Appel aux artistes pour le développement durable ! | Alice Audouin | TEDxCannes

Et si le développement durable était à l'origine d'un nouveau mouvement artistique ? Les artistes jouent un rôle essentiel dans la transition écologique. Elle ne se fera pas sans eux !
Alice Audouin, pionnière du lien entre art contemporain et développement durable est la fondatrice d’Art of Change 21 et d'Alice Audouin Consulting.

Cette présentation a été faite lors d'un TEDx,
organisé indépendamment selon les standards des conférences TED .

Pour en savoir plus : https://www.ted.com/tedx

Pouvez-vous imaginer la renaissance

sans Léonard de Vinci
ou sans Michel-Ange ?

On parle de mutation de société,
de civilisation,

de troisième révolution industrielle,

d'anthropocène,

de changement d'ère
vers le post carbone...

Mais où est le mouvement artistique ?

Où sont les artistes

qui accompagnent
cette seconde renaissance ?

A chaque époque, à chaque mutation,

il y a eu des mouvements artistiques

qui l'ont précédée, accompagnée :

l'impressionnisme, les Préraphaélites,

Dada qui est né en pleine guerre 14 -18.

Voilà les questions que je me suis posées

au début des années 2000,

je travaillais à la Caisse
des dépôts et consignations,

je participais à la création d'un centre
dédié au développement durable.

Et je lisais partout le terme
de "parties prenantes",

les parties prenantes
qui représentent la société civile

et qui, si on les écoute,

permettent d'en comprendre
les enjeux sociaux et environnementaux.

Et moi, j'étais très étonnée,
dans ces parties prenantes,

de n'y découvrir que les ONG,
parfois les syndicats.

J'étais étonnée de ne pas trouver
des artistes dans ces parties prenantes.

Les artistes ne sont-ils pas justement
des représentants de la société civile ?

Ils ne portent pas d'intérêt particulier,

ils sont dans l'intérêt général.

Ils portent des combats, des valeurs.

Ils sont parfois à l'origine
de nouveaux paradigmes.

Et je me suis rendue compte

que dans ce milieu du développement
durable et de l'environnement,

on parlait très peu d'art et de culture.

On percevait même cela parfois

comme une nouvelle extension
du capitalisme

et que vice versa,
dans le milieu de l'art,

on parlait peu de développement durable.

Un phénomène aussi important
que le réchauffement climatique

était peu présent

et le développement durable
avait tendance à être perçu

soit comme un oxymore,

soit comme une zone
de militantisme politique,

soit comme un vieux trip baba cool.

Et c'est vrai que les sculptures
en bois flotté des années 70

avaient un peu échaudé
la branchitude new-yorkaise.

Donc il y avait un gap

et je me suis dit
qu'il fallait faire quelque chose.

J'ai organisé le premier
colloque international,

l'artiste comme partie prenante.

Pour cela, avec l'Unesco,

on a mené la première recherche

d'artistes qui travaillaient
sur des thèmes

liés au développement durable

avec un focus sur l'environnement,

essentiellement des plasticiens.

Et justement vous allez voir
défiler des images

qui vont vous montrer la richesse
des découvertes que nous avons faites,

de cette époque jusqu'à aujourd'hui.

Derrière ces images
vous avez des artistes

qui sont beaucoup moins attachés
à la notion de créer une œuvre d'art

plutôt que d'agir, d'être sur le terrain,

d'être en collaboration
avec des parties prenantes,

d'autres acteurs,
d'être dans la transition,

et vous avez des artistes
qui portent ce monde d'après,

avec des idées parfois
extrêmement originales.

Aller faire ressusciter des semences
des graines du temps des Vikings,

en disant que justement
ce sera les solutions d'alimentation

pour s'adapter
au réchauffement climatique.

Ou inventer aussi des recettes
pour déguster des insectes,

autre solution d'adaptation
au réchauffement climatique.

Acheter des permis de polluer,
créer des lampes solaires,

imaginer des moyens
de déplacement nouveaux

faire adopter un mètre carré
de forêt amazonienne,

des idées extrêmement
originales et foisonnantes

qui sont la preuve

qu'ils sont dans l'innovation,
dans la solution

bien plus que dans la dénonciation.

L'étape d'après

a consisté à lancer une association

avec un paysagiste,
une commissaire d'exposition

et un philosophe,

qui a ensuite organisé
pendant plusieurs années

un prix dédié à l'art contemporain
et à l'environnement.

Nous avons organisé des expositions,

et nous avons, là encore,

trouvé énormément
de solutions, d'artistes,

et nous avons réussi un pas supplémentaire

dans un dialogue
qui était extrêmement naissant

entre l'univers du développement durable

et de l'art contemporain.

Et pendant ces six années
passées à faire cela,

d'autres révolutions apparaissaient.

Et en 2014, elles m'ont fait tilt.

Il y avait eu la montée
de l'économie sociale et solidaire,

Et cette figure de l'entrepreneur social,

qui est dans la transformation
sociale, lui aussi,

m'apparaissait comme extrêmement forte.

Il y a eu, entre temps,

la création de mouvements
de la part de jeunes

dans le monde entier,

qui vraiment était beaucoup plus innovante

que ce que les vieilles ONG
traditionnelles inventaient

pour mobiliser sur le sujet.

Par exemple, l'association Climate
qui a créé COP in MyCity,

où chacun procède à un jeu de rôle

où il prend la place d'un négociateur

et il simule les conférences du climat.

Il y a eu aussi l'économie circulaire,

le pair à pair, l'open data,
énormément de mouvements

qui montraient qu'il y avait
une transformation en marche.

Mais les entrepreneurs sociaux,
les artistes et ces jeunes innovants

travaillaient de façon très cloisonnée.

Ils ne se connaissaient pas.

Or le développement durable,
c'est agir ensemble ;

donc j'ai eu l'idée
de créer leur rencontre.

Et j'ai fondé Art of Change 21,

l'art du changement du 21e siècle,

21 comme COP 21,
qui se profilait il y a deux ans.

Lorsque j'ai lancé cette initiative,

la France allait accueillir
ce grand évènement.

Et 21 comme les 21 acteurs
que je suis allée chercher,

découvrir dans le monde entier,

des jeunes, entrepreneurs, artistes

pour les réunir au sein de ce projet.

Du Brésil à la Chine

en passant par les États-Unis,
le Barheïn, la Nouvelle Zélande, le Kenya.

J'ai invité 21 de ses acteurs à Paris

dans un événement qui s'appelle
le Conclave des 21.

Ils ont été enfermés pendant deux jours

et ils ont joué le jeu,

non pas d'être en compétition

et de chacun mettre en valeur
leurs projets, leurs initiatives,

afin de choisir le meilleur projet
parmi les leurs,

mais d'échanger ensemble

et d'imaginer ensemble,
comme résultat de leur collaboration,

des idées d'actions.

Ce que le développement durable
apporte à la création,

c'est la co-création.

Quatre idées sont nées de cet échange,

et le grand artiste Olafur Eliasson,
dont vous avez vu des images

dans ce petit panorama
que je viens de vous montrer,

a accepté d'être
le parrain de cette initiative

ainsi que l'entrepreneur Tristan Lecomte,
l'entrepreneur social.

Donc parmi ces quatre actions,

j'ai envie de vous parler
de l'une d'entre elles, Maskbook.

Maskbook, vous voyez derrière vous,

c'est une artiste chinoise
qui s'appelle Wen Fang.

Elle nous témoignait justement
de sa vie à Pékin

où elle est obligée de porter
un masque anti-pollution.

Elle nous disait : « En Chine,
on n'a pas Facebook.

Mais de toute façon,

étant donné qu'on porte
tous des masques anti-pollution,

il faudrait que ça s'appelle Maskbook. »

Et on a eu l'idée de renverser

l'image anxiogène
de ce masque anti-pollution

et d'en faire un support
d'expression pour tous

et que ce masque puisse être créé

avec les talents créatifs de chacun,
de la récup, du DIY,

on a aussi mobilisé des makers,

on en a fait en imprimantes 3D,
en scan 3D.

On a inventé aussi,

à partir d'un support
aussi petit qu'un masque,

un moyen de communiquer

sur des solutions portées
par les uns et les autres.

On a lancé cette action
pour la Conférence du climat,

on a récolté des milliers de masques,

on a eu une exposition à Pékin,
à Paris au Grand Palais,

on a organisé des dizaines d'ateliers

pour justement initier
à l'économie collaborative

et toutes les manières dont on a,

sur ce tout petit bout,

de tissu ou d'autre chose,

de proposer quelque chose

et d'agir sur le lien
santé-pollution-climat,

qui nous concerne tous :

le réchauffement climatique va accélérer

l'effet de la pollution sur notre santé.

Voilà l'exemple d'action
qui naît de cette interaction,

qui ne se pose pas la question de savoir
si elle est une œuvre d'art ou pas,

qui s'adresse à tous,

et je vous invite bien sûr tous
à créer votre portrait sur Maskbook.

Mais on ne va pas s'en arrêter là.

Je ne vais pas vous demander uniquement

de participer à une initiative
comme Maskbook,

via atelier ou une application mobile

que nous allons lancer
avec les Nations Unies à la fin du mois.

J'ai envie de vous demander davantage,

Pourquoi ?

Certains d'entre nous
ont déjà entendu plus de mille fois

la phrase de Gandhi :

« Sois toi même le changement
que tu veux voir dans le monde. »

Je préfère personnellement
celle de l'artiste Joseph Beuys, qui dit :

« Chaque homme est un artiste. »

Aujourd'hui notre créativité est en jeu.

Si nous ne changeons pas,

si nous n'inventons pas
un monde différent du nôtre,

celui-ci va devenir invivable.

Ce qui est en jeu, c'est notre capacité
à créer un nouveau monde,

avec des nouveaux moyens
de s'alimenter, de se déplacer,

de repenser nos loisirs, notre travail,

et pour cela votre créativité
est essentielle, la vôtre.

Nous pouvons tous ensemble,
en utilisant notre créativité,

en l'additionnant à celle de notre voisin,

créer une créativité universelle

qui nous permettraient de réussir ce défi

de changements nécessaires,

de devenir des acteurs
nous-mêmes du changement,

afin d'éviter les effondrements annoncés,

qui sont nos conditions de vie
et de bien-être sur Terre.

Et à ce moment crucial où c'est
notre créativité à tous qui est en jeu,

les artistes sont nos alliés,
ils sont nos éclaireurs.

Si nous nous branchons sur eux,

nous allons être touchés
par leur savoir-faire,

ils vont nous transmettre "leur virus",

changer le monde.

Si nous nous branchons à leur imagination,

ils vont nous dire
que rien n'est impossible.

Les artistes sont notre chance.

Merci.

(Applaudissements)