Le tirage au sort comme bombe politiquement durable contre l'oligarchie Marseille 23 avril 2011 Alors l'analyse que je fais de notre impuissance politique c'est que nous appelons démocratie son strict contraire. C'est-à-dire que ce qu'on appelle aujourd'hui démocratie, ce n'est pas du tout, mais pas du tout une démocratie : c'est une oligarchie aristocratique. Et ce n'est pas du tout par hasard, ou par le jeu d'acteurs qui seraient véreux, vicieux... pas du tout... C'est... le mécanisme qui est au coeur de nos institutions [qui] est aristocratique [et] qui s'appelle l'élection. L'élection, ça consiste à choisir, choisir le meilleur, le meilleur = "aristos" => "aristos" aristocratie et... on sait depuis des milliers d'années qu'une aristocratie débouche, se transforme, TOUJOURS, en oligarchie, c'est-à-dire le pouvoir de quelques uns. "Monarchie", c'est le pouvoir d'un seul ; "démocratie", c'est le pouvoir du peuple, "demos" le peuple, "cratie" pouvoir ; et une oligarchie, c'est le pouvoir de quelques uns, d'un petit nombre. Et on y est, on y est, en oligarchie : vous voyez bien que quelques uns tiennent les manettes. Mais quelques uns tiennent les manettes non pas parce qu'ils sont particulièrement mauvais ou particulièrement rusés... je voudrais insister sur... la cause des causes, ce n'est PAS LE VICE de ceux qui nous gouvernent, pas du tout. Vous mettriez... si vous les tuiez tous, vous en auriez d'autres qui viendraient à la place, si vous ne changez pas les INSTITUTIONS. LE PROBLÈME, CE SONT NOS INSTITUTIONS. Et dans les institutions du monde pour l'instant... la procédure reine, celle qui est défendue par tout le monde... les gens de gauche, comme les multinationales, comme les banques... (et c'est ça qui est paradoxal, je vous interrogerai à la fin là-dessus, c'est que des gens aussi différents, aux intérêts si différents, défendent l'élection, c'est louche. Excusez moi, le fait que Goldman Sachs défende l'élection, c'est qu'elle n'a pas grand chose à en craindre. Effectivement, Goldman Sachs finance intégralement —ou quasiment— l'élection du président qui ensuite sert ses intérêts. Mais ce n'est pas propre aux Etats-Unis, c'est comme ça dans toutes les soi-disant démocraties qui ne sont pas des... qui NE PEUVENT PAS ÊTRE des démocraties à cause de l'élection. Alors, puisque le régime actuel, ils ont réussi à l'appeler "démocratie", la place est occupée. Et on n'arrive pas à désigner l'ennemi puisqu'on nomme le régime qui nous pose problème du nom de ce qui réglerait le problème. C'est-à-dire qu'on appelle "démocratie" le problème. Le régime qui pose problème, on l'appelle du nom de la solution. Donc on a un problème de MOTS. Alors d'où ça vient, ça ? Est-ce que c'est un complot? Pas du tout. Pas du tout, pas du tout... D'abord, quand ceux qui ont conçu le régime actuel... ça s'est passé fin du 18ème, ça s'est passé en Grande Bretagne, puis ça s'est passé aux États-Unis, puis ça s'est passé en France en 1789, mais en gros fin du 18ème, se sont mises en place des institutions qu'on appelle et qu'ils ont appelées... qu'ils n'ont pas du tout appelé "démocratie" : ils savaient très bien ce qu'était la démocratie, ils connaissaient le monde athénien, ils étaient très cultivés, c'étaient des hellénistes, ils connaissaient le monde grec... mais ils n'en voulaient pas du tout : Sieyès, vous savez, celui qui a écrit "Qu'est-ce que le Tiers Etat", un des penseurs, un des plus grands penseurs de la Révolution française, Madison, aux États-Unis, qui est un des plus grands penseurs, un des Pères Fondateurs de la constitution américaine, ces gens-là n'avaient pas du tout en tête de fabriquer une démocratie, pas du tout, du tout : ils n'en voulaient pas de la démocratie, pour eux c'était l'anarchie, c'était le gouvernement de la populace ; ILS ÉTAIENT ÉLITISTES. Ils disaient "le peuple n'est pas capable de gérer ses affaires". Les fondateurs des institutions de nos gouvernements qui s'appelle le "gouvernement représentatif"... "gouvernement représentatif" => pas du tout la "démocratie" ! Ces gens-là savaient, pensaient honnêtement... ce n'était pas des affreux, puisqu'ils nous sortaient de l'Ancien Régime qui était un régime pire, mais ils ne voulaient pas du tout de la démocratie. Et quand on parlait de "démocratie", c'était presque une insulte, c'était péjoratif, ce n'était pas un mot positif, ce n'était pas ce que c'est devenu après. Alors, c'est par un retournement de vocabulaire, c'est par... une ruse de l'histoire qu'au début du 19ème siècle, le mot "démocratie" s'est mis à désigner ce régime [antidémocratique]. Par exemple, quand Tocqueville a écrit "De la démocratie en Amérique", il ne parlait pas du tout (comme vous et moi), ce n'était pas du tout une démocratie, mais c'est un livre qui a été un best-seller immense ("De la démocratie en Amérique"). Et il n'est pas le seul : plusieurs auteurs, progressivement, se sont mis a appeler "démocratie"... parce que vous allez voir qu'il y a des points communs, il y a un point commun (entre la démocratie et le gouvernement représentatif) qui est L'ÉGALITÉ... (On va voir quand on va parler de la démocratie athénienne que le coeur du coeur, l'objectif central de la démocratie athénienne, c'était l'égalité : mais mais mais mais mais... l'égalité qui était revendiquée par les Athéniens c'était l'égalité politique RÉELLE. Alors que l'égalité du gouvernement représentatif, elle est FORMELLE. Elle est complètement factice, en fait. Elle n'est pas réelle : vous voyez bien que notre égalité elle est... elle est... elle est sur des détails, elle n'est pas sur l'essentiel.) En tout cas, jouant sur l'égalité, prenant en compte l'égalité comme point commun, les auteurs politiques se sont mis progressivement à parler de "démocratie". Et tout le monde s'y est mis. Et vous voyez bien que les élus y ont trouvé leur compte, puisqu'ils appelaient "démocratie" un régime qui leur permettait de se faire élire et donc d'avoir le pouvoir... Mais les élus, c'était des notables : ce n'était pas des ouvriers, les élus... Donc, ce n'était pas un complot, mais ça s'est fait parce que les gens y avaient un intérêt. Les gens au pouvoir avaient un intérêt [personnel au choix du "gouvernement représentatif"]. Tocqueville disait... (c'est quand même gros, quoi !) Tocqueville, donc, l'icône du libéralisme... disait: "JE NE CRAINS PAS LE SUFFRAGE UNIVERSEL : LES GENS VOTERONT COMME ON LEUR DIRA". ILS SAVAIENT DÉJÀ : 1835, ils savaient déjà, début du 19ème... tout tout tout début de l'élection, ils savaient très bien : on ne renverserait personne, on ne mettrait jamais des pauvres au pouvoir avec l'élection, JAMAIS, ils le savent très bien depuis le début. Et ça leur va très bien, qu'on appelle ça "démocratie", parce que... "démocratie", ça paraît une espèce d'idéal : "demos", "cratos", le pouvoir du peuple... "Ouais, c'est bien, c'est nous, on va moins se faire enfumer si c'est nous qui dirigeons"... Ben ouais, mais si vous appelez "démocratie" un régime qui n'a rien à voir, et qui est même son strict contraire... et bien, vous êtes en train de vous faire avoir dans les grandes largeurs. Alors... pour... pour en faire un outil pour aujourd'hui, pour voir qu'est-ce qui est utilisable aujourd'hui, il faut comprendre ce qu'il y a dans la démocratie athénienne. Alors on parlera des objections, c'est-à-dire ce dont on a un petit peu parlé tout à l'heure quand on a parlé de... de xénophobie, de phallocratie, de... d'esclavagisme... j'en parlerai quand on verra les objections. Mais je voudrais d'abord vous montrer le coeur nucléaire d'une vraie démocratie, de la démocratie athénienne, avec le transparent que je vous ai préparé [http://etienne.chouard.free.fr/Europe/ centralitedutirageausortendemocratie.pdf]. C'est un schéma que j'ai fait pour ces conférences... je l'avais fait d'abord à la main, puis en fait, là, pour vous, c'est une première, je l'ai fait sur machine ; alors... l'inconvénient du fait que ce soit fait sur machine, c'est qu'il est tout prêt, alors que, quand je le faisais à la main, pendant que je vous parlais, je le dessinais en même temps, alors, on voyait mieux le truc se faire... mais en même temps, comme je n'écris pas bien, et puis en même temps, [quand] on écrit en parlant, on écrit mal, là, c'est beaucoup mieux. Donc je vais vous montrer... Peut-être, oubliez tout le reste... on commence par le commencement : Les Athéniens, après des siècles de tyrannie, ont UN objectif... pratique... C'est l'égalité réelle, L'ÉGALITÉ POLITIQUE RÉELLE. Pas l'égalité sociale, pas l'égalité économique, (ils savent bien qu'ils sont pas égaux)... pas l'égalité physique... Non : l'égalité POLITIQUE. Quand on prend des décisions, on les prend ensemble et... à l'Assemblée : un homme = une voix. À l'assemblée DU PEUPLE, pas l'assemblée des représentants : l'assemblée du peuple. C'est l'assemblée du peuple, c'est important. Donc, l'objectif... et lui, il faudrait lui mettre une couleur particulière, parce que c'est comme... c'est le centre, c'est le coeur, c'est ce qu'on ne doit pas oublier quand on doit penser aux autres institutions. Ok. Alors, qu'est-ce qu'ils ont constaté, les Athéniens ? (et on constate, nous, la même chose)... Ils ont constaté que... le pouvoir corrompt... et il faut un peu de temps... il faut un peu de temps... mais au bout du compte, personne n'y résiste : même les plus vertueux deviennent corrompus, ils se mettent à poursuivre leur intérêt personnel au lieu de poursuivre l'intérêt général. Constatant ça... (ça, c'est des faits — et c'est des faits qu'on voit encore aujourd'hui, on voit bien que la richesse, les pouvoirs, les privilèges, ça nous change ; et même si on est bon au départ, on est moins bon [ensuite], comme des drogués qui avons besoin de notre drogue après : quand on y a pris goût, on a envie que ça dure, et cette envie-là passe avant l'intérêt général)... Prenant acte de ça... (ce que ne fait PAS l'élection !), prenant acte de ça, les Athéniens ont défini des SOUS-OBJECTIFS qu'il faut bien comprendre comme AU COEUR et indispensables : Premier sous-objectif et deuxième sous-objectif (qui vont ensemble) : c'est L'AMATEURISME POLITIQUE. (Donc là, c'est en gris parce que c'est [une photocopie... de couleur, [l'original] est en vert : ce sont les institutions ; et là, [dans des rectangles blancs,] ce sont les objectifs qui nous font choisir telle et telle institution.) Et donc, [deuxième sous-objectif :] "ROTATION DES CHARGES" => ils font tourner le pouvoir : puisque le pouvoir corrompt, eh bien on ne leur laisse jamais longtemps. On fait tourner le pouvoir pour que ça n'ait pas le temps de les corrompre. Et puis, le résultat, ça va être qu'il n'y a pas de professionnalisme : "on ne veut PAS DE PROFESSIONNELS du tout, [JAMAIS EN POLITIQUE]", disaient les Athéniens, on n'en veut pas parce que c'est le coeur de la CORRUPTION. Bon, là, on n'est pas encore dans les institutions : on en est au COEUR de ce qui a motivé la démocratie : la démocratie a existé pour atteindre ces objectifs. Et on pourrait très bien prendre les mêmes (objectifs) pour nous aujourd'hui, en disant: "on veut qu'ils soient amateurs, donc il faut que ça tourne, c'est parce qu'on veut qu'ils soient amateurs, qu'il faut que ça tourne ; c'est parce que ça tourne qu'ils seront amateurs" ; c'est complètement lié, ça va ensemble, et tout ça va servir l'égalité. Il faut comprendre qu'il y a une COHÉRENCE là-dedans, et que, si je laisse se former une caste de politiciens, je ne vais pas atteindre mon objectif d'égalité : je vais avoir des professionnels, et on ne va plus être égaux... politiquement... Politiquement hein ? je ne parle pas d'égalité... je sais bien qu'on est inégaux ; ils savaient bien qu'on est inégaux devant la richesse, devant l'intelligence, devant... mais politiquement, il faut qu'on soit égaux. C'est ça... le projet démocratique, c'est ça. Bon, ce qu'il faut comprendre, c'est que ces deux sous-objectifs... (on n'est pas encore à des institutions... si, peut-être sur les mandats courts et non renouvelables...) Mais les mandats courts et non renouvelables, ce n'est pas gérable avec l'élection : vous n'allez jamais avoir les candidats en nombre suffisant pour alimenter des postes en mandats courts et non renouvelables. Vous ne les aurez pas à l'élection... parce que quand vous élisez quelqu'un, le mécanisme qui vous a conduit à l'élire, c'est le même qui va vous conduire à le réélire, et donc l'élection, elle entraîne avec elle une stabilité du corps politique, elle entraîne une professionnalisation, une sédimentation : ça va être toujours les mêmes [au pouvoir]. Dans le génome de l'élection, il y a la professionnalisation de la politique. Ça va avec. C'est... c'est programmé avec. Donc, si vous voulez, s'ils avaient choisi le tirage au sort, c'est parce que c'est complètement cohérent : pour obtenir l'amateurisme, pour obtenir les rotations (c'est les mandats courts et non renouvelables), IL FAUT le tirage au sort ! Vous ne pouvez pas garder tout le reste et puis mettre l'élection à la place du tirage au sort : ça ne va pas marcher. L'élection ici [au centre] ne permet pas l'amateurisme et la rotation des charges. Donc, ça ne permet pas l'égalité : on ne peut pas le remplacer. LE TIRAGE AU SORT, c'est lui qui permet, en prenant toujours à chaque fois des gens différents, au hasard... ÇA PERMET LA ROTATION DES CHARGES ET L'AMATEURISME, DONC L'ÉGALITÉ. Alors ça, c'est absolument central. Là, on a le coeur nucléaire d'une démocratie. En institution complémentaire, pour l'objectif central, ils avaient le droit de parole. C'est-à-dire que... (ils savaient bien... ces gens-là n'étaient pas idéalistes. Platon, [lui,] était idéaliste ! Les philosophes étaient souvent idéalistes c'est-à-dire qu'ils nourrissaient, ils alimentaient des MYTHES qui permettaient de dominer. Vous savez que LES MYTHES, ÇA SERT À DOMINER. C'est Mirabeau qui disait : "l'homme est comme le lapin : il s'attrape par les oreilles". On marche aux histoires, on a besoin qu'on nous raconte des histoires. C'est le "story telling". Il y a un petit bouquin que j'ai pas apporté qui est un bouquin important, tout petit qui résume, qui [résume] l'état de la science, sur le "story telling" [de Christian Salmon, éd. La découverte]. "Story telling", c'est une technique de commercialisation, mais pas seulement : c'est une technique de manipulation des humains en leur racontant des histoires. On est [tous] très très très vulnérable aux bobards. Nous tous, vous et moi, on est... on marche : quand on nous raconte des histoires, on y croit. On n'a qu'une envie, c'est de croire. Et donc, quand on nous raconte des bobards, on ne demande que ça ; si ça colle avec ce qu'on a déjà compris du réel, on ne demande que ça. Alors, ... Sachant... Eux, les Athéniens, ils n'étaient pas idéalistes : Les Athéniens, ils étaient très réalistes, très pratiques, ILS SAVAIENT QU'ILS ÉTAIENT IMPARFAITS, ils savaient qu'ils allaient pouvoir piquer dans la caisse, ils savaient qu'ils allaient [avoir tendance à] tirer l'intérêt général vers leur intérêt particulier, ils savaient qu'ils étaient menteurs, ils savaient qu'ils n'étaient pas toujours honnêtes, ils savaient ça... et ils disaient : "eh bien, notre système, il va faire que CHAQUE CITOYEN EST POTENTIELLEMENT UNE SENTINELLE. Chaque citoyen qui veut parler, qui veut dénoncer, PEUT dénoncer." "Et il garde la vie sauve", (parce qu'à l'époque ça ne rigolait pas : avant la démocratie, quand il y en a un qui se mettait en travers, les opinions dissidentes étaient maltraitées... On les... on s'en débarrassait de façon expéditive...). Et les Athéniens ont fait un autre choix : ils ont dit : "on va protéger les opinions dissidentes, on va laisser les gens s'exprimer en instituant... l'ISÈGORIA... à quoi ils tenaient plus que l'isonomia ou d'autres institutions très importantes de la démocratie : l'ISÈGORIA, pour eux, c'était UN PILIER de la démocratie. Ce pilier c'est: "chacun à l'assemblée PEUT prendre la parole à tout propos et à tout moment". Ils ne le faisaient pas [tous en même temps, bien sûr] : quand on prenait la parole, on était écouté, et on était volontiers ridiculisé quand on s'exprimait mal, quand on disait des bêtises ; ça ne rigolait pas. Donc... mais tout le monde POUVAIT le faire. Et c'est très important que tout le monde [PUISSE prendre la parole]... C'était pas du tout le désordre à l'Assemblée : il y avait les magistrats (c'est comme ça qu'on appelait les représentants tirés au sort, leur boulot, en partie, c'était de faire régner une discipline à l'Assemblée, donc de vérifier que tout ça était ordonné)... Mais le fait que chaque citoyen qui avait une révolte, quelque chose à dire, puisse le dire en gardant la vie sauve à l'Assemblée, c'est absolument essentiel dans L'HYGIÈNE DE LA DÉMOCRATIE. C'est-à-dire que... ça, c'est la GARANTIE que les Athéniens se donnaient que la démocratie allait DURER, parce que toute dérive oligarchique (ils savaient bien qu'il y avait des dérives oligarchiques), chaque citoyen -- ils étaient armés, je vous rappelle -- chaque citoyen... avait le pouvoir [de dénoncer publiquement ces dérives], par les institutions qui le protégeaient (un peu comme aujourd'hui, nos institutions devraient protéger les donneurs d'alerte : les gens comme Fabrice Nicolino, comme Denis Robert, comme cette dame qui a dénoncé le Mediator... Irène Frachon, voilà c'est ça, donc, les donneurs d'alerte, on en a quelques uns gratinés quand même, on en a des courageux qui se donnent du mal, il faudrait que les institutions les protègent... les protègent particulièrement ; un peu comme le droit du travail protège particulièrement les délégués syndicaux ou les délégués du personnel) Bon, les institutions athéniennes... garantissaient à chacun ce droit de parole. Ça s'appelait l'Isegoria, c'est une institution essentielle. Et ça, ça rendait les citoyens actifs. Le fait... • quand vous donnez la parole aux gens et quand vous tenez compte de leur parole, et bien les gens, ils se donnent du mal. • Au contraire quand vous avez des institutions qui font comme si ce que vous disiez n'avait aucune influence, et bien, ça dissuade les gens de se donner du mal. On se plaint aujourd'hui de citoyens passifs. Mais LES INSTITUTIONS RENDENT PASSIF : à quoi bon être actif puisque, de toute façon, ça ne changera rien. Imaginez, à l'inverse, des institutions qui soient ouvertes et qui font que vous puissiez changer quelque chose : vous allez devenir beaucoup plus actifs. Regardez en Suisse, qui n'est pas la panacée, mais qui est beaucoup plus démocratique, qui est probablement une des seules démocraties au monde (avec le Venezuela peut-être), en Suisse, le fait que chaque citoyen puisse déclencher quasiment à lui seul (avec quelques amis cosignataires) puisse déclencher un référendum, c'est-à-dire poser la question [qui lui semble importante] À TOUS les Suisses... Non, mais ça les rend très actifs : quand vous allez en Suisse, c'est étonnant, l'activité politique, quand vous en parlez : ces gens-là font de la politique. Beaucoup plus que nous. Alors, ce n'est pas parfait, il reste [des problèmes, évidemment]... Les Athéniens eux-mêmes se plaignaient de la passivité, on n'est jamais content, on voudrait toujours que ce soit... mais enfin, c'est quand même (la cité d'Athènes), dans l'histoire des hommes (de ce qu'on connaît)... c'est la plus grande activité politique qu'on ait jamais connue. C'est-à-dire : des institutions ouvertes... font des citoyens actifs. Donc... et ces citoyens actifs alimentent l'amateurisme, rendent possible l'amateurisme... Et c'est parce qu'il y a l'amateurisme, que vous les rendez actifs aussi, parce qu'il y a une chance... chacun avait une chance d'être tiré au sort. Le tirage au sort, il rend plausible la possibilité que je sois un jour président d'Athènes. Le président d'Athènes était désigné au sort TOUS LES JOURS... tous les jours ! tiré au sort... Et donc [un citoyen sur quatre] pouvait dire : "dans ma vie, j'ai été une fois Président d'Athènes". Et aucun ne pouvait dire: "je l'ai été deux fois" (parce que c'était non renouvelable). Ça tournait... ça tournait... Mais quand vous savez que, dans le potentiel de ce qui va vous arriver, vous allez être un jour le porte parole du groupe... et bien ça change complètement votre rapport à la politique : vous vous mettez à faire de la politique de façon naturelle, parce qu'elle est partout, la politique. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs : il ne faut pas attendre qu'on se mette, nous, à faire de la politique pour que les institutions changent. À mon avis, DE BONNES INSTITUTIONS FABRIQUERONT DE BONS CITOYENS. De bonnes institutions sont pédagogiques, elles sont UNE ÉCOLE [CIVIQUE]... J'y reviendrai, quand on parlera des jurés et de ce qu'en disait Tocqueville, parce que Tocqueville a écrit des pages formidables : Tocqueville était un défenseur acharné... un défenseur fervent du tirage au sort. Et les mots qu'il utilisait, je vous les lirai texto parce que c'est... ... Tocqueville, c'est merveilleusement exprimé ; c'est beau, ce qu'il dit... Alors, [certes,] c'était un aristocrate, qui, je pense, profondément était antidémocrate ; antidémocrate, mais qui était honnête, c'est-à-dire que, quand il décrivait sa pensée, il essayait de voir le bon côté de chacun des points de vue. Et c'est ça qui fait que Tocqueville est aimé par tout le monde, que tout le monde arrive à trouver ce qu'il veut dans Tocqueville : c'est que Tocqueville ne montre pas vraiment ce qu'il pense. Il y a d'ailleurs une lettre de son frère (on a la correspondance de Tocqueville avec son frère), et Tocqueville [lui] faisait lire les chapitres de "La démocratie en Amérique" au fur et à mesure où il l'écrivait, et on a une lettre dans laquelle son frère — je me souviens plus de son prénom — lui écrit (écrit à Alexis de Tocqueville), et lui écrit en lui disant... "ce chapitre que tu m'as envoyé, là, on avait dit pourtant que tu ne montrerais pas ce que tu penses... et là, j'ai vu ce que tu penses... Je l'ai vu. Donc tu... tu... Il faut que tu le réécrives." Donc, il réécrivait : il pesait ce qu'il écrivait pour qu'on ne voit pas ce qu'il pense, et ça donnait à son écriture une force qui est extrêmement séduisante parce que... il montre les qualités de la démocratie (enfin, de ce qu'il appelle la "démocratie" parce que ce n'est pas du tout une démocratie, je le rappelle, mais enfin bon c'est plus commode de l'appeler comme ça)... Il décrit le régime américain... avec ses forces et ses faiblesses... avec une honnêteté qui est utile pour nous aujourd'hui, parce que c'est vrai que le régime représentatif tel qu'il est, tel qu'on le vit, il a des travers qui nous conduisent à la dictature, une dictature DOUCE que décrit Tocqueville et qui est celle qu'on vit en ce moment. Donc, Tocqueville, malgré le fait qu'il soit antidémocrate, on y trouve des choses formidables et les passages sur le tirage au sort sont une pure merveille, on verra ça tout à l'heure. Donc, si vous voulez, le coeur nucléaire de la démocratie c'est ça, là [en montrant le centre du schéma] : c'est l'objectif, les sous-objectifs et LA PROCÉDURE QUI REND POSSIBLE ces sous-objectifs... SI VOUS CHANGEZ QUELQUE CHOSE LÀ-DEDANS, VOUS PERDEZ LA DÉMOCRATIE. Alors... ils avaient peur du tirage au sort, comme nous, pareil, la même peur, les [Athéniens]... C'étaient les mêmes humains, et ils réfléchissaient bien, ils étaient loin d'être bêtes, ce n'est pas parce qu'il y avait 2500 ans... Ils réfléchissaient exactement comme vous aujourd'hui, pareil. Peut-être plus, parce qu'ils faisaient plus de politique. Et... donc, ils avaient peur de tirer au sort des abrutis. Alors : d'abord, ils ne donnaient PAS LE POUVOIR au tiré au sort : LE TIRÉ AU SORT, CE N'ÉTAIT PAS CELUI QUI DÉCIDAIT : CELUI QUI DÉCIDAIT, C'EST L'ASSEMBLÉE, ce n'est pas les représentants, c'est l'assemblée. Donc, il faut pas imaginer qu'on remplace l'élection par le tirage au sort, et puis qu'on laisse le pouvoir comme [on le laisse aujourd'hui] aux élus : pas du tout, ça ne marche pas comme ça. C'est... c'est... Il faut comprendre que LA DÉMOCRATIE, C'EST AUTRE CHOSE QUE NOTRE SYSTÈME ACTUEL. Alors, [certes,] il y a des points communs puisqu'on prend des décisions collectives, il faut qu'on évalue les décisions collectives, il faut qu'on exécute les décisions collectives, il faut... qu'on procède au jugement des conflits entre particuliers... Donc, il y a des tas de points communs... Il faut qu'on atteigne des objectifs comparables, mais l'équilibre... LA PHILOSOPHIE DES INSTITUTIONS, il faut comprendre qu'elle change complètement. Alors, on verra après comment, quand on est un grand nombre, ça peut continuer à fonctionner, mais vous verrez qu'avec la FÉDÉRATION, avec la démocratie qui s'exerce à petite échelle [et] avec la fédération qui remonte en pyramide, AVEC DES CONTRÔLES DE POUVOIR À TOUS LES ÉTAGES, c'est tout à fait imaginable. J'y reviendrai tout à l'heure (sur la faisabilité aujourd'hui). Mais donc... je vous en parlais tout à l'heure avant qu'on... qu'on fasse cette 2ème partie... il se trouve que le tirage au sort entraîne mécaniquement et pratiquement, sans exception, (les exceptions, elles sont marginales), une DÉSYNCHRONISATION, c'est... c'est Hansen qui parle de ça. Il y a deux livres absolument... là, il y a plein de livres sur la démocratie athénienne qui sont vraiment formidables. Mais... l'histoire des Athéniens au quotidien, quand ils vont tirer au sort, les machines qu'ils utilisent... les problèmes qu'ils ont avec leur démocratie... C'est dans un très très très bon livre... ce livre-là se lit... c'est un bonheur : on a l'impression de [voir] vivre une société qu'on aimerait vivre aujourd'hui. En tout cas, on sent bien ce qui est transposable dans... C'est quelqu'un qui aime la démocratie athénienne qui écrit ; il s'appelle Hansen et ça s'appelle "la démocratie Athénienne à l'époque de Démosthène". Bon bouquin, bon bouquin pour... pour voir le quotidien. C'est un des plus grands connaisseurs... connu de la démocratie athénienne (il y en a beaucoup des connaisseurs de la démocratie athénienne, mais celui-là est un grand bonhomme), qui avait écrit... plusieurs forts volumes sur le sujet et qui les a résumés pour nous en un seul bouquin, pour que ce soit accessible. Et puis, il y a un deuxième livre : alors lui, que je vous recommande plus encore... plus encore, parce que là, c'est vraiment... c'est le plus important je pense. De tous les bouquins sur le tirage au sort et l'organisation politique du pays... Pourtant, ça a un titre qui n'est pas sexy : "Principes du gouvernement représentatif"... heu... A priori, vous voyez ça sur une étagère, vous allez dire : "je vais le laisser là, je le verrai peut-être demain..." Vous avez tort : ce livre est un très bon livre. C'est l'histoire du tirage au sort, c'est l'histoire du moment où on a perdu cette conception, cette importance du tirage au sort. Pourquoi l'élection a triomphé, avantages et inconvénients, c'est écrit honnêtement... C'est un gars super: Bernand Manin. Je l'ai rencontré, c'est un gars jovial, malin, cultivé comme tout. C'est un... C'est quelqu'un d'important [qui ne] pensait pas faire un plaidoyer pour le tirage au sort : lui, il voulait faire un état des lieux honnête. Et c'est tellement honnête que, pour nous qui n'entendons jamais parler de tirage au sort, on dirait que c'est un plaidoyer pour le tirage au sort. Mais en fait, il défend aussi l'élection ; c'est très honnête, c'est un peu comme Tocqueville. Donc, c'est Hansen qui décrit cette désynchronisation qui montre que... ... les riches de l'époque étaient souvent... n'avaient SOUVENT AUCUN pouvoir politique. C'était des "métèques" comme on les appelle, [c'était] des étrangers. Et souvent les Athéniens les faisaient venir [justement pour et] avec leur richesse : donc, ils leur permettaient de s'installer en leur garantissant qu'on n'allait pas leur prendre leurs biens. Et finalement, les riches, là... ces "métèques", faisaient leurs affaires, ils vivaient très confortablement, ils étaient très bien installés, ils n'avaient aucun pouvoir politique, mais manifestement, pendant 200 ans, ça ne les a pas empêchés de prospérer. Et Athènes était une cité très prospère. Alors je ne dis pas... je sais qu'elle était colonialiste, qu'elle était guerrière, qu'ils faisaient des expéditions, comme tous les peuples de l'époque. Je ne dis pas qu'il faut vivre comme les Athéniens ! Je dis juste que, par rapport aux autres cités de l'époque, c'était une cité d'une remarquable stabilité, d'une grande prospérité, avec une activité politique intense. Et... et surtout, moi, ce qui me paraît transposable aujourd'hui, et LE GERME qui m'intéresse... (Castoriadis, un philosophe immense, disait que... Athènes c'est pas un modèle, parce qu'il y a des tas de choses qu'on ne veut pas [prendre] de la société Athénienne, mais c'est UN GERME.) Et il me semble que le germe, il est là : ça, ce truc là, ce truc-là qui fait que les riches ne dirigent jamais... [Nom d'un chien :-)], ça vous fait pas quelque chose, ça ? [Enfin !]... et que les pauvres dirigent toujours ! Eh bien bon sang ! Eh bien quand même !... Et bien, c'est quand même une grosse différence ! — "Oui, c'est un détail, on va passer à autre chose...." — "Attends, non, non, non..." Réfléchissez ! Alors... bon... en tout cas... Le fait est que, quand on regarde l'expérience de 200 ans [de tests]... 200 ans d'expérience de tirage au sort et d'élection, dans le rapport riches/pauvres et l'exercice du pouvoir, c'est quasiment du négatif [jour/nuit, blanc/noir]. C'est... c'est... C'est radicalement opposé en résultat. Mais là, je parle de FAITS, je ne parle PAS de MYTHES. Je ne parle pas de vache sacrée, de "suffrage universel comme conquête historique de la classe travailleuse..." REGARDEZ LES FAITS. QUI DIRIGE AVEC L'ÉLECTION ? Qui dirige avec l'élection ? Les pauvres ? Et bien non, jamais (ou marginalement). Même quand c'est Blum [Front populaire en 1936] qui se fait élire... Vous savez que Blum, avant [de gouverner], Blum désigne un Ministre des finances... (c'était Auriol) Il désigne son ministre des finances, et, comme d'habitude dans la 3ème république — élection — comme d'habitude pendant la 3ème république, le ministre des finances, AVANT de prendre son portefeuille et de faire son métier de Ministre, il va où ? (salle: à la Banque de France...) Il va à la Banque de France, dans le bureau de la Banque de France : le patron de la banque... le gouverneur de la Banque de France, c'est en même temps le patron du Comité des Forges, donc c'est le patron du MEDEF de l'époque ; c'est le même bonhomme. (salle: c'était privé à l'époque...) Mais bien sûr, la Banque de France c'était privé, bien sûr, c'était complètement privé, tout ça. [Et] le ministre des finances, AVANT de pouvoir être ministre des finances... va promettre au Gouverneur de la Banque de France —qui est en même temps [Président] du Comité des Forges—, il VA PROMETTRE quoi ? ... QU'IL N'AUGMENTERA PAS... ... LES SALAIRES ! C'EST ÇA, L'OBJECTIF. Et donc l'élection qui amène "la gauche", enfin, au pouvoir... Eh bien cette "gauche", avant d'avoir le pouvoir, il faut qu'elle promette aux riches... (salle: le signe d'allégeance) voilà : ... que le pire du pire est garanti pour nous. Donc l'élection, il faut comprendre que, même quand on élit des gens qui, soi-disant, [vont défendre intérêts des non ultra riches]... ... regardez en 1981, quoi ! On élit Mitterrand... moi je chantais, j'étais content... Mitterrand... Attends, combien de temps il a mis à nous trahir au dernier degré ? À faire ce que jamais l'extrême droite, l'extrême droite [elle-même] n'aurait fait, jamais ? Et c'est la gauche... C'est le résultat de l'élection ! (salle: c'est lui qui a contribué le plus à la dette) Mais oui, à la dette, absolument ! (salle: il était à gauche de l'extrême droite) Il n'était même pas à gauche : il était à droite. Il ÉTAIT [dès le départ] à droite, et puis, en fait, il nous enfume.... Tous ces gens-là nous enfument avec des mots, quoi, parce que je rappelle qu'on est très sensibles aux bobards. (salle: aujourd'hui l'histoire est révélée... avec Mitterrand, l'Oréal et tout ça, parce que c'est lié aussi à la banque Fédérale américaine à travers les nazis. Mais bon, ça on en reparlera un autre jour). Alors... je crois que ce n'est pas la peine de développer sur la trahison des partis de gauche une fois au pouvoir... Je veux dire, on en a gros sur la patate, tous... ce n'est pas la peine de développer, je n'ai aucune spécificité là-dessus. Moi, je crois que ce qu'il y a d'original dans ce que je vous raconte, c'est sur L'ALTERNATIVE, qui n'est pas une alternative pour tout de suite, je suis désolé... ça ne va pas être immédiat, il faut d'abord qu'on se passe le mot entre nous et qu'on soit des millions à défendre cette idée : tant qu'on sera une poignée (100 ou 1000 personnes), ça ne suffira pas, ça ne changera pas. Il faut que ça se diffuse, c'est-à-dire qu'il faut que chacun d'entre nous, on fasse ce boulot d'explication pour comprendre, arrêter de croire aux bobards, aux histoires, aux mythes, et puis qu'on regarde les faits, et puis quand on regarde les faits, on s'aperçoit que... "attends, mais attends, on est en train de nous dire que c'est ça, le progrès social, mais on n'arrive pas au progrès social tant que c'est les riches qui dirigent..." LES RICHES, ILS NE VEULENT PAS DU PROGRÈS SOCIAL. Eh bien, regardez l'expérience des Athéniens : c'était il y a 2 500 ans et c'est quand même sacrément intéressant. Alors... sur le plan pratique de l'organisation, il reste que, si on devait tirer au sort aujourd'hui des gens, on a quand même PEUR de tirer au sort : moi, [quand] je vais dans les assemblées, ils me disent : "mais on va... et si on tirait au sort Le Pen ?!"... Eux, ils ont peur de Le Pen... Les gens de Le Pen, [eux,] si on tire au sort un communiste, ça leur fait le même effet. Bon, si on tire au sort quelqu'un dont on a pas envie du tout, mmm ? Eh bien, LES ATHÉNIENS, ILS AVAIENT LA MÊME PEUR, ils avaient exactement la même peur. Ils avaient peur de certaines personnes qu'ils ne voulaient en aucun cas. Ça existait aussi, déjà à l'époque. Et pourtant... c'est ça qu'ils ont choisi et ça a très bien marché. Donc, c'est qu'ils ont trouvé autre chose. Et alors, c'est cette partie-là [partie en bas à droite du schéma]... dans laquelle j'ai regroupé une série d'institutions [correctices du tirage au sort], donc elles sont toutes en vert, vous trouvez ça sur le site [http://etienne.chouard.free.fr/Europe/ centralitedutirageausortendemocratie.pdf], vous le trouvez... et puis les commentaires... ce que je suis en train de vous dire, vous le trouvez aussi, y compris ce que j'aurais oublié, puisque là, je vous parle en improvisant, je vais peut-être oublier un point ou deux, mais vous les retrouverez : il y a [là] le texte de ce qui me semble être (en n'oubliant pas grand chose) à dire en commentaire de ça [de ce schéma]. Donc, c'est dans ces institutions-là que les Athéniens se sont protégés contre le "tirage-au-sort-n'importe-quoi". Alors, il faut comprendre que... [ce sont] DES MANDATS COURTS ET NON RENOUVELABLES. Les mandats courts c'était six mois, un an, rarement plus d'un an, et non renouvelables. Non renouvelables dans la même fonction. C'est-à-dire que, si j'ai été tiré au sort pour une fonction, je peux être tiré au sort pour une autre fonction, mais plus pour celle-là. En tout cas... bon, il y avait des variations. En tout cas, ça, c'était absolument essentiel. Je mets ça dans les institutions... le coeur du coeur d'une démocratie... C'est au centre, ça, c'est... Si vous retirez ça, ça y est, vous avez perdu... vous avez perdu la démocratie. Alors, donc, il y a des MANDATS et donc, il y a des CONTRÔLES... et c'est ça qui est très important. (Il faudra que je pense à dire ça au moment de la synthèse parce que, entre l'élection et le tirage au sort, le fond du fond, ce qui fait que c'est malin... c'est le fond du fond. Mais j'y reviendrai après.) Donc, le MANDAT est l'objet de PLEIN DE CONTRÔLES : des contrôles AVANT, des contrôles PENDANT, des contrôles À LA FIN du mandat et des contrôles APRÈS le mandat. Donc des contrôles, ils en avaient tout le temps : il faut comprendre que le tiré au sort, il avait PEUR. Ce n'était pas la même chose que les élus aujourd'hui. Je sais pas si vous voyez la différence, les tirés au sort ils avaient LE SENS D'UNE RESPONSABILITÉ, d'un devoir, ils ne venaient pas se goinfrer en étant impunis de tout, irresponsables... Ça n'a rien à voir, donc. Alors... AVANT le mandat, qu'est-ce qu'il y avait comme contrôles pour éviter de tirer au sort n'importe qui ? • Il y avait le VOLONTARIAT, c'est-à-dire que, n'étaient tirés au sort que ceux qui se présentaient le matin à l'assemblée, donc ils étaient 6000 à peu près, en gros, à l'assemblée (variable suivant les époques, mais en gros), et il y en avait en gros 2000 qui se présentaient pour le tirage au sort de la journée. Alors il y avait une machine, un "Klèrotèrion"... (Sur le site vous trouverez le fonctionnement [du tirage au sortet du klèrotèrion]... il y a un très très bon bouquin de Sintomer "Le pouvoir au peuple", bouquin vraiment très très intéressant qui montre toutes les expériences... toutes les expériences actuelles et passées, mais il y en a beaucoup d'actuelles, de tirage au sort dans les institutions du monde. Et donc, c'est un florilège d'expériences, avec les échecs, les réussites... C'est un... C'est assez enthousiasmant parce que là, vous apercevez que CE N'EST PAS QUE THÉORIQUE, ÇA MARCHE, il y a des tas de gens qui le pratiquent. http://etienne.chouard.free.fr/Europe/RessourcesUPCPA/UPdAixsurletirageausortkleroterionSintomerMontesquieuTocqueville.pdf ) Pourquoi je parlais de ça ? Je parlais du... Ah oui, du "klérotèrion" parce que, là dedans [dans le livre de Sintomer, "Le pouvoir au peuple"], il y a un chapitre, son chapitre 2, dans lequel il explique le fonctionnement du klèrotèrion, et qu'il explique que... tous les matins, les boules, les boules blanches, les boules noires, donc c'est marrant à voir, c'était très matériel, tout le monde pouvait vérifier. Un peu comme nous dans les bureaux de vote, vous pouvez y aller, vous avez intérêt à y aller pour vérifier que tout se passe bien. Eh bien là, c'est pareil, le klérotèrion, la machine à tirer au sort, tout le monde pouvait regarder, et puis c'était assez rustique, donc c'était difficile de tricher. Ce n'est pas un ordinateur. (Et le coup des machines à voter par ordinateur, c'est un... où sont les armes, quoi, pour le casser ? on y va avec une hache, parce que là c'est évident qu'on va se faire enfumer. Les machines à voter c'est... IL NE FAUT PAS ACCEPTER LES MACHINES À VOTER. C'est évident, évident. (salle: on s'est fait enfumer déjà) C'est déjà le cas. C'est fou, c'est fou qu'on laisse faire.) En tout cas... En tout cas, le matin, il y avait du volontariat. Alors ce que soulignait Montesquieu, c'est que... cette institution du volontariat... Ça, on pourrait discuter : sur le forum de mon site (http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?id=20), on discute sur le fait de savoir "est-ce qu'on tire au sort parmi des volontaires, ... ou est-ce qu'on tire au sort parmi tout le monde et on leur permet de refuser ?" Ce qui fait [dans les deux cas] qu'on ne retient que les "volontaires", [certes ;] mais "volontaire", ça n'a pas le même sens suivant qu'il soit VOLONTAIRE AVANT, ou qu'il VEUILLE BIEN APRÈS [avoir été désigné]... Parce que celui qui veut avant, c'est quelqu'un qui veut le pouvoir [et c'est dangereux, en soi]. Alors en fait, quand c'est quotidien, que ça tourne comme ça et que c'est [pour un] mandat court non renouvelable, on ne peut pas dire ça comme ça [il ne "veut" pas "le pouvoir" de la même façon que le veulent nos professionnels politiques actuels] ; ce n'est pas la même chose que pour les élections [où les candidats veulent devenir des PROS de la politique]. Mais enfin, quand même, notez la différence : quand quelqu'un est candidat, ça n'a pas le même goût que quand il a été désigné [et qu']il n'a rien demandé et [qu']il accepte pour le bien commun. Et vous allez voir qu'il y a plein de gens qui ne veulent pas le pouvoir... mais qui acceptent de le faire parce que c'est comme ça que ça marche, parce que [ce sont] des gens bons. Et il y en a plein comme ça. Et ces gens-là ont pas du tout les mêmes qualités que ceux qui sont actuellement au pouvoir, qui sont là évidemment pour se goinfrer, enfin c'est incroy... enfin... on va me traiter de populiste, de démagogue, ou de fasciste bientôt, je sens, parce que je suis "antiparlementaire", et puis bientôt de nazi. Voilà... N'empêche que, quand vous voyez quelqu'un qui, à la fois... qui cumule plusieurs mandats de député, de conseiller ceci, de conseiller de cela... et puis qui, en plus, va faire des gaches d'avocat pour se goinfrer encore quelques dizaines de milliers d'euros de plus... mais c'est à vomir, c'est vraiment, c'est de la cupidité... Ces élus, ces élus, enfin ce qu'ils deviennent [très souvent, car ils] ne sont pas tous... il y a quelques élus qui sont tout jeunes, et quand ils sont au début, ils ne sont pas encore corrompus, mais en gros quand même, ils sont vraiment là pour se goinfrer. Quand on imagine, quand on voit comment ils vivaient à l'époque, là [il y a 2500 ans, en vraie démocratie]... [enfin,] mais ça n'a RIEN À VOIR : ils avaient un sens d'un devoir et ils étaient récompensés, PAS PAR DE L'ARGENT. Alors... [pour leur] participation à l'assemblée, on les payait, mais rien : on les payait une demi-journée d'ouvrier ! Donc, on les payait vraiment "trois francs six sous"... Et puis ensuite, quand on les récompensait, vous verrez quand on parlera des RÉCOMPENSES, c'étaient des HONNEURS. C'est pas de l'argent : des honneurs. Les humains, ils marchent bien à l'honneur. Il y a des tas de gens qui font des tas de choses pour l'honneur, pour la gloire, pour l'impression d'avoir servi le bien commun, et le regard des autres leur suffit. Le regard des autres reconnaissants, ça suffit. Il y a plein de gens qui marchent à ça. IL FAUT ÊTRE UN PEU MALADE MENTAL POUR NE MARCHER QU'À L'ARGENT. Oui, il faut être un peu détraqué, un peu drogué, un peu... (salle: déséquilibré) un peu déséquilibré, MAIS... TOUT LE MONDE N'EST PAS COMME ÇA, IL Y A BEAUCOUP DE GENS QUI SE CONTENTENT DE LA RELATION À L'AUTRE, LA RELATION PACIFIÉE ET RECONNAISSANTE À L'AUTRE POUR SE DONNER DU MAL. Et donc les institutions fonctionnaient comme ça. En tout cas... Montesquieu soulignait, donc (je parlais du volontariat), il soulignait que c'était très important : le tirage au sort n'était pas parfait, selon lui, mais il était RENDU VERTUEUX par les institutions complémentaires qui venaient corriger ses défauts. Et il disait : le volontariat faisait que... le volontariat ET LES PUNITIONS, (parce que vous allez voir qu'il y a des tas de punitions), la combinaison des deux faisait qu'il y avait peu de volontaires [qui étaient donc comme "triés"]. Oui, parce que, quand vous savez que vous [risquez d']être puni, vous n'y allez [que] si vous avez un vrai projet, si vous sentez qu'il faut le faire pour la cité. (salle: ils avaient le droit de démissionner ?) Je ne sais pas... ils [pouvaient] être révoqués, mais je sais pas s'ils avaient le droit de démissionner. Je suis pas sûr de ça. Enfin, je sais pas, il faudrait vérifier. Je n'ai pas lu ça. Ça ne me dit rien. Je pense qu'ils s'engageaient. Ils s'engageaient et alors, ce qui est marrant [tellement c'est loin de ce que risquent nos "élus" d'aujourd'hui], c'est de voir comme ils étaient mis en accusation à la fin, au moment de la reddition des comptes ou après coup, et ils se défendaient (et ça marchait) en disant: "mais attendez, souvenez-vous quand même que je suis comme vous". Et ça marchait comme défense parce que les gens voient bien qu'il s'est dévoué, il a accepté d'être tiré au sort, il s'est donné du mal... Bon, il n'a pas été... ça n'a pas été un oligarque, ça n'a pas été un pourri et on ne le punit pas. Donc, il y avait UN RISQUE de punition, mais il n'y avait pas du tout, évidemment, toujours des punitions. Alors, donc, le volontariat, associé au risque réel de punition, éventuellement sévère, (ça pouvait d'ailleurs aller jusqu'à la mort. Enfin bon... je ne dis pas ça... parce que c'est [évidemment] pas transposable, mais enfin je veux dire [c'était] des punitions sévères, pour l'époque) .... la combinaison des deux [(volontariat et punitions sévères)] faisait que le volontariat était un vrai FILTRE par rapport aux affreux ou aux débiles ou au gens que vous redoutez par rapport au tirage au sort. Vous comprenez ce que je veux dire ? Ce que je veux vous dire, c'est que, par rapport à l'objection "on va avoir des idiots"... non : on va se débrouiller pour en éliminer une bonne partie comme ça. • Ensuite, il y avait la "DOCIMASIE", qui était une sorte d'examen. Pas un examen de compétences parce que [rappel : objectif central =] égalité politique, on a tous la même compétence politique, c'était un examen d'aptitude. C'est-à-dire qu'on cherchait à voir le gars qui est fou, qui est vraiment carrément fol-dingue... Et bien avec la docimasie, on le mettait à l'écart. Ou le gars... qui ne s'occupait pas bien de ses parents... (c'est marrant que ce soit si important pour eux), le gars qui ne s'occupait pas bien de ses parents, il était mis à l'écart. Il ne pouvait pas [se présenter au tirage au sort]... Enfin bon... Il y avait comme ça des... des aptitudes qui permettaient de mettre à l'écart, donc encore un filtre. Alors, nous, si nous écrivions nous mêmes nos institutions, et bien on prévoirait... on y réfléchirait, et on dirait quelle docimasie on veut, quel est l'examen de passage [souhaitable], "qu'est-ce qu'il faut pour...", en faisant attention à ce que ce ne soit pas un privilège... mais pour nous éviter ce qui nous fait peur. Mais voilà, donc : un examen avant. • Et puis, il y avait l'"OSTRACISME". Et l'ostracisme aujourd'hui c'est devenu un mot très négatif. Bon, l'ostracisme, "faire preuve d'ostracisme", aujourd'hui, c'est mal. Mais à l'époque, c'était... non seulement, il n'y avait pas de connotation péjorative, mais ça faisait partie de l'hygiène de base de la démocratie. C'est-à-dire que l'ostracisme, ça vient de "ostrakon" qui est un bout de poterie, donc des poteries cassées, on prenait un bout de poterie et on gravait sur la poterie le nom de quelqu'un dont on avait peur. Alors d'abord, avant qu'on fasse ça, à l'Assemblée, un citoyen proposait qu'on lance la procédure d'ostracisme. Alors ils disaient "oui", ils disaient "non", mais s'ils disaient "oui", si l'Assemblée... (pas les représentants, hein ? l'Assemblée), si l'Assemblée disait : "oui, il faut qu'on [utilise] l'ostracisme" (parce qu'il y a plusieurs personnes qui ont peur)... on lance la procédure ; et la procédure, ça consiste à ce que chacun, s'il a peur de quelqu'un... (il a peur de ce tribun, là: "oh la la, lui, il prend le pouvoir ; lui, il est en train... il parle trop bien..." — c'est [souvent] pour ça qu'ils ostracisaient les gens — "Lui il parle trop bien" ou bien "lui il est en train de magouiller, il est en train de... il nous fait peur", pour une raison X ou Y...) [alors,] on grave son nom sur un ostrakon, donc c'est un petit bout de poterie, et ensuite on compte les ostrakons, on compte les noms, et celui qui avait le plus de fois son nom gravé sur les ostrakons était... on ne le tuait pas, on ne lui prenait pas ses biens, on ne le déshonorait même pas, mais on le mettait À L'ÉCART DE LA VIE POLITIQUE pendant 10 ans. C'est quand même pas [une horreur barbare]... et il y en avait [déjà] plein d'autres qui n'étaient pas dans la vie politique : je vous rappelle que les femmes, les esclaves, les métèques — des gens qui vivaient [parfois] très bien, les métèques, qui pouvaient être très riches — ... tous ces gens-là vivaient en dehors de la politique, donc ils n'étaient pas à l'Assemblée, ils n'étaient pas citoyens... Ce n'était pas la mort, quoi... Mais en tout cas, la démocratie avait en elle même un rouage important qui permettait de mettre... pas à mort, À L'ÉCART de la vie politique, pendant 10 ans, quelqu'un dont on avait peur. Donc, rendez-vous compte encore que c'est quelque chose qui nous manque, encore aujourd'hui : aujourd'hui, quand on vous présente deux candidats... (prenez l'exemple que vous voulez dans la... dans le passé récent de votre pays) vous avez deux candidats qui vous paraissent deux "affreux", qu'est-ce que vous faites ? Vous êtes coincé, vous avez le choix entre la peste et le choléra. Vous n'avez même pas le vote blanc qui permet de dire: mais, je veux qu'ils rentrent tous les deux chez eux. On pourrait avoir un vote blanc qui dirait... LE SENS POLITIQUE DU VOTE BLANC C'EST : "JE NE VEUX D'AUCUN DE CES GENS-LÀ" ou "LA QUESTION QUE VOUS ME POSEZ, ELLE EST DÉBILE, JE NE VEUX PAS DE CETTE QUESTION". Le vote blanc, il sert à dire : "rentrez chez vous avec votre question" ou "rentrez chez vous, [vous] les candidats, et mettez-moi d'autres candidats". Et pourtant le vote blanc, il est interprété [aujourd'hui] comme... valant comme NUL et il est mélangé avec les [votes] nuls et jeté à la poubelle ! C'est révoltant ! Mais pourquoi ? Qui a écrit ces règles ? Qui a écrit les règles qui mélangent le vote blanc avec les votes nuls ? C'est des élus ! Ben c'est normal qu'ils écrivent ça. On ne peut presque pas leur en vouloir : c'est [surtout] NOTRE FAUTE D'AVOIR LAISSÉ LES ÉLUS ÉCRIRE LA CONSTITUTION. C'est juste notre faute. J'insiste, hein. C'est votre faute à vous, chacun, et puis à moi, parce qu'on les laisse faire. ON NE DEVRAIT PAS LAISSER LES ÉLUS ÉCRIRE LA CONSTITUTION. Sinon, ils n'écrivent pas le respect du vote blanc ; ils n'écrivent pas le référendum d'initiative populaire ; ils n'écrivent pas les mandats courts et non renouvelables, évidemment, évidemment ; ils n'écrivent pas une chambre sur deux tirée au sort au moins, voire deux chambres tirées au sort ; ils n'écrivent pas les jurés citoyens ; ils n'écrivent pas... Ils n'écrivent pas toutes les institutions dont on a besoin. Bon, là, j'anticipe sur la fin, mais en fait, elle suinte de partout : CE N'EST PAS AUX HOMMES AU POUVOIR D'ÉCRIRE LES RÈGLES DU POUVOIR. CE N'EST PAS AUX POLITICIENS DE MÉTIER, CE N'EST PAS AUX HOMMES DE PARTIS D'ÉCRIRE LES RÈGLES DU POUVOIR. MÊME SI C'EST LE PARTI QUE VOUS AIMEZ BIEN. Comprenez, prenez du recul, si vous êtes d'un parti... (vous pouvez... évidemment, puisqu'on n'a que ça pour se bagarrer, je ne vais pas vous faire le reproche d'être dans un parti !) Mais ce que je voulais [dire]... ce qu'il faut comprendre, c'est que, QUEL QUE SOIT VOTRE PARTI, il faut que vous compreniez que, si vous aspirez au pouvoir, et bien VOTRE HONNEUR, c'est de NE PAS écrire la Constitution. Et si vous aspirez au pouvoir et si, en même temps, vous voulez écrire la Constitution, vous êtes déjà dans une dérive oligarchique : vous êtes en train, déjà, d'être un "voleur de pouvoir". Vous êtes en train de... vous vous préparez à être "juge et partie", d'écrire les règles pour vous-même et d'enfumer tous les autres. (salle: c'est ce qui s'est passé avec la constitution européenne) ... européenne, évidemment : européenne, française... De Gaulle qui écrit pour lui-même... Non mais, les exemples, ils sont tous... tu prends toutes les Constitutions du monde (à part celle du Venezuela, [peut-être]...) et à part celle-là [d'Athènes] évidemment, qui a été écrite par Solon, Clisthène, et qui ont... Solon est parti : après avoir écrit les règles, il est parti... parti pendant 10 ans. Donc, il n'a pas écrit des règles pour lui-même. [Et] comme par hasard, il a écrit une démocratie. Alors la suite... Ça, c'est les contrôles avant. Contrôles PENDANT, faciles à comprendre : • Les tirés au sort étaient RÉVOCABLES : Si on s'aperçoit qu'un tiré au sort se met à défaillir, à ne pas faire son boulot comme il faut, en cours de mandat, l'Assemblée peut À TOUT MOMENT le révoquer. Bon, voilà ; eh bien, ça ne vous rassure pas, ça ? Attends, est-ce que vous avez ça avec les élus ? Eh bien voilà... quand même ! Mais ça va avec [avec le tirage au sort, il faut le comprendre]. Tous ces contrôles, ça va avec. Je reviendrai après [sur cela] en prenant du recul. Le point commun de tout ça, c'est qu'ON ASSUME QUE LES GENS NE SONT PAS BONS. Voilà. ON ASSUME LES CONFLITS, on assume l'imperfection des gens, on assume que la vertu n'est pas naturelle, n'est pas spontanée, n'est pas innée. On assume ça et dans les institutions, comme on a compris ça et on l'assume, eh bien ON MET DES CONTRÔLES PARTOUT. Et donc après ça, vous pouvez moins vous en occuper ; j'y reviendrai tout à l'heure, mais vous verrez que, finalement, ce système-là, il est BEAUCOUP PLUS ROBUSTE POUR LES GRANDES STRUCTURES, la grande taille. Si l'Europe était bâtie sur ce modèle-là, eh bien vous pourriez vous en désintéresser puisqu'il y a des contrôles partout. Alors que là, avec l'élection qui présuppose qu'ils sont... [vertueux par le seul fait d'être élus, on essaie de nous fait croire qu'on n'a pas besoin de contrôles entre deux élections !]... (salle: on pourrait justement s'en intéresser) Alors, on pourrait aussi s'en intéresser... C'est-à-dire qu'on pourrait faire les deux. On y reviendra quand on reparlera d'une objection qui consiste à dire : "oui, mais le tirage au sort, ça valait parce qu'ils étaient petits, alors que l'élection [est nécessaire parce qu']on est [devenus très nombreux]". C'est juste le contraire: [pour utiliser] l'élection, [il] faudrait qu'on soit petit, et le tirage au sort marcherait mieux dans un système de grande échelle. Donc je fais vite [sur la liste des institutions protectrices à connaître] : la révocabilité, c'est facile à comprendre. • La REDDITION DES COMPTES, le fait d'avoir à rendre des comptes à la fin [du mandat]. Vous imaginez, si vos élus vous rendaient des comptes ? Ils vous rendent des comptes et après ça, pendant... il a exercé le pouvoir pendant un an et après ça pendant six mois, voire quelquefois pendant 1 an... c'est vachement long la reddition des comptes, ça prenait un temps fou. (D'ailleurs, il fallait des gens tirés au sort pour aller contrôler les tirés au sort. C'est d'autres tirés au sort, hein... ils se contrôlaient entre eux.) Et donc, pendant un an, il fallait qu'ils expliquent pourquoi ils avaient fait ci, pourquoi ils avaient fait ça... Attendez, c'est mille fois plus protecteur que notre système, ce truc là, c'est 1000 fois plus protecteur ! Vous me dites : "et si on tirait au sort Untel-qui-est-un-affreux"... mais regardez tous les contrôles qu'il y a... Je veux dire : ce n'est pas [seulement] "le-tirage-au-sort-à-la-place-de-l'élection" : on réfléchit, on n'est pas obligés de le faire bêtement. On peut le faire comme ils l'ont fait, c'est-à-dire en réfléchissant. C'est-à-dire qu'on [utilise] le tirage au sort parce qu'on a UN OBJECTIF qu'on veut atteindre et, comme on voit qu'il y a des inconvénients, eh bien on fait des institutions qui vont avec les inconvénients. Et après, l'ensemble a une cohérence, et c'est bien plus malin que notre système ; bien plus malin pour l'intérêt général. Ah, c'est moins malin pour les banques... mais pour l'intérêt général, c'est bien mieux, ce système-là... Et bien, pour les banques c'est... c'est... mais à mon avis ils vont nous voir venir, hein... bon tant pis. En tout cas, dernière institution complémentaire du tirage au sort (qui fait qu'il n'y a pas à avoir peur des "affreux"), c'est que... même après coup, même APRÈS le mandat, si on s'apercevait : "mais attends, là, il y a un gars qui a amené l'Assemblée à aller envahir une autre île et on s'est pris une patée du diable. Donc, le gars qui nous a amené à prendre cette décision, on va le..." • Donc, c'était l'"Esangelie", c'était la possibilité de mettre en cause publiquement, donc d'accuser publiquement, donc ça veut dire que n'importe qui devient potentiellement un accusateur de quelqu'un qui a fait du tort à la démocratie... Alors, peut-être qu'il faut le tempérer, ça, je vous donne juste des... ce sont des pistes, tout ça, pour nous, et après ça on verra qu'est-ce qui... Peut-être qu'il faut limiter les contrôles, [pour] qu'il n'y en ait pas trop, pour ne pas paralyser les gens... En tout cas, dans les institutions athéniennes, ça ne rigolait pas. • APRÈS LA FIN du mandat, l'assemblée pouvait changer de décision, en disant : "non mais là, ce qu'on a fait, c'est une bêtise, on revient dessus" : ça s'appelait le "Graphe para nomon", une procédure qui permettait de revenir [sur une décision passée] et de changer, c'est-à-dire que la... (salle: comme ???) (Mais oui exactement...) la société athénienne avait bâti des institutions qui lui permettaient —COMME N'IMPORTE QUEL ÊTRE VIVANT— DE PRENDRE DES DÉCISIONS et de savoir que peut-être elle allait se tromper ET QUAND ELLE SE TROMPAIT, DE CHANGER, DE REVENIR EN ARRIÈRE. Ils ont fabriqué UN CORPS capable de... comme n'importe quel vivant, de corriger et de revenir en arrière, de s'adapter [(au fur et à mesure, et pas seulement tous les cinq ans)]. C'est tellement plus malin... c'est tellement plus malin... Bon en tout cas, tout ça est bien plus PROTECTEUR que nos systèmes actuels et finalement l'ensemble, compte tenu de ce résultat [(la désynchronisation entre le pouvoir économique et le pouvoir politique)] qui est quand même absolument décisif, pour la prospérité et le bien commun... ça pourrait... ça devrait se tester, quoi ! La deuxième partie de ce que j'ai à vous dire, c'est "LES OBJECTIONS ET LES RÉFUTATIONS" : Alors, il y a quatre ou cinq objections courantes : • Donc la première objection, c'est... "mais on va mettre DES AFFREUX AUX MANETTES... avec votre système. On va mettre... on va mettre des salauds... ou des abrutis... des affreux... aux manettes". Pas du tout : - d'abord, ce n'est pas "aux manettes" : celui que vous tirez au sort, il ne va PAS avoir les manettes ! Ce n'est pas les représentants qui exercent le pouvoir : c'est l'Assemblée ! Donc les représentants, ils nous aident... ils font tout ce que l'assemblée ne peut pas faire : Ils préparent l'ordre du jour, ils affichent l'ordre du jour, ils vérifient la discipline dans l'Assemblée, ils exécutent les décisions [police, justice], ils procèdent au tirage au sort, ils vont s'occuper de la reddition des comptes et éventuellement des punitions... Ils font tout ce que l'Assemblée peut pas faire [elle-même]. Mais en fait, ils sont NOS SERVITEURS. Ce ne sont PAS NOS MAÎTRES. Avec l'élection, on choisit nos maîtres. Avec le tirage au sort, on dit : "mais non, mais on n'a pas besoin de maîtres". Ce n'est pas du tout pareil : il ne s'agit pas juste d'une procédure à changer ; une démocratie, c'est AUTRE CHOSE que ce que l'on connaît. Ce qu'on connaît aujourd'hui, ça consiste à désigner nos maîtres. (salle: qu'on appelle "représentants") Et qu'on appelle... qui s'appellent [eux-mêmes] "nos représentants", mais pour mieux nous tromper, quoi. Vous voyez bien, qu'ils nous trompent ; il n'y a pas besoin de faire un dessin... Bon, heu... donc... À l'objection : "mais on va désigner des affreux, on va mettre des affreux aux manettes", d'abord, il faut répondre : "on ne va pas les mettre aux manettes, ce n'est pas eux qui ont les manettes (les tirés au sort)". - Et [il faudra répondre] deuxièmement : "les affreux, il y a plein d'institutions pour les filtrer". Je [n'y] reviens pas : il y a plein d'institutions pour s'en débarrasser, [ou] les punir... Donc, il y a RIEN À CRAINDRE là-dessus. Enfin, moi, je trouve qu'il y a en tout cas beaucoup moins à craindre... Parce que vous trouvez, [vous,] que l'élection, ça ne met pas en place des affreux ? On dirait que ça [l'élection] les choisit ([(les affreux)]. On dirait que [grâce à l'élection], les pires gouvernent... D'ailleurs... je... je pense que ce livre-là... ça je pense... j'ai... je sais pas je dois avoir... 1500 ou 2000 bouquins à la maison, j'ai beaucoup de livres, je lis énormément. Mais si je devais garder un livre [parmi] tous les livres... ah là là, ça c'est une merveille : les "Propos sur le pouvoir" d'Alain [(et tous les "Propos", d'ailleurs)], mais les "Propos sur les pouvoirs" d'Alain, c'est un livre de chevet, c'est un truc, vous le lisez, vous le relisez, vous le... c'est de l'intelligence [pure], c'est... c'est très très très très très utile. C'est un vrai bon bouquin qu'on peut prendre à l'adolescence, et puis après ça, il vous suit toute votre vie. "Propos sur les pouvoirs", c'est génial. Alors, dans les Propos... dans un des "Propos", une des pensées d'Alain, c'est... et vous allez voir, c'est trois toutes petites phrases avec sujet, verbe, complément, c'est très court et il y a tout. Il y a tout pour condamner l'élection... Pour condamner l'élection... Tant que j'avais pas trouvé le tirage au sort, je trouvais qu'il y avait de quoi se foutre une balle (cette phrase-là) parce que c'était trop vrai, et c'était [comme] un piège : on ne pouvait pas en sortir... Mais avec le tirage au sort [cette forte pensée d'Alain n'est plus implacable]... Alors qu'est-ce qu'il disait, Alain ?... Il disait... [tout tient en trois courtes phrases] "les gens bons ne se soucient pas de gouverner". C'est une façon en vieux français de dire: "ils ne veulent pas gouverner". "Les gens bons n'ont pas envie de gouverner. Tout est là. Autant dire que LES PIRES GOUVERNERONT." C'est vrai que, si vous attendez... si vous avez un système [basé sur] l'élection qui repose [donc] sur la candidature et que les gens bons ne veulent pas [être candidats], ils ne seront pas candidats. Et bieen, vous n'allez avoir que des affreux. Eh bien oui ! Les pires gouverneront... Mais on y est ! On y est, regardez [autour de vous] : vous avez Paulson au gouvernement des Etats-Unis. Vous avez Paulson, Dick Cheney, Rumsfeld. Des diables ! Tous ! La crème de la crème de l'horreur. (salle: Obama n'est pas mieux) Exactement ! (salle: c'est le bal des vampires) Et en France, vous avez Sarkozy ; en Italie, vous avez Berlusconi ; en Angleterre, vous avez Tony Blair... [Partout,] vous avez les pires... Les pires des... des... des... tout à l'heure j'ai dit "prostituées" mais il faut pas que je dise ça parce que c'est pas gentil pour les prostituées. Il faut trouver un mot plus grave que ça, parce que les prostituées... "prostitués", nous on est prostitués nous aussi, enfin, on se prostitue, on ne fait pas exprès... Non, c'est pire que... [ce sont] des affreux. C'est bien, c'est un bon mot : des "Affreux". Donc, on ne va pas dire "prostituées", parce que les prostituées sont nos amies, mais on va dire "les affreux". Deuxième objection : Et vous allez voir quand vous allez... parce que vous avez... si vous jouez le jeu que je vous propose, qui consiste à... si la graine germe dans votre tête, à aller vous-mêmes en planter d'autres parce que ça ne marchera que comme ça, je vous dis c'est... si nous sommes 40... à être convaincu de ça, [et] puis qu'on en reste là, ça ne changera RIEN, voilà, RIEN. Si, par contre, la graine que je vous propose de cultiver, non seulement vous la faites grandir, vous allez lire, vous la renforcez vous-même, vous lui mettez de l'eau, de l'engrais, voilà, elle devient belle dans votre tête, et puis que vous allez la semer ailleurs vous aussi dans 40 [autres têtes], alors là oui, ça va se développer très vite. Ah là oui, très vite. Donc, les objections dont je vous parle, il faut que vous les connaissiez, et puis que vous connaissiez leur réfutation, parce que vous allez... ils vont vous répondre la même chose, les gens, que ce que je vous dis. • Donc la deuxième objection, c'est... "vous êtes en train de nous appliquer un régime qui marchait à petite échelle mais aujourd'hui, À GRANDE ÉCHELLE, C'EST PAS POSSIBLE ton truc". Alors, 2 minutes, 2 minutes, 2 minutes... 2 minutes ! L'élection.. ça fait le pari qu'on connaît les gens... [n'est-ce pas ?] Puisqu'on ÉLIT, ça veut dire qu'on les CONNAÎT ! (salle : hum...) Ah ben si... Eh bien, [sinon,] comment tu fais pour élire (c'est-à-dire CHOISIR) si tu ne les connais pas ?! Intrinsèquement, ce qui est dit dans l'élection... (ah ! sinon, c'est du foutage de gueule ouvert)... ce qui est dit dans l'élection, c'est qu'on connaît les gens [les candidats, les élus]. Et ce n'est pas tout ! Puisque l'élection est censée être le seul contre-pouvoir... [puisque] la seule punition quand ils déconnent, c'est de ne PAS les réélire, ça suppose qu'on sait [au moins] ce qu'ils ont fait pendant qu'ils étaient élus. Tout ça, c'est du foutage de gueule quand on est au niveau d'un État, ou au niveau de l'Europe ! Est-ce que vous savez... est-ce que vous connaissez les gens que vous avez élu au niveau de l'Europe ? Pas du tout. Vous en savez [très peu]... vous l'avez vu trois fois 30 secondes à la télé... Et puis, quand il est en Europe, là-bas, vous ne voyez RIEN, vous ne savez pas du tout ce qu'il fait ! Donc, L'ÉLECTION, ELLE N'EST PAS DU TOUT ADAPTÉE À LA GRANDE TAILLE ! Elle est adaptée à la petite taille : la commune... Vous connaissez votre maire, vous le voyez tous les jours, vous pouvez l'interpeller, il vous connaît, vous le connaissez... L'ÉLECTION, ELLE MARCHE BIEN À PETITE ÉCHELLE. Et puis, comme l'élection fait le choix, le pari idéaliste, le PARI NON RÉALISTE que les gens sont vertueux, que les élus (comme par miracle) deviendraient des dieux, qu'ils sont capables de décider, qu'ils sont compétents sur tous les sujets, le nucléaire, les OGMs, tout ça, ils sont "compétents", et donc il n'y a PAS DE CONTRÔLES parce que, soi-disant, les élus sont "la représentation de la nation" et donc on leur fait CONFIANCE et donc il n'y a pas de contrôle... Mais tout ça est complètement contradictoire avec la grande taille ! Je veux dire, UN ORGANISME DE GRANDE TAILLE, il a besoin de ça : [montrant sur le schéma la liste d'institutions protectrices], IL A BESOIN DE PLEIN DE CONTRÔLES, IL A BESOIN D'AVOIR ASSUMÉ QUE LES GENS NE SONT PAS BONS NATURELLEMENT... ET QU'IL FAUT DES CONTRÔLES PARTOUT ! Ben oui, il faut des contrôles... Ah ils n'aiment pas ça [les élus] ? Eh bien, c'est tant pis : ce n'est pas eux qui décident... Et oui tant pis : ce n'est pas eux qui décident. Ah ! Si c'est eux qui décident, ils ne vont pas mettre de contrôle ! Eh bien regardez, là aujourd'hui : C'est eux qui écrivent les constitutions... Eh bien, ils ne mettent des contrôles nulle part. Eh oui... Mais c'est normal ! C'est notre faute À NOUS, parce qu'on les laisse écrire les constitutions. Ce n'est pas à eux d'écrire les constitutions. Donc, quand on vous dit : "ouais, le tirage au sort, ça marchait quand ils étaient petits, sur une petite cité, et ça ne marcherait pas en grand", [vous pouvez répondre que] c'est [exactement] LE CONTRAIRE... • Objection suivante que je repère, on me dit : "mais alors avec votre système, on va tout le temps changer d'avis, c'est jamais le même [responsable], vous tirez au sort tous les jours le bonhomme. Mais attendez, vous allez changer d'avis tous les jours ! Comment allez vous faire pour avoir une politique de long terme ? Avoir une espèce de vision d'avenir ?..." Tu vois, c'est ça qu'ils vous disent en disant : "le tirage au sort, vous allez avoir n'importe quoi. Vous changez, vous changez de bonhomme, vous changez de politique, ça va être... vous allez gouverner en zigzags". D'abord, POURQUOI PAS gouverner en zigzags ? Tout ce qui est vivant fonctionne comme ça. Vous prenez n'importe quel enfant qui apprend que... ooops ça brûle ! Eh bien la prochaine fois, il n'ira pas, il [décide] en zigzags : oui, il y a été une fois, puis il n'ira pas une 2ème fois' et tout ce qui est vivant fonctionne comme ça. Pourquoi pas la société moderne, avec une Assemblée qui se tromperait [de temps en temps] et qui dirigerait en zigzags ? Première [réponse à l'objection, donc]. Mais surtout, surtout, cette objection qui consiste à dire on va changer tout le temps d'avis, ce n'est pas vrai : [ce ne sont] pas les tirés au sort qui décident ! [Ce ne sont] pas les tirés au sort qui décident : c'est l'Assemblée. ET L'ASSEMBLÉE, ELLE EST STABLE ; C'EST TOUT LE TEMPS LE MÊME PEUPLE... Les Athéniens n'avaient pas un problème de zigzags en décidant, c'étaient toujours les mêmes qui décidaient. Alors... ils étaient une trentaine de milliers et ils n'étaient que 6 000 à l'Assemblée. Donc, ils n'y étaient pas tout le temps, ils bossaient, et puis, de temps en temps, ils allaient à l'Assemblée. Quand ça leur [prenait], ils allaient à l'Assemblée. Donc, quand vous avez envie d'aller à l'Assemblée, vous y allez ; puis quand c'est plein, eh bien "vous reviendrez demain"... Mais à l'Assemblée, il y avait, en gros, un corps de citoyens... Quand vous parlez à l'Assemblée des problèmes de la cité, est-ce qu'on va faire... est-ce qu'on va ouvrir une mine ceci, est-ce qu'on va faire un cela, est-ce qu'on va... qu'est-ce qu'on va faire de cette terre, sur ce marécage, est-ce qu'on va l'assécher, pas l'assécher ? Enfin, quand vous discutez à l'assemblée vous-mêmes, vous, vous discutez des problèmes de la cité, eh bien quand vous sortez de l'Assemblée, vous allez en parler autour de vous. Et en fait toute la cité est [ainsi] imprégnée en permanence des problèmes de la cité. C'est-à-dire que la délégation, elle n'est pas du tout impérative. Ce n'est pas du tout une fatalité, le fait d'avoir abandonné votre pouvoir à des élus : [ce sont] des élus qui ont décidé ça, ce n'est pas vous. Est-ce qu'un jour, vous, vous avez dit : "moi, je tiens à l'élection et je renonce au tirage au sort" ? Vous ne saviez même pas que le tirage au sort existait... Je veux dire : ce sont des élus qui ont décidé qu'il fallait les élire. Donc, ce n'est pas du tout une fatalité. Donc, [l'objection] "on changerait d'avis tout le temps", à mon avis, c'est une objection qui tient pas la route. • Objection suivante: "vous allez forcément désigner DES INCOMPÉTENTS. Nous vivons dans un monde complexe. Ecoutez mon vieux, on est à l'ère du nucléaire, c'est quand même... une géostratégie mondiale, avec des choses quand même très très très compliquées... Alors, vous allez désigner n'importe qui... Vous allez désigner des incompétents". C'est une blague ? Vous trouvez que les élus sont compétents ? Est-ce que vous savez combien de bombes atomiques ont été larguées dans l'atmosphère, je dis bien dans l'atmosphère ? Vous savez Fukushima, c'est un peu des petites vapeurs, mais là je vous parle de bombes atomiques. (salle: ce sont pas des petites vapeurs) Non, non, non, mais je dis des petites vapeurs par rapport... Est-ce que vous savez ce que c'est qu'une bombe atomique ? Dans l'atmosphère ! Vous voyez le bordel radioactif que c'est, de balancer une bombe atomique ? Vous savez combien ils en ont jetées, depuis 1945 ? Les élus, là... les responsables, les compétents, les gens "on-va-pas-désigner-n'importe-qui-on-va-désigner-des-gens-qui-sont-capables-de-faire-des-choses-[de-façon]-compétentes... Des choses raisonnables... Combien de bombes atomiques ? Plus de 2 000 ! 2000 bombes atomiques dans l'atmosphère ! Et sous terre, et dans la mer ! Directement, là... pam ! pam ! pam ! Il y a une... il y a une animation... il y a un artiste qui a fait une recension de toutes les explosions, avec leur date, et qui a fait une petite vidéo qui dure... je sais plus, une dizaine de minutes, et vous avez le temps qui passe avec une seconde tous les mois et puis... ou je sais plus... ou à peu près... peu importe la graduation, et puis vous avez le 1er truc qui pète juste avant Hiroshima c'est dans [un] désert d'Amérique [du nord] et puis après ça, vous avez... poum ! poum ! Les deux coups d'Hiroshima et Nagasaki... [puis] ça se calme... puis après, ça recommence à péter dans le désert des Etats-Unis, puis ça se met à péter... je sais plus dans l'ordre. Je crois qu'après c'est l'URSS qui commence à faire péter... péter... péter... bam ! bam bam ! Ça se met à crépiter. Vous savez, pour en faire 2 000, il en faut un paquet, des petits points rouges, là... ta ! ta ! ta ! Puis à un moment dans les années 60... mais ça n'arrête pas ! "C'est des responsables" on vous dit... "Avec des tirés au sort, vous allez désigner des incompétents". Mais on se fout de nous ! (salle: les français ont réussi à s'irradier eux-mêmes) Eh bien complètement, mais on va arriver à... Mais c'est que, quand vous faites péter une bombe atomique, vous n'irradiez pas que vous-même, vous irradiez toute la planète... et ça va rester pendant des millions d'années, toutes ces particules, enfin bon, bref. Et puis combien... (Alors, mais là, vous allez pouvoir prendre le relais avec moi...) les élus prétendent être compétents ? Mais combien de guerres ils ont déclenché les élus ? Combien de guerres ? Qui a balancé du napalm et des pesticides sur le Viet-nam par millions de litres ? Qui, qui ? Des élus ! Ce sont des élus. Attends, c'est épouvantable, ce qu'ils ont fait sur le Viet-nam, épouvantable, absolument épouvantable. C'est... c'est... c'est dingue, ce qu'ils ont fait au Viet-nam. C'est... c'est... c'est... c'est profondément révoltant, ce qu'ils ont fait au Viet-nam. Mais ce sont des élus qui ont fait ça, des gens "compétents". Est-ce qu'une assemblée populaire aurait fait ça ? Et bien je ne suis pas sûr du tout. Peut-être que oui, mais je ne suis pas sûr du tout. Et je... quand on fait des assemblées de [citoyens]... Vous trouvez dans ce bouquin-là ("le pouvoir au peuple" de Sintomer), [des récits de] ce que décident des assemblées de citoyens tirés au sort. Par exemple, au Mali, il y a une assemblée de citoyens tirés au sort et qui ont réfléchi sur les OGMs. Donc on a tiré au sort sur les listes électorales des gens qui ne connaissaient rien aux OGMs. Rien de rien, voilà. Vous aviez des mères au foyer, des syndicalistes, des paysans, il y avait des avocats, de tous les métiers, tirés au sort. Donc, vous aviez une assemblée de gens qui ne connaissaient pas le sujet. Et puis, pendant des mois, ils ont fait (ils avaient de l'argent pour le faire, ils avaient des locaux pour recevoir des gens), ils ont fait venir les gens de Monsanto en leur posant la question : "pourquoi est-ce qu'il faut les OGMs [à votre avis] ?". Alors, les gens de Monsanto ont expliqué pourquoi il fallait les OGMs. Ensuite, ils ont fait venir les gens de la Confédération Paysanne : "alors, pourquoi vous ne voulez pas des OGMs ?" Alors, les [syndicalistes] ont expliqué pourquoi ils n'en voulaient pas. Ensuite, ils ont fait venir les gens de Bayer (donc un autre céréalier) [qui ont expliqué :] "Eh bien voilà pourquoi on le veut"... Ensuite, ils ont fait venir des paysans d'Amérique latine (qui utilisaient des OGMs depuis longtemps) en leur [demandant :] "pourquoi vous avez fait ça ? et puis, vous êtes contents ? ou est-ce que vous n'êtes pas contents ? Et puis, pourquoi vous continuez ? Est-ce qu'il y a eu des problèmes ? Est-ce que tout se passe bien ?"... et puis, ensuite, ils font revenir les gens de Monsanto en [leur] disant : "eux, ils nous ont dit que... qu'est-ce que vous [leur] répondez ?". Et puis, pendant ce temps, tout le monde regardait : tout ça, c'est diffusé à la télé, à la radio, les gens pouvaient être là, dans l'enceinte, et les citoyens pouvaient proposer qu'on pose des questions en disant :"posez-lui la question parce que..." effectivement, alors on pose la question [suggérée par le public]... Attendez, au bout de six mois, ces gens-là sont bien plus compétents que n'importe quel parlementaire au monde (parlementaire qui doit traiter tous les sujets... Mais c'est une blague !). Là, eux, ils se concentrent sur un sujet... ils ne sont pas intéressés, ils ne sont pas payés par les labos... ils n'ont pas une réélection à assurer, ils n'ont été financés par personne... Ils ont juste une mission, tout le monde les regarde, ils vont devenir des gens... pas des experts... ils vont devenir des gens ÉCLAIRÉS, bien plus éclairés que n'importe qui d'autre. Mais ça, c'est un modèle de démocratie ! Une démocratie... Des institutions qui prévoiraient un Parlement tiré au sort. Tirés au sort : DES GENS QUI SAVENT QU'ILS NE SAVENT PAS. Mais c'est 1 000 fois mieux que les élections qui se la pètent et des gens qui sont élus qui croient qu'ils sont Dieu. Là, vous avez des gens qui sont tirés au sort : ils savent qu'ils ne savent pas, qu'est-ce qu'ils font ? Sur chaque sujet de société, au lieu de décider eux, à la place des autres... Eux, qui sont tirés au sort et qui savent que demain ils vont revenir dans la population normale, ces gens-là, les institutions vont les aider, vont les inciter à DÉSIGNER UNE AUTRE assemblée tirée au sort qui, elle, va être SPÉCIALISÉE sur le problème qui [lui] est soumis. Et en fonction du rapport que va faire l'assemblée spécialisée, ils vont décider de telle ou telle loi. Et éventuellement, si il y a un doute, eh bien, ils [lancent] un RÉFÉRENDUM. C'est-à-dire que TOUS les gens décident par référendum. Mais [tout] ça n'a pas le même goût. Vous comprenez, ça ? Alors, finalement, sur l'assemblée des OGMs, l'assemblée du Mali, là, elle a décidé que "[NON : les OGM, non merci], à l'unanimité... Donc, ça, c'est parlant : à l'unanimité, c'est plutôt NON ; plutôt non, parce que 1) on n'a pas compris à quoi ça sert, on n'est pas sûr que ça va être bien, et [en plus,] 2) on n'a pas la preuve que ce n'est pas dangereux... Donc, eh bien : NON, à l'unanimité." Eh bien, je ne sais pas, moi : je trouve ça plus [convaincant que l'avis d']une bande d'experts qui sont payés par les labos... [(véridique)], très majoritairement les labos qui fabriquent... les OGMs. Je trouve que c'est évidemment mieux. Donc, cette histoire de compétences, c'est des conneries. Le parlementaire médecin qui vient d'être élu, ou le prof qui vient d'être élu, sur le nucléaire, il ne connaît RIEN. Sur le réchauffement climatique, il ne connaît rien [(pas plus que vous)]. Ce qui va faire sa compétence... je ne dis pas qu'il [est définitivement incompétent] : il va [devenir] compétent quand il va se mettre à bosser sur un dossier, [là,] il va devenir compétent. C'EST SON TRAVAIL QUI VA LE RENDRE COMPÉTENT. MAIS C'EST PAREIL POUR N'IMPORTE QUEL TIRÉ AU SORT. Les tirés au sort, ils ne sont pas compétents parce qu'ils sont tirés au sort, ou parce qu'ils sont élus : ils sont compétents parce qu'ils bossent. Et c'est leur boulot qui va les rendre compétent. Donc, [l'objction] "on désignerait forcément des incompétents", c'est des sottises. J'ai presque fini. • [Autre objection courante :] "Le MODÈLE athénien était ESCLAVAGISTE, PHALLOCRATE ET XÉNOPHOBE". Ça, alors là, je garde le meilleur pour la fin. Parce que [cette objection-là,] vous allez l'avoir. C'est-à-dire qu'on vous dit : "la démocratie athénienne, c'était une oligarchie : regardez, vous aviez une toute petite poignée de gens qui avaient le pouvoir, et tout le reste, c'étaient des esclaves, des femmes, des métèques... une toute petite poignée de gens [dominait et exploitait la multitude]...". Attendez, attendez... à l'époque, sur terre... c'est un ANACHRONISME de les juger avec nos valeurs d'aujourd'hui, alors que eux étaient à l'époque... alors que c'était impossible de pas être esclavagiste à l'époque. C'était très marginal, quoi. Quand vous avez tout le monde autour de vous, tout ce qui existe est esclavagiste, vous êtes esclavagiste [naturellement, simplement] comme tout le monde... (salle: c'est comme si on disait, nous on a des chiens et des chats) Voilà, c'est comme si on [nous reprochait, dans bien des années, d'avoir enfermé et mangé] des vaches... Attendez, [c'est facile à imaginer :] le jour où ça va être décidé... le jour où l'humanité (et je crois que ça arrivera un jour), décidera que TUER UN ANIMAL C'EST COMME TUER UN HOMME, et que, en fait, on peut [très bien] se nourrir avec de la nourriture artificielle, qui a le même goût (c'est même bien meilleur !)... À chaque fois que tu manges ce pavé de boeuf artificiel, fait avec du pétrole ou je m'en fous, n'importe quoi, c'est meilleur que la meilleure des côtes de boeuf que jamais personne n'a mangée quand il a mangé une [vraie] côte de boeuf... Simplement, tu n'as plus besoin de tuer un animal [pour prendre du plaisir à manger]. Une fois qu'on aura inventé la technologie nécessaire pour nous nourrir en nous régalant, en nous donnant toutes les protéines, toutes les substances dont on a besoin, mais [sans avoir] besoin de tuer des animaux, ce jour là, ça pourra devenir un crime de tuer un animal, puisqu'on n'en aura plus besoin, et quand vous allez juger [dans cette période future lointaine] les gens d'aujourd'hui en disant "ils tuaient des animaux, c'était une boucherie, c'était un génocide sans arrêt, regardez les camps de concentration, regardez les batteries, les animaux en batterie qui se font assassiner, et avant d'être assassinés, ils se font torturer, ils se bouffent entre eux, les cochons dans les étables"... Mais quand on nous jugera (nous, [avec nos moeurs d']aujourd'hui), nos petits enfants nous demanderont : "qu'est-ce que tu faisais, papy, pendant le génocide des animaux ?" Je dirai : "Et bien, je les mangeais, comme les autres [, naturellement]". Et... si vous voulez, l'esclavagisme à Athènes, c'est un peu ça. [il faut absolument éviter les condamnations anachroniques.] Je ne dis pas ça pour défendre l'esclavagisme, enfin, faut pas être con : je ne suis pas esclavagiste ! je ne suis pas phallocrate, je ne dis pas qu'il ne faut pas que les femmes [participent à la vie politique]... Quand je vous demande de vous concentrer sur un thème, je ne vous dis pas "il faut être misogyne, on met les femmes [à l'écart]"... C'est évident que je ne dis pas ça... Vous comprenez ce que je veux dire ?... Et celui qui me fait ce procès-là, qui me dit : "mais vous êtes en train de défendre un régime esclavagiste et xénophobe", il me prend pour un abruti ! Enfin, il me prend pour un salaud, il m'insulte, c'est incroyable ça. J'ai [simplement une faculté de] DISCERNEMENT, c'est-à-dire que le... (salle: faut lui demander si il met des Nikes) Oui voilà, on va pas leur reprocher de pas voler en avion ou de pas porter des Nikes, aux Athéniens. Bon. En tout cas, ce que je veux dire, c'est que... regardez-le, celui qui vous dit ça, celui qui vous dit : "Bah ! la démocratie athénienne... vous êtes en train de défendre un régime qui était un régime d'esclavagistes". M'enfin, vous me prenez vraiment pour un imbécile ?! VOUS ÊTES EN TRAIN DE TOUT MÉLANGER, PARCE QU'IL Y A UN TRUC QUI VOUS GÈNE LÀ-DEDANS, QUI VA VOUS FOUTRE AU CHÔMAGE, parce qu'en général, ce sont des élus (ou des sponsors d'élus) qui vous disent ça. Évidemment, ce sont des gens qui vont tout perdre, là, qui vont perdre leur pouvoir : L'ÉLU [bien sûr, MAIS AUSSI] LES RICHES, qui vont perdre leur courroie de transmission "élus-à-leur-service". ILS VONT TOUT PERDRE AVEC LE TIRAGE AU SORT ! DONC ILS ONT INTÉRÊT À TOUT MÉLANGER, ils mettent du caca dedans... c'est tout mélangé... "regardez comme c'est sale !"... Et vous disent : "voilà, circulez, y a rien à voir". Mais vous, enfin il me semble, nous, NOTRE INTÉRÊT C'EST D'AVOIR DU DISCERNEMENT : quand quelque chose est mal d'un côté, il n'est PAS FORCÉMENT TOUT mal. Je suis désolé, la politique... la politique PARTISANE qui consiste à dire : "moi, j'ai une ligne politique, et tout ce qui n'est pas strictement conforme à ma ligne politique, ce sont des ennemis", pour moi, [cette façon de voir les choses est] UNE PRISON DE LA PENSÉE. Je ne suis pas comme ça. C'est-à-dire que chaque individu ou chaque vie politique peut avoir commis des erreurs [éventuellement graves], peut présenter des imperfections. Et puis à côté, [chez le même individu imparfait,] il y a une perle géniale [une idée formidable,] qui va me servir à construire le monde pacifié, la concorde d'aujourd'hui. [Je ne veux pas rater cette idée géniale pour avoir disqualifié en bloc son auteur, et m'être interdit de l'écouter.] Et à Athènes, je vous dis : si vous avez du discernement... [vous allez trouver des idées géniales...] Regardez à Athènes. Est-ce que... est-ce que l'esclavagisme RENDAIT POSSIBLE la démocratie ? Et si vous répondez : "oui, absolument, la démocratie n'était possible que s'il y avait l'esclavagisme", alors là, oui, ok, je dirai : "c'est vrai, donc, c'est un système qui porte en lui quelque chose d'inacceptable et on laisse tomber". Mais est-ce que c'est vrai ? Alors... il y a UN PEU de vrai, mais qui n'est [AUJOURD'HUI] PAS VRAI DU TOUT : "Un peu de vrai", c'est que : "c'est parce qu'il y avait des esclaves qu'ils avaient DU TEMPS pour faire de la politique". C'est [aussi] parce que les femmes s'occupaient de la maison, de la tambouille et de la culture (de l'agriculture)... que les mecs pouvaient aller faire de la politique... C'est vrai, ça c'est vrai. MAIS, aujourd'hui, avec le PÉTROLE, les énergies fossiles, avec les MACHINES, on a des ESCLAVES DE FER qui remplaceraient 1000 fois, 1000 fois plus de travail et de temps libéré que les esclaves de chair de l'époque. C'est-à-dire que, avec de simples machines, on pourrait très bien travailler beaucoup moins et avoir le temps de faire de la politique. Et puis pas que de la politique[, d'ailleurs] : faire aussi de la philosophie, de la musique, des conversations et jouer... Donc, ce que je veux dire, c'est que l'esclavagisme, peut-être qu'à l'époque, ça rendait possible la démocratie, mais aujourd'hui on n'a absolument pas besoin de l'esclavagisme pour que ça marche. On a d'autres moyens qui nous libéreraient du temps, le temps nécessaire pour... Il faudrait surtout qu'on se débarrasse de nos [plus gros] parasites, parce que c'est parce qu'ils nous piquent des milliers de milliards tous les ans, tout le temps, tout le temps, tout le temps, qu'on est obligé de tant travailler... Si les richesses que nous créons par notre activité, par notre industrie, par nos efforts, si nous les répartissions correctement sans se les faire piquer par quelques privilégiés, on aurait beaucoup moins besoin de travailler. Beaucoup, beaucoup moins, genre deux jours par semaine ! Et la retraite à 50 ans, mais oui ! Eh oui, il suffit de se débarrasser de nos parasites. Mais [attention] pas les [petits] parasites... pas les gueux qui volent une mobylette ou qui sont... pas les... Ce n'est pas du parasitisme, c'est rien, ça. Je vous parle de GROS PARASITES. Des parasites qui vous volent des milliers de milliards, les vrais. C'est ceux-là dont il faut s'occuper en priorité. (salle: les obèses financiers) Les obèses financiers, voilà. Donc, sur l'objection "modèle athénien = esclavagiste, phallocrate, xénophobe" prrrt, pour moi, c'est hors sujet, je trouve. [Fin des objections et réfutations.] Si je prends du recul sur tout ça... [Si j'essaie de comprendre d'où viennent les vertus du tirage au sort..] Qu'est-ce qui permet d'être sûr que ça marchera toujours comme ça ? Comment se fait-il qu'un système où l'on désigne au sort nos représentants, ceux qui nous aident à exercer le pouvoir, COMMENT ÇA SE FAIT QUE ÇA DÉSYNCHRONISE LA PUISSANCE POLITIQUE ET LA PUISSANCE ÉCONOMIQUE ? ET COMMENT ÇA SE FAIT QUE ÇA NOUS PROTÈGE MIEUX CONTRE LES ABUS DE POUVOIR ? Et comment se fait-il que l'élection au contraire, rende non seulement possibles, mais impunis tous les abus de pouvoirs, et nous sélectionne quasiment tout le temps les pires ? Eh bien, il me semble (et j'en ai parlé un petit peu, mais c'est le moment d'en reparler parce que je crois que c'est... au moment de finir, au moment de conclure, vraiment, on est sur l'essentiel), il me semble que l'élection repose sur un mythe, [l'élection] repose sur une histoire qu'on nous raconte et qui ne correspond pas du tout à la réalité, qui est contredite même par les faits, c'est-à-dire que tous les faits montrent le contraire : le mythe de l'élection, c'est que... "nous sommes capables de choisir de bons maîtres, et parce que nous les avons choisis, ils vont être bons." Ça, c'est un mythe : ça ne marche pas. L'expérience nous montre que, quand on teste, mais sur 200 ans ! c'est long, quand on teste l'élection dans tous les pays du monde, à toutes les époques, l'élection, ça consiste [toujours] à la mise au pouvoir des plus riches (ou des serviteurs des plus riches). (salle: ça sert à ça) Alors, je ne sais pas si "ça sert à ça", parce que je ne suis pas sûr qu'au début, Sieyes et Madison aient VOULU le gouvernement des riches, ils ont peut-être voulu le gouvernement des bons, des "aristos", des vrais "aristos", mais... je ne leur fais pas le procès d'intention d'avoir comploté, d'avoir su à l'avance ; peu importe d'ailleurs... Le résultat... LE FAIT EST QUE... L'ÉLECTION PERMET AUX RICHES D'ACHETER LE POUVOIR (comme on achète une voiture). Je ne parle pas [de n'importe quel] riche... nous sommes [tous] riches par rapport à des gens qui sont plus pauvres que nous : je vous parle des ULTRA-riches, je vous parle de l'hyper-classe, des gens extrêmement riches, des gens... Est-ce que vous êtes CAPABLES DE CORROMPRE quelqu'un, [vous] ? Et bien non, et pourtant vous êtes riches par rapport à certains pauvres... Non, non, on peut jouer sur les mots, là : je vous parle des riches capables de corrompre quelqu'un. Alors, pour être capable de corrompre quelqu'un, il faut avoir BEAUCOUP d'argent. Et manifestement, de fait, l'élection, par le jeu de la campagne électorale, et par l'acquisition des médias, la possibilité qu'on leur laisse d'acheter les médias, donc de fabriquer l'opinion, d'influencer l'opinion au point quasiment de la fabriquer... (je dois avoir 20 ou 30 livres sur les manipulations par les médias : les techniques de manipulations, c'est incroyable, ça devient une science exacte, ce truc là), et donc l'élection permet aux riches d'acheter le pouvoir. L'élection permet aux riches ÉCONOMIQUES d'acheter le pouvoir POLITIQUE [de concentrer/accaparer les deux types de pouvoir]. Et c'est l'élection qui rend [possible] la synchronisation entre les deux. C'est l'élection qui fait qu'on est impuissants politiquement. C'est l'élection de l'Assemblée constituante qui fait que des gens écrivent des règles pour eux-mêmes, des règles qui font que tout pourra se jouer en dehors de nous, après. L'escroquerie politique, c'est de nous faire croire que le régime actuel, c'est la démocratie. C'est quand même... Vous vous rendez compte ? Bon, ça fait une heure que j'en parle, mais vous vous rendez compte maintenant de l'énormité [de la différence] qu'il y a entre le nom qu'on donne à notre régime aujourd'hui et ce qu'il est vraiment ? Est-ce que vous comprenez que c'est ça le piège, c'est ça : on n'arrive pas à fabriquer l'alternative parce que on a... si vous voulez... vous savez, il y a une image que j'aime bien, je n'en parle pas là [dans le document écrit correspondant en gros à la conférence], mais ça me vient là, maintenant, c'est... les chefs indiens : les Indiens d'Amérique étaient des sociétés avec DES CHEFS, MAIS SANS POUVOIR. C'est marrant comme tout, c'est Pierre Clastres qui explique ça. Il a vécu avec eux et c'est vraiment des travaux d'anthropologue tout à fait [intéressants] parce que... ... ils savaient, les Indiens savaient qu'ils avaient à craindre du chef, un peu comme les Athéniens savaient, ils ne voulaient pas que... [des chefs deviennent des tyrans] et donc, eux, les Indiens, ils se sont débrouillés autrement avec les chefs : ils ont fait un grand fauteuil de chef, ils ont pris un bonhomme, ils l'ont désigné, il ne pouvait pas refuser et s'il refusait, il se faisait zigouiller, donc il acceptait... Et on le met à LA PLACE du chef [sur le grand fauteuil]. MAIS ce chef, il n'a PAS DE POUVOIR. Il a juste le pouvoir de PARLER. Et il parlait, il parlait tout le temps et, pendant qu'il parlait, on passait devant [lui], l'air de ne pas l'écouter[, ostensiblement peu respectueux]. On le méprisait, on le négligeait. Il parlait et on passait sans l'écouter. Et son boulot à lui [(le chef indien)], c'était de tenir la place au chaud de chef pour qu'il n'y ait pas un gars qui devienne notre chef sans [notre accord]. C'est marrant, ça. C'est-à-dire, ils savaient qu'ils ne voulaient pas... ils savaient que les gens ont tendance à... il y en a qui ont tendance à devenir des chefs, des leaders... Pour se prémunir contre ces gens-là, il y avait une place de chef, elle était occupée par un mec qu'on mettait [là], [mais] on ne lui [donnait] pas de pouvoir, il fallait [même] que lui nous fasse des cadeaux !... Je vous jure que c'est vrai : il fallait que le chef fasse des cadeaux à son peuple, et quand les gens n'étaient pas contents, ils lui en faisaient voir, il risquait pour sa peau. Comme ils se méfiaient des chefs !... et ce qu'ils avaient trouvé, [eux,] pour ne pas être emboucanés par [les "voleurs de pouvoir"], c'est marrant... Eh bien, on dirait qu'on est victime un peu de ça, avec des gens [qui aspirent au pouvoir, des gens qui veulent un jour occuper la place de chef, des gens] qui... qui ont fait un système qui n'est pas la démocratie, [des gens] qui ont tout à craindre de la démocratie, (ils ont tout à craindre de la démocratie, les oligarques : si la démocratie voit le jour, c'est fini pour eux, ils n'ont plus le pouvoir, ils ne peuvent plus abuser)... Alors, qu'est-ce qu'ils font ? Leur système détestable, injuste, ils l'appellent comment ? Et bien, c'est le même truc que les Indiens, mais à l'envers : C'est-à-dire qu'ILS NOUS TIENNENT À L'ÉCART AVEC CE MOT-LÀ, quand ils appellent "démocratie" le système qui est son strict contraire... Comment on fait, [nous,] pour résister ? On s'est fait prendre un mot-clef, là. Je reviens à [Franck] Lepage dont je vous parlais tout à l'heure : Franck Lepage et les gens du "Pavé", ont un travail sur les mots qui est absolument génial. On retrouve la novlangue... vous connaissez Orwell et le travail qu'il a fait sur la novlangue, c'est-à-dire sur un État totalitaire qui nous domine par les mots, en nous retirant [de notre vocabulaire] les mots capables de désigner l'ennemi... en nous retirant ces mots-là, en les criminalisant, en les ridiculisant, en les remplaçant par d'autres, inoffensifs, on se met à l'abri des coups (quand on est oligarque). Et ce que fait Orwell, c'est de mettre à jour cette novlangue. Et ce que Franck Lepage et sa joyeuse bande... C'est vraiment une bande de gens formidables, ("Le Pavé", ça s'appelle : sur Google, vous tapez "Le Pavé" et vous arrivez sur un site avec des vidéos et des ressources qui n'arrêtent pas de croître, il faut... Allez voir les vidéos de Franck Lepage et puis de sa bande, ça vaut quelque chose.) Une [autre] objection qu'on va nous renvoyer souvent : • L'objection est : "Est-ce que ce système va marcher avec des médias qui appartiennent aux oligarques ?" [Effectivement,] vous savez que les 3/4 de la presse [française] appartiennent à deux marchands de canons et un marchand de béton. Pourquoi Rothschild achète "Libération" ? Ce n'est pas pour gagner de l'argent, il en perd. Pourquoi une autre banque achète "Le Monde" ? Pourquoi une autre banque encore achète "Le Nouvel Obs" et les "Inrockuptibles" ? Pourquoi les banques achètent[-elles] les journaux ? Pourquoi les marchands de canons achètent[-ils] les magazines et les télés ? Pourquoi les industriels achètent[-ils] des télés ? Ce n'est pas pour gagner de l'argent, ce n'est pas vrai : ne croyez pas ça, ce n'est pas vrai. C'EST POUR MANIPULER. C'est pour manipuler, parce que dans un système d'élection, comme vous choisissez les candidats, c'est très important de MAÎTRISER L'ACCÈS À LA CANDIDATURE VISIBLE, qui est la seule qui va pouvoir être élue. Mais la réponse que je ferais à cette objection c'est que... je vous rappelle que moi, mon cap, c'est... puisque la source, la cause des causes [de notre impuissance poitique], c'est que ceux qui écrivent [actuellement] la constitution ne devraient pas l'écrire parce qu'ils ont un intérêt personnel qui est contraire au nôtre, (contraire à l'intérêt du plus grand nombre), et puisque, donc, la solution, c'est de tirer au sort une Assemblée Constituante qui va être désintéressée parce qu'elle sera non seulement tirée au sort, mais en plus, elle sera inéligible aux institutions qu'elle écrit... moi, il me semble que cette Assemblée Constituante tirée au sort, elle va faire son compte à la situation médiatique : elle va prévoir dans les institutions que, non seulement, comme le prévoyait Montesquieu, il va y avoir un pouvoir législatif... il va [aussi] y avoir un pouvoir exécutif (et on ne dira [surtout] PAS "gouvernement", parce que le mot "gouvernement" [est un piège]... l'exécutif, il va obéir aux ordres de l'Assemblée, il va être servile. Quand on dit "gouvernement", on se fait déjà enfumer avec les mots, parce que "gouvernement"... déjà, il y a tout dans "gouvernement" : il y a "je décide et j'applique, et je juge même !". Donc, il ne faut pas accepter le mot "gouvernement".) Une bonne Constitution, elle ne met pas en place un gouvernement, elle met en place un EXÉCUTIF. Montesquieu, c'est [la] séparation des pouvoirs : "Toi, tu écris les lois (tu es Parlement), mais tu ne les exécutes pas. Toi, tu es Exécutif, tu exécutes les lois, tu as la force armée, mais tu n'écris pas les lois. Et puis toi, tu es Juge, donc tu les regardes ; s'ils déconnent, tu les punis, et puis tu t'occupes des litiges entre citoyens." Et la TRIANGULATION de ces pouvoirs bien séparés [(agissant comme autant de contre-pouvoirs)] fait qu'il n'y en a aucun qui est capable de devenir tyrannique. Vachement malin, cette idée... [À ceci près qu']il n'avait pas prévu (parce qu'il ne la connaissait pas, il n'avait pas la télé...) Comme il n'y avait pas la télé, Montesquieu a oublié de prévoir les MÉDIAS. Mais nous, on n'est pas obligé d'être... de se limiter à ce qu'avait pensé Montesquieu, et on a toujours intérêt [à continuer à réfléchir]... On sait bien, nous, que les médias sont un pouvoir plus important encore que le Parlement, et donc, on va mettre les médias sous contrôle, et [même] sous contrôle démocratique, avec des jurés citoyens tirés au sort qui vérifient que tout se passe bien, et on va vérifier... et on va évidemment interdire à toute entreprise d'être en même temps entreprise et... propriétaire d'un média, eh bien évidemment, évidemment, évidemment. Et du même coup... mais ce que je voulais [dire, pour répondre à l'objection des médias vendus aux riches, c'est que la démocratie est un tout, un ensemble d'institutions, et que les médias feront bien sûr AUSSI l'objet d'institutions de contrôle]... [...] [Mais,] ils ne vous laisseront jamais faire un bout de ça ; même un bout, ils ne vous laisseront pas faire... Ce que je voulais dire, c'est que ce projet-là, un projet de vraie démocratie, jamais ils ne nous laisseront faire : ça ne se fera pas en étant gentils. Je veux dire... on ne va pas... leur demander la permission et ils vont dire "oui"... Ce n'est pas comme ça que ça va se passer. Et donc, quand vous allez changer les choses, eh bien vous changerez en même temps les [institutions sur les] médias... Et à mon avis, il n'y a pas que ça : il va falloir penser à LA MONNAIE. C'est-à-dire qu'il va falloir penser [la création monétaire], dans les institutions... (Montesquieu, il n'en a pas parlé, [de la monnaie], il a raté un truc parce que c'était en train [de se mettre en place] ; Montesquieu, c'était 18ème [siècle], [et au] 18ème, on ne voyait pas encore le projet [des banquiers privés pour prendre le contrôle de la puissance publique]. On ne voyait pas encore se former le problème du pouvoir bancaire. Ça commençait pourtant, déjà, mais ça ne se voyait pas ; donc, ce n'était pas dans l'air du temps d'en discuter. Mais aujourd'hui, quand même !!! Aujourd'hui, dans les institutions, si on ne prévoit pas le problème, la solution, la protection, le contrôle des autorités monétaires, si on ne prévoit pas ça, on est plus con que la moyenne, je veux dire : il faut quand même y penser ! Évidemment, si on écrit de nouvelles institutions, l'Assemblée Constituante, il va falloir qu'elle réfléchisse à la monnaie. Une phrase pour finir. Autant... autant je comprends... qu'un industriel, qu'un banquier, qu'un oligarque défende l'élection mordicus... Je comprends : c'est un moyen qui lui permet d'acheter le pouvoir, c'est LOGIQUE. Je ne lui en veux même pas : il est dans son rôle, c'est NORMAL. MAIS QUE DES MILITANTS (de gauche ou de droite) qui sont humanistes, qui cherchent une société [juste]... (parce qu'il y en a plein "à droite", des gens qui cherchent une société apaisée ; bon, c'est une société un peu plus violente, quand même qu'une société "de gauche", mais les gens de gauche ne se rendent pas compte qu'ils nourrissent aussi une certaine violence, donc je... je ne les départage pas, ça m'est égal), mais que les gens qui sont humanistes de tous ces bords, qui cherchent à [mettre en place] une société pacifiée... avec le moins d'injustices possible... (c'est-à-dire des inégalités, mais qui correspondent aux efforts de chacun, c'est-à-dire qu'il peut y avoir des inégalités, mais en proportion des efforts : celui qui a fait beaucoup d'efforts est mieux traité que celui qui n'en fait aucun, bon) mais que tous ces gens [militants de tous bords] qui cherchent une société pacifiée, juste, DÉFENDENT L'ÉLECTION malgré [l'échec permanent, malgré tous les rêves toujours brisés]... et [REFUSENT] LE TIRAGE AU SORT... [ça me dépasse.] Quand j'en parle à mes copains, [du] tirage au sort, ils disent "non, non mais"... PARCE QU'ILS SONT DANS DES PARTIS, ILS N'ARRIVENT PAS À L'IMAGINER. Et ils disent... ils cherchent toujours à louvoyer. Que ces gens (tous), à la fois... continuent à vénérer comme une vache sacrée l'élection, le [prétendu] suffrage universel, et continuent à détester ou vouer aux gémonies le tirage au sort... alors qu'il y a 400 ans, (200 ans de tirage au sort + 200 ans d'élection), 400 ans de faits contraires qui montrent qu'ils ont tort ! C'est du déni de réalité. Le patron de supermarché, je le comprends ; Le militant humaniste, je ne le comprends pas. Ça me paraît incompréhensible. [Pour en savoir plus, voyez : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/tirageausort.php ]