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Sombres printemps | Emily Loizeau | TEDxRennes

  • 0:11 - 0:15
    (Musique)
  • 0:15 - 0:16
    Bonjour.
  • 0:20 - 0:24
    Pour écrire les chansons
    de mon dernier album, « Mona »,
  • 0:25 - 0:29
    je me suis beaucoup inspirée des dires
    et des écrits de mon grand-père,
  • 0:29 - 0:32
    qui aujourd'hui a 102 ans.
  • 0:32 - 0:33
    A l'âge de 24 ans,
  • 0:33 - 0:37
    il s'engageait sur un bateau de la Navy
    pour défendre son pays,
  • 0:37 - 0:41
    l'Angleterre et l'Europe,
    contre la barbarie nazie.
  • 0:41 - 0:45
    Il laissait derrière lui sa femme,
    enceinte de leur premier enfant -
  • 0:45 - 0:47
    ma maman -
  • 0:47 - 0:48
    sous les bombes, à Londres.
  • 0:50 - 0:54
    Son bateau fut coulé par les Allemands
    au large de la Crète,
  • 0:54 - 0:56
    mais il survécut au naufrage.
  • 0:57 - 1:03
    Avant ce naufrage, cet homme, déraciné,
    loin des siens, écrivait des lettres.
  • 1:03 - 1:07
    Des lettres d'amour
    et d'espoir infini à sa femme,
  • 1:07 - 1:10
    à ce premier enfant
    sur le point de venir au monde.
  • 1:11 - 1:16
    Des lettres nourries d'une incroyable
    lumière, d'une foi en l'humain,
  • 1:16 - 1:18
    en l'humanisme qui forcément vaincrait.
  • 1:21 - 1:25
    Mais en écrivant ces chansons,
    je crois que jamais je ne m'imaginais
  • 1:25 - 1:28
    qu'à chaque fois que je les chanterais,
  • 1:28 - 1:33
    je ressentirais à ce point une résonance
    avec ce que nous traversons aujourd'hui.
  • 1:35 - 1:38
    Ces gens, ces milliers de gens
    et donc, un peu nous,
  • 1:38 - 1:40
    qui quittent leur pays et leurs proches
  • 1:40 - 1:43
    pour fuir la guerre,
    l'oppression, la misère
  • 1:43 - 1:47
    et qui s'embarquent sur des canots
    de fortune voués au naufrage,
  • 1:47 - 1:52
    ont eux aussi cet espoir infini
    en des jours meilleurs,
  • 1:53 - 1:58
    une foi absolue en l'humain,
    en l'humanisme, en une main tendue,
  • 1:59 - 2:03
    en un refuge possible face à la barbarie.
  • 2:06 - 2:10
    Et si cet homme de 24 ans, en 1941,
    ce déraciné, lui aussi,
  • 2:10 - 2:13
    me semble si proche
    des réfugiés d'aujourd'hui,
  • 2:13 - 2:15
    qui risquent leur vie au nom de l'espoir,
  • 2:15 - 2:18
    c'est peut-être parce
    qu'au fond, je crois,
  • 2:18 - 2:26
    nous sommes tous potentiellement,
    un réfugié, un migrant, un déraciné,
  • 2:26 - 2:29
    qui aura lui aussi, peut-être,
    besoin d'une main tendue.
  • 2:31 - 2:34
    (Guitare)
  • 2:43 - 2:47
    (Chanté) Cette lettre a traversé
    tant, tant d’océans.
  • 2:47 - 2:52
    J’espère qu’elle te trouvera
    le cœur content.
  • 2:52 - 2:59
    La Méditerranée est si belle à présent.
    Malgré ce cruel et sombre printemps.
  • 3:03 - 3:07
    Les lettres de vous
    me réchauffent tant, crois-moi.
  • 3:07 - 3:12
    Mais elles mettent des semaines
    pour arriver jusque-là.
  • 3:12 - 3:16
    Alors quand j’entends les nouvelles
    de Londres, les bombes.
  • 3:16 - 3:20
    Je m’inquiète parfois pendant des mois.
  • 3:21 - 3:28
    Cela me prendrait
    toute une lettre pour te conter
  • 3:30 - 3:37
    les jeux du soleil
    sur la Crète avant l’été.
  • 3:38 - 3:46
    Je me tiens prêt mais
    je n’en peux plus de t’écrire.
  • 3:47 - 3:54
    La mer me tient debout
    et certain de revenir.
  • 3:55 - 3:59
    Quel étrange tourbillon nous avons choisi.
  • 3:59 - 4:04
    Pour donner la vie, s’aimer comme ça.
  • 4:04 - 4:08
    Je me souviens du bord de mer,
    de toi en septembre
  • 4:08 - 4:11
    quand j’étais par chance tombé sur toi.
  • 4:13 - 4:17
    Souviens-toi de moi mon amour
    dans ce complet blanc,
  • 4:17 - 4:21
    ces habits de marin
    qui te plaisaient tant.
  • 4:21 - 4:26
    Je vais tenir ma tête haute
    pour finir cette guerre.
  • 4:26 - 4:29
    Et rentrer accueillir notre enfant.
  • 4:31 - 4:38
    Cela me prendrait
    toute une lettre pour te conter
  • 4:39 - 4:46
    les jeux du soleil
    sur la Crète avant l'été.
  • 4:48 - 4:55
    Je me tiens prêt mais
    je n'en peux plus de t'écrire.
  • 4:56 - 5:03
    La mer me tient debout
    et certain de revenir.
  • 5:04 - 5:08
    De revenir.
  • 5:12 - 5:16
    (Guitare)
  • 5:21 - 5:25
    (Parlé) Nous avons tous encore en mémoire,
  • 5:25 - 5:29
    les images des corps de ces enfants,
    échoués sur nos plages.
  • 5:31 - 5:36
    Cette sueur froide et l'envie immédiate
    d'effacer cela de notre mémoire.
  • 5:39 - 5:41
    En tant que parents,
    nous avons tous frissonné d'effroi,
  • 5:41 - 5:44
    imaginant, recroquevillé dans le sable,
  • 5:44 - 5:50
    notre propre enfant d'un an,
    de 2 ans, de 4 ans et demi, lui aussi.
  • 5:52 - 5:56
    La chanson suivante, s'appelle Origami.
  • 5:58 - 6:02
    Je me suis projetée dans le rôle
    d'une maman qui tenterait coûte que coûte,
  • 6:02 - 6:05
    de maintenir son enfant
    dans une forme de quiétude,
  • 6:05 - 6:09
    tout en s'embarquant
    dans un voyage voué au naufrage.
  • 6:11 - 6:15
    Le symbole ici a pris la forme
    de la froideur d'un mode d'emploi.
  • 6:15 - 6:21
    Un « tuto » pour survivre
    avec les moyens du bord.
  • 6:22 - 6:25
    Car en les laissant ainsi
    voués à eux-mêmes,
  • 6:25 - 6:28
    c'est peut-être cela au fond,
    qu'on leur dit :
  • 6:28 - 6:31
    « Fabrique-toi un bateau de papier,
  • 6:31 - 6:35
    et avec un peu de chance,
    il arrivera de l'autre côté,
  • 6:35 - 6:38
    avant de se désagréger dans l'eau. »
  • 6:48 - 6:53
    (Chanté) Plier votre papier.
    De nouveau plier les angles du haut
  • 6:53 - 6:56
    pour faire un triangle.
  • 6:59 - 7:04
    Si besoin retailler,
    puis rabattre vers le haut
  • 7:04 - 7:06
    de chaque côté du chapeau.
  • 7:10 - 7:16
    Ouvrir et replier sur les angles opposés
  • 7:19 - 7:24
    pour y faire apparaître
    le bateau de papier.
  • 7:31 - 7:38
    Les bateaux qui vont
    au loin vers le large
  • 7:39 - 7:47
    trouvent-ils toujours un autre rivage ?
  • 7:52 - 8:00
    Un gilet de sauvetage doit obligatoirement
    être normé à 100 Newtons.
  • 8:03 - 8:11
    Pour l'aide au repérage, avoir des bandes
    réfléchissant la lumière sur son passage.
  • 8:14 - 8:20
    Un sifflet dans la nuit
    peut vous sauver la peau,
  • 8:23 - 8:29
    le harnais et la longe,
    vous tenir au canot.
  • 8:40 - 8:46
    Trois couchers de soleil
    quand nous avons pris la route,
  • 8:46 - 8:49
    je voudrais qu'ils se lèvent encore.
  • 8:52 - 8:57
    Si tu fermes les yeux,
    je te promets mon amour,
  • 8:57 - 9:00
    de te réveiller pour l'aurore.
  • 9:03 - 9:09
    Berce au creux de tes bras
    la mer Égée qui dort.
  • 9:13 - 9:17
    Et tu verras demain,
    nous serons à bon port.
  • 9:24 - 9:30
    Les bateaux qui vont
    au loin vers le large
  • 9:32 - 9:40
    trouvent-ils toujours un autre rivage ?
  • 9:41 - 9:48
    Les bateaux qui vont
    au loin vers le large
  • 9:50 - 9:58
    trouvent-ils toujours un autre rivage ?
  • 10:11 - 10:18
    (Applaudissements)
  • 10:23 - 10:29
    (Parlé) Invisible, elle ère dans le vent,
    invisible peut voyager le vent.
  • 10:30 - 10:33
    Invisible est l'air dans lequel je vis.
  • 10:34 - 10:37
    Invisible, je voudrais être à présent.
  • 10:40 - 10:44
    (Musique)
  • 10:47 - 10:52
    (Chante en anglais)
    Invisible, the air in the wind.
  • 10:52 - 10:56
    Invisible can travel the wind.
  • 10:56 - 11:01
    Invisible, the air we're in.
  • 11:03 - 11:08
    Invisible can travel the wind.
  • 11:08 - 11:12
    Invisible, the air in the wind.
  • 11:12 - 11:16
    Invisible, the air we're in.
  • 11:19 - 11:24
    Invisible, I wish to be.
  • 11:25 - 11:27
    Invisible, I wish to...
  • 11:27 - 11:32
    Invisible, the air in the wind.
  • 11:39 - 11:44
    Invisible, I wish to be.
  • 11:44 - 11:47
    Invisible, I wish to...
  • 11:47 - 11:52
    Invisible, the air in the wind.
  • 11:52 - 11:55
    Invisible can travel the wind.
  • 11:56 - 12:00
    Invisible, the air we're in.
  • 12:19 - 12:23
    Invisible, the air in the wind.
  • 12:23 - 12:27
    Invisible can travel the wind.
  • 12:27 - 12:31
    Invisible, the air we're in.
  • 12:35 - 12:40
    Invisible can travel the wind.
  • 12:40 - 12:44
    Invisible, the air in the wind.
  • 12:44 - 12:47
    Invisible, the air we're in.
  • 12:51 - 12:55
    Invisible can travel the wind.
  • 12:55 - 12:59
    Invisible, the air in the wind.
  • 12:59 - 13:03
    Invisible, the air we're in.
  • 13:10 - 13:15
    (Applaudissements)
  • 13:19 - 13:22
    (Parlé) J'ai eu récemment
    l'immense honneur d'écrire la musique
  • 13:22 - 13:25
    d'un documentaire :
    « Les enfants de la jungle »,
  • 13:25 - 13:29
    sur les mineurs isolés,
    dans la jungle de Calais.
  • 13:31 - 13:34
    Travailler sur ces images
    m'aura marquée à jamais.
  • 13:36 - 13:41
    Je ne sais pas encore comme rester debout,
    citoyenne de ce pays,
  • 13:41 - 13:45
    après ce que j'ai vu et lu
    dans les regards de ces enfants.
  • 13:47 - 13:52
    Ces enfants pourraient être
    les miens, les vôtres.
  • 13:52 - 13:55
    Ils ont les mêmes rêves, les mêmes peurs,
  • 13:55 - 13:59
    les mêmes besoins absolus
    d'amour et de sécurité.
  • 13:59 - 14:03
    Ils ont vécu l'horreur la plus abjecte,
    chez eux, sur la route.
  • 14:03 - 14:07
    Et pire encore, peut-être, parfois,
    sur notre territoire.
  • 14:09 - 14:11
    Tel un galet sur l'eau,
    l'horreur de la guerre
  • 14:11 - 14:15
    laisse derrière elle
    des traces indélébiles,
  • 14:15 - 14:20
    des souffrances muettes, des gouffres
    insondables sur les êtres qui les vivent,
  • 14:20 - 14:23
    mais aussi sur les générations
    qui les suivent.
  • 14:25 - 14:28
    Ces enfants, rationnés en lait,
    dans les camps de réfugiés en Grèce,
  • 14:28 - 14:31
    ceux qui ont vu leur frère ou leur sœur
    mort sur le sable,
  • 14:31 - 14:36
    ceux qui furent violentés, violés,
    à nos frontières ou dans notre pays.
  • 14:36 - 14:40
    Quels adultes en colère
    seront-ils demain ?
  • 14:40 - 14:43
    Quelles bombes humaines en puissance ?
  • 14:47 - 14:50
    Face à ces enfants,
    quels soignants serons-nous ?
  • 14:51 - 14:56
    Pour les générations futures,
    quels soignants voulons-nous être ?
  • 15:00 - 15:03
    Notre responsabilité
    n'est-elle pas immense
  • 15:03 - 15:06
    pour préserver nos enfants
    d'une bombe à retardement ?
  • 15:08 - 15:11
    Les dérèglements climatiques jetteront
    encore davantage de personnes
  • 15:11 - 15:13
    sur le chemin de la migration.
  • 15:13 - 15:15
    Nous serons peut-être les prochains.
  • 15:16 - 15:21
    Notre devoir d'humanité
    est au présent, bien sûr,
  • 15:21 - 15:24
    mais il est forcément
    tourné vers l'avenir.
  • 15:24 - 15:28
    Quel monde voulons-nous
    pour nos enfants, demain ?
  • 15:28 - 15:30
    Et ne voulons-nous pas tous
    préserver pour eux,
  • 15:30 - 15:36
    un monde viable, durable,
    tenable, et serein ?
  • 15:45 - 15:49
    (Piano et guitare)
  • 16:05 - 16:15
    (Chanté) Toi l'eau qui tombe,
    qui coule sur ma fenêtre.
  • 16:15 - 16:26
    Qu'as-tu vu du monde, qu'as-tu
    vu de la fête, cette fois ?
  • 16:29 - 16:38
    Elles défilaient les secondes,
    dans ce manège de bois.
  • 16:38 - 16:49
    Il y a des gens qui tombent
    et d'autres qui ont froid, je crois.
  • 16:53 - 17:08
    L'amour nous emportera
    un jour, peut-être ce soir.
  • 17:11 - 17:28
    (En anglais) Love will take some,
    somewhere someday, someday we'll try.
  • 17:49 - 17:57
    (En français) J'ai vu dans la rivière
    couler des galets plats.
  • 17:58 - 18:09
    Des pierres toutes rondes
    et même la terre parfois se noie.
  • 18:13 - 18:21
    Je nage dans une eau sombre
    où il y a longtemps déjà
  • 18:22 - 18:32
    ont coulé les décombres
    d'un vieux navire de bois.
  • 18:37 - 18:53
    L'amour nous emportera
    un jour, peut-être ce soir.
  • 18:56 - 19:12
    (En anglais) Love will take some,
    somewhere someday, someday we'll try.
  • 19:15 - 19:31
    (En français) L'amour nous emportera
    un jour, peut-être ce soir.
  • 20:26 - 20:40
    (Applaudissements)
Title:
Sombres printemps | Emily Loizeau | TEDxRennes
Description:

Pour dénoncer l'état d'urgence de la condition des migrants, Emily Loizeau s'est inspirée de l'histoire de son grand-père. Un combattant naufragé lors de la seconde guerre mondiale, qui écrivait des lettres d'amour à sa femme enceinte, pour survivre... Dans un plaidoyer de chants et de poèmes, Emily Loizeau, accompagnée de son guitariste Csaba Polatai, nous met face aux naufragés de notre monde actuel : réfugiés, jungle de Calais, familles déchirées, enfances à jamais anéanties... Quel avenir voulons-nous pour nos enfants, pour leurs enfants ? Sombres Printemps, Origami, Invisible et Eaux-sombres : quatre titres vibrants de vérité et de poésie.

« J'ai toujours eu l'impression qu'elle était les ailes de son piano. Pas juste pour le jeu de mots. Juste au cœur avec sa voix, une danseuse assise qui roule les arts. Juste. Pâtisserie théâtre et poésie, comme si Tom Waits et Barbara avaient eu une fille. On pourrait les voir au premier rang de ses tours de magie de chant. Ravis d'être hypnotisés, comme tous les gens qui viennent l'écouter en équilibre, nager sur des écumes de contrebasse. On l'entend jusque l'autre bout du monde, on l'attend. Elle arrive toujours en avance. Au bras du fantôme de Lou Reed, ou avec son enfant-pièce : Mona. Poupée rustre où la joie est cachée dans la mélancolie. Ou l'inverse. Comédie musicale de poche trouée à l'humour dada. Chef indien qui raconte des histoires. Même celles qu'elle invente sont vraies. Justes. Elle est le chantre du pays sauvage. Une Mona Lisa du blues ici et maintenant. » Mathias Malzieu

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : http://ted.com/tedx

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
20:50

French subtitles

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