-
Les hommes rêvent des femmes.
-
Les femmes rêvent d'elles-mêmes
en train d'être rêvées.
-
Les hommes regardent les femmes
-
Les femmes se regardent en train d'être vues.
-
Les femmes rencontrent constamment des
regards qui agissent comme des miroirs.
-
qui leur rappellent de quoi elles ont l'air
ou de quoi elles devraient avoir l'air.
-
Derrière tout regard se trouve un jugement.
-
Parfois le regard qu'elles rencontrent est le leur,
réfléchi par un miroir.
-
Une femme est toujours accompagnée
sauf quand elle est seule.
-
Peut-être même alors, par sa propre image
d'elle-même.
-
Quand elle traverse une pièce, ou pleure la mort
de son père,
-
elle ne peut éviter de se voir, marchant ou pleurant.
-
depuis sa plus tendre enfance, on lui apprend
et on la persuade
-
de se surveiller en permanence.
-
Elle doit surveiller tout ce qu'elle est et
tout ce qu'elle fait
-
car la façon dont elle apparaît aux autres et
en particulier aux hommes
-
est d'une importance cruciale, car on pense d'habitude
que de cela dépend le succès de sa vie.
-
Manières de voir
-
Une femme dans la culture des Européens
privilégiés est d'abord et surtout
-
une vue à regarder.
-
Quel genre de vue est révélé
dans la peinture à huile européenne standard
-
Il y avait des portraits de femmes comme
des portraits d'hommes.
-
Mais dans une catégorie de peinture,
les femmes étaient le sujet principal récurrent.
-
Cette catégorie était le nu.
-
Dans les nus de la peinture européenne, nous pouvons
trouver un des critères et des conventions
-
par lesquels les femmes étaient jugées.
-
Nous pouvons voir comment les femmes
étaient vues.
-
Qu'est-ce donc qu'un nu ?
-
Dans son livre sur le nu, Kenneth Clark
dit que la nudité est simplement
-
l'absence de vêtements.
-
Le nu, selon lui,
est une forme d'art.
-
Je le dirais autrement.
Etre nu est être soi-même.
-
Etre un nu est être vu
nu par les autres et pourtant
-
ne pas être reconnu
comme soi-même.
-
Un nu doit être vu comme un objet
pour être un nu.
-
Dans la peinture à huile européenne, la nudité
n'est pas prise telle quelle
-
comme dans l'art archaïque.
La nudité est une vue
-
pour ceux qui sont habillés.
-
C'est pourquoi la peinture de Manet qui
marque la fin de la période que j'envisage
-
est un commentaire si profond sur
toutes les oeuvres qui l'ont précédée.
-
L'histoire début avec l'histoire d'Adam et Eve
telle que la Genèse la raconte.
-
La femme vit que l'arbre était
bon à manger
-
et séduisant à voir
et que cet arbre était désirable
-
pour acquérir le discernement
-
Elle prit de son fruit
et le mangea.
-
Et elle en donna aussi à son mari
et il en mangea.
-
Et leurs yeux s'ouvrirent
et ils surent qu'ils étaient nus.
-
Et le seigneur Dieu appela l'homme
et dit
-
Où es-tu ?
-
Et il dit : J'ai entendu une voix
dans le jardin et j'ai eu peur
-
parce que j'étais nu
et je me suis caché.
-
A la femme Dieu dit :
Je vais multiplier les peines de tes grossesses.
-
Dans la peine tu enfanteras
des fils.
-
et ton désir ira vers ton mari
et il te dominera.
-
Deux choses sont frappantes
dans cette histoire.
-
Ils prennent conscience de leur nudité
en mangeant la pomme
-
chacun voit l'autre différemment
-
la nudité est créée dans l'esprit
du spectateur.
-
Le second fait frappant est que
la femme est blâmée et punie
-
en étant soumise à l'homme.
-
Par rapport à la femme, l'homme
devient l'agent de Dieu.
-
Dans l'art médiéval, l'histoire est
souvent illustrée scène après scène
-
comme dans une bande-dessinée.
-
Pendant la Renaissance, la séquence
narrative disparaît
-
et le seul moment qui est clairement peint
est celui de la honte.
-
Le couple porte des feuilles de figuier
ou fait un geste modeste de leurs mains
-
Mais à présent, leur honte n'est plus tant
l'un envers l'autre
-
qu'envers le spectateur.
-
C'est le spectateur qui les regarde
et les rend honteux.
-
Plus tard, comme la peinture devient
plus profane,
-
de nombreux autres sujets offrent
l'opportunité de peindre des nus.
-
Mais dans la tradition européenne,
le nu implique toujours
-
la conscience d'être vu
par le spectateur.
-
Ils ne sont pas nus comme ils sont,
ils sont nus comme vous les voyez.
-
Souvent, comme dans le sujet fréquent
de Suzanne et les vieillards,
-
c'est même le thème du tableau.
-
Nous nous associons aux vieillards
pour l'espionner.
-
Elle nous regarde en retour
la regardant.
-
Parfois la femme, Suzanne, se
regarde dans le miroir
-
se détaillant comme les hommes
la voient.
-
Elle se voit d'abord et avant tout
comme une vue
-
ce qui signifie comme une vue
pour les hommes.
-
Ainsi, le miroir est un symbole
de la vanité des femmes.
-
Pourtant l'hypocrisie masculine
est ici évidente.
-
Vous avez peint une femme nue
car vous aimez la regarder
-
Vous lui mettez un miroir dans la main,
et vous appelez la peinture vanité
-
condamnant ainsi moralement
la femme dont vous avez peint
-
la nudité pour votre propre plaisir.
-
Et ainsi, incidemment, vous répétez
l'exemple biblique
-
en blâmant la femme.
-
Le Jugement de Paris est une autre sujet
mythologique fameux
-
avec la même idée implicite de regarder
des femmes nues en les jugeant.
-
Pâris offre la pomme à la femme
qu'il trouve la plus belle.
-
La beauté dans ce contexte devient
concurrentielle.
-
Le jugement de Pâris est transformé
en concours de beauté.
-
L'esthétique, quand elle est appliquée
aux femmes
-
n'est pas aussi désintéressée que le
mot beauté pourrait le suggérer.
-
Je ne veux pas dénier la part cruciale
que la vision joue dans la sexualité.
-
Mais il y a une grande différence entre
être vu nu comme soi-même
-
et être vu par un autre de cette façon
-
et un corps exposé.
-
Etre nu c'est être sans déguisement.
-
Etre exposé, c'est être amené à considérer
la surface de sa propre peau,
-
les cheveux de son propre corps
-
comme un déguisement.
-
Un déguisement qui ne peut pas être retiré.
-
Parmi les dizaine de milliers de
peintures à huile européennes de nus
-
il y a peut-être 20 ou 30
exceptions
-
des peintures où l'artiste a vu
la femme révélée comme soi-même.
-
ce Rubens
-
ce Rembrandt
-
ce Georges de la Tour
-
Ces peintures sont aussi personnelles
que des poèmes d'amour
-
et leur caractère est assez reconnaissable
-
La plupart des nus dans la peinture à huile
ont été dessinées par les peintres
-
pour le plaisir du seul
propriétaire spectateur masculin
-
qui les appréciera et les jugera
comme des vues.
-
Leur nudité est une autre forme
de vêtement.
-
Ils sont condamnés à n'être jamais nus
-
Sans leurs vêtements, ils sont aussi
parés qu'avec leurs vêtements.
-
Celles qui ne sont pas jugées belles,
ne sont pas belles.
-
Celles qui sont jugées belles,
on leur donne le prix.
-
Le prix, c'est d'être possédée.
-
C'est-à-dire, d'être disponible.
-
Charles II commanda cette peinture secrète
à Lely.
-
Comme des centaine d'autres,
il peut s'agir de Vénus et Cupidon.
-
Mais en fait, c'était le portrait de l'une
de ses maîtresses, Nell Gwyn.
-
Il choisit de la montrer regardant
passivement le spectateur
-
qui la voit nue.
-
Sa nudité n'est pas l'expression
de ses propres sentiments.
-
C'est seulement un signe de sa soumission
à sa demande.
-
La peinture, quand il la montre à d'autres,
démontre cette soumission.
-
Ses invités l'envient.
-
Par contraste, dans une autre tradition,
la nudité est une célébration
-
de l'amour sexuel actif
entre deux personnes.
-
La femme, aussi active que l'homme
-
Les actions de chacun absorbent l'autre.
-
Dans la peinture à huile, la seconde personne
ou la seconde personne qui compte
-
est la personnel'étranger qui regarde la peinture.
-
Comparez l'expression de ces deux femmes.
-
L'une est le modèle de ce qui est considéré
comme un chef-d'oeuvre d'Ingres
-
et l'autre est un modèle mal payé par un
photographe pour un magazine féminin.
-
ou ces deux-là.
-
Juste l'expression.
Le regard.
-
Que voyez-vous ?
-
Il me semble que dans chaque paire,
l'expression est
-
remarquablement similaire,
et c'est une expression de réponse
-
avec un charme calculé
à l'homme dont elle sait
-
qu'il la regarde.
bien qu'elle ne le connaisse pas.
-
Il est vrai que parfois une peinture
intègre un amant masculin
-
mais l'attention de la femme est
très rarement adressée à lui.
-
Elle regarde ailleurs
ou elle regarde hors de la peinture,
-
vers celui qui se considère comme son
véritable amant
-
le spectateur-propriétaire
-
Cette peinture fut envoyée en cadeau
par le Grand Duc de Florence
-
au Roi de France.
-
Le garcon agenouillé sur le coussin
et qui fait un baiser est Cupidon
-
Elle est Vénus
-
Mais la façon dont son corps est arrangé
n'a rien à voir avec ce baiser.
-
Son corps est disposé de cette façon
pour être exposé
-
à l'homme qui regarde le tableau.
-
Le tableau est fait pour attiser sa
sexualité.
-
Il n'a rien à faire
avec sa sexualité à elle.
-
La convention de ne pas peindre les
cheveux du corps féminin
-
contribue à la même finalité.
La chevelure est associée
-
au pouvoir sexuel, à la passion.
-
La passion sexuelle féminine
a besoin d'être minimisée
-
de telle sorte que le spectateur
sente qu'il a le monopole
-
d'une telle passion.
-
Il y a des peintures qui montrent
des amants masculins.
-
Elles existent bel et bien.
Mais elles sont pour la plupart
-
des peintures privées,
semi porno-graphiques.
-
Dans la plupart des peintures, qui étaient
peintes pour être vues,
-
plutôt que pour être cachées,
le seul rival du spectateur masculin
-
est un Cupidon.
-
Comme il est extraordinaire que le
symbole de la passion
-
soit un petit garçon.
-
Pour une raison semblable, les femmes
dans l'art européen de la peinture à huile
-
sont rarement montrées en train de danser.
-
Elles doivent être montrées langoureuses
-
exhibant un minimum d'énergie.
-
Elles sont là pour nourrir un appétit,
non pour en avoir un elles-mêmes.
-
L'appétit était théoriquement
gargantuesque
-
L'absurdité de cette flatterie masculine,
bien qu'elle n'ait pas été perçue absurde
-
à cette époque, atteint son sommet
dans l'art académique publique du XIXe s.
-
Des premiers ministres discutaient
sous des peintures comme celle-ci.
-
Quand l'un d'eux se sentait perdre la partie
il levait les yeux pour une consolation.
-
Le nu dans la peinture à huile européenne
est habituellement présenté comme
-
un sujet idéal. On dit que c'est une
expression d'un esprit humaniste européen.
-
Je ne veux pas dénier entièrement la vérité
de cela mais j'ai essayé d'y apporter
-
un complément, en commençant
à partir d'un point de vue différent.
-
Dürer, qui croyait dans le nu idéal
-
pensait que cet idéal pouvait être construit
-
en prenant les épaules d'un corps,
-
les mains d'un autre, les seins d'un
autre encore, et ainsi de suite.
-
Etait-ce cela l'idéalisme humaniste ?
-
ou était-ce le résultat de l'indifférence
envers qui était vraiment une personne ?
-
Ces peintures célèbrent-elles,
comme on nous l'enseigne normalement,
-
les femmes qui y sont représentées ?
ou le voyeur masculin ?
-
Y a-t-il une sexualité dans le cadre ?
-
ou devant lui ?
-
J'ai montré l'émission, comme vous l'avez
vue jusqu'à maintenant,
-
à cinq femmes.
-
Cela commençait à devenir absurde
que les seules images que vous voyiez
-
soient des images de femmes
silencieuses, muettes.
-
Donc je les leur ai montrées et leur ai
demandé de les commenter.
-
De commenter non pas tant l'émission
-
mais plutôt les questions qu'elle soulève.
-
Surtout, la question de comment les hommes
voient les femmes
-
ou comment ils les ont vues dans le passé.
-
et comment cela influence la façon
dont les femmes se voient elles-mêmes
-
aujourd'hui.
-
Nous avons une image, bien sûr,
nous avons toutes une image de nous-mêmes
-
et c'est une image visuelle, mais
je me demande comment ce genre de
-
peinture classique européenne
a façonné cette image.
-
Et dans mon cas, je trouve presque
impossible quand je regarde les peintures
-
que vous montrez, dans votre film,
je ne peux pas les prendre au sérieux,
-
je ne peux pas m'identifier à elles
parce qu'elles sont tellementt exagérées
-
Toujours, vous savez, elles s'attachent
à une caractéristique sexuelle secondaire,
-
ces poitrines énormes, ces
fesses bestiales,
-
ces choses énormes comme ça,
et elles ne sont pas, simplement, réelles.
-
Alors qu'avec des photographies, vous
pouvez sentir cela comme potentiel,
-
possible, bien que cela ne le soit
probablement pas.
-
Mais ces peintures que vous montrez sont
ce qu'on appelle idéalisées.
-
Et donc, elles sont pour moi très irréelles.
-
en relation avec quelque profonde image
que ce soit que je puisse
-
avoir de moi-même.
-
et en relation à n"importe quel
plaisir profond que je puisse avoir
-
en regardant un autre corps féminin
-
ils ne me donnent pas ce plaisir du tout.
-
Je peux les admirer comme peintures,
-
mais ils ne signifient pas des êtres
humains pour moi
-
L'image à laquelle je me compare
est la photographie
-
parce que c'est avec des photographies
-
que j'ai été encouragée à penser
à moi-même de cette façon
-
c'est essentiellement la publicité
pour moi
-
qui a contribué à cela
-
et par conséquent, je trouve
extrêmement intéressant
-
de revenir en arrière et de penser
aux nus de cette manière
-
car je ne l'ai jamais fait,
mais en voyant le film
-
je n'ai aucun doute que
la même chose s'applique.
-
Et trouvez-vous que les nus en peinture
sont irréels de la même façon ?
-
Oui.
-
Vous ne pouvez obtenir aucune information
à partir d'eux, n'est-ce pas ?
-
Il n'u a pas de guide de comment
on pourrait -
-
Quelle information manque-t-il ?
-
Bien, l'activité. Le dynamisme.
N'importe quoi.
-
C'est la façon dont quelqu'un
vous voit et c'est tout
-
c'est posé sur vous..
-
Je suis contente que vous ayez
montré les hommes en peinture
-
car j'ai toujours trouvé extrêmement
choquant
-
les hommes sont habillés
et les femmes sont nues
-
et cela semble résumer
toute la situation
-
c'est humiliant
-
car ces femmes sont bien humiliées
-
et je pense que c'est une partie
-
de toute la structure des choses
-
comme la plupart des gens ont,
-
à un certain moments de leur vie,
-
des cauchemars où ils courent
-
dans la rue complètement nus
-
alors que tout le monde est habillé.
-
Et cela me semble être un élément
des peintures.
-
Une chose très intéressante
dans ce que vous avez dit dans le film
-
était au sujet de la nudité
-
comme une sorte de déguisement
-
ce n'était pas les réelles personnes
elles-mêmes et libres
-
Mais c'était juste une autre parure
qu'elles portaient
-
et pire qu'une parure, en un sens,
-
parce que c'était quelque chose
que vous ne pouvez pas enlever.
-
Cela vient, je pense,
-
de la nudité combinée à une pose.
-
et c'est inévitable si vous allez
-
faire une peinture avec un modèle.
-
Dans un sens, je pense que
-
nous sommes toujours habillés.
-
Nous nous habillons toujours
pour une part
-
Nous mettons toujours un uniforme
-
d'un genre ou d'une autre
-
et je pense que les femmes
font cela
-
plus que les hommes.
-
Les hommes ne le font que
depuis assez récemment.
-
Les femmes s'habillent toujours
pour montrer
-
le genre de personnage qu'elles
veulent représenter :
-
la mère, la travailleuse,
la jolie petite poupée.
-
et la nudité est un uniforme,
en un sens, pour dire
-
je suis prête pour le plaisir sexuel.
-
vous voyez
-
et donc ça ne le fait pas.
Vous ne pouvez pas
-
vous identifier en étant nue
à être en liberté.
-
Je viens de lire ce livre Histoire d'O
-
qui décrit la manière dont une femme
est réduite au plaisir sexuel
-
pour l'homme dont elle est amoureuse.
-
pour devenir complètement un objet
-
et ce qui m'a frappé dans tout ce livre
-
comme la plus impressionnante image
était le fait que
-
on lui disait qu'il ne fallait jamais
qu'elle se touche les seins
-
qu'elle ferme totalement sa bouche ou
serre les jambes.
-
Et donc tout l'intérêt de son attitude
est qu'elle est disponible en permanence
-
et cette sensation d'être disponible
d'attendre d'autres gens
-
est la totale antithèse de l'action
-
et vous savez c'est comme
la publicité des bureaux de Brook Street.
-
Tony n'a pas couru, il laisse
sonner le téléphone trois minutes
-
Et vous sentez toute cette situation,
le nombre de femmes à qui vous parlez
-
qui disent : je reste tant de nuits
par semaine
-
à attendre que quelqu'un appelle
-
Le concept de disponibilité
-
implique la passivité
-
car si vous attendez simplement
que quelqu'un d'autre agisse
-
alors vous ne pouvez pas agir
vous-même.
-
Oui, c'est comme quand vous vous
réveillez
-
quand un homme vous touche,
-
quand un homme vous embrasse,
vous allez vous lever et sortir du lit
-
mais même s'il s'agit d'une excuse
pour faire quelque chose de vous-même
-
je pense que les femmes sont trop timides
-
elles attendent trop longtemps.
-
Oui, oui
-
Puis-je dire quelque chose sur
le narcissisme ?
-
Je pense qu'autant les hommes que les femmes
sont narcissiques
-
mais dans un sens différent, et je pense
-
que de temps en temps j'ai l'impression
-
que les hommes et les femmes sont
terriblement narcissiques
-
et sont coupés les uns des autres
-
de leurs images d'eux-mêmes.
-
Mais alors que l'image qu'une femme
a d'elle-même
-
dérive directement d'autres personnes,
le miroir dont vous parlez,
-
l'image qu'un homme se fait de lui-même
dérive du monde
-
qui est le monde qui lui donne
en retour son image
-
parce qu'il agit dedans.
-
et les femmes sont attirées à lui
comme une source,
-
une activité centrale,
-
comme une source de valeur
-
comme il est dans le monde,
le fait qu'il donne de la valeur à elle
-
est important.
-
Et ainsi comme leurs centres
de narcissisme sont différents,
-
et que celui de la femme est seulement
essentiellement
-
relié à autrui,
elle est dans une position beaucoup plus
-
passive que lui,
en relation à cela.
-
Oui
-
Voyez-vous le narcissisme comme
essentiellement
-
un phénomène négatif
ou positif ?
-
Eh bien, je pense qu'il est très
difficile de répondre
-
mais dans le sens où il est relié
-
à une identité, c'est un
phénomène positif ;
-
et il me semble que ce qu'envient
les femmes chez les hommes en cela
-
tout le temps est qu'ils ont
un sens de leur identité
-
qu'il y a quelque chose d'important
en eux et pour eux
-
autre que simplement ce que
les autres pensent d'eux
-
et je pense que cela est le produit
de leur interaction dans le monde
-
c'est autre chose chez
d'autres gens
-
et c'est presque comme si
à travers cette interaction
-
ils avaient vraiment construit un
magasin de valeur
-
de leur sens d'eux-mêmes.
-
qui est une constante
cela ne peut pas être perdu.
-
et parce qu'une femme ne sort pas
-
elle ne crée pas de magasin
-
elle attend l'interaction présente
avec un homme
-
et ça peut aller, ça peut
s'arrêter à tout moment
-
Il y a quelque chose ici
que j'aimerais réellement
-
développer un petit peu,
-
parce que le narcissisme est une
façon très marquée
-
de statuer une relation avec le monde
-
qu'on soit un homme ou une femme
n'est-ce pas
-
mais l'autre question qui est contenue
dans celle-ci,
-
mais qui ne va pas aussi loin
comme idée
-
est l'espèce de plaisir de soi-même
d'une personne
-
que ce soit un homme ou une femme
-
dans la vie, dans la mort;
dans les relations
-
avec un homme ou une femme
-
et je pense que cela compte
énormément
-
et je pense que ce n'est pas seulement
une chose intérieure
-
avec laquelle vous vivez
-
mais c'est une chose totalement
extérieure
-
par laquelle vous obtenez
des relations
-
avec votre propre milieu dans le monde
-
que vous ne pouvez pas obtenir
d'une autre façon
-
c'est quand vous vous êtes rendu
en un sens
-
si inconscient de vous-même
-
que vous sortez facilement,
naturellement,
-
comme compulsivement
-
vers ce qui vous entoure
-
maintenant, quand vous êtes un enfant
-
vous êtes attiré vers les autres personnes
plus que par autre chose, n'est-ce pas ?
-
les montagnes, les rivières, où
que vous alliez
-
et alors seulement comme vous
continuez graduellement
-
vous faites cet espèce de contact
absolument nécessaire avec les gens
-
mais je pense vraiment que l'espèce
d'essence du plaisir de soi
-
comme une sorte de chose possible
dans le monde moderne
-
et quelque chose que moins de
femmes que d'hommes ont
-
et veulent et doivent posséder
-
est le pouvoir ; la compulsion,
pas le pouvoir
-
la compulsion d'entrer en contact
avec le monde
-
comme vous vivez dedans
-
et quand je dis cela je ne veux
pas simplement dire
-
les gens d'à-côté
ou vos amis
-
je veux dire
que se passe-t-il ?
-
Oui
-
Je ne suis pas si sûre à propos
du plaisir
-
Je pense que c'est vraiment
une chose à deux bords
-
Je sais
-
comme je suppose que je l'ai
toujours su
-
que j'ai pris conscience de cela
dans ce film
-
Je ne me suis jamais regardée
dans le miroir
-
en me voyant comme je suis
-
J'ai toujours vu l'image
que je voulais
-
Je sais et mes enfants
l'ont remarqué
-
que si je me maquille
je mets une certaine expression
-
Si, depuis l'adolescence,
je me suis vue nue
-
dans le miroir, je n'ai pas
pensé à moi-même nue,
-
J'ai pensé à moi-même
comme un nu
-
et je pense que cela vient
d'avoir été trainée
-
dans toutes les grands musées d'art
-
c'est la culture, c'est la beauté
avec un B majuscule
-
bien sûr, jusqu'à un certain point
par la publicité aussi
-
mais beaucoup plus par la peinture
-
vous pensez que le corps féminin
est beau
-
je suis un bel objet, sinon, je dois
faire quelque chose pour ça.
-
et de là, la partie douloureuse
d'une chose narcissique
-
est le sentiment d'inadéquation
-
cette occupation de toujours
poser devant un miroir
-
je pense qu'on la fait
absolument automatiquement
-
et le résultat, c'est que si
vous vous attrapez vraiment
-
dans un miroir par hasard
non de façon délibérée
-
parce que vous vous habillez
ou vous allez prendre un bain
-
mais parce qu'il y en a un dans la rue,
ou vous vous voyez
-
dans une vitrine, cela fait
un choc terrible
-
parce que vous voyez soudainement
comme vous êtes
-
c'est-à-dire échevelée, négligée,
mal habillée,
-
fatiguée, et ainsi de suite
-
vous ne voyez pas la pose du tout
et je pense que
-
c'est ce qui arrive aux femmes
-
elles sont toujours en train d'essayer
de mesurer
-
cette image érotique qui est projetée.
-
Il y a certaines peintures
-
et je pense en ce moment
à une peinture
-
où il y a une femme qui porte
une parure
-
elle n'est pas nue
-
mais la tenue est si légère,
si confortable, si facile
-
et, selon moi, tout à fait
comme ce à quoi
-
la peinture d'une femme
devrait ressembler
-
je pense qu'elle vient d'une période
avant celle que vous étudiez,
-
elle est d'il y a longtemps
elle est de Lorenzetti
-
C'est dans le Bon et le Mauvais
Gouvernement
-
c'est une fresque,
très très ancienne
-
et c'est l'image d'une femme
-
qui est sensée représenter
la paix
-
c'est assez extraordinaire
mais elle pourrait être
-
l'une de ces femmes libérées
d'aujourd'hui
-
ou qui essayent de l'être.
-
Elle est à l'aise, relax,
-
elle ne joue aucun rôle du tout
-
elle est capable de combiner
le plaisir et la pensée
-
et le rêve
-
et elle pourrait se jeter dans l'action
à tout moment
-
et pour moi
-
elle a beaucoup, beaucoup
plus à voir
-
avec la nudité, avec elle-même,
-
avec la vérité d'elle-même
-
qu'aucun des autres nus
que j'ai vus.