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Désolé ma puce, ça n’existe pas pour les filles ! | Mélissa Plaza | TEDxSaintBrieuc

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    Je suis née un certain 28 juillet
    de l'année 1988,
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    et comme pour des milliers d'autres
    petites filles nées ce jour-là,
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    avant ou même après moi,
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    un contrat tacite avait été pré-établi
    entre les différentes parties,
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    à savoir mes parents et la société.
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    Ce contrat comprenait :
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    une chambre ornée de rose,
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    un abonnement aux Polly Pocket, pour
    trois ans, renouvelable et sans condition,
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    une inscription au club
    de gymnastique du coin,
  • 0:43 - 0:47
    ainsi qu'une garde-robe qui ne contenait
    évidement que des robes.
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    Ce contrat te permet à toi,
    jolie petite fille,
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    calme, douce, docile et sensible,
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    de choisir parmi un large panel
    de métiers,
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    tels que secrétaire, infirmière
    ou encore puéricultrice.
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    Oh ne vous inquiétez pas messieurs,
    ça fonctionne exactement pareil pour vous.
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    Chambre bleue,
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    Action Man,
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    inscription au club de rugby,
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    et ingénieur.
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    Allez hop, emballez, c'est pesé.
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    Tout était donc prêt.
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    La petite fille que j'étais n'avait qu'à
    apposer sa signature au bas du contrat,
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    sauf que cette petite case qu'on
    lui avait décernée à la naissance
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    était en fait bien trop étroite
    pour accueillir ses envies et ses rêves.
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    Des rêves à l'époque peu communs
    pour une petite fille, c'est vrai,
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    mais cette gamine a tout simplement
    fait le choix
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    de faire ce qu'il lui plaisait
    dans la vie.
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    Rétrospectivement,
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    je me dis que c'était le choix
    le plus judicieux que je puisse faire
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    parce qu'en fait, on n'est jamais
    aussi heureux et épanoui
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    que lorsque ce contrat est fait
    sur mesure.
  • 2:03 - 2:07
    J'ai donc personnellement élaboré
    un contrat, mon contrat,
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    dont la clause numéro 1 -
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    plutôt la première promesse
    que je m'étais faite à moi-même -
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    était de devenir un jour
    footballeuse professionnelle.
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    Footballeuse professionnelle.
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    Footballeuse professionnelle !
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    (Rires)
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    (Applaudissements)
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    J'entends encore mon père me dire :
  • 2:34 - 2:37
    « Je suis désolée, ma puce,
    mais ça n'existe pas pour les femmes.
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    - Mais pourquoi Papa ?
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    - C'est comme ça. Ça n'existe pas
    pour les femmes.
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    - Mais si Papa, ça doit
    forcément exister !
  • 2:49 - 2:52
    Et puis ça existe même, c'est juste
    que tu connais pas, c'est tout. »
  • 2:53 - 2:56
    Mon père, désolé, avait pourtant raison :
  • 2:56 - 2:57
    en France dans les années 90,
  • 2:57 - 3:00
    les femmes n'étaient pas
    des joueuses professionnelles.
  • 3:00 - 3:03
    Elles avaient même du mal à trouver
    un club avec une section féminine.
  • 3:03 - 3:07
    Il faut dire que de 1941 à 1971,
  • 3:07 - 3:10
    elles n'avaient même pas
    le droit de jouer au football.
  • 3:10 - 3:13
    D'ailleurs, au début du 20e siècle,
  • 3:13 - 3:17
    les médecins déconseillaient aux femmes
    la pratique sportive en général,
  • 3:18 - 3:21
    sous prétexte que ça pourrait endommager
    leur appareil de procréation.
  • 3:23 - 3:27
    Ça par exemple, c'est ce qu'ils
    qualifiaient de « machine à stérilité ».
  • 3:30 - 3:35
    D'autres encore assimilaient la bicyclette
    à une pratique masturbatoire.
  • 3:36 - 3:37
    (Soupir)
  • 3:39 - 3:43
    Et en réalité, le vélo a surtout été
    un outil émancipateur pour la femme.
  • 3:44 - 3:48
    Vestimentairement d'abord,
    avec le raccourcissement des jupes,
  • 3:48 - 3:50
    et l'autorisation de porter le pantalon,
  • 3:50 - 3:54
    et puis moralement, une façon
    de s'éloigner du foyer,
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    une première liberté acquise.
  • 3:58 - 4:02
    Vous connaissez aussi probablement
    Pierre de Coubertin,
  • 4:02 - 4:05
    l'homme qui a restauré
    les Jeux Olympiques,
  • 4:05 - 4:07
    mais savez-vous ce qu'il disait ?
  • 4:08 - 4:09
    Il disait :
  • 4:09 - 4:12
    « Une olympiade femelle serait impratique,
  • 4:13 - 4:15
    inintéressante,
  • 4:15 - 4:17
    inesthétique et incorrecte.
  • 4:18 - 4:20
    Les JO doivent être réservés aux hommes,
  • 4:20 - 4:24
    le rôle des femmes devrait être avant tout
    de couronner les vainqueurs. »
  • 4:26 - 4:27
    (Huées du public)
  • 4:28 - 4:29
    (Elle rit)
  • 4:30 - 4:33
    Ahh, l'esprit olympique !
  • 4:35 - 4:39
    Mais au fait, c'est quoi les principes
    de l'olympisme ?
  • 4:40 - 4:44
    Eh bien, par exemple, l'article 4
    de la charte olympique dit que :
  • 4:44 - 4:46
    « la pratique du sport
    est un droit de l'homme,
  • 4:46 - 4:50
    chaque individu doit avoir
    la possibilité de faire du sport,
  • 4:50 - 4:53
    sans discrimination d'aucune sorte. »
  • 4:53 - 4:57
    « La pratique du sport
    est un droit de l'homme. »
  • 4:57 - 5:00
    Et si on réécrivait cette phrase...
  • 5:01 - 5:03
    avec un grand H ?
  • 5:03 - 5:05
    Vous ne trouvez pas ça mieux ?
  • 5:07 - 5:12
    En 1990, les femmes avaient tout juste
    obtenu le droit de jouer au football,
  • 5:13 - 5:14
    alors de là à en vivre,
  • 5:15 - 5:17
    c'était carrément du grand délire.
  • 5:17 - 5:20
    Toujours est-il que je trouvais ça
    profondément injuste,
  • 5:20 - 5:23
    et que je continuais à crier à qui
    voulait bien l'entendre
  • 5:23 - 5:26
    qu'un jour je serais
    footballeuse professionnelle.
  • 5:26 - 5:27
    Papa,
  • 5:28 - 5:31
    tu verras, un jour je serai
    footballeuse professionnelle.
  • 5:32 - 5:36
    Il faut dire que le football,
    je suis tombée dedans toute petite,
  • 5:36 - 5:40
    c'est une passion viscérale, le genre de
    truc dont on a du mal à se débarrasser.
  • 5:40 - 5:43
    Sur cette photo, c'est l'anniversaire
    de mes quatre ans,
  • 5:43 - 5:44
    et si je fais cette tête,
  • 5:44 - 5:48
    c'est parce que je ne comprends pas
    pourquoi j'ai eu une Barbie
  • 5:49 - 5:51
    alors que je voulais un ballon de foot.
  • 5:52 - 5:54
    Mordue quoi !
  • 5:54 - 5:56
    Les journalistes m'ont souvent demandé :
  • 5:56 - 6:00
    « Mais pourquoi le football ?
    Vous aviez un papa footballeur ?
  • 6:00 - 6:03
    - Non, pas spécialement.
  • 6:03 - 6:05
    - Ah, un grand frère alors ?
  • 6:05 - 6:08
    - Non plus, c'est moi l'aînée
    de la famille.
  • 6:08 - 6:10
    - Bah v'là aut'chose !
  • 6:10 - 6:14
    Vous êtes sûre que vous n'aviez pas
    un cousin ou un oncle qui joue au foot ? »
  • 6:15 - 6:16
    (Elle soupire)
  • 6:17 - 6:20
    Aujourd'hui je n'ai plus du tout envie
    de me justifier parce qu'en fait,
  • 6:20 - 6:23
    le football a toujours eu pour moi
    le goût de l'évidence.
  • 6:23 - 6:25
    D'ailleurs, soit dit en passant,
  • 6:25 - 6:29
    je ne suis pas sûre que ce journaliste
    m'aurait posé la même question
  • 6:29 - 6:32
    si j'avais fait de la danse ou de la gym.
  • 6:32 - 6:35
    Bon, toujours est-il que
    j'avais choisi le foot,
  • 6:35 - 6:37
    que le foot m'avait choisie,
    je ne sais plus trop.
  • 6:37 - 6:42
    Et que j'allais tout faire, tout faire,
    pour atteindre mes rêves.
  • 6:43 - 6:47
    Des rêves de Ligue des champions
    et d'équipe de France,
  • 6:47 - 6:50
    des rêves de coupe aux grandes oreilles
    et de maillot bleu,
  • 6:51 - 6:54
    des rêves de stades qui scandent ton nom
    quand tu viens de planter un but.
  • 6:56 - 6:59
    Bien sûr, ces rêves n'étaient pas
    du goût de tout le monde dans ma famille,
  • 6:59 - 7:03
    ma grand-mère a tenté à maintes reprises
    de me remettre dans le droit chemin,
  • 7:04 - 7:07
    notamment en m'offrant des robes,
    à chaque Noël.
  • 7:07 - 7:09
    Wouhou !
  • 7:09 - 7:13
    Des robes qui ont évidemment toutes fini
    en lambeaux et je n'avais aucune excuse
  • 7:13 - 7:18
    si ce n'est que jouer avec une robe
    au foot, c'est tout à fait inapproprié.
  • 7:18 - 7:20
    Je passais donc tout mon temps libre
    à jouer au foot
  • 7:20 - 7:23
    et puis quand je n'avais pas de copain
    pour jouer avec moi,
  • 7:23 - 7:27
    je chargeais mon pauvre petit frère
    d'une mission absolument ingrate :
  • 7:28 - 7:31
    compter mes jongles
    et établir mes records.
  • 7:31 - 7:33
    Oui j'ai vraiment fait ça.
  • 7:33 - 7:36
    « 512, 513, 514...
  • 7:36 - 7:38
    - Tu rigoles ou quoi,
    je suis au moins à 600,
  • 7:38 - 7:41
    t'as pas appris à compter au CP
    ou quoi ? »
  • 7:43 - 7:45
    Bon je vous rassure,
    il s'est bien vengé plus tard.
  • 7:46 - 7:48
    Et comme tous les enfants,
  • 7:48 - 7:51
    j'ai eu le droit des dizaines de fois
    à cette fameuse question :
  • 7:52 - 7:55
    « Alors, qu'est-ce que tu veux faire
    quand tu seras grande ?
  • 7:57 - 7:58
    - Footballeuse professionnelle. »
  • 7:58 - 8:00
    Les gens étaient d'abord assez perplexes
  • 8:00 - 8:03
    et puis ils se tournaient très vite
    vers mes parents en s'esclaffant :
  • 8:04 - 8:07
    « Ahahah, mais quel garçon manqué ! »
  • 8:09 - 8:10
    « Quoi ?
  • 8:11 - 8:13
    Il me manque quelque chose ? »
  • 8:15 - 8:20
    On aurait malencontreusement interverti
    mon bracelet à la maternité ?
  • 8:20 - 8:22
    Je ne comprends pas.
  • 8:22 - 8:25
    Dites, vous en connaissiez vous
    à l'école des filles
  • 8:25 - 8:28
    qui se faisaient traiter
    de garçons manqués ?
  • 8:28 - 8:30
    Je vous pose vraiment
    la question, allez-y,
  • 8:30 - 8:34
    levez la main ceux qui parmi vous
    ont déjà été témoins d'une telle scène.
  • 8:34 - 8:36
    Ouais, ouais, je vois qu'il y en a
    un paquet.
  • 8:36 - 8:39
    Alors faisons un peu de théorie.
  • 8:39 - 8:43
    Des chercheurs en psychologie font
    la distinction entre le sexe biologique,
  • 8:43 - 8:46
    c'est-à-dire le sexe plus ou moins
    fixé à la naissance,
  • 8:46 - 8:49
    et le genre psychologique des individus,
  • 8:49 - 8:55
    la façon dont une personne se définit
    indépendamment de ce sexe biologique.
  • 8:55 - 8:59
    Par exemple, en termes de traits
    de personnalité ou de comportement.
  • 8:59 - 9:02
    Si on reprend le continuum de la féminité
    et de la masculinité
  • 9:02 - 9:05
    qui était fréquemment employé
    avant les années 70,
  • 9:05 - 9:09
    le garçon manqué serait en fait
    un individu de sexe biologique féminin
  • 9:10 - 9:13
    qui adopterait des comportements
    ou attributs sociaux
  • 9:13 - 9:15
    typiquement liés aux hommes.
  • 9:16 - 9:19
    Par exemple, si vous mesdames,
  • 9:19 - 9:23
    vous aimez parler fort ou regarder des
    matchs de foot en buvant une bonne bière,
  • 9:23 - 9:27
    il y a de fortes chances que
    vous soyez catégorisée à votre insu
  • 9:27 - 9:29
    comme un garçon manqué.
  • 9:30 - 9:35
    Heureusement, les travaux de Sandra Bem
    qui était une psychologue américaine,
  • 9:35 - 9:38
    ont mis sur la table le concept
    d'androgynie,
  • 9:38 - 9:40
    le fait de posséder à la fois
  • 9:40 - 9:43
    des caractéristiques psychologiques
    masculines et féminines.
  • 9:43 - 9:48
    Pour elle, les dimensions
    de masculinité et de féminité
  • 9:48 - 9:51
    était deux dimensions distinctes
    et indépendantes.
  • 9:51 - 9:55
    Ainsi, un individu, quel que soit
    son sexe biologique,
  • 9:55 - 9:58
    peut se positionner fortement
    sur la dimension de féminité
  • 9:59 - 10:00
    ou de masculinité,
  • 10:01 - 10:04
    ou sur les deux dimensions en même temps.
  • 10:04 - 10:08
    Et en fait, on peut se positionner
    à peu près n'importe où sur ce graphique.
  • 10:09 - 10:12
    D'ailleurs, dans un monde utopique,
  • 10:13 - 10:15
    l'idéal d'un point de vue psychologique,
  • 10:15 - 10:19
    serait que rien ne soit considéré
    comme masculin ou comme féminin,
  • 10:19 - 10:23
    et qu'au contraire,
    la diversité soit valorisée.
  • 10:25 - 10:28
    Sauf que les attentes sociales
    vis-à-vis des hommes et des femmes
  • 10:28 - 10:30
    dans notre société sont telles
  • 10:30 - 10:34
    que très peu d'entre nous osons
    exploiter cette possibilité.
  • 10:35 - 10:37
    L'ensemble de ces possibilités.
  • 10:38 - 10:43
    Il est plutôt attendu d'un homme qu'il
    soit compétitif, ambitieux et indépendant,
  • 10:43 - 10:45
    tandis qu'il est plutôt attendu
    d'une femme
  • 10:45 - 10:50
    qu'elle soit bienveillante,
    à l'écoute des autres et compatissante.
  • 10:51 - 10:56
    En fait, chaque individu est restreint
    à jouer sur une seule moitié de terrain,
  • 10:57 - 11:00
    celle correspondant à son sexe biologique.
  • 11:00 - 11:03
    À droite, la moitié de terrain
    réservée aux femmes.
  • 11:04 - 11:07
    À gauche, la moitié de terrain
    réservée aux hommes.
  • 11:08 - 11:12
    Mais qui aurait envie de jouer
    sur une moitié de terrain
  • 11:13 - 11:16
    alors qu'il pourrait en utiliser
    la totalité ?
  • 11:16 - 11:21
    Qui aurait envie de faire le marathon
    à cloche-pied plutôt qu'en courant ?
  • 11:21 - 11:23
    Personne !
  • 11:23 - 11:28
    Et puis, c'est pas seulement
    une restriction psychologique,
  • 11:29 - 11:33
    c'est aussi une restriction
    des libertés individuelles.
  • 11:33 - 11:35
    C'est une abstraction
    des potentiels humains.
  • 11:35 - 11:39
    En fait, on joue sur une moitié de terrain
    dans pas mal de domaines.
  • 11:40 - 11:43
    À l'université, les femmes sont
    très nombreuses en langues,
  • 11:43 - 11:45
    en sciences humaines et sociales,
  • 11:45 - 11:48
    et à l'inverse, les hommes sont
    omniprésents en STAPS,
  • 11:48 - 11:49
    c'est-à-dire faculté de sport,
  • 11:49 - 11:55
    ou en sciences fondamentales : biologie,
    [astronomie], physique, chimie etc., etc.
  • 11:55 - 11:57
    Dans le monde professionnel,
    c'est pareil :
  • 11:57 - 12:00
    si on trouve beaucoup d'hommes ouvriers
    du bâtiment ou encore ingénieurs,
  • 12:00 - 12:04
    très peu sont en revanche secrétaires
    ou encore assistants maternels.
  • 12:05 - 12:08
    Alors bien sûr, la palme revient
    au contexte sportif
  • 12:08 - 12:11
    parce que le cyclisme, le rugby
    ou encore le football
  • 12:11 - 12:13
    sont presque exclusivement
    l'affaires des hommes,
  • 12:13 - 12:16
    alors que la danse, la gymnastique
    ou encore la natation synchronisée
  • 12:17 - 12:20
    sont presque exclusivement
    l'affaire des femmes.
  • 12:21 - 12:23
    L'erreur ici
  • 12:24 - 12:26
    serait de penser que ces différences
  • 12:26 - 12:29
    sont uniquement dues
    à des différences biologiques.
  • 12:30 - 12:31
    Parce qu'en fait,
  • 12:32 - 12:35
    elles sont également
    construites socialement.
  • 12:35 - 12:37
    Et pour preuve, dans le contexte
    sportif justement,
  • 12:37 - 12:43
    cette répartition inégale des effectifs
    est observable avant même l'âge de 12 ans.
  • 12:43 - 12:47
    C'est-à-dire avant même que les processus
    de maturation liés à la puberté
  • 12:47 - 12:49
    ne mènent à de réelles
    différences physiques
  • 12:49 - 12:53
    entre les filles et les garçons.
  • 12:56 - 12:57
    Pour ma part,
  • 12:58 - 13:01
    le football a été une vraie école de vie.
  • 13:01 - 13:04
    Ce sport et les gens
    que j'y ai rencontrés,
  • 13:04 - 13:07
    m'ont appris à être résiliente,
  • 13:07 - 13:10
    Ils m'ont aussi inculqué le goût
    de l'effort et du travail bien fait,
  • 13:10 - 13:13
    sans quoi la réussite n'est pas possible.
  • 13:13 - 13:17
    Je ne saurai vous dire combien
    de tours de terrain j'ai pu faire,
  • 13:17 - 13:18
    des milliers sûrement,
  • 13:18 - 13:22
    tout ça pour avoir le ballon dans
    les pieds une minute par match,
  • 13:22 - 13:25
    90 minutes de jeu et seulement une minute
  • 13:25 - 13:28
    où l'on touche individuellement
    ce foutu ballon.
  • 13:28 - 13:31
    Tant d'efforts pour une
    si maigre récompense.
  • 13:31 - 13:34
    J'ai aussi dû répéter un million de fois
    les mêmes gestes,
  • 13:34 - 13:39
    contrôle, passe, remise de volée,
    de demi-volée, amorti de poitrine.
  • 13:39 - 13:42
    Sans compter tout le travail athlétique.
  • 13:42 - 13:45
    Un travail acharné, qui m'a permis,
    à 20 ans,
  • 13:46 - 13:49
    de signer mon premier contrat en tant que
    joueuse professionnelle de football,
  • 13:49 - 13:53
    et également de décrocher ma première
    sélection en équipe de France.
  • 13:53 - 13:57
    C'était en 2009, et en 2009,
  • 13:57 - 14:02
    ce premier contrat professionnel
    s'élevait à 400 euros net par mois.
  • 14:03 - 14:05
    400 balles.
  • 14:05 - 14:09
    Et c'était un travail à temps plein
    avec 6 à 8 entraînements par semaine,
  • 14:09 - 14:11
    les déplacements, les matchs le week-end,
  • 14:11 - 14:12
    les cours à la fac...
  • 14:12 - 14:14
    Pour d'autres, c'était pire encore,
  • 14:14 - 14:18
    parce les entraînements s'additionnaient
    à une journée de 8 heures de boulot,
  • 14:18 - 14:21
    des repas qui sautent le midi pour caler
    une séance manquante,
  • 14:21 - 14:25
    la course en sortant du travail le soir,
    enfiler son équipement dans la voiture,
  • 14:25 - 14:29
    et je vous épargne les conditions parfois
    déplorables d'entraînement ou de voyage.
  • 14:30 - 14:33
    Malheureusement, cette situation
    est encore le quotidien
  • 14:33 - 14:36
    de nombreuses footballeuses
    professionnelles en France,
  • 14:36 - 14:38
    avec un rapport
    investissement / rémunération
  • 14:38 - 14:40
    complètement déséquilibré.
  • 14:41 - 14:44
    Pour ma part, j'ai eu la
    très grande chance de jouer
  • 14:44 - 14:48
    dans l'un des plus grands clubs d'Europe,
    l'Olympique lyonnais,
  • 14:48 - 14:51
    où les conditions et les structures sont
    réellement dignes d'un club pro,
  • 14:51 - 14:53
    et pour ceux qui ne connaitraient pas,
  • 14:53 - 14:56
    et bien c'est peu l'équivalent
    du Barça chez les garçons.
  • 14:56 - 15:00
    Autant vous dire que c'est un rêve
    de gosse qui s'est réalisé.
  • 15:00 - 15:05
    À 20 ans donc, la première partie
    de mon contrat était remplie.
  • 15:07 - 15:09
    Mais en 2011,
  • 15:10 - 15:12
    alors que ma carrière aurait dû décoller,
  • 15:12 - 15:15
    je me blesse gravement au genou.
  • 15:15 - 15:17
    Une grosse désillusion.
  • 15:18 - 15:19
    Mais pas un coup d'arrêt.
  • 15:19 - 15:21
    J'ai profité de ce répit sportif
  • 15:21 - 15:24
    pour élaborer la deuxième
    clause de mon contrat,
  • 15:24 - 15:29
    cette clause numéro 2, plutôt la seconde
    promesse que je m'étais faite à moi-même,
  • 15:29 - 15:33
    c'était d'obtenir un doctorat en parallèle
    de ma carrière de footballeuse.
  • 15:34 - 15:36
    Le sujet de ma thèse ?
  • 15:37 - 15:40
    Les stéréotypes sexués dans le sport,
    évidemment.
  • 15:41 - 15:44
    Comprendre les mécanismes
    psychologiques et sociaux
  • 15:44 - 15:46
    impliqués dans les inégalités en sport.
  • 15:47 - 15:51
    Mettre enfin des mots et des théories sur
    ce que je vivais en réalité au quotidien.
  • 15:53 - 15:56
    Simone de Beauvoir disait très justement :
  • 15:56 - 15:58
    « On ne naît pas femme, on le devient. »
  • 15:58 - 16:02
    Depuis la naissance, on nous encourage,
    nous, petites filles,
  • 16:02 - 16:03
    mais aussi vous, petits garçons,
  • 16:03 - 16:07
    à adopter des comportements
    appropriés à notre sexe.
  • 16:07 - 16:11
    On nous apprend en fait à devenir de
    vrais hommes et de vraies femmes.
  • 16:12 - 16:16
    Tous les jours, tous les jours,
    nous sommes bombardés de stéréotypes :
  • 16:16 - 16:20
    en allumant la télé, en naviguant
    sur internet, en marchant dans la rue
  • 16:20 - 16:23
    ou encore au détour
    d'une conversation familiale.
  • 16:24 - 16:26
    Et si cette image nous fait sourire,
  • 16:28 - 16:30
    c'est qu'on comprend très bien
    ce qu'elle sous-entend,
  • 16:30 - 16:34
    et que donc nous avons bien appris
    notre leçon.
  • 16:34 - 16:40
    À notre décharge, ces stéréotypes nous
    sont même enseignés à l'école primaire,
  • 16:40 - 16:43
    où l'on est censé apprendre des valeurs
    telles que celles liées à l'égalité.
  • 16:43 - 16:45
    Pas plus tard qu'il y a trois mois,
  • 16:45 - 16:47
    je faisais une intervention
    dans une école primaire
  • 16:47 - 16:50
    pour parler d'égalité avec les enfants,
  • 16:50 - 16:53
    je demande à la maitresse de prendre
    n'importe quel manuel scolaire
  • 16:53 - 16:56
    et de l'ouvrir à n'importe quelle page.
  • 16:56 - 16:59
    Et voici ce sur quoi je suis tombée :
  • 17:01 - 17:02
    « Nulle en calcul. »
  • 17:03 - 17:06
    Ou autrement dit :
    « Toi, petite fille nulle en calcul. »
  • 17:06 - 17:09
    Voilà donc ce qu'on apprend à nos enfants.
  • 17:09 - 17:12
    On leur apprend tant
    et si bien ces clichés
  • 17:12 - 17:13
    que même ceux qui n'y adhèrent pas,
  • 17:13 - 17:16
    même ceux qui ne les croient
    pas vrais pour eux,
  • 17:16 - 17:18
    peuvent en être affectés.
  • 17:18 - 17:22
    C'est ce qu'un psychologue américain,
    Claude Steele, a appelé
  • 17:22 - 17:24
    « la menace du stéréotype ».
  • 17:24 - 17:26
    Pour bien comprendre ce qu'est
    cette « menace du stéréotype »,
  • 17:26 - 17:28
    nous allons prendre un exemple.
  • 17:28 - 17:31
    Tenons-nous en au stéréotype
    qui veut que les femmes
  • 17:31 - 17:33
    ne soient pas douées en mathématiques.
  • 17:34 - 17:38
    Prenons maintenant deux groupes mixtes,
    d'un très bon niveau en mathématiques,
  • 17:38 - 17:43
    à qui on décide de faire passer
    un examen de mathématiques complexe.
  • 17:44 - 17:49
    À un groupe, on dit aux participants que
    le test n'a jamais montré de différences
  • 17:49 - 17:51
    entre les hommes et les femmes.
  • 17:51 - 17:55
    À l'autre groupe, on dit aux participants
    que le test a déjà montré
  • 17:55 - 17:58
    des différences entre les hommes
    et les femmes.
  • 17:58 - 18:02
    Autrement dit dans ce second groupe,
    on active le stéréotype négatif
  • 18:02 - 18:05
    vis-à-vis des femmes en mathématiques.
  • 18:05 - 18:09
    À votre avis, quels seraient
    les résultats ?
  • 18:10 - 18:15
    Eh bien, en fait, cette étude a réellement
    été conduite aux Etats-Unis,
  • 18:15 - 18:18
    et si dans le premier groupe aucune
    différence significative n'est apparue
  • 18:18 - 18:20
    entre les hommes et les femmes,
  • 18:20 - 18:22
    dans le second groupe en revanche,
  • 18:22 - 18:26
    les femmes ont obtenu des performances
    plus faibles que les hommes.
  • 18:27 - 18:31
    En résumé, lorsqu'un stéréotype négatif
    à l'égard d'un groupe social
  • 18:31 - 18:35
    ou d'une personne est activé
    dans une situation d'évaluation,
  • 18:35 - 18:39
    les individus ciblés par le stéréotype
    craignent de confirmer la croyance.
  • 18:40 - 18:44
    Ce qui génère chez eux de l'anxiété
    et les conduit à sous-performer.
  • 18:47 - 18:50
    Ce qu'il faut savoir, c'est que ce type
    d'études a été répliqué
  • 18:50 - 18:52
    dans d'autres domaines,
    sportif ou académique,
  • 18:52 - 18:55
    et que des résultats similaires
    ont été obtenus.
  • 18:56 - 19:00
    Et si je vous parle de tout ça, c'est
    parce qu'on peut aisément comprendre
  • 19:00 - 19:02
    que dans un domaine où on se sent menacé,
  • 19:02 - 19:06
    on renonce plus facilement que
    dans un domaine où on se sent favorisé.
  • 19:07 - 19:11
    Alors si vous vous demandez
    pourquoi en 2016,
  • 19:11 - 19:13
    le nombre de femmes astronautes
    ou encore pilotes de chasse
  • 19:13 - 19:16
    peut se compter sur les doigts d'une main,
  • 19:16 - 19:19
    la réponse se trouve peut-être
    du côté des stéréotypes.
  • 19:21 - 19:23
    Aujourd'hui,
  • 19:26 - 19:29
    je dirais à cette petite fille
    que nos seules limites
  • 19:29 - 19:32
    sont finalement celles que l'on s'impose.
  • 19:32 - 19:37
    Je lui dirais de faire ce qu'il lui plaît
    dans la vie, le plus souvent possible,
  • 19:37 - 19:41
    et je lui dirais surtout de ne jamais
    laisser personne lui dire
  • 19:41 - 19:43
    qu'elle est quelqu'un de manqué.
  • 19:45 - 19:49
    Beaucoup de gens lui disaient que c'était
    impossible, qu'il fallait faire un choix,
  • 19:50 - 19:53
    mais le 16 juin 2016, la petite fille
    devenue grande
  • 19:54 - 19:56
    a obtenu son doctorat
    en psychologie du sport
  • 19:56 - 19:59
    en parallèle de sa carrière
    de footballeuse.
  • 20:00 - 20:02
    Alors, pourquoi pas ?
  • 20:04 - 20:09
    Je voudrais conclure ce TED en vous disant
    que si j'avais écouté tous les gens
  • 20:09 - 20:12
    qui me disaient que c'était impossible,
  • 20:12 - 20:14
    si je m'étais conformée
    à ce que cette société
  • 20:14 - 20:17
    attendait de moi en tant que petite fille,
  • 20:17 - 20:20
    je serais probablement passée à côté
    des meilleurs moments de ma vie.
  • 20:20 - 20:22
    Merci.
  • 20:22 - 20:24
    (Applaudissements)
Title:
Désolé ma puce, ça n’existe pas pour les filles ! | Mélissa Plaza | TEDxSaintBrieuc
Description:

Footballeuse professionnelle, ancienne internationale et docteure en psychologie sociale, Mélissa Plaza développe le sujet des stéréotypes sexués en tant que frein à la liberté individuelle, notamment dans le sport. Elle montre que ces stéréotypes s’ancrent en nous et peuvent nous influencer au quotidien, même de façon non consciente.

Footballeuse professionnelle passée par l'Olympique Lyonnais et l'EA Guingamp, docteure en psychologie sociale, Mélissa Plaza étudie les stéréotypes de genre. Forte d'un parcours de vie qui l'a conduite à dépasser les cadres qui menaçaient de l'enfermer, elle décode le fonctionnement caché des stéréotypes, pour mieux s'en affranchir.

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus: http: //ted. com/tedx

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
20:29

French subtitles

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