimension de rupture signifiante, finalement, dans une certaine mesure... 227 00:38:50,657 --> 00:38:58,962 Quijano: ... de continuité. - Ansermet: de rupture de continuité? (Quijano rit) - Magistretti: Ah non, là .... (rires) - Quijano: Non. 228 00:38:58,962 --> 00:39:03,014 Ansermet: Alors pour vous, la rupture, elle vient où, qu'est-ce qui fait... 229 00:39:03,029 --> 00:39:06,595 Quijano: Et bien, il n'y a pas de rupture, tout est différent tout le temps. 230 00:39:06,672 --> 00:39:26,217 Ansermet: tout est différent tout le temps, bon. Ce n'est donc pas simple du tout, parce que - peut-être on va faire un saut, maintenant, parce que de dire que tout est... - Magistretti: différent tout le temps. - Ansermet: ... différent tout le temps, c'est-à-dire, tout change tout le temps. 231 00:39:26,217 --> 00:39:40,294 Moi, comme psychanalyste, je me trouve face maintenant à un neuroscientifique qui explique que l'expérience laisse une trace, donc tout change tout le temps, et la reconsolidation et l'évocation d'unités mnésiques créent une discontinuité, 232 00:39:40,417 --> 00:39:51,955 les traces se réassocient, tout est tout le temps différent, donc la question pour les neurosciences, qu'on a déjà discutée ici, c'est, qu'est-ce qui fait l'identité dans le temps, l'identité diachronique? 233 00:39:52,078 --> 00:40:01,740 Et voilà une linguiste qui me dit de nouveau quelque chose du même genre, c'est-à-dire, tout change tout le temps, tout est tout le temps différent. - Quijano: (confirme). 234 00:40:01,848 --> 00:40:19,955 Alors que comme psychanalyste, on est face à un défi, c'est à dire de sortir de la répétition, parce que ce dont souffrent certains qui viennent nous trouver, c'est que tout est - que l'identité devient un piège, que tout est le retour du même, 235 00:40:20,032 --> 00:40:32,429 qu'il y a une compulsion de répétition qui est au coeur de notre préoccupation d'un acte qui coupe par la parole, par l'interprétation, par le sens, dans le transfert par rapport à cette répétition. 236 00:40:32,506 --> 00:40:46,411 Alors maintenant, on pourrait faire un saut, en se disant, bon, est-ce que c'est applicable au devenir? Qu'est-ce que c'est que le devenir? 237 00:40:46,411 --> 00:40:59,651 Et vous avez produit un livre, là, que je montre, "Le cours d'une vie", qui est un portrait - sous-titre: "Portrait diachronique de Ferdinand de Saussure". 238 00:40:59,758 --> 00:41:15,774 C'est-à dire que vous avez appliqué à Ferdinand de Saussure, Ferdinand de Saussure. Ce livre est paru aux éditions Cécile Defaut avec une très importante préface d'Olivier Flournoy, avec qui vous avez beaucoup dialogué 239 00:41:15,882 --> 00:41:36,152 et qui a beaucoup commenté votre travail, avec une précision très grande et lui aussi s'est beaucoup interrogé sur l'aposème et la façon dont c'était introduit dans l'oeuvre de Ferdinand de Saussure, avec des débats complexes. 240 00:41:36,152 --> 00:41:44,011 Est-ce que vous pouvez nous expliquer qu'est-ce que ça veut dire, un portrait diachronique? 241 00:41:44,011 --> 00:41:54,620 Quijano: Alors, je pense que le devenir, c'est nous qui le créons, quand on compare différentes traces. 242 00:41:54,620 --> 00:42:17,115 Le changement - on n'a aucune possibilité de savoir si cette bouteille qui est là - chut, voilà, maintenant, vous ne la voyez pas - est-ce que c'est la même, ou quelqu'un me l'a changée, puis c'est une autre? 243 00:42:17,115 --> 00:42:38,725 Selon les caractéristiques qu'elle a, c'est la même - mais est-ce que c'est la même qui - ou je l'ai substituée? Donc, entre substititution et changement, il n'y a aucune possibilité de savoir si quelque chose change, ou si ça a été substitué. 244 00:42:38,725 --> 00:42:50,091 A mon avis, le changement, c'est nous - c'est une abstraction qu'on fait à partir de la comparaison entre plusieurs étapes. 245 00:42:50,137 --> 00:43:03,085 Alors, "Portrait diachronique": en linguistique, on a imaginé l'évolution des langues à partir de ce travail de comparaison entre les langues. 246 00:43:03,085 --> 00:43:22,414 Et Saussure s'est - il a imaginé cette linguistique synchronique et linguistique diachronique du moment où il s'est rendu compte que le langage n'était pas quelque chose non seulement, non pas extérieur à l'homme, mais sa production même. 247 00:43:22,414 --> 00:43:40,180 C'est vraiment son produit et donc, en donnant une force importante à la présence du sujet parlant, il a donné une nouvelle conception du langage, à partir, justement, de ce travail du sujet parlant, en synchronie. 248 00:43:40,180 --> 00:44:04,566 Et en diachronie, le sujet qu'il essaie de traquer, en quelque sorte, c'est ce sujet reconstructeur qui, avec un travail très particulier de comparaison et de mise en rapport des traces, et en tenant compte le temps, crée le devenir. 249 00:44:04,582 --> 00:44:25,875 Alors je pense que, autant Saussure que Freud, dans leur travail, ont fait justement ce travail de reconstruction: Freud de l'identité de la personne, Saussure pour les langues. Et c'est ce travail que j'ai tenté de réaliser pour Saussure. 250 00:44:25,875 --> 00:44:35,460 Et, par exemple, ce portrait, il est - il n'est pas du tout chronologique: je commence par la mort, après je vais à l'adolescence. 251 00:44:35,460 --> 00:44:44,491 Et je raconte d'une certaine façon, toute la vie, déjà dans ce premier tome, alors que c'est censé être seulement l'enfance et l'adolescence. 252 00:44:44,491 --> 00:44:53,832 Mais je raconte déjà beaucoup de chose de sa vie d'homme - d'adulte, et même de sa vie posthume. 253 00:44:53,832 --> 00:45:05,851 Ansermet: Voilà, donc vous appliquez la même méthode que Saussure a appliquée sur l'évolution des langues, à la - au trajet de Saussure lui-même? 254 00:45:05,851 --> 00:45:08,851 Quijano: J'essaie. (elle rit) - Ansermet: Mais c'est ça, l'enjeu. - Quijano: Oui. 255 00:45:08,943 --> 00:45:28,700 Ansermet: c'est donc un travail très particulier puisque il tient compte du fait qu'à chaque instant, il y a une imprévisibilité ouverte du devenir? Et ce n'est donc qu'après coup, rétrospectivement, qu'on peut reconstruire une détermination? 256 00:45:28,700 --> 00:45:37,405 Quijano: Oui, mais le devenir, c'est justement cette différence chaque fois différente. Je veux dire, chaque instant est nouveau. 257 00:45:37,405 --> 00:45:51,651 Mais, quand on regarde vers le passé en rétrospection, on peut voir que certaines choses semblent être les mêmes. Et à ce moment là, on crée la continuité. - Ansernet: C'est ça - Quijano: Dans notre propre tête, on la voit. 258 00:45:51,682 --> 00:46:10,842 Ansermet: Alors vous, dans le portrait diachronique de Ferdinand de Saussure, vous avez donc construit un portrait qui n'est pas fondé sur une reconstruction rétrospective, mais sur la mise en série de certains moments d'imprévisibilité du devenir? 259 00:46:10,842 --> 00:46:20,485 Quijano: Oui, mais je sais quand même, j'induis un peu le lecteur à faire cette reconstruction lui-même... - Ansermet: Oui, mais est-ce qu'il y arrive, le lecteur - Quijano: ... pour donner une continuité. 260 00:46:20,485 --> 00:46:34,374 Ansermet: Voilà, c'est ça, c'est tout à fait différent de toute biographie. - Quijano: oui. Ansermet: parce que la biographie fait une logique a posteriori... - Magistretti: Oui. voilà. - Ansermet: qui fait qu'il y a un déterminisme, et même une continuité. Quijano (approuve). 261 00:46:34,374 --> 00:46:47,420 Magistretti: Mais ça me rappelle un peu la phrase que tu aimes dire, comme ça, un peu en forme de boutade - et tu m'excuseras si je la redis à ta place - c'est que les - souvent les psychanalystes sont des maîtres pour prédire le passé. 262 00:46:47,420 --> 00:46:59,005 Ansermet: Voilà, oui: je dis des fois, un des risques de la psychanalyse, c'est d'être des psychanalystes ou un spécialiste de la prédiction du passé... - Magistretti: Oui, voilà - Quijano (approuve) - Ansermet: qu'il arrive à faire avec un certain succès. - Quijano: Oui. 263 00:46:59,005 --> 00:47:13,081 Magistretti: Peut-être - le temps passe - peut-être un dernier mot sur quelqu'un - je sais que François et moi avons suivi quelques cours, comme ça, moi occasionnellement, peut-être François plus, de Luis Prieto dont vous avez été la dernière élève. 264 00:47:13,081 --> 00:47:23,737 Comment se - vu qu'on a imaginé des rencontres imaginaires - comment se placerait ici Luis Prieto dans les questions qu'on a débattues ce soir? 265 00:47:23,783 --> 00:47:35,522 Quijano: Alors Prieto, il a développé les fondements épistémologiques de la linguistique sausurienne, et notamment de la partie sémiologique. 266 00:47:35,522 --> 00:47:48,042 Donc c'est vraiment au niveau de la sémiologie, parce que Saussure, donc il a surtout travaillé la linguistique, la langue, mais dans son souci de trouver des principes généraux, 267 00:47:48,118 --> 00:48:08,802 il s'est bien rendu compte que tant qu'il restait dans le domaine de la langue, il allait être en quelque sorte myope, s'il n'arrivait pas aussi à voir ce qui caractérisait la langue vis-à-vis d'autres systèmes non linguistiques. 268 00:48:08,802 --> 00:48:18,275 Et pour cela, il a imaginé donc cette sémiologie générale qui, pour lui, aurait une part synchronique, et une autre part diachronique. 269 00:48:18,275 --> 00:48:32,002 Et c'est donc cette sémiologie diachronique, par exemple, que Prieto a commencé à travailler, et que, à mon avis, à ma connaissance, personne d'autre ne l'avait fait avant lui. 270 00:48:32,002 --> 00:48:37,115 Magistretti: Est-ce que - je pense qu'on arrive au bout, je ne sais pas s'il y a un autre commentaire. 271 00:48:37,115 --> 00:48:55,051 Ce qui me frappe, c'est que finalement, ce soir, on a mis en pratique cette expérience qu'on aime bien faire, c'est-à-dire vraiment, c'est de questionner, c'est de dialoguer avec quelqu'un qui nous apporte un angle vraiment différent, 272 00:48:55,051 --> 00:49:02,694 en essayant, je l'espère, de ne pas tomber dans des analogies faciles, mais en essayant de garder toujours un certain tranchant et un certain oeuil critique. 273 00:49:02,694 --> 00:49:16,573 Ansermet: En tout cas, ce qu'on peut voir en conclusion de cette discussion, c'est que la mise en jeu de synchronie et diachronie pour penser la question du devenir, la question de la construction du sujet, 274 00:49:16,635 --> 00:49:26,522 c'est un point fondamental, même si on s'aperçoit que c'est plus compliqué qu'on veut bien le penser d'abord. 275 00:49:26,522 --> 00:49:43,718 Ça a été très utilisé d'ailleurs par les structuralistes, enfin, Lévi-Strauss dans "La pensée sauvage", définit des éléments de synchronie et diachronie pour montrer comment certaines sociétés fonctionnent dans un registre ou dans l'autre. 276 00:49:43,718 --> 00:49:57,131 Enfin il y a plus ou moins de liberté synchronique, plus ou moins de liberté diachronique, enfin il a défini des choses, et que là, on a un point d'intersection qu'il faudra certainement reprendre. 277 00:49:57,131 --> 00:50:09,694 Quijano: Oui, oui. Et c'est vrai que les - je veux dire - que les productions humaines ont toujours un sens. Et dans ce sens-là, la sémiologie a un bel avenir. 278 00:50:09,694 --> 00:50:11,626 (carillon) 279 00:50:11,676 --> 99:59:59,999 (La suite sur www.agalma.ch)