J'ai peur d'oublier de vous le dire, alors je vais vous le dire maintenant ; même si c'est pas tout à fait le moment, ça fait rien. Je pense que... Bon, moi ça fait pas longtemps que je suis en politique, ça fait cinq-six ans, donc je suis un bizuth là, je suis un bleu... Et je vois tous les copains que je me fais en politique, là, tous les gens que je rencontre, à gauche, au centre, à droite, enfin soi-disant à droite, peu importe. Tous ces gens-là, ils se bagarrent pour le bien commun. C'est des gens bien tous ces gens-là, qui cherchent le... l'intérêt général, à satisfaire mieux l'intérêt général. Ils se battent tous contre les injustices sociales. Tous ces gens que je connais, de tous les bords là... Simplement, y en a qui se battent sur le zéro nucléaire. Pour eux le plus important, c'est urgent, on va mourir !, il faut se battre contre... Donc c'est ça le plus important pour eux. Et pour eux, le gars qui se bat sur la corruption, enfin contre la corruption des élus, mais qui apprend des pro-nucléaires, c'est le diable... C'est idiot parce que même si on arrive à... En même temps y en a d'autres qui se battent sur la destruction des écoles dans... C'est affreux, on nous détruit les écoles, on détruit les postes, on nous détruit les hôpitaux partout dans le pays, les campagnes se désertifient, on traite mal nos agriculteurs... Les campagnes se désertifient littéralement, et ils se battent là-dessus. OK, super ! Y en a d'autres qui se battent sur le... ... sur la monnaie, sur la création monétaire et qui considèrent, ils ont raison, que c'est super important la création monétaire. C'est-à-dire que on a abandonné la création monétaire, on s'appauvrit, tout devient difficile parce que, parce que nous sommes pauvres... On a mis en place une rareté qui nous étrangle. Ils se battent là-dessus. Ils considèrent que c'est essentiel. Ce que je voudrais vous dire, c'est que quand j'observe tout ça et que je... je participe à ces débats, je les partage ; c'est pas du tout contradictoire ce que je vais dire, c'est complémentaire. Il me semble que toutes ces luttes sociales que j'observe, elles consistent à se battre sur les branches, sur les conséquences... La catastrophe écologique, ce n'est pas une cause - vous savez, « cherchez la cause des causes » - ; la catastrophe écologique, elle est rendue possible par notre impuissance politique. Je suis sûr que si vous interrogez les gens autour de vous, même les gens qui ne sont pas politisés, ils vont vous dire : « Il faudrait régler ce problème. Nous devrions résister, nous sommes tous prêts à résister, mais nous n'avons aucun moyen de résister, nous sommes impuissants politiquement. » Et vous allez voir que cette impuissance politique, donc c'est une cause, déjà ça me paraît plus malin de se battre sur cette impuissance que sur la catastrophe écologique, la corruption des élus, l'injustice dans le droit du travail, dans l'entreprise, cet extravagant droit seigneurial du propriétaire sur les gens qui travaillent, c'est une façon de se battre, ça ; enfin, c'est une raison de se battre, mais c'est une conséquence, c'est pas la cause... Le travail sur l'eau, l'appropriation de l'eau par des multinationales, c'est extravagant, il faut se battre là-dessus... Mais ça c'est des conséquences encore. Et tout ça, il me semble que la cause... Et après ça faudra remonter parce que la cause elle-même a encore une cause et qu'il y a encore une cause. Il faut remonter à la cause des causes... Si nous arrivions à remonter, si nous arrivions à retrouver une cause déjà commune, et ensuite à remonter de cette cause à la cause qui la rend possible, et la cause qui... et si on arrive à trouver quelque chose qui est centrale dans toutes les injustices sociales, et qui est déterminant, qui détermine. C'est-à-dire que si ça existe, les injustices sociales sont possibles, et si ça n'existe plus, elles ne seront plus possibles ou elles seront très limitées, et on a trouvé quelque chose de très important parce que, à la fois, on trouve le moyen de vraiment régler le problème ; parce que quand vous n'êtes pas sur l'écologie, vous êtes sur notre impuissance politique, mais vous avez fait le lien. Si... Si vous vous battez moins sur l'écologie directement mais plus sur notre impuissance politique... Vous continuez à vous battre sur l'écologie, d'ailleurs, c'est pas incompatible ; on peut se battre sur les deux. Mais si maintenant vous vous battez sur l'impuissance politique, parce que vous avez fait le lien, vous vous êtes aperçus que si les multinationales arrivent à se goinfrer tant que ça alors qu'on les voit... On proteste, mais on ne peut que protester, on n'a pas de pouvoir politique. Si vous faites le lien avec ça et que vous dites : « OK. Je cherche la cause des causes, et je m'en prends à cette cause. » Vous allez vous apercevoir que l'autre qui a fait le même travail intellectuel... Lui, il travaillait comme... ... les Pinçon-Charlot, il travaillait sur la... la corruption que... sur le mode de vie des riches et sur la façon dont les riches arrivent à circonvenir les pouvoirs politiques pour... ... finalement faire voter des lois qui leur sont favorables. Donc tout ce travail de corruption d'une partie des résistants... si eux, en plus de ce travail-là, mais c'est très important pour comprendre quelles sont les conséquences, mais si en plus ils se mettent à se battre eux aussi sur l'impuissance politique. Et puis vous avez encore les réseaux nucléaires, etc. Vous avez tous les résistants, là, qui se disent : « Mais finalement, si nous avions une puissance politique, nous pourrions enfin résister. » Alors que toute leur vie... Moi je vois ces vieux, ces vieux résistants... Ils sont bien plus valeureux que moi. Ils ont passé toute leur vie à résister pendant que moi je m'occupais de mes affaires. Et ils allaient sur les marchés, ils balançaient des tracts ; des tracts, ils avaient autre chose à faire le mercredi que d'aller sur le marché, mais tous les mercredis ils y vont, distribuer des tracts, ils organisent des réunions. Ils se bagarrent et ils sentent bien qu'on n'y arrive pas comme ça. Ils sentent bien que même les scores de nos élus, qu'on voudrait voir gagner, ils diminuent. Alors quand ils m'entendent, quand je leur dis : « Mais attends, y a un truc qu'on peut faire mieux là ! » Si au lieu de se battre et de se diviser, parce qu'il y a tellement de branches d'injustices sociales qui viennent de notre impuissance politique, il y a tellement de conséquences différentes. Chacun d'entre nous qui mettons de l'énergie... On n'est pas nombreux, hein ; les gens qui font de la politique, c'est quoi ?, c'est 1 % dans la population ; 2-3 %, c'est pas beaucoup. Mais si en plus on est divisés, parce que chacun on a pris des conséquences qui nous paraissent graves. Et ce qu'il trouve grave lui, bah c'est pas la même chose que ce que lui trouve grave. Non seulement on s'en prend aux conséquences, c'est-à-dire que si on arrive à régler le problème, on n'aura pas réglé les autres problèmes, on aura... Et en plus ça va repousser parce que la racine est toujours là. Vous coupez la branche mais ça va continuer à pousser. Donc, si vous prenez le problème à la racine, si nous étions radicaux, en prenant le truc à la racine, au lieu de couper les branches, on s'occupe de la racine, et... On fait d'une pierre deux coups : on a trouvé la cause des causes et on va être débarrassés de tous les problèmes ! Et on fait même trois coups parce qu'en fait, comme on a tous fait ce travail intellectuel en se disant mais... Prenons les choses logiquement, on va s'en prendre à la racine comme ça on va régler tous les problèmes d'un coup, et on va s'occuper de notre impuissance politique. Où est programmée notre impuissance politique ? J'y reviendrai tout à l'heure, mais vous me voyez venir parce qu'on en a parlé un petit peu... Si, en plus, troisième chose, nous nous serions unis ! Non mais il y a un enjeu énorme là-dessus ! C'est une super bonne idée, ça je crois, de prendre le problème par... Alors je sais bien... on pourrait me dire... Chouard t'es gentil, mais c'est ta lubie à toi ! Voilà ! Lui sa lubie c'est le nucléaire, lui sa lubie c'est la corruption d'entreprise, et toi ta lubie, c'est la Constitution. Ouais, ben ok, peut-être, c'est vrai. C'est vrai peut être que c'est... Mais il me semble que dans la logique... Moi je partage complètement la lubie, c'est-à-dire la priorité de chacun ; je trouve qu'elles sont belles ces priorités, hein. Le gars qui se bagarre sur la monnaie là, il fait un boulot, il défriche, il nous permet de comprendre qu'est-ce qu'on va mettre à la place quand on va reprendre le contrôle de la création monétaire, c'est vachement utile ce qu'il fait, hein ? Et d'ailleurs André-Jacques, on en parle tout le temps, il est d'accord avec moi. Donc il a intégré ma pièce de puzzle comme moi j'ai intégré la sienne, et on est plus forts. D'ailleurs, il s'est pas appauvri en me donnant son idée, et je me suis pas appauvri... Ce qui est génial avec les idées, c'est que quand on se les donne, on s'appauvrit pas, on s'enrichit mutuellement. Mais ce que je veux dire, c'est que... En nous concentrant sur la cause des causes, en appliquant le conseil d'Hippocrate, et en cherchant la cause des causes, tous, chacun avec nos priorités actuelles, en intégrant le fait que, mais finalement c'est vrai quand même que ce qui fait que nous n'arrivons pas à nous débarrasser des injustices sociales, c'est que nous tous... tous, à part les élus, et ceux qui achètent les élus, tous nous sommes impuissants politiquement. C'est quand même décisif pour rendre possibles les injustices sociales... et les laisser perdurer, perdurer, perdurer. Mais c'est pas parce que ça a été comme ça pendant 200 ans et même 2500 ans, c'est pas parce que ça a été comme ça pendant des milliers d'années que ça le sera toujours ! C'est une question de conscience. Moi j'ai l'impression qu'on est dans la préhistoire de la politique, qu'on est comme des enfants. Bon, des enfants, on est insouciants, on n'a pas encore bien réfléchi, mais c'est pas pour ça qu'on va pas trouver ! À mon avis, avec l'expérience accumulée, avec un Guillemin qui t'explique... Tu remets les choses à l'endroit, et si ça se trouve, grâce à des outils qui étaient pas disponibles autrefois, parce qu'ils n'avaient pas la télé, ils n'avaient pas Internet, ils avaient pas... Internet c'est super important ! Internet... Bon c'est un... une technique, c'est un tas de ferraille, mais c'est un tas de ferraille qui nous donne quelque chose qu'on n'avait jamais eue dans toute l'histoire des hommes. Vous vous souvenez... dans toute l'évolution des humains... l'invention de la presse, l'invention de l'imprimerie, ça a permis aux peuples, au pluriel, de lire, donc de découvrir un savoir... donc de progresser, de faire des pas de géant dans l'apprentissage. On apprend plus vite grâce à l'imprimerie, parce que nous avons le pouvoir de lire, mais nous ne pouvions lire que ce que d'autres avaient écrit. Et d'autres c'était... une élite... une élite au sens, avec ou sans guillemets, ça pouvait être une vraie élite, des gens bien. Mais nous n'avions que le droit de lire. Parce que pour écrire il fallait un ticket d'entrée qui était pas pour nous ; pour nous la multitude. Avec Internet... C'est probablement aussi important que l'imprimerie. En tout cas l'idée me... je trouve que c'est plausible. On sait pas encore parce qu'ils vont peut-être le couper, hein, mais avec l'Internet, on a le peuple, les gens normaux, les 99 % avec Internet accèdent au droit d'écrire. Et donc de court-circuiter des élites éventuellement... ... éventuellement oligarchiques. C'est-à-dire ayant capturé le pouvoir et l'exerçant pour leur compte, et pour leur intérêt et contre l'intérêt général. Et donc l'Internet, dans cette optique-là, c'est un outil extraordinaire pour nous former, d'auto-formation, de formation populaire ! En court-circuitant nos élites. En générant nous-mêmes l'expert de ceci, l'expert de cela et en s'apprenant... C'est incroyable le nombre de trucs que m'a appris André- Jacques, le travail d'André-Jacques Holbecq... Je vais vous montrer son bouquin ; il a écrit plusieurs bouquins... Ce très bon petit bouquin, une très bonne préface, vous verrez... Il m'a demandé de faire la préface, c'est super, j'étais très fier. C'est un super bon bouquin, un bouquin qui fait... C'est un petit bouquin - donc c'est facile à lire - sur la dette. Et donc André-Jacques, le travail qu'il a fait sur la monnaie m'a fait énormément progresser, et sans... sans l'Internet, je ne l'aurais pas connu. Alors, dans mes parenthèses, j'en suis où ? J'en étais à... Alors j'étais parti sur Hippocrate... Je vais reprendre, je me suis fait un petit fil quand même, hein. Bon c'est pas un gros fil, hein... Il faudrait qu'on parle... Alors, on va commencer à remettre un petit peu à l'endroit le mot « démocratie ». On va peut-être le mettre très correctement à l'endroit. Je vais d'abord dézinguer... l'élection, avant de décrire la démocratie athénienne. Je vais essayer de faire vite sur la démocratie athénienne, parce que, en fait, je peux tenir une heure, ou deux sur la démocratie athénienne, mais faudrait pas. Ce qu'il faudrait, comme je disais, c'est que vous puissiez me dire ce qui vous fait peur là-dedans. Donc... et que je puisse vous rassurer. Mais sur l'élection... Pourquoi, comment se fait-il... Ah oui, je sais, j'ai retrouvé le fil... Comment se fait-il que dans toutes les Constitutions du monde on organise l'impuissance des gens ? C'est que, c'est pas, c'est pas un complot. On organise l'impuissance des gens dans ces Constitutions, parce que ceux qui ont écrit ces Constitutions - partout dans le monde, à toutes les époques -, ceux qui ont écrit ces Constitutions, c'étaient toujours des professionnels de la politique : des parlementaires, des ministres, des juges, des hommes de partis, c'est-à-dire des hommes qui se projettent dans l'avenir et qui savent qu'ils vont bientôt être dans les pouvoirs qu'ils sont en train d'instituer. Alors ça c'est super important ça ; et là je trouve pas... Je lis beaucoup, hein, de Aristote à Castoriadis, toute la palette, tout ce qui... Je ne lis pas tout le monde, je lis ceux qui parlent des pouvoirs, des abus de pouvoir, de la résistance aux abus de pouvoir... Et dans la littérature que j'ai découverte pour l'instant, je ne trouve pas cette idée centrale. Ça c'est chouardesque. Enfin, en tout cas, en faire quelque chose de centrale, en faire une épine dorsale, quelque chose qui va nous libérer, je trouve que c'est chouardesque... Je cherche de quoi m'étayer, de quoi m'appuyer sur quelqu'un... Y a un grand bonhomme qui l'a dit, ça m'aiderait. Je trouve pas pour ça. Mais pourtant, vous allez voir, j'ai la logique avec moi. Je prétends que toutes les Constitutions du monde programment notre impuissance politique : donc ne programment pas le référendum d'initiative populaire, ne programment pas la séparation des pouvoirs, ne programment pas la reddition des comptes, les mandats courts, non renouvelables, ne programment pas le respect du vote blanc, ne programment pas etc. Donc ça tient sur deux mains, même pas... voyez une main... Y en n'a pas dix des grands principes dont nous avons besoin, donc c'est pas... c'est facile à comprendre ça. On va y revenir quand on parlera de démocratie, mais on ne trouve pas ces grandes protections du pouvoir du peuple, on ne trouve pas l'institution du pouvoir du peuple dans toutes ces Constitutions, parce que ceux qui l'écrivent ont un intérêt personnel à ce que ça ne soit pas écrit. C'est mon explication. Avec un mot, un mot important que je vais ajouter, ces personnes-là sont pas corrompues, c'est pas des affreux, c'est pas des... C'est-peut être des affreux et des corrompus en plus, mais c'est pas... Même des gens bien, même un parlementaire honnête, au moment d'écrire une Constitution, il est dans une situation que nous devons absolument connaître, on doit connaître cette expression, ils sont en situation de conflit d'intérêt. Ça veut pas dire qu'ils sont pourris, pas du tout, je dis pas ça, hein. Conflit d'intérêt, ça veut dire qu'ils ont, dans cette occurence-là, dans cette situation précise là, pas ailleurs, là, dans cette situation, au moment d'écrire une Constitution, ils ont un intérêt personnel qui vient polluer la possibilité de justice, leur recul et leur détachement par rapport à l'intérêt général. Un peu comme... et cette image est importante pour... Quand vous allez devoir, si vous devenez comme je vais vous le demander, si vous devenez des virus pour que cette idée nous la portions. Il faut qu'on la porte, hein, sinon on n'arrivera à rien. Si y a que moi qui dis ça, c'est comme si... on perd son temps... Enfin, c'est intéressant, ça vous amuse, mais c'est... on changera rien. Alors que si on se met à la porter tous, on va changer quelque chose, là. Ça va faire une boule de neige, un truc qui peut vraiment tout changer. Mais il faut que vous deveniez des virus. Enfin des virus, des globules blancs, enfin il y a plusieurs expressions... maudite parenthèse... Qu'est-ce que je disais avant ? - Le conflit d'intérêt. - Le conflit d'intérêt, oui, merci. Le juge... vous allez comprendre... Quand vous allez devoir expliquer ça, vous allez pouvoir vous servir de cette image qui est très parlante : prenez un bon juge, un juge vertueux ; je vous parle pas d'un affreux ou d'un fumiste, je vous parle d'un bon juge. Quelqu'un... vous vous êtes préoccupé de l'avoir rendu indépendant pour être sûr qu'il était pas... qu'il n'avait pas besoin d'argent, qu'il n'allait pas subir des pressions... Vous l'avez rendu indépendant pour qu'il ait toutes les... toutes les conditions possibles pour qu'il soit juste. Et il est effectivement juste. En plus il a, il a de la vergogne, il a un sens du bien commun, il se donne du mal : voilà un bon juge. Ce gars-là, dans le rôle de... dans le planning de son tribunal arrive son propre enfant... qui est dans une affaire. Il est... L'enfant est victime ou l'enfant est accusé. Peu importe. Voilà son enfant qui arrive. Tout le monde sur terre comprend le conflit d'intérêt qu'il y a à ce moment-là. C'est-à-dire que ce juge-là, il est très bon, mais on va, pour cette affaire on va le récuser ; c'est le mot. Récuser. Récuser, ça veut pas dire déshonorer, ça veut pas dire que tu es pourri, que tu es mauvais juge. Ça veut pas dire ça du tout. Ça dit, dans cette affaire-là, tu ne peux pas rendre la justice, tu es juge et partie. Tu es en conflit d'intérêt. Donc, pour cette affaire-là, on va, toi juge, toi bon juge, on va te mettre à l'écart, on va en mettre un autre. On va mettre quelqu'un d'autre, et puis ensuite tu reprendras ton boulot de juge. Vous comprenez ce que je veux dire ? Conflit d'intérêt, ça veut pas dire corruption. Ça veut dire qu'il y a une situation que nous devons, nous, connaître. Nous devons faire très attention. Les anglo-saxons connaissent mieux le concept de conflit d'intérêt que les Français. Nous, on est complètement incultes, on connaît pas ce truc-là ; en tout cas pas bien. Et dans le sujet qui nous occupe ce soir, c'est très très important. Je reprends : au moment d'écrire... Vous avez compris, vous vous souvenez, le peuple, les pouvoirs qui écrivent le droit qui apaise le peuple et auquel le peuple se soumet, pouvoirs qui sont bénéfiques et dangereux... c'est double tranchant... C'est les mêmes gens, hein, ils sont à la fois bénéfiques et dangereux ; et donc on met au-dessus d'eux un texte supérieur qu'ils doivent craindre ; ils doivent avoir peur, peur de la Constitution ! Je risque la punition, je risque d'être déchu, je risque d'être puni par ce qui est prévu dans ce texte. Il faut qu'ils aient peur de la Constitution ! Il faut que ça les affaiblisse, hein, ce texte-là. Est-ce que vous comprenez que ces gens-là, même s'ils sont vertueux, même s'ils sont délicieux, gentils, c'est des braves gens, au moment d'écrire ce texte-là, si c'est eux qu'on met pour écrire le texte qu'ils doivent craindre... Vous comprenez la situation de conflit d'intérêt ? Et ça je suis le seul à le défendre. C'est quand même étonnant ça, non ? Il me semble qu'on devrait être plus nombreux. J'aimerais bien que rapidement je ne sois plus tout seul et qu'on soit nombreux à dire : y a un truc. La prochaine fois qu'on fait ce qu'ils ont fait en Tunisie, quoi... Ils l'ont pas fait en Tunisie, ils n'ont pas réfléchi avant et ils ont élu leur Assemblée constituante. Ils l'ont élue parmi des candidats imposés par les partis. Imposés par qui ? Par les partis. C'est les mêmes ! C'est-à-dire que vous allez avoir... Imaginez : vous avez une Assemblée constituante aujourd'hui. Qui vous allez avoir parmi les candidats ? Qui vous allez avoir ? Vous allez avoir le PS qui présente des candidats, l'UMP qui présente des candidats avec tout le battage de la presse, de Dassault, de Lagardère ; vous allez avoir... ... de Bouygues ou de Bolloré, vous allez avoir les télés, vous allez avoir les copains de ces gens-là qui font un battage du diable : ils vont être élus ! Donc vous allez avoir des professionnels de la politique qui vont écrire la Constitution qu'ils devraient craindre. C'est comme ça partout dans le monde. - Et en Islande ? - Alors en Islande aussi. Un peu moins. En Islande, il y a eu le tirage au sort de deux chambres avant, mais des chambres... Alors ce sont des politiciens qui ont mis en place le régime, enfin, la procédure qui a eu lieu en Islande. Ça a commencé par deux chambres tirées au sort. Une première tirée au sort pour dire : qu'est-ce qu'on veut ? Et ils ont dit : on va faire une autre chambre tirée au sort qui dira exactement ce qu'il y a dans la Constitution, puis après ça il y aura une autre chambre qui sera élue et qui écrira la Constitution. Et c'est ça qui s'est passé. Donc il y a eu une deuxième chambre tirée au sort qui a dit : « On aimerait bien qu'il y ait ceci et cela dans la Constitution. » C'est déjà pas mal ça, hein ? C'est déjà pas mal, mais c'est pas la panacée, c'est pas ce dont je vais vous parler tout à l'heure ; on pourrait rêver mieux quand même. Si nous imposions un processus constituant correct, ce serait mieux encore qu'en Islande, je pense. Parce que, en fait, après ça ils ont élu l'Assemblée constituante. Alors c'est une élection libre, c'est mieux encore que les élections auxquelles on a l'habitude, parce que nous on est habitués à des élections dans lesquelles on nous impose... ... on nous impose le... les candidats, et donc on nous fourgue, passez-moi l'expression, excusez-moi, on nous impose des gens qui ont un intérêt contraire... enfin, qui sont juges et parties, quoi, hein, qui sont... Quand il s'agit d'élire des députés constituants, si ce sont les partis qui nous imposent des candidats, on va nous imposer... 100 % de l'Assemblée constiutante ça va être des gens qui sont en conflit d'intérêt. Alors, en Islande, c'est pas exactement ce qui s'est passé, parce que c'était une élection libre. Donc il y avait un routier qui s'est présenté, donc tout le monde pouvait se présenter. Mais comme c'était une élection, ce sont plutôt des notables qui ont été élus, et les notables, c'est pas, c'est pas les... c'est pas des révolutionnaires, quoi, ils vont pas tout changer. Donc ils vont probablement... Enfin on verra, ils vont peut-être me donner tort... Bon c'est intéressant ce qui se passe, hein ; la Constituante en Islande, elle est en train d'interagir avec le peuple via les réseaux locaux, donc les gens... Ils sont pas très nombreux, ils sont 370 000 en Islande, hein, donc ils peuvent le faire, et les gens écrivent aux constituants en leur disant : « Pensez à ci, pensez à ça » ; donc c'est très interactif, c'est très intéressant ce qui se passe.